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Informationen zum Dokument  BGer 4A_50/2007  Materielle Begründung
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BGer 4A_50/2007 vom 23.10.2007
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4A_50/2007
 
Arrêt du 23 octobre 2007
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
MM. et Mmes les Juges Corboz, président, Klett, Kolly, Kiss et Geiser, juge suppléant.
 
Greffier: M. Carruzzo.
 
Parties
 
B.________,
 
recourante, représentée par Me Christian Bruchez,
 
contre
 
Swiss International Air Lines SA,
 
intimée, représentée par Me Horace Gautier.
 
Objet
 
contrat de travail; transfert d'entreprise; prestations dues,
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le
 
9 février 2007 par la Cour d'appel de la juridiction
 
des prud'hommes du canton de Genève.
 
Faits:
 
A.
 
A.a Swissair, Société Anonyme Suisse pour la Navigation Aérienne (ci-après: Swissair), a été inscrite en 1931 au Registre du commerce de Zurich; son but consistait, notamment, dans l'exploitation de services aériens en Suisse et à l'étranger. En 1949, ladite société a ouvert une succursale à Genève.
 
Au printemps 1997, Swissair a changé de raison sociale et modifié son but social. Appelée désormais SAirGroup SA (ci-après: SAirGroup), elle est devenue une holding. L'une de ses filiales - SAirLines SA, créée la même année - comptait elle-même, au nombre de ses sociétés filles, une société constituée en 1997 également, sous la raison Swissair, Société Anonyme Suisse pour la Navigation Aérienne (ci-après: Nouvelle Swissair), et une société existante - Crossair SA (ci-après: Crossair) -, qui effectuaient toutes deux les activités aériennes du groupe.
 
Le 13 mai 2002, Crossair s'est transformée en Swiss International Air Lines SA (ci-après: Swiss ou la défenderesse).
 
Nouvelle Swissair et SAirGroup ont fait l'objet de poursuites ayant abouti, pour chacune d'elles, à l'homologation d'un concordat par abandon d'actifs en mai, respectivement juin 2003, après qu'elles avaient obtenu un sursis concordataire à fin 2001.
 
A.b Au début des années 1990, Swissair, puis SAirGroup ont progressivement recentré leurs activités sur la plate-forme de Zurich et diminué le nombre de leurs vols intercontinentaux. Pour pallier les conséquences des licenciements devenus indispensables, les deux sociétés ont élaboré, dès 1993, avec les syndicats des travailleurs concernés, plusieurs plans sociaux successifs, valables pour l'ensemble du groupe.
 
L'un de ces plans, dénommé "Option 96", prévoit des retraites anticipées, ou préretraites, donnant droit à différentes prestations pécuniaires de la part de l'employeur jusqu'à ce que le travailleur ait atteint l'âge de la retraite AVS.
 
Dans une lettre du 25 octobre 1996, Swissair a informé son employée B.________ que, conformément à divers entretiens et à un précédent courrier, elle serait mise à la retraite anticipée pour raisons économiques, selon le plan "Option 96", avec effet au 30 novembre 1997. Elle lui a également indiqué les diverses prestations liées à son futur statut de préretraitée.
 
Le 1er novembre 2001, SAirGroup a adressé à B.________ une lettre l'avisant de la cessation des versements prévus par le plan "Option 96".
 
B.
 
Le 7 décembre 2001, B.________ a ouvert action contre SAirGroup et contre Crossair en concluant, notamment, à ce que les défenderesses soient condamnées solidairement à lui payer les indemnités de préretraite, entre autres prétentions.
 
Par jugement du 26 août 2002, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève a rectifié la désignation de Crossair pour la remplacer par celle de Swiss, rejeté la demande en tant qu'elle visait cette défenderesse, faute de légitimation passive, et condamné SAirGroup à verser une certaine somme à la demanderesse.
 
B.________ a appelé de ce jugement. Ayant passé ultérieurement un accord avec SAirGroup en liquidation concordataire, elle a retiré sa demande, avec désistement d'instance, dans la mesure où elle visait ladite société.
 
Statuant par arrêt du 9 février 2007, la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes a rejeté l'appel de la demanderesse.
 
C.
 
B.________ exerce un recours en matière civile. Elle invite le Tribunal fédéral à annuler l'arrêt cantonal et à condamner Swiss à lui payer, d'une part, des indemnités totalisant 156'304 fr. 80, intérêts en sus, dont à déduire la somme de 93'782 fr. 90, et, d'autre part, le montant de 20'000 fr. à titre de dommage consécutif à la suppression des facilités de transport. Subsidiairement, la demanderesse conclut à la constatation de la légitimation passive de la défenderesse et au renvoi de la cause à la Cour d'appel pour qu'elle statue sur les prétentions litigieuses.
 
La défenderesse propose le rejet du recours. La cour cantonale en fait de même.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
1.1 Comme l'arrêt attaqué a été rendu après l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2007 (RO 2006 p. 1242), de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110), le recours est régi par le nouveau droit (art. 132 al. 1 LTF).
 
Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), en tant qu'elles visaient la défenderesse Swiss, et dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF), dans une affaire pécuniaire en matière de droit du travail dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours est en principe recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
 
Le recours peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est donc limité ni par les arguments soulevés dans le recours ni par la motivation retenue par l'autorité précédente; il peut admettre un recours pour un autre motif que ceux qui ont été invoqués et il peut rejeter un recours en adoptant une argumentation différente de celle de l'autorité précédente (cf. ATF 130 III 136 consid. 1.4). Eu égard à l'exigence de motivation contenue à l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, sous peine d'irrecevabilité (art. 108 al. 1 let. b LTF), le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués; il n'est pas tenu de traiter, comme le ferait une autorité de première instance, toutes les questions juridiques qui se posent, lorsque celles-ci ne sont plus discutées devant lui.
 
1.2 La demanderesse reproche à la Cour d'appel d'avoir méconnu l'art. 333 CO. Elle dénonce ainsi une prétendue violation du droit fédéral. Son recours est, dès lors, recevable.
 
2.
 
2.1 Il est incontesté, et du reste incontestable, que Swiss ne s'est jamais engagée envers la demanderesse à lui fournir quelque prestation que ce fût, soit directement, sur la base d'un contrat de travail ou d'une convention ad hoc, soit à titre subsidiaire, en cas de défaillance du débiteur (porte-fort, au sens de l'art. 111 CO; cf. ATF 131 III 606 consid. 4.2.2). Les parties n'ont pas non plus conclu un contrat en vertu duquel la défenderesse se serait substituée à un débiteur de la demanderesse (reprise de dette externe, au sens de l'art. 176 CO) et celle-là ne s'est pas davantage constituée débitrice de celle-ci aux côtés d'un autre obligé (reprise de dette cumulative; ATF 129 III 702 consid. 2.1 p. 704).
 
Cela étant, le seul fondement juridique susceptible d'être invoqué, en l'espèce, par la demanderesse à l'appui de ses prétentions et de conférer à Swiss la qualité pour défendre (ou légitimation passive), en tant que sujet passif des créances litigieuses, réside dans un éventuel transfert automatique des rapports de travail, avec tous les droits et les obligations qui en découlent, aux conditions de l'art. 333 CO (cf. ATF 132 III 32 consid. 4.2.1).
 
2.2 L'application de cette disposition soulève un certain nombre de questions délicates in casu. Il s'agit, en particulier, de déterminer si Swiss (ex-Crossair) s'est effectivement vu transférer l'entreprise ou une partie de celle-ci par Swissair/SAirGroup ou par Nouvelle Swissair et, dans l'affirmative, de décider si l'art. 333 CO est applicable ou non lorsqu'un tel transfert s'opère dans le cadre d'une procédure de concordat par abandon d'actifs (art. 317 ss LP) visant son auteur.
 
Ces questions peuvent toutefois demeurer indécises dès lors que, pour le motif indiqué ci-après, le présent recours devra être rejeté, quelles que soient les réponses qui pourraient leur être données.
 
3.
 
3.1
 
3.1.1 Aux termes de l'art. 333 al. 1 CO, si l'employeur transfère l'entreprise ou une partie de celle-ci à un tiers, les rapports de travail passent à l'acquéreur avec tous les droits et les obligations qui en découlent, au jour du transfert, à moins que le travailleur ne s'y oppose. Selon la jurisprudence et la doctrine, seuls les rapports de travail existant au moment du transfert de l'entreprise passent à l'acquéreur (ATF 123 III 466 consid. 3b p. 468; arrêt 4C.333/1998 du 7 janvier 1999, consid. 1b/aa; Ullin Streiff/Adrian von Kaenel, Arbeitsvertrag, 6e éd., n. 8 ad art. 333 CO, p. 554; Gabriel Aubert, Commentaire romand, n. 4 ad art. 333 CO; Wolfgang Portmann, Commentaire bâlois, n. 10 in fine ad art. 333 CO; Jean-Louis Duc/Olivier Subilia, Commentaire du contrat individuel de travail, n. 8 ad art. 333 CO, p. 335; Thomas Geiser, Arbeitsrechtliche Fragen bei Sanierungen, in Sanierung der AG [éd. Vito Roberto], 2003, p. 119 ss, 141; Endrit Karagjozi, Les transferts d'entreprise en droit du travail, in Le droit du travail en pratique [éd. Gabriel Aubert], 2003, p. 65). La situation n'est pas différente en droit communautaire (voir les arrêts de la Cour de justice des Communautés européennes [CJCE] cités par Karagjozi, op. cit., p. 65, notes de pied 211 et 212). Il suit de là que le bénéfice de l'art. 333 CO ne peut être invoqué que par les seuls travailleurs dont la relation de travail est en cours à la date du transfert, mais qu'il peut l'être même si les rapports de travail ont déjà été résiliés pour une date postérieure à ce transfert (cf. ATF 132 III 32 ss; 123 III 466 ss). L'acquéreur de l'entreprise n'a ainsi pas à reprendre des contrats de travail n'existant plus au moment du transfert (Duc/Subilia, ibid.).
 
Demeure réservée la question, controversée, mais qui ne se pose pas en l'espèce, des conséquences de la résiliation d'un contrat de travail notifiée par l'employeur pour éluder la protection découlant de l'art. 333 al. 1 CO (cf. l'arrêt 4C.333/1998, précité, consid. 1b/bb et les références; voir aussi l'exposé - fait par Sreiff/von Kaenel, op. cit., n. 10 ad art. 333 CO - des diverses opinions émises à ce sujet).
 
3.1.2 Le contrat de travail, au sens de l'art. 319 CO, est celui par lequel une personne (le travailleur) s'oblige envers une autre (l'employeur) à fournir, dans un état de subordination, des services contre le paiement d'un salaire, pendant une période déterminée ou indéterminée (Pierre Engel, Contrats de droit suisse, 2e éd., p. 290 s.). Le travailleur a deux obligations essentielles (cf. Pierre Tercier, Les contrats spéciaux, 3e éd., n. 3044 ss): la première est d'exécuter personnellement et avec soin les services que l'employeur attend de lui (art. 321 CO); la seconde, de sauvegarder fidèlement les intérêts légitimes de l'employeur (art. 321a al. 1 CO), ce qui implique l'interdiction de travailler au noir (art. 321a al. 3 CO) et de divulguer des secrets (art. 321a al. 4 CO). Quant aux obligations de l'employeur (cf. Tercier, op. cit., n. 3098 ss), elles consistent principalement à payer le salaire (art. 322 al. 1 CO) et à protéger la personnalité du travailleur (art. 328 CO), ce dernier devoir comprenant la protection de la personnalité au sens étroit, l'octroi de congés et de vacances ainsi que le paiement des cotisations aux assurances sociales (Tercier, op. cit., n. 3100).
 
Normalement le contrat de travail prévoit que les rapports de travail prennent fin lorsque le travailleur atteint l'âge de la retraite et la rente de vieillesse n'est plus versée par l'employeur, mais par un tiers, à savoir l'institution de prévoyance (ATF 132 III 32 consid. 6.2.2 p. 46). Mais il se peut aussi que, pour telle ou telle raison, les rapports de travail s'éteignent avant que le travailleur ait atteint cet âge-là et que l'intéressé acquière le statut de préretraité. Suivant les circonstances, il bénéficiera alors de prestations que l'employeur se sera engagé à effectuer lui-même dans le but de favoriser un départ anticipé. Cependant, la situation de ce préretraité ne sera en rien comparable à celle du travailleur, car les éléments caractéristiques du contrat de travail et les obligations respectives des parties à ce contrat, tels qu'ils ont été rappelés plus haut, feront défaut dans cette hypothèse, quand bien même il subsistera une relation juridique entre le créancier et le débiteur de la prestation de préretraite. En particulier, le crédirentier sera libéré définitivement de son obligation de fournir un travail, sa situation se distinguant à cet égard de celle des personnes empêchées temporairement d'exécuter cette obligation pour différentes causes (maladie, accident, accouchement, etc.). De surcroît, il n'aura plus de devoir de fidélité à respecter envers son employeur, contrairement au travailleur qui a simplement été libéré de l'obligation de travailler par l'employeur (ATF 128 III 271 consid. 4a/bb p. 281; Alfred Blesi, Die Freistellung des Arbeitnehmers, thèse St-Gall 2000, p. 205 ss).
 
Point n'est besoin d'examiner ici, étant donné que les circonstances de la présente cause y sont étrangères, le cas de figure, évoqué dans la doctrine, où la mise à la retraite anticipée du travailleur ne consisterait qu'en une libération de l'obligation de travailler jusqu'à l'âge de la retraite, moyennant versement d'une prestation transitoire généralement inférieure au salaire, sans qu'il soit mis fin aux rapports de travail (au sujet de cette hypothèse, cf. Alfred Blesi, Art. 333 OR und Haftung des Betriebsnachfolgers für Versprechen betreffend Frühpensionierung, in Jusletter du 8 mai 2006, n. 16).
 
3.2 En l'espèce, la demanderesse a été mise à la retraite anticipée bien avant l'éventuel transfert de l'entreprise à Swiss. Il est manifeste que cette mise à la retraite a entraîné l'extinction des rapports de travail existants. Telle est du reste la conclusion à laquelle le Tribunal fédéral avait abouti en interprétant une lettre dont le contenu était comparable à celle que Swissair a adressée le 25 octobre 1996 à la demanderesse pour l'informer de sa prochaine mise à la retraite anticipée (ATF 131 III 606 consid. 5 p. 614; dans ce sens, cf. Blesi, dernier op. cit., ibid.).
 
Ainsi, comme Swiss n'a pas repris les rapports de travail liant la demanderesse à son précédent employeur, les obligations y relatives, en particulier les dettes découlant du plan social (cf. ATF 132 III 32 consid. 6.2.2 p. 47), ne lui ont pas été transférées. La défenderesse n'est donc pas le sujet passif des créances litigieuses. Par conséquent, c'est à bon droit que l'autorité précédente lui a dénié la légitimation passive pour résister à l'action en paiement introduite par la demanderesse.
 
Cela étant, le présent recours ne peut qu'être rejeté.
 
4.
 
La recourante, qui succombe, devra payer les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et indemniser son adverse partie (art. 68 al. 2 LTF). La limite de 1'000 fr. fixée à l'art. 65 al. 4 let. c LTF pour les frais judiciaires se rapportant aux contestations qui résultent des rapports de travail dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 30'000 fr. n'entre pas en ligne de compte en l'espèce, du moment que cette dernière condition n'est pas réalisée.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 3'500 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du canton de Genève.
 
Lausanne, le 23 octobre 2007
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Le Greffier:
 
Corboz Carruzzo
 
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