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Informationen zum Dokument  BGer 1C_522/2009  Materielle Begründung
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BGer 1C_522/2009 vom 19.05.2010
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 1/2}
 
1C_522/2009
 
Arrêt du 19 mai 2010
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Féraud, Président, Aemisegger, Reeb, Raselli et Eusebio.
 
Greffier: M. Kurz.
 
Parties
 
Erik Reumann,
 
Magalie Goumaz,
 
représentés par Me Pierre Perritaz, avocat,
 
recourants,
 
contre
 
Département fédéral de justice et police, 3003 Berne,
 
Walter Eberle,
 
Yves Bichsel,
 
personnes concernées.
 
Objet
 
art. 8 LTrans,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 19 octobre 2009.
 
Faits:
 
A.
 
Le 5 février 2008, Erik Reumann, alors rédacteur en chef adjoint au journal La Liberté, a demandé au Département fédéral de justice et police (ci-après: le DFJP) l'accès aux documents suivants: les contrats de travail de Walter Eberle, ancien secrétaire général du DFJP, et de Yves Bichsel, son suppléant, y compris les conditions spéciales accordées par l'ancien chef du département ainsi que les décisions relatives à leur indemnisation après leur renvoi par la nouvelle cheffe du département. Le requérant se fondait sur l'art. 7 de la loi fédérale sur le principe de la transparence dans l'administration (LTrans, RS 152.3). Le 17 mars 2008, le DFJP a refusé le droit d'accès.
 
Erik Reumann s'est alors adressé au Préposé fédéral à la protection des données et à la transparence (ci-après: le Préposé fédéral), renonçant à la production des contrats de travail conclus avant l'entrée en vigueur de la LTrans. Dans sa recommandation du 9 février 2009, le Préposé fédéral estima que l'accès demandé devait être accordé. Les dossiers personnels - dont faisaient partie les conventions relatives à la résiliation des rapports de travail - n'étaient accessibles qu'exceptionnellement, en fonction d'un intérêt public prépondérant, soit un besoin d'information particulier de la part du public. Tel était le cas, s'agissant des conditions de départ offertes à un secrétaire général de département et à son suppléant. L'atteinte à la sphère privée était quasi nulle puisque les conditions de départ s'alignaient en l'occurrence sur les directives applicables.
 
B.
 
Par décision formelle du 2 mars 2009, le DFJP a rejeté la demande d'accès. La simple curiosité journalistique ne constituait pas un intérêt public suffisant à la consultation d'éléments des dossiers personnels du secrétaire général du DFJP et de son suppléant. Leur départ, logiquement lié au changement de chef du département, n'avait donné lieu à aucune discussion.
 
C.
 
Cette décision a été attaquée auprès du Tribunal administratif fédéral (TAF) par Erik Reumann, qui avait entretemps quitté son poste de journaliste, et par Magalie Goumaz, qui lui avait succédé. Par arrêt du 19 octobre 2009, le TAF a rejeté le recours. Erik Reumann avait conservé son intérêt à agir puisque la LTrans ne privilégiait pas l'intérêt journalistique. Magalie Goumaz n'avait pas participé à la procédure devant l'instance précédente, et la question d'une substitution de parties ne se posait pas, de sorte qu'elle n'avait pas qualité pour recourir. L'ancienneté des faits et l'existence d'un communiqué de presse officiel n'enlevaient rien à l'intérêt actuel du recourant. Selon l'art. 8 al. 1 LTrans, les documents ayant trait à la procédure de co-rapport du Conseil fédéral, au sens de l'art. 15 de la loi fédérale sur l'organisation du gouvernement et de l'administration (LOGA, RS 172.010), soit la proposition du département concerné, les co-rapports des autres départements et les documents officiels servant à préparer la décision du Conseil fédéral, demeuraient confidentiels au regard de la LTrans, en raison du secret des séances et délibérations du Conseil fédéral. En l'occurrence, les conventions de départ avaient été soumises pour approbation au Conseil fédéral, sur proposition de la Cheffe du DFJP. Elles constituaient donc l'objet d'une procédure de co-rapport et étaient soustraites au droit d'accès.
 
D.
 
Erik Reumann et Magalie Goumaz forment un recours en matière de droit public par lequel ils demandent l'annulation de l'arrêt du TAF et de la décision du DFJP, et l'admission de la demande d'accès aux documents.
 
Le TAF renonce à prendre position. Le DFJP conclut au rejet du recours. Walter Eberle et Yves Bichsel se réfèrent aux observations produites devant l'instance précédente.
 
Le 19 mai 2010, la Cour de céans a délibéré sur le présent recours en séance publique.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
L'arrêt attaqué, relatif à l'accès à des documents officiels au sens de la LTrans, constitue une décision rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF).
 
1.1 Selon l'art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour recourir quiconque a pris part à la procédure devant l'autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision attaquée (let. b) et dispose d'un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).
 
Le TAF a reconnu la qualité pour recourir à Erik Reumann, considérant que celui-ci était l'auteur de la demande d'accès aux documents. Par ailleurs, même s'il n'exerçait plus la profession de journaliste, il conservait un intérêt digne de protection puisque la LTrans accordait un droit d'accès à toute personne (art. 6 al. 1 LTrans), indépendamment des motifs de la demande de consultation et des informations déjà disponibles, notamment dans la presse. Ces considérations ne prêtent pas le flanc à la critique. Elles peuvent s'appliquer également à ce stade de la procédure, de sorte que la qualité pour agir doit être reconnue à Erik Reumann.
 
Le TAF a par ailleurs considéré que Magalie Goumaz n'était pas l'auteur de la demande d'accès et n'avait pas participé à la procédure devant le Préposé fédéral. Il n'y avait pas lieu à une substitution de parties puisqu'Erik Reumann était habilité à recourir. La recourante ne critique pas ce motif d'irrecevabilité; elle se contente de reprendre les mêmes arguments que ceux soulevés devant le TAF, pour justifier sa qualité pour agir auprès du Tribunal fédéral. Elle ne prétend donc pas qu'elle aurait été "privée de la possibilité de participer à la procédure" au sens de l'art. 89 al. 1 let. a LTF. Le recours est dès lors irrecevable en tant qu'il est formé par Magalie Goumaz.
 
1.2 Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit fédéral - y compris constitutionnel (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF). Il conduit par ailleurs son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (cf. art. 105 al. 1 LTF), lesquels ne sont d'ailleurs pas contestés en l'occurrence.
 
2.
 
Le recourant se plaint d'une violation de l'art. 8 LTrans. Cette disposition aurait pour but de protéger la formation de la décision au sein du Conseil fédéral, et de préserver le principe de collégialité qui prévaut pour cette autorité. Seuls seraient ainsi soustraits à la transparence les documents permettant de prendre connaissance d'éventuelles divergences d'opinion au sein du collège gouvernemental. En revanche, les documents annexes et la décision finale seraient accessibles. En l'occurrence, les conventions de départ devraient être considérées non comme des documents préparatoires, mais comme des documents annexes à la proposition du DFJP.
 
Le recourant invoque également, dans le même grief, les art. 16 al. 3 Cst. et 10 par. 1 CEDH, sans toutefois satisfaire sur ce point aux exigences de motivation posées à l'art. 106 al. 2 LTF.
 
2.1 Selon l'art. 6 LTrans, toute personne a le droit de consulter des documents officiels et d'obtenir des renseignements sur leur contenu de la part des autorités. Ce droit d'accès général concrétise le but fixé à l'art. 1er de la loi, qui est de renverser le principe du secret de l'activité de l'administration au profit de celui de transparence quant à la mission, l'organisation et l'activité du secteur public. Il s'agit en effet de rendre le processus décisionnel de l'administration plus transparent dans le but de renforcer le caractère démocratique des institutions publiques de même que la confiance des citoyens dans les autorités, tout en améliorant le contrôle de l'administration (ATF 133 II 209 consid. 2.3.1 p. 213; Message LTrans, FF 2003 1807 ss, 1819, 1827). Conformément à ce but, la loi définit de manière large la notion de documents officiels (art. 5 LTrans), le champ d'application ratione personae (art. 2 LTrans) ainsi que les bénéficiaires et les conditions d'exercice du droit d'accès (art. 6 LTrans).
 
2.2 La loi s'applique à l'ensemble de l'administration fédérale (art. 2 al. 1 let. a LTrans), y compris les organismes de droit public ou privé chargés de rendre des décisions. La notion d'administration fédérale est définie aux art. 178 Cst. et 2 LOGA. Il s'agit de l'ensemble de l'administration subordonnée au Conseil fédéral, soit les départements et les offices ainsi que la Chancellerie fédérale. La loi ne s'applique donc pas au Conseil fédéral lui-même, en tant qu'autorité gouvernementale collégiale dont les délibérations ont lieu à huis-clos (art. 12 et 21 LOGA; FF 2003 p. 1828; BRUNNER/MADER, Öffentlichkeitsgesetz, Bern 2008, p. 34, 37, 170; MADER, La loi fédérale sur le principe de la transparence dans l'administration, in: Flückiger (éd.), La mise en oeuvre du principe de transparence dans l'administration, Genève 2006, p. 19).
 
2.3 L'art. 8 LTrans énumère un certain nombre de cas particuliers de documents pour lesquels l'accès est exclu ou différé. Selon l'art. 8 al. 1 LTrans, le droit d'accès n'est pas reconnu pour les documents officiels de l'administration afférents à la procédure de co-rapport (Mitberichtsverfahren) au sens de l'art. 15 LOGA.
 
2.3.1 La procédure de co-rapport sert à préparer la décision du Conseil fédéral, et doit lui permettre de concentrer ses délibérations sur les aspects essentiels de l'affaire (art. 3 al. 1 et 5 OLOGA, RS 172.010.1; SÄGESSER, Regierungs- und Verwaltungsorganisations-gesetz RVOG, Berne 2007 p. 214). Comme le prévoit l'art. 5 al. 1bis OLOGA, elle commence au moment où le département compétent signe sa proposition adressée au Conseil fédéral. Cette disposition est déterminante dans l'interprétation de l'art. 8 al. 1 LTrans, car elle a précisément été modifiée lors de l'adoption de l'OTrans - cf. annexe 2 OTrans - afin de clarifier la situation (FF 2003 1855 in fine; le message évoquait alors le moment où les documents sont remis par l'office au chef du département). Le département remet ensuite sa proposition définitive à la Chancellerie fédérale en vue de l'ouverture de la procédure de co-rapport proprement dite (art. 5 al. 3 OLOGA). La proposition est alors transmise aux autres départements, pour prises de position. Les offices concernés donnent leur avis dans un délai approprié et les divergences doivent être éliminées dans la mesure du possible au cours de cette consultation (art. 4 OLOGA). Il peut s'ensuivre d'autres échanges d'écritures. L'affaire n'est traitée par le Conseil fédéral qu'après élimination - ou confirmation - des divergences (SÄGESSER, op. cit. p. 214). Ce processus a pour but de permettre l'expression des différents intérêts et points de vue, dans le cadre d'une procédure relativement formalisée, en vue de la délibération du Conseil fédéral (BRUNNER/MADER, op. cit. p. 171). De nombreuses affaires peuvent ainsi être liquidées sans discussion supplémentaire (SÄGESSER, op. cit. p. 214). La procédure de co-rapport prend fin avec la décision formelle du Conseil fédéral (BRUNNER/MADER, op. cit. p. 171).
 
2.3.2 L'exclusion de l'accès pour les documents relatifs à la procédure de co-rapport a pour but de préserver le principe de collégialité prévalant pour le gouvernement fédéral (art. 12 LOGA), et de protéger la libre formation de son opinion et de sa volonté (FF 2003 1855). Le législateur a estimé que le fait de donner accès à ces documents compromettrait le bon fonctionnement du gouvernement en tant qu'organe collégial (MADER, op. cit. p. 23). La révélation du processus décisionnel pourrait mettre au jour des divergences d'opinion, alors que le principe de collégialité exige que les membres du Conseil fédéral défendent les décisions prises par le Collège (sur le bien-fondé de cette motivation, cf. MADER, Das Öffentlichkeitsgesetz des Bundes, Einführung in die Grundlagen, in: Ehrenzeller (éd.), Das Öffentlichkeitsgesetz des Bundes, St. Gall 2006, p. 28). Pour cette raison, le secret qui protège ces documents est maintenu, même après la décision du Conseil fédéral (FF 2003 1855), et indépendamment de l'existence d'un intérêt particulier au maintien du secret. En ce sens, l'art. 8 al. 1 LTrans constitue une lex specialis par rapport à l'art. 8 al. 2 Ltrans.
 
2.3.3 Dès lors que le moment de l'ouverture de la procédure de co-rapport correspond à la signature de la proposition du département, le secret instauré à l'art. 8 al. 1 LTrans couvre ladite proposition, les co-rapports des autres départements et les échanges ultérieurs d'écritures, y compris les propositions formalisées émanant des offices consultés, ainsi que les notes personnelles des Conseillers fédéraux, de leurs conseillers personnels ou d'autres collaborateurs (FF 2003 1855; BRUNNER/MADER, op. cit. n° 20 ad art. 8).
 
En revanche, les documents qui accompagnent la proposition au Conseil fédéral ne sont pas en tant que tels soumis au secret instauré à l'art. 8 al. 1 LTrans. Ainsi, le projet de proposition élaboré par un office fédéral à l'attention du département ne fait l'objet que de la restriction provisoire instaurée à l'art. 8 al. 2 LTrans (BRUNNER/MADER, op. cit. n° 19 ad art. 8). Il en va de même des documents officiels de la consultation des offices. Cela résulte a contrario de l'art. 8 al. 3 LTrans, selon lequel le Conseil fédéral peut exceptionnellement décider que de tels documents restent non accessibles après la prise de décision.
 
2.3.4 En l'occurrence, la demande d'accès porte sur les conventions de départ passées entre le Secrétaire général du DFJP, respectivement son suppléant d'une part, et la Confédération d'autre part, agissant par le DFJP. La convention passée avec le Secrétaire général a été signée par les parties le 4 janvier 2008, et la procédure de co-rapport a été ouverte le 15 janvier 2008 par la présentation de la proposition du département. Elle s'est achevée le lendemain par la décision d'approbation du Conseil fédéral. La convention concernant le Secrétaire général suppléant n'a été signée que le 22 février 2008, mais elle a manifestement été élaborée auparavant et les parties ont donné leur accord de principe avant le 19 février 2008, date de la proposition du DFJP. Celle-ci a également été approuvée le lendemain par le Conseil fédéral.
 
Les conventions signées par les intéressés constituaient les annexes à la proposition du DFJP. Leur validité était soumise à la décision d'approbation du Conseil fédéral, compétent en vertu de l'art. 2 al. 1 let. d de l'ordonnance sur le personnel de la Confédération (OPers, RS 172.220.111.3) pour résilier les rapports de travail des secrétaires généraux et de leurs suppléants. Les documents en question apparaissent dès lors antérieurs à l'ouverture de la procédure de co-rapport proprement dite. Même si, matériellement, leur contenu se confond avec les propositions faites par le département, seules ces dernières constituent les documents d'ouverture de la procédure de co-rapport. La consultation de ces conventions ne révèle d'ailleurs rien sur la procédure ayant abouti aux décisions d'approbation du Conseil fédéral, et ne porterait par conséquent aucune atteinte au principe de collégialité et au secret des délibérations. Or, il s'agit là du critère essentiel au regard de l'art. 8 al. 1 LTrans, puisque le secret instauré par cette disposition se limite au processus délibératif.
 
2.4 On ne saurait par conséquent considérer les conventions de départ comme des documents "afférents à la procédure de co-rapport" au sens de l'art. 8 al. 1 LTrans. Le TAF ne pouvait dès lors fonder son refus sur cette disposition, et faire l'économie de la pesée d'intérêts exigée à l'art. 7 al. 2 LTrans. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de statuer sur ce point en première instance de recours, alors que les parties intimées ne se sont pas exprimées à ce sujet.
 
3.
 
Le recours doit donc être admis pour ce motif. L'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée au TAF pour nouvelle décision. Conformément à l'art. 66 al. 4 LTF, il n'est pas perçu de frais judiciaires. Une indemnité de dépens est allouée au recourant; celle-ci est mise à la charge de la Confédération (DFJP).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours formé par Magalie Goumaz est irrecevable.
 
2.
 
Le recours formé par Erik Reumann est admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt attaqué est annulé. La cause est renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour nouvelle décision.
 
3.
 
Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée au recourant Erik Reumann, à la charge de la Confédération (Département fédéral de justice et police).
 
4.
 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire des recourants, au Département fédéral de justice et police et au Tribunal administratif fédéral, Cour I, ainsi qu'à Walter Eberle et Yves Bichsel.
 
Lausanne, le 19 mai 2010
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Le Greffier:
 
Féraud Kurz
 
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