BGer 6B_722/2010 | |||
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BGer 6B_722/2010 vom 17.02.2011 | |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 0/2}
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6B_722/2010
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Arrêt du 17 février 2011
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Cour de droit pénal
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Composition
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MM. et Mme les Juges Favre, Président,
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Schneider, Wiprächtiger, Mathys et
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Jacquemoud-Rossari.
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Greffier: M. Rieben.
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Participants à la procédure | |
Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1014 Lausanne,
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recourant,
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contre
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X.________, représenté par
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Me Guy Bernard Dutoit, avocat,
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intimé.
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Objet
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Fixation de la peine,
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recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 24 février 2010.
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Faits:
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A.
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Par jugement du 26 janvier 2010, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a reconnu X.________ coupable d'entrave à l'action pénale et de violation du secret de fonction et l'a condamné à une peine pécuniaire de 45 jours-amende de 50 francs chacun avec sursis et délai d'épreuve de trois ans, ainsi qu'à une amende de 500 francs.
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B.
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La Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours interjeté par le Ministère public contre le jugement précité par arrêt du 24 février 2010, fondé sur les principaux éléments de fait suivants.
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Arrivé en Suisse en 1989, X.________ a officié au service des autorités vaudoises depuis le 30 mars 2005 comme interprète. Dans le cadre d'une enquête portant sur un trafic international de cocaïne, il s'est aperçu qu'une des personnes surveillées, Y.________, était un compatriote qu'il connaissait depuis de nombreuses années. Le 30 mai 2008, il a ainsi avisé le neveu de ce dernier de ce que son oncle devait prendre garde et a fait allusion à une affaire concernant des personnes se trouvant aux Pays-Bas et à Lucerne. Y.________ en a été informé et certains raccordements téléphoniques n'ont plus été utilisés, ce qui a contraint la police à effectuer de nouvelles recherches.
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C.
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Le Ministère public forme un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral contre le jugement cantonal. Contestant la quotité de la peine prononcée à l'encontre de X.________, il conclut à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi du dossier à la Cour de cassation pénale pour qu'il soit statué à nouveau.
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X.________ conclut au rejet du recours et à la confirmation de la décision attaquée, sollicitant l'assistance judiciaire. Le Tribunal cantonal s'est référé aux considérants de son arrêt.
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Considérant en droit:
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1.
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1.1 Le litige est circonscrit à la question de la quotité de la peine prononcée à l'encontre de l'intimé.
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1.2 Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
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1.2.1 Les critères énumérés de manière non exhaustive par l'art. 47 CP correspondent à ceux fixés par l'art. 63 aCP et la jurisprudence élaborée en application de cette disposition, qui conserve toute sa valeur (ATF 134 IV 17 consid. 2.1 p. 19).
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1.2.2 Ainsi, la culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente); du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). A ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 129 IV 6 consid. 6.1 p. 20).
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1.2.3 L'art. 47 CP confère un large pouvoir d'appréciation au juge. Par conséquent, celui-ci ne viole le droit fédéral en fixant la peine que s'il sort du cadre légal, s'il se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, s'il omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 134 IV 17 consid. 2.1; 129 IV 6 consid. 6.1 et les références citées).
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2.
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Dans un premier grief, le recourant soutient que deux critères étrangers à l'art. 47 CP ont été pris en compte.
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2.1
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2.1.1 Il soutient d'abord que la qualité du travail de l'intimé n'aurait pas dû être retenue comme élément à décharge. De la sorte, il profite du fait qu'il est connu de la justice vaudoise, qui apprécie son travail, ce dont un autre accusé n'aurait pas pu bénéficier. La Cour de cassation a considéré, pour sa part, qu'il s'agissait d'un élément pertinent, sous l'angle de l'effet de la peine sur l'avenir du condamné, démontrant sa bonne socialisation.
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2.1.2 Comme exposé supra (cf. consid. 1.2.2), la réputation et la situation professionnelles de l'auteur doivent être prises en compte lors de la fixation de la peine. De bonnes qualifications professionnelles permettent en effet d'inférer notamment de l'engagement, de la conscience professionnelle, de la fiabilité et de la sociabilité de l'intéressé et constituent autant d'éléments susceptibles de donner un éclairage sur sa personnalité. Dans ce contexte, la qualité du travail fourni par l'intimé constitue indiscutablement un élément pertinent. En l'occurrence, celle-ci démontre l'implication de l'intéressé en faveur de la justice durant plusieurs années et le caractère isolé des infractions commises dans un parcours professionnel par ailleurs irréprochable. Pour autant, le condamné ne bénéficie pas d'un traitement privilégié dans la mesure où un accusé inconnu de la justice aurait également pu profiter d'une telle circonstance en sollicitant l'audition de témoins sur cette question. Inversement, une mauvaise réputation aurait pu être retenue en sa défaveur. Enfin, le recourant tient lui-même compte de cet élément dans le cadre de sa discussion de la culpabilité de l'intimé. Il indique en effet que celui-ci a trahi la confiance placée en lui, ce qui est "d'autant plus détestable que celle-ci était importante du fait de la qualité de son travail et de son monopole de fait" (recours, ch. 3 p. 3).
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La cour cantonale pouvait dès lors, sans violer le droit fédéral, considérer que la qualité du travail de l'intimé était un élément pertinent à prendre en compte dans le cadre de la fixation de la peine.
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2.2
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2.2.1 Le recourant soutient ensuite que la perte, par l'intimé, de son statut d'interprète auprès des autorités vaudoises n'est pas un élément à retenir à décharge puisqu'il a retrouvé un emploi similaire. La Cour de cassation pénale a, par contre, considéré que l'intimé avait certes retrouvé un tel poste, mais il n'en restait pas moins qu'il n'officiait plus dans le canton de Vaud, ce dont il fallait tenir compte.
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2.2.2 Les conséquences de l'infraction, telle la perte de son emploi par l'auteur de l'infraction, peuvent constituer, parmi les facteurs liés à l'auteur lui-même, un élément pertinent à prendre en compte dans le cadre de l'art. 47 CP, pour autant que ces conséquences présentent une certaine intensité (ATF 120 IV 67 consid. 2b p. 72; arrêt 6S.596/2000 du 22 février 2001 consid. 2b; 6S.148/2004 du 28 juillet 2004 consid. 1.4).
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2.2.3 En l'occurrence, il est constant que l'intimé a perdu son poste d'interprète dans le canton de Vaud, mais qu'il en a retrouvé un pour le compte des autorités bernoises. L'arrêt cantonal n'indique cependant pas s'il a immédiatement trouvé cette activité, respectivement combien de temps il serait resté sans emploi.
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La décision attaquée ne constate pas non plus s'il a subi une diminution de revenus et, cas échéant, de combien. Sur ce point, l'intimé - qui indique dans sa réponse au recours que celle-là serait de trois-quarts - n'est pas recevable à compléter l'état de fait devant le Tribunal fédéral (cf. art. 102 al. 1 LTF).
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Enfin, on ignore s'il a dû quitter son domicile pour se rapprocher de Berne ou s'il a subi d'autres inconvénients sur le plan personnel et familial en raison de la perte de son emploi (cf. arrêt 6S.148/2004 du 28 juillet 2004 consid. 1.4). Il s'agit pourtant là d'éléments indispensables pour déterminer si l'infraction a eu des conséquences suffisamment intenses pour être prises en compte lors de la fixation de la peine de l'intimé. L'autorité cantonale devra donc instruire sur ce point.
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2.3 La Cour de céans observe par ailleurs que l'absence d'antécédents judiciaires de l'intimé a été prise en compte comme un élément à décharge dans le cadre de la fixation de la peine. Selon la jurisprudence la plus récente, cette circonstance a toutefois un effet neutre et n'a donc pas à être retenu dans un sens atténuant, sauf circonstance exceptionnelle (ATF 136 IV 1 consid. 2.6.4 p. 3). L'arrêt attaqué ne contient aucune indication particulière susceptible de justifier la prise en compte du défaut d'antécédent judiciaire et il appartiendra dès lors à l'autorité cantonale de motiver sa décision sur ce point.
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2.4 Il résulte de ce qui précède que la peine a été fixée sur la base de critères étrangers à l'art. 47 CP, entraînant une violation du droit fédéral. Pour ce motif déjà, il y a lieu d'admettre le recours.
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3.
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Dans un second moyen, le recourant voit une discordance entre la motivation de la peine prononcée et la quotité de celle-ci, laquelle aurait dû être sensiblement plus élevée au regard de l'infraction commise.
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3.1 Le jugement du Tribunal de police, auquel la Cour de cassation renvoie (cf. consid. 3b), a retenu que la culpabilité de l'intimé n'était "pas lourde". Certes, les actes qui lui étaient reprochés étaient-ils graves puisque celui-ci avait révélé à une personne faisant l'objet de poursuites pénales, par l'intermédiaire d'un tiers, des informations couvertes par le secret de l'instruction. En outre, les autorités avaient placé en lui une confiance accrue du fait qu'il était le seul à parler certains dialectes africains. Le Tribunal de police a néanmoins considéré qu'outre les éléments déjà évoqués (cf. supra consid. 2.1 à 2.3), l'admission spontanée des faits par l'intimé, les regrets sincères qu'il avait exprimés, le caractère isolé de l'infraction commise, l'absence de dessein de s'enrichir ou de nuire, ainsi que la naïveté de l'intimé devaient être pris en compte à décharge. Au vu de ce qui précède, la Cour de cassation a considéré que la peine prononcée de 45 jours-amende était très clémente, mais qu'elle échappait néanmoins au grief d'arbitraire.
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3.2 L'autorité cantonale s'est référée à bon droit à la décision du Tribunal de police en tant qu'elle a estimé, pour des motifs pertinents, que les agissements de l'intimé étaient graves. Elle a en outre souligné à juste titre le concours d'infraction et le préjudice causé dans une enquête nécessitant des investigations particulièrement poussées. L'intéressé conteste certes que la police ait dû procéder à de nouvelles recherches après qu'il eût avisé le neveu de Y.________, ce qu'il n'est toutefois pas recevable à faire dans sa réponse au recours (cf. supra consid. 2.2.3).
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Au demeurant, il peut être relevé que les infractions en cause n'étaient pas anodines puisqu'elles avaient trait à un trafic international de drogue, susceptible de mettre en danger la santé de nombreuses personnes. L'intimé a de surcroit trahi sans juste motif la confiance des autorités avec lesquelles il collaborait régulièrement, privilégiant un compatriote qu'il connaissait certes depuis de nombreuses années, mais dont il n'a pas allégué qu'il en était particulièrement proche. Enfin, l'attention de l'intimé avait été attirée sur le caractère pénal d'une fausse traduction en justice ou d'une violation de son secret de fonction, ce qui ne l'a pas dissuadé de commettre les actes qui lui sont reprochés.
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En revanche, il ressort du dossier (art. 105 al. 2 LTF) que l'intimé n'a pas admis de manière totalement spontanée avoir prévenu son compatriote, mais seulement après avoir été confronté, par la police, aux déclarations de celui-ci et de son neveu (cf. le procès-verbal de son audition du 24 juillet 2008). Il convient également d'accorder une portée toute relative aux regrets de l'intimé. En effet, il a formé opposition à l'ordonnance de condamnation prononcée à son encontre par le juge d'instruction et a conclu à son acquittement devant le Tribunal de police, contestant la réalisation des infractions qui lui sont reprochées, ce qui dénote chez lui une certaine absence de prise de conscience de la gravité de ses actes et de repentir. De même, il a fait preuve d'une certaine habileté en prenant soin de contacter un tiers et de ne pas entrer dans les détails, mais suffisamment tout de même pour que la personne visée par l'enquête de police comprenne qu'elle devait se méfier, de sorte qu'il n'a pas agi par naïveté comme l'a retenu le Tribunal de police.
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3.3 L'autorité cantonale a ainsi tenu compte, lors de la fixation de la peine, d'éléments à décharge qui ne pouvaient pas l'être et qui ne sont pas aptes à la motiver. Eu égard à la gravité de la faute de l'intimé qui est relativement lourde au regard de l'ensemble des circonstances, en particulier la gravité des agissements en cause, la peine fixée à 45 jours-amende apparaît exagérément légère au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation. L'autorité cantonale devra donc fixer une nouvelle peine sur la base de l'ensemble des éléments qui peuvent être retenus, y compris, le cas échéant, ceux indiqués supra aux considérants 2.2. et 2.3.
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4.
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4.1 Le Ministère public, qui obtient ainsi gain de cause, ne saurait se voir allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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4.2 L'intimé a requis le bénéfice de l'assistance judiciaire. Dès lors qu'il est dans le besoin et que ses conclusions ne paraissaient pas d'emblée vouées à l'échec, l'assistance judiciaire doit lui être accordée (art. 64 al. 1 LTF). L'intimé requiert la désignation de Me Guy Bernard Dutoit en qualité d'avocat d'office. Il y a lieu d'accéder à cette requête et de fixer d'office les honoraires de l'avocat, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est admis et l'arrêt attaqué annulé.
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2.
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La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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3.
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La requête d'assistance judiciaire de l'intimé est admise et Me Guy Bernard Dutoit, avocat, désigné conseil d'office de l'intimé.
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4.
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Il n'est pas prélevé de frais judiciaires.
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5.
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Une indemnité de 1500 fr. est allouée à Me Guy Bernard Dutoit par la caisse du Tribunal fédéral, au titre de l'assistance judiciaire.
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6. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale.
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Lausanne, le 17 février 2011
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Le Greffier:
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Favre Rieben
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© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR). |