BGer 6S.401/2006 | |||
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BGer 6S.401/2006 vom 12.12.2006 | |
Tribunale federale
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{T 0/2}
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6S.401/2006 /rod
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Arrêt du 12 décembre 2006
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Cour de cassation pénale
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Composition
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MM. les Juges Schneider, Président,
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Wiprächtiger, Kolly, Karlen et Zünd.
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Greffier: M. Vallat.
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Parties
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X.________,
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recourant, représenté par Me Charles Poncet, avocat,
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contre
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Procureur général du canton de Genève,
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case postale 3565, 1211 Genève 3.
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Objet
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Punissabilité des médias (art. 27 ch. 4 CP),
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pourvoi en nullité contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale, du 31 juillet 2006.
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Faits :
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A.
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Par jugement du 30 mai 2005, le Tribunal de police du canton de Genève a notamment acquitté X.________, journaliste, du chef de diffamation (art. 173 ch. 1 CP), en relation avec la publication dans le journal A.________, le 23 octobre 2003, d'un article intitulé "Terrorisme, la Suisse devant le Sénat américain". Le Tribunal de police a considéré que l'article en cause propageait le soupçon que la société Y.________ SA, avait financé le réseau terroriste al Qaïda et ainsi soutenu celui-ci dans la préparation d'actes terroristes, mais que l'intéressé, qui n'avait fait que relater avec véracité le contenu de la déposition du dénommé Z.________ entendu comme témoin devant une commission d'enquête du Sénat américain siégeant en séance publique le 22 octobre 2003, devait être mis au bénéfice de l'art. 27 ch. 4 CP.
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B.
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Saisie d'un recours de la partie civile, la Chambre pénale de la Cour de justice a annulé ce jugement, par arrêt du 31 juillet 2006. La cour cantonale a retenu que l'article incriminé, rédigé avant l'audience publique ne pouvait en rendre compte. Par ailleurs, la véracité du compte rendu était douteuse, dans la mesure où il laissait entendre que les assertions en cause avaient été faites oralement devant la commission, alors qu'elles ne ressortaient que du rapport écrit établi par Z.________ à l'intention de la commission. En outre, ce rapport n'avait été rendu accessible sur le site internet du Sénat américain qu'en 2005 et X.________ l'avait obtenu par une voie non officielle. Considérant que l'intéressé ne pouvait se prévaloir de l'immunité accordée par l'art. 27 ch. 4 CP, elle a renvoyé la cause au Tribunal de police, afin que celui-ci examine, le cas échéant, l'existence de preuves libératoires au sens de l'art. 173 ch. 2 CP et rende un nouveau jugement.
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C.
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X.________ interjette un pourvoi en nullité contre cet arrêt. Il conclut à son annulation et à l'octroi de l'effet suspensif.
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Invité à se déterminer, le Procureur général a conclu au rejet du pourvoi.
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Le Tribunal fédéral considère en droit:
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1.
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L'arrêt entrepris, qui renvoie la cause au juge de première instance, ne met pas fin à l'action pénale. Il tranche toutefois, de manière à lier l'autorité à laquelle la cause est renvoyée, la question de l'application de l'art. 27 ch. 4 CP, qui est déterminante pour le sort de l'action, si bien qu'il est susceptible de faire l'objet d'un pourvoi en nullité sur ce point (ATF 128 IV 34 consid. 1a, 123 IV 252 consid. 1, 119 IV 170 consid. 2a, 103 IV 59 consid. 2).
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2.
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L'auteur d'un compte rendu véridique de débats publics ou de déclarations officielles d'une autorité n'encourra aucune peine (art. 27 ch. 4 CP). Selon la jurisprudence, l'auteur du compte rendu véridique du contenu de rapports officiels qui doivent être considérés comme faisant partie des débats publics d'une autorité bénéficie de la même immunité. Un rapport qui peut être obtenu officiellement par la presse, ne doit partant pas être tenu secret, et sert de base aux débats en séance publique ou y est destiné fait partie du débat public en ce sens (ATF 106 IV 171 consid. 2c, spéc. p. 174).
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2.1 En l'espèce, il ne fait, tout d'abord, aucun doute que la commission bancaire du Sénat américain exerce, en vertu de compétences souveraines, des fonctions étatiques et répond ainsi à la notion large d'autorité à laquelle la jurisprudence se réfère pour appliquer l'art. 27 CP (ATF 119 IV 273 consid. 3, p. 274; 114 IV 34 consid. 2a et les références; v. également Franz Zeller, Strafgesetzbuch I, Art. 1-110 StGB, Kommentar, Niggli/Wiprächtiger [Hrsg.], art. 27 CP, n. 61). En outre, la ratio legis de l'immunité accordée par l'art. 27 ch. 4 CP résidant dans le caractère public des débats (ATF 119 IV 273 consid. 3, spéc. p. 275; ATF 106 IV 161 consid. 3b et les références), respectivement l'intérêt du public à être informé de l'activité des autorités lorsqu'elles débattent publiquement (Franz Riklin, Schweizerisches Presserecht, Berne 1996, n. 96, p. 155), le seul fait que l'autorité en cause fut américaine ne justifie pas de s'écarter de ces principes, l'intérêt de l'objet de ces débats excédant largement le seul cercle du public américain et la cour cantonale ayant, par ailleurs, retenu que les débats du 22 octobre 2003 avaient été publics (arrêt entrepris, consid. 2.2, p. 7).
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2.2 La cour cantonale a, ensuite, retenu que Z.________ avait présenté devant cette commission son rapport écrit en le synthétisant durant un peu moins de quinze minutes avant d'être questionné (arrêt entrepris, consid. C.d, p. 4 s.). Il s'ensuit que l'audition de Z.________ durant la séance publique du 22 octobre 2003 avait pour but de donner connaissance à la commission du contenu de son rapport, qui faisait ainsi nécessairement partie des débats, dont il était un élément essentiel, et ce indépendamment du fait que les assertions litigieuses reprises du rapport écrit, ont ou non été évoquées expressément durant les débats (ATF 106 IV 171 consid. 2c, spéc. p. 174).
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La cour cantonale met certes en doute le caractère public du rapport de Z.________ au motif qu'il n'aurait été édité sur le site internet du Sénat américain qu'en 2005 et que le recourant se l'est procuré par des voies détournées. La jurisprudence précitée n'exige cependant pas que le rapport comme tel soit publié. Il suffit qu'il soit accessible, autrement dit qu'il ne soit pas secret, pour qu'il puisse faire partie du débat public. Or, d'une part, la date de publication du rapport sur internet ne remet pas en cause le fait qu'il a été l'objet d'un débat public. D'autre part, la cour cantonale n'a déduit ni de cet élément ni d'autres indices, que ce rapport aurait fait l'objet d'un embargo partiel ou total à l'égard de la presse au moment de la publication de l'article litigieux ou qu'il n'aurait pu, avant sa publication sur internet, être obtenu des autorités américaines par une demande individuelle (cf. Franz Zeller, op. cit., art. 27 CP, n. 64). Il s'ensuit que rien ne permet d'exclure que ce rapport faisait bien partie du débat au sens de la jurisprudence.
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2.3 La cour cantonale a tenu pour douteuse la véracité du compte rendu parce que l'article en question avait été rédigé avant les débats et qu'il présentait les propos écrits de Z.________ comme des déclarations orales.
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On ne saurait cependant, sur le plan pénal, reprocher à un journaliste de préparer, sur la base de la documentation dont il dispose, la rédaction du compte rendu d'un événement avant la date de celui-ci. Seule importe, en définitive, la véracité du compte rendu publié au regard du contenu des débats publics ainsi que des documents qui en faisaient partie. Quant à l'exigence de véracité, il suffit, pour y satisfaire, que les allégations en cause aient fait partie du débat (ATF 106 IV 161 consid. 5d, spéc. p. 170). Or, il n'est pas contesté en l'espèce que les affirmations reprochées au recourant ressortaient bien du rapport de Z.________. Par ailleurs, la forme écrite ou orale dans laquelle les affirmations litigieuses ont été apportées au débat public importe peu, des allégations écrites étant susceptibles de faire partie du débat lorsqu'elles ressortent d'un rapport, même si elles ne sont pas évoquées oralement lors du débat (ATF 106 IV 171 consid. 2c, spéc. p. 174, précité). Il s'ensuit qu'une simple imprécision sur la forme des assertions, qui ne joue au demeurant aucun rôle quant à la réalisation de l'infraction de diffamation elle-même (cf. art. 173 ch. 1 CP), demeure également sans incidence sur la véracité du compte rendu au sens de l'art. 27 ch. 4 CP.
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2.4 Il résulte de ce qui précède que la cour cantonale a écarté à tort l'application de l'art. 27 ch. 4 CP, ce qui conduit à l'admission du pourvoi.
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3.
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L'intimé, bien qu'il succombe, n'a pas à supporter de frais (art. 278 al. 2 PPF). Le recourant, qui s'est fait assister d'un mandataire, peut prétendre une indemnité (art. 278 al. 3 PPF).
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La requête d'effet suspensif est sans objet.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le pourvoi est admis.
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2.
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L'arrêt attaqué est annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouveau jugement.
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3.
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Il n'est pas perçu de frais.
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4.
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La Caisse du Tribunal fédéral versera une indemnité de 2000 francs au recourant.
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5.
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Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Procureur général du canton de Genève et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale.
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Lausanne, le 12 décembre 2006
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Au nom de la Cour de cassation pénale
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président: Le greffier:
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