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Informationen zum Dokument  BGer 9C_237/2010  Materielle Begründung
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BGer 9C_237/2010 vom 30.08.2010
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
9C_237/2010
 
Arrêt du 30 août 2010
 
IIe Cour de droit social
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges U. Meyer, Président,
 
Kernen et Pfiffner Rauber.
 
Greffière: Mme M. Moser-Szeless.
 
 
Participants à la procédure
 
C.________,
 
représentée par Me Anne-Catherine Lunke Paolini, recourante,
 
contre
 
sansan Assurances SA, Droit des assurances Suisse romande, avenue de Provence 15, 1000 Lausanne,
 
intimée.
 
Objet
 
Assurance-maladie (soins médicaux),
 
recours contre le jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du 10 février 2010.
 
Faits:
 
A.
 
C.________, née en 1968, est obligatoirement assurée auprès de Sansan Assurances SA (ci-après: la caisse) pour les soins en cas de maladie. Atteinte de dysgnathie (rétromaxillie et prognathie mandibulaire), elle a été soignée par les docteurs L.________, spécialiste en orthopédie dento-faciale, et R.________, spécialiste en chirurgie orale. Les interventions effectuées par ces médecins pour corriger la dysgnathie ont été prises en charge par la caisse. Par courrier du 6 mars 2007, le docteur L.________ a informé l'assureur-maladie que la patiente devait encore subir, après la pose de l'appareil orthodontique, un traitement prothétique auprès de son médecin-dentiste traitant, afin de réhabiliter les premières molaires inférieures manquantes parce qu'il avait fallu rouvrir, respectivement stabiliser, l'espace de ces deux dents (36 et 46). Le 23 août 2007, la doctoresse S.________, dentiste traitant, a envoyé à la caisse un devis de l'ordre de 10'275 fr. 40 relatif à la pose de deux ponts céramo-métalliques pour remplacer les dents 36 et 46. Par décision du 2 septembre 2008, confirmée le 10 juin 2008 (recte 2009) sur opposition de l'assurée, la caisse a refusé la prise en charge de ces prestations, au motif que les dents en cause avaient été extraites avant le traitement entrepris par les docteurs L.________ et R.________.
 
B.
 
Statuant le 10 février 2010 sur le recours formé par C.________ contre la décision sur opposition, la Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel l'a rejeté.
 
C.
 
C.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont elle demande l'annulation. Elle conclut principalement au renvoi de la cause à l'instance inférieure pour nouvelle décision au sens des considérants. A titre subsidiaire, elle demande à ce que la caisse soit condamnée à prendre en charge le traitement dentaire selon le devis de la doctoresse S.________ du 23 août 2007.
 
La caisse conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Le litige porte sur le droit de la recourante à la prise en charge par l'intimée des frais du traitement dentaire envisagé par la doctoresse S.________ dans son devis du 23 août 2007 (pose de deux ponts céramo-métalliques pour le remplacement des dents 36 et 46).
 
2.
 
2.1 Selon les constatations de la juridiction cantonale - qui ne sont pas contestées par la recourante et lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF) -, la recourante est atteinte d'une infirmité congénitale sous la forme d'une prognathie inférieure. A cet égard, le jugement entrepris expose correctement les règles légales et la jurisprudence sur la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins des coûts des frais dentaires entraînés par certaines infirmités congénitales (art. 31 al. 1 LAMal, 33 let. d OAMal et art. 19a OPAS; ATF 130 V 294), dont la prognathie inférieure congénitale (art. 19a al. 2 ch. 22 OPAS). Il suffit donc d'y renvoyer.
 
2.2 On rappellera cependant que selon la jurisprudence, les traitements dentaires consécutifs à une infirmité congénitale au sens de l'art. 27 LAMal n'ouvrent droit aux prestations de l'assurance-maladie obligatoire des soins que lorsque les conditions de l'art. 31 al. 1 LAMal sont réalisées (ATF 129 V 80). Précisant ce principe, le Tribunal fédéral a jugé que seuls doivent être considérés comme nécessaires après la vingtième année au sens de l'art. 19a al. 1 let. a OPAS les traitements dentaires occasionnés par une infirmité congénitale qui, en raison d'une indication médicale, requièrent des soins après l'accomplissement de la vingtième année. C'est pourquoi l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie ne peut être appelée à prendre en charge des frais occasionnés par des traitements qui auraient pu être exécutés avant l'accomplissement de la vingtième année - partant, être pris en charge par l'assurance-invalidité - et qui ne l'ont pas été pour des motifs échappant à la sphère d'influence de l'assurance-maladie (ATF 130 V 294; voir aussi l'arrêt K 48/03 du 3 juin 2004, in RAMA 2001 n° KV 296 p. 352).
 
3.
 
Se fondant sur les allégations de la recourante, selon lesquelles l'affection congénitale qu'elle présentait aurait justifié une prise en charge par l'assurance-invalidité avant ses vingt ans, ainsi que sur l'absence d'élément au dossier en faveur de la nécessité de pratiquer le traitement dentaire litigieux seulement au moment où elle avait atteint plus de trente cinq ans, la juridiction cantonale a considéré que celui-ci n'aurait pas été à la charge de l'intimée en vertu des principes légaux et jurisprudentiels qu'elle avait rappelés.
 
Compte tenu de la prise en charge par l'intimée des interventions des docteurs R.________ et L.________, les premiers juges ont encore examiné les prétentions sous l'angle du droit à la protection de la bonne foi. Ils ont retenu que l'intimée n'avait donné aucune assurance à la recourante en ce qui concerne le remboursement des coûts de la pose des ponts céramo-métalliques litigieux. Quant à l'absence de réaction de l'assureur-maladie à la lettre du docteur L.________ du 6 mars 2007, la recourante ne pouvait rien en tirer puisqu'elle n'avait pris aucune disposition qu'elle ne pouvait modifier sans subir de préjudice. Aussi, les conditions du droit à la protection de la bonne foi n'étaient-elles pas réalisées et la recourante ne pouvait-elle prétendre la prise en charge du traitement dentaire en cause.
 
4.
 
4.1 Invoquant une appréciation arbitraire des preuves, la recourante reproche tout d'abord à la juridiction cantonale d'avoir déduit de ses seuls allégués - tirés hors de leur contexte - que l'ensemble du traitement dentaire aurait justifié une prise en charge par l'assurance-invalidité avant ses vingt ans et n'aurait dès lors pas été à la charge de l'intimée. Se fondant sur une argumentation totalement nouvelle relative au fait que le traitement avait eu lieu alors que l'assurée était âgée de trente cinq ans, les premiers juges auraient été tenus, à ses yeux, d'instruire ce point.
 
4.2 L'appréciation des preuves est arbitraire lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9). L'appréciation des preuves doit être arbitraire non seulement en ce qui concerne les motifs évoqués par la juridiction cantonale pour écarter un moyen de preuve, mais également dans son résultat (ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4 sv).
 
4.3 La constatation de la juridiction cantonale selon laquelle l'ensemble du traitement dentaire suivi par l'assurée aurait pu être effectué avant la limite temporelle de vingt ans prévue à l'art. 19a al. 1 OPAS repose sur les seules indications de la recourante, qui avait mentionné dans son mémoire de recours que sa maladie congénitale aurait justifié une prise en charge par l'assurance-invalidité avant ses vingt ans. Dans la mesure où il s'agit ici d'une constatation d'ordre médical qui requerrait en principe l'avis d'un médecin-dentiste - puisqu'il appartient en premier lieu à un spécialiste en médecine dentaire de se prononcer sur la nécessité d'un traitement médical avant l'accomplissement d'une certaine limite d'âge -, les critiques de la recourante ne sont pas dénuées de pertinence, en tant qu'elle reproche à la juridiction cantonale de n'avoir pas recouru à d'autres éléments de preuve que ses propres déclarations.
 
Dans son résultat toutefois, l'appréciation des preuves à laquelle ont procédé les premiers juges n'apparaît pas arbitraire, de sorte qu'il n'y a pas lieu de s'en écarter. Outre le fait que la recourante n'avance aucun moyen de preuve qui lui permettrait d'en établir le caractère insoutenable, la constatation des premiers juges est en effet conforme aux pièces du dossier. Tant le docteur L.________ (rapport du 29 juin 2004 adressé à l'assureur-maladie de l'époque) que son confrère R.________ (rapport du 16 mars 2006) ont mentionné que la malocclusion dentaire et squelettique aurait justifié une prise en charge par l'assurance-invalidité avant vingt ans, respectivement par le passé ("zu einem früheren Zeitpunkt"). En conséquence, c'est à juste titre que la juridiction cantonale a nié le droit de la recourante à la prise en charge des frais litigieux en vertu de l'art. 19a al. 2 ch. 22 OPAS, l'assureur-maladie ne pouvant être appelé à répondre des coûts résultant d'un traitement qui aurait pu être effectué avant que le patient n'atteigne l'âge de vingt ans (ATF 130 V 294).
 
5.
 
Il en va de même en ce qui concerne le refus des prestations en cause sous l'angle du droit à la protection de la bonne foi - les conditions en ayant été correctement exposées dans le jugement entrepris auquel on peut renvoyer -, dont la recourante invoque en vain une violation. Indépendamment du point de savoir si, comme elle le fait valoir, elle aurait reçu de l'intimée une "couverture de principe" au traitement de l'infirmité congénitale, il n'apparaît pas qu'elle se soit fondée sur les assurances dont elle se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles elle ne saurait renoncer sans subir de préjudice. Elle ne le prétend du reste pas.
 
6.
 
Cela étant, l'infirmité congénitale dont souffre la recourante (prognathia inferior congenita au sens de l'art. 19a al. 2 ch. 22 OPAS) doit être assimilée à une maladie grave du système de la mastication au sens de l'art. 31 al. 1 let. a LAMal (ATF 129 V 80 consid. 6 ab initio p. 88; Gebhard Eugster, Bundesgesetz über die Krankenversicherung, 2010, ad art. 31 n° 42), auquel se rapportent les éventualités prévues à l'art. 17 OPAS.
 
6.1 Au nombre des maladies graves et non évitables du système de la mastication ouvrant droit à la prise en charge des coûts des traitements dentaires par l'assurance obligatoire des soins figurent notamment les dysgnathies qui provoquent des affections pouvant être qualifiées de maladies, tels qu'un syndrome de l'apnée du sommeil (art. 17 let. f ch. 1 OPAS), des troubles graves de la déglutition (ch. 2) ou des asymétries graves cranio-faciales (ch. 3). La liste contenue à l'art. 17 let. f OPAS n'est pas exemplative mais limitative: seules, et pour autant qu'elles puissent être qualifiées de maladies, les affections mentionnées aux ch. 1 à 3 provoquées par des dysgnathies inévitables sont susceptibles d'entraîner la prise en charge des coûts de traitements dentaires par l'assurance obligatoire des soins. Les dysgnathies mentionnées à l'art. 17 let. f ch. 3 OPAS revêtent en soi un caractère de gravité dans la mesure où elles provoquent des asymétries cranio-faciales graves (ATF 129 V 275 consid. 6.2 et 6.3 p. 281).
 
6.2 Au regard de l'atteinte à la santé constatée et de l'avis du dentiste traitant (du 23 novembre 2007), qui a fait état chez sa patiente d'une dysgnathie avec asymétrie grave cranio-faciale, ni l'intimée, ni la juridiction cantonale n'étaient fondés en l'espèce à nier le droit de la recourante à la prise en charge des prestations requises sans examiner si les conditions de l'art. 17 let. f ch. 3 OPAS étaient réalisées (avant les interventions chirugicale et orthodontique). En particulier, compte tenu du principe inquisitoire qui régit la procédure administrative en matière d'assurance sociale (cf. art. 43 al. 1 LPGA), l'assureur-maladie ne pouvait se contenter d'indiquer qu'il ne disposait d'aucun élément lui permettant d'évaluer et de mesurer le degré de gravité au sens de cette disposition de l'OPAS (courrier du 16 janvier 2008 à la doctoresse S.________) et refuser, sans autre mesure d'instruction, la prise en charge en question. Etant donné l'avis du dentiste traitant, le dossier contenait des indices suffisants pour que l'administration et, à défaut, l'autorité judiciaire cantonale se prononcent sur le droit en question sous l'angle des art. 31 al. 1 let. a LAMal et 17 OPAS (cf. aussi l'arrêt K 11/06 du 11 juillet 2006 consid. 3).
 
6.3 En conséquence, et au regard du pouvoir d'examen restreint du Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), il convient de renvoyer la cause à l'autorité cantonale de recours pour qu'elle examine la prise en charge par l'assurance obligatoire des soins des coûts du traitement en cause au titre de l'art. 17 let. f ch. 3 OPAS. Le cas échéant, il lui appartiendra également de se prononcer sur l'existence d'un lien de causalité entre la nécessité d'administrer le traitement envisagé par la doctoresse S.________ et l'atteinte dont souffre la recourante (cf. ATF 129 V 80 consid. 6.1 p. 88) qui fait l'objet d'une controverse non résolue entre les parties.
 
Partant, le recours apparaît bien fondé.
 
7.
 
Etant donné l'issue de la procédure, qui est onéreuse (art. 65 al. 4 let. a LTF), l'intimée qui succombe supportera les frais judiciaires y afférents (art. 66 al. 1 LTF) et versera à la recourante une indemnité de dépens (art. 68 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel du 10 février 2010 est annulé. La cause est renvoyée audit Tribunal pour qu'il procède conformément aux considérants et rende une nouvelle décision.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
 
3.
 
L'intimée versera à la recourante la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour la dernière instance.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif du canton de Neuchâtel et à l'Office fédéral de la santé publique.
 
Lucerne, le 30 août 2010
 
Au nom de la IIe Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: La Greffière:
 
Meyer Moser-Szeless
 
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