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Informationen zum Dokument  BGer 1P.766/2006  Materielle Begründung
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BGer 1P.766/2006 vom 10.01.2007
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1P.766/2006 /col
 
Arrêt du 10 janvier 2007
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Féraud, Président,
 
Aemisegger et Reeb.
 
Greffière: Mme Truttmann.
 
Parties
 
A.________,
 
recourant, représenté par Me Robert Assaël et Me Alain Macaluso, avocats,
 
contre
 
Procureur général de la République et canton
 
de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
 
Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale, case postale 3108,
 
1211 Genève 3.
 
Objet
 
non-lieu, requête en indemnisation,
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre pénale de la Cour de justice du canton de Genève
 
du 16 octobre 2006.
 
Faits :
 
A.
 
Les 8 et 19 novembre 1999, B.________ et plusieurs sociétés financières ont déposé plainte pénale contre C.________, qui était soupçonné d'avoir détourné plus de 50 millions de dollars en tant qu'employé de B.________.
 
Dans le cadre de cette procédure pénale, A.________, alors gestionnaire de fortune à la banque D.________, en charge de la gestion des avoirs de C.________, a été entendu par le juge d'instruction en qualité de témoin le 15 mai 2001. Il a été inculpé le 8 avril 2002 du chef de défaut de vigilance, au sens de l'art. 305ter CP, pour n'avoir pas recherché correctement l'origine des fonds déposés par C.________.
 
Huit audiences d'instruction ont eu lieu entre le 26 juin 2003 et le 24 mars 2004.
 
B.
 
Par ordonnance du 15 mars 2005, le Procureur général a classé la procédure en tant qu'elle était dirigée contre A.________. Il a considéré qu'il pouvait certes être reproché à ce dernier de ne pas s'être suffisamment renseigné sur l'origine des fonds et l'arrière-plan économique des activités de C.________, mais que, dans la mesure où le bénéficiaire des comptes avait pu être identifié, les éléments constitutifs de l'art. 305ter CP n'étaient pas réalisés.
 
A.________ a recouru contre cette décision en sollicitant le prononcé d'un non-lieu.
 
C.
 
Par ordonnance du 27 juin 2005, la Chambre d'accusation de la République et canton de Genève a annulé l'ordonnance du Procureur général et prononcé un non-lieu en faveur de A.________. Elle a jugé qu'il n'était pas contesté que le bénéficiaire économique des fonds avait toujours été identifié comme étant C.________, ce qui excluait la punissabilité en vertu de l'art. 305ter al. 1 CP, même lorsqu'il s'avérait que le patrimoine était d'origine délictueuse.
 
D.
 
Le 12 juillet 2006, A.________ a formé une requête en indemnisation. Il concluait à l'octroi d'une indemnité de 10'000 fr. au regard des répercussions professionnelles négatives, du tort moral subi et du solde de la note d'honoraires à sa charge (32'500 fr. ayant été pris en charge par la banque D.________ sur un total de 65'971 fr.) et à la condamnation de l'Etat de Genève au paiement de tous les dépens. Il produisait en outre un courrier daté du 12 juillet 2006 de son nouvel employeur, E.________, qui attestait que la procédure pénale n'avait pas contribué positivement à l'évolution de sa carrière prévisible, dès lors que la banque s'était imposée une certaine retenue sur la reconnaissance de ses qualités professionnelles dans l'attente du dénouement de la procédure. La banque lui avait en revanche toujours conservé sa confiance.
 
Par arrêt du 16 octobre 2006, la Chambre pénale de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Chambre pénale) a rejeté la requête en indemnisation déposée par A.________. Elle a estimé que la cause ne présentait pas un caractère exceptionnel de nature à justifier une indemnisation.
 
E.
 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt rendu le 16 octobre 2006 par la Chambre pénale. Il se plaint d'arbitraire dans la constatation des faits, dans la motivation, et dans l'application de l'art. 379 du Code de procédure pénale genevois (CPP/GE).
 
Le Procureur général n'a pas souhaité formuler d'observations. Il s'en est rapporté à l'appréciation du Tribunal fédéral quant à la recevabilité du recours et a conclu à son rejet au fond. La Chambre pénale s'est référée aux considérants de son arrêt.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
La décision attaquée ayant été rendue avant le 1er janvier 2007, la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) demeure applicable à la présente procédure de recours (art. 132 al. 1 LTF).
 
2.
 
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, le recours répond aux exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. Le recourant, dont la démarche tend à l'obtention d'une indemnité fondée sur le droit cantonal, a qualité pour agir au sens de l'art. 88 OJ.
 
3.
 
Le recourant estime que la Chambre pénale a arbitrairement nié le caractère exceptionnel des circonstances en ne prenant pas en considération le fait que les conditions objectives de l'art. 305ter CP n'étaient clairement pas réalisées dès le départ. Il fait en outre valoir que l'autorité cantonale a retenu à tort que l'art. 305ter CP réprimait une contravention, alors qu'il sanctionne en réalité un délit. Il expose ensuite qu'on ne saurait considérer que l'art. 379 CPP/GE impose comme condition une atteinte à la santé ainsi que l'urgence à remédier au tort subi. Enfin, il soutient qu'il serait inéquitable de lui faire supporter, quels que soient ses moyens, le solde des honoraires d'avocat, en plus du tort considérable subi.
 
3.1 L'indemnisation des personnes poursuivies ou détenues à tort est réglée à l'art. 379 CPP/GE, dont la teneur est la suivante:
 
1 Une indemnité peut être attribuée, sur demande, pour préjudice résultant de la détention ou d'autres actes de l'instruction, à l'accusé qui a bénéficié d'un non-lieu ou d'un acquittement dans la procédure de jugement ou après révision.
 
2 Le juge détermine l'indemnité dont le montant ne peut dépasser 10'000 fr. Si des circonstances particulières l'exigent, notamment à raison d'une détention prolongée, d'une instruction compliquée ou de l'ampleur des débats, l'autorité de jugement peut - dans les cas de détention - allouer à titre exceptionnel une indemnité supplémentaire. Le juge peut décider d'un autre mode de réparation du préjudice subi ou de tout autre appui nécessaire au requérant. (...)
 
5 L'indemnité peut être refusée ou réduite si la conduite répréhensible de l'accusé a provoqué ou entravé les opérations de l'instruction.
 
(...).
 
3.2 Selon la pratique cantonale relative à cette disposition, l'indemnisation n'est en général accordée que dans les cas de détention, seules des circonstances exceptionnelles justifiant l'indemnisation d'un prévenu non détenu. L'arrêt attaqué rappelle la jurisprudence cantonale selon laquelle, dans l'examen des "circonstances exceptionnelles", il faut tenir compte de la complexité de la cause, de l'ampleur des débats, du degré de pression psychologique que la procédure a fait peser sur le prévenu et des effets néfastes de la poursuite pénale sur la situation professionnelle. L'indemnité n'est en effet accordée que "lorsqu'un refus violerait gravement le sentiment d'équité et de justice".
 
3.3 Le recourant ne conteste pas la constitutionnalité de cette pratique, qui a au demeurant récemment été admise par le Tribunal fédéral (arrêt du 8 juin 2004 1P.237/2004 consid. 4.3). En effet, la CEDH n'impose pas réparation dans tous les cas où une poursuite pénale se révèle par la suite injustifiée. L'art. 5 par. 5 CEDH ne prévoit une réparation que dans les cas de détention contraires à l'art. 5 par. 1 à 4 CEDH (ATF 129 I 139 consid. 2 p. 141; ATF 125 I 394 consid. 5a p. 398). Quant à l'art. 3 du Protocole additionnel n° 7 à la CEDH, il envisage l'indemnisation, en cas d'annulation d'une condamnation pénale, de "la personne qui a subi une peine en raison de cette condamnation". L'indemnisation du prévenu à raison d'une instruction pénale, ou d'une détention en soi licite mais qui se révèle injustifiée, n'est imposée ni par le droit constitutionnel, ni par le droit conventionnel (ATF 119 Ia 221 consid. 6 p. 230). Il est dès lors loisible aux cantons de n'allouer de ce chef que des prestations réduites, en recourant le cas échéant à des critères schématiques (arrêt du 12 novembre 1997 dans la cause A. publié in SJ 1998 p. 333). Ils peuvent ainsi limiter l'indemnité à un montant maximum, ou à des postes déterminés, voire même n'accorder d'indemnité que dans des cas d'une gravité particulière.
 
Il y a donc lieu d'examiner si le refus de la cour cantonale d'admettre l'existence de circonstances particulières peut en l'espèce être qualifié d'arbitraire.
 
3.4 Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 131 I 217 consid. 2.1. p. 219, 57 consid. 2 p. 61; 129 I 173 consid. 3.1 p. 178; 128 I 273 consid. 2.1. p. 275).
 
3.5 En l'espèce, la Chambre pénale a reconnu que la cause avait porté atteinte à l'honneur du recourant, qui exerce sa profession dans un domaine sensible. Elle a cependant considéré que la durée de la procédure, soit trois ans, n'avait pas été exceptionnelle s'agissant d'une affaire financière; que la procédure n'avait pas connu de rebondissements; que la plainte pénale n'avait pas été déposée tardivement; que la carrière du recourant avait tout au plus été freinée dans son évolution mais que ce dernier ne pouvait se prévaloir d'une perte de confiance de son employeur; que l'on pouvait admettre que la procédure pénale n'avait pas entraîné son licenciement, ni représenté un empêchement dirimant pour son engagement; que la peine-menace ne plaidait pas en faveur d'une indemnisation; que le recourant n'avait pas allégué avoir subi de soins, ce qui permettait de penser qu'il avait pu supporter les effets de la procédure sans trop de problèmes; et enfin, qu'il avait attendu le dernier jour du délai pour solliciter de son employeur une attestation et pour déposer sa requête en indemnisation, ce qui tendait à relativiser la portée du tort moral subi et l'urgence à y remédier.
 
3.6 Dans le cas particulier, il n'était pas arbitraire de retenir qu'une durée de procédure de trois ans n'était pas excessive au regard de la nature de l'affaire en cause. A titre de comparaison, le Tribunal fédéral a jugé qu'une procédure pénale d'une durée de neuf ans pouvait être considérée comme "exceptionnelle", étant précisé que d'autres éléments avaient également été pris en considération (cf. arrêt du 8 juin 2004 1P.237/2004).
 
La Chambre pénale a souligné avec raison que la procédure pénale n'avait pas subi de rebondissements, suscitant tout à tour angoisse et espoir chez le recourant. Le Tribunal fédéral a récemment admis l'existence de circonstances exceptionnelles, dans un cas où la procédure avait dans un premier temps été classée par le Procureur général, puis reprise sur recours du plaignant. Le prévenu s'était ensuite vu condamner par ordonnance du Procureur général, pour enfin être acquitté par le Tribunal de police suite à son opposition. Dans cette affaire, le prévenu avait en outre moins de vingt ans, de sorte que la procédure pénale avait atteint le jeune homme dans ses "années clef" (cf. arrêt du 28 septembre 2006 1P.766/2006). En l'espèce, les circonstances ne sont en rien comparables.
 
S'il est vrai que l'autorité cantonale s'est méprise en affirmant que l'art. 305ter CP réprimait une contravention, il n'en demeure pas moins que la peine à laquelle s'exposait le recourant n'est pas spécialement sévère, puisque le délit visé est réprimé des arrêts ou de l'amende.
 
Selon le recourant, les circonstances seraient exceptionnelles en ce sens qu'il était évident dès le départ que les conditions objectives de l'art. 305ter CP n'étaient pas réunies. Or, le caractère exceptionnel des circonstances doit s'analyser, à teneur de la jurisprudence cantonale, selon la nature ou le degré de gravité de l'atteinte subie par le prévenu acquitté et non pas selon la justification de l'inculpation. Dans le cas particulier, on ne discerne pas en quoi l'élément relevé par le recourant était en lui-même de nature à lui porter une atteinte particulière.
 
Au demeurant, le recourant n'a apparemment subi que des interrogatoires, sans être confronté à d'autres actes d'instruction plus incisifs. Le recourant exerce certes sa profession dans un milieu sensible. Il n'apparaît toutefois pas que sa carrière ait été particulièrement touchée, dans la mesure où son employeur ne lui a jamais enlevé sa confiance.
 
Enfin, s'il est vrai que l'art. 379 CPP/GE ne présuppose pas une atteinte à la santé, le fait que le recourant n'en ait pas subi peut cependant aider à mesurer le degré de gravité de l'atteinte. Que le recourant n'ait agi que le dernier jour du délai est en revanche effectivement irrelevant, mais sans conséquence pour la solution retenue.
 
S'agissant des frais d'avocats, la Chambre pénale a jugé que le défaut de caractère exceptionnel était également applicable. A cet égard, elle a souligné qu'elle devait faire preuve de retenue dans la mesure où les honoraires d'avocat du recourant avaient fait l'objet d'une prise en charge substantielle par son ancien employeur et qu'il n'était pas allégué que le recourant était dépourvu de moyens financiers. Le recourant ne conteste pas que le critère du caractère exceptionnel vaut aussi pour la prise en charge des frais d'avocat. Au vu de ce qui précède, son argument selon lequel il serait inéquitable de les lui faire supporter n'est donc pas pertinent.
 
Il s'ensuit que la Chambre pénale n'a pas fait preuve d'arbitraire en considérant que les circonstances n'étaient pas de nature exceptionnelle, de sorte qu'une indemnisation n'était pas justifiée.
 
4.
 
Le recours doit dès lors être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, doit supporter l'émolument judiciaire (art. 153, 153a et 156 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours de droit public est rejeté.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge de A.________.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires du recourant, au Procureur général et à la Chambre pénale de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
 
Lausanne, le 10 janvier 2007
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
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