BGer 8C_306/2010 | |||
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BGer 8C_306/2010 vom 25.02.2011 | |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 0/2}
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8C_306/2010
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Arrêt du 25 février 2011
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Ire Cour de droit social
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Composition
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MM. les Juges Ursprung, Président, Frésard et Maillard.
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Greffière: Mme von Zwehl.
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Participants à la procédure | |
B.________, représenté par Me Philippe Degoumois, avocat,
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recourant,
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contre
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Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
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intimée.
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Objet
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Assurance-accidents (rente d'invalidité),
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recours contre le jugement de la Chambre des assurances du Tribunal cantonal jurassien du 11 mars 2010.
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Faits:
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A.
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B.________ travaillait comme ouvrier de fonderie au service de l'entreprise X.________ SA. A ce titre, il était assuré contre le risque d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse en cas d'accidents (CNA).
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Le 28 janvier 2005, B.________ a été victime d'un accident professionnel. Alors qu'il se tenait au-dessous d'une poche de fonte liquide à 1'200 degrés, une petite quantité du métal en fusion a coulé sur sa main et sa jambe gauches jusque dans sa botte, ce qui lui a occasionné des brûlures du 2ème degré à la main et sous la plante du pied gauche et du 3ème degré sur le dos du pied gauche. B.________ a été hospitalisé jusqu'au 28 février 2005 à l'Hôpital Y.________ et à l'Hôpital Z.________ où il a subi des greffes de peau. La CNA a pris le cas en charge.
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Les lésions de la peau ayant évolué favorablement, l'assuré a pu reprendre le travail à 50 % le 24 mai 2005 dans un autre département de l'entreprise. Il s'est toutefois plaint de douleurs et de gonflement au pied gauche ainsi que de l'apparition de troubles dorsaux liés à une décharge d'épargne sur le pied droit (cf. rapport du 30 novembre 2005 du docteur C.________, médecin d'arrondissement de la CNA). Du 7 mars au 11 avril 2006, B.________ a séjourné à la Clinique W.________. Les médecins de cet établissement n'ont pas observé de déficit sensivo-moteur sur les grands axes neurologiques ni de problème vasculaire pouvant expliquer la diminution de la force de flexion et d'extension de la cheville ni les douleurs au pied gauche. Au plan psychique, un trouble de l'adaptation avec humeur dépressive [F.43.2] a été retenu (rapport du 13 avril 2006).
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A partir du mois de mars 2007, l'assuré a été suivi par les docteurs R.________ et U.________ de la consultation de la douleur du département d'anesthésie de l'Hôpital Z.________ (ci-après : consultation de la douleur). Le 3 octobre 2007, le docteur M.________, de la division de médecine des assurances de la CNA, a procédé à un examen médical final au terme duquel il a conclu que l'activité actuelle exercée à 50 % par l'assuré était contre-indiquée dès lors que celui-ci travaillait debout et que la capacité de travail pourrait être entière dans une activité adaptée aux séquelles fonctionnelles de l'accident; cette exigibilité lui semblait néanmoins compromise en raison de troubles psychogènes. Ce médecin estimait à 20 % l'atteinte à l'intégrité. Dans un rapport daté du 26 mai 2008, les docteurs U.________ et E.________ de la consultation de la douleur ont posé le diagnostic d'un syndrome douloureux complexe neuropathique («Komplexes neuropathisches Schmerzsyndrom Fuss links») et ont fait le constat de l'échec des traitements médicamenteux entrepris sur l'état douloureux de leur patient. Il était mis un terme au suivi médical, B.________ étant renvoyé à son médecin de famille, le docteur A.________.
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Par décision du 24 juillet 2008, la CNA a alloué à B.________ une rente LAA fondée sur un degré d'invalidité de 13 % dès le 1er août 2008, ainsi qu'une indemnité pour atteinte à l'intégrité d'un taux de 20 %. L'assuré a formé opposition contre cette décision. Après avoir requis l'avis du docteur T.________, neurologue et psychiatre de sa division de médecine, qui a écarté l'éventualité d'une atteinte neurologique ou d'un syndrome douloureux neuropathique en relation avec l'accident (appréciation du 15 juin 2009), la CNA a rejeté l'opposition dans une nouvelle décision du 25 septembre 2009.
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Entre-temps, l'Office de l'assurance-invalidité du canton du Jura a refusé la demande de rente d'invalidité présentée par B.________ compte tenu d'un degré d'invalidité fixé à 14 % (décision du 11 juillet 2008).
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B.
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L'assuré a recouru contre la décision sur opposition de la CNA devant la Chambre des assurances du Tribunal cantonal jurassien, qui a rejeté le recours (jugement du 11 mars 2010).
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C.
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B.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont il requiert l'annulation. Il conclut, sous suite de frais et dépens, à l'octroi, par la CNA, de prestations d'assurance LAA fondées sur la reconnaissance d'une capacité de travail résiduelle de 50 %; à titre subsidiaire, à la mise en oeuvre d'une expertise médicale pluridisciplinaire.
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La CNA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit:
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1.
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Le litige porte sur le droit à la rente du recourant, singulièrement sur le taux d'invalidité qu'il présente. Dans la procédure de recours concernant une prestation en espèces de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par l'état de fait constaté par la juridiction précédente (cf. art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF).
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2.
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Les premiers juges exposent correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables au cas. Il suffit de renvoyer à leurs considérants.
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3.
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Dans sa décision sur opposition, la CNA a retenu que les plaintes de l'assuré n'étaient pas «entièrement objectivables» et qu'il présentait une affection d'origine psychique sous la forme d'un trouble de l'adaptation avec humeur dépressive. Elle a admis l'existence d'un lien de causalité naturelle entre ce trouble psychique et l'accident. Elle a, en revanche, nié le caractère adéquat du trouble au regard des critères consacrés par la jurisprudence en présence d'un accident de gravité moyenne comme celui dont avait été victime B.________ (cf. ATF 115 V 133 consid. 6 p. 138 ss et 403 consid. 5 p. 407 ss). Toujours selon la CNA, l'assuré ne pouvait donc prétendre à être indemnisé que pour les seules séquelles organiques de l'accident. A cet égard, les docteurs M.________ et T.________ avaient considéré qu'une activité adaptée permettant d'alterner les positions assise/debout et d'étendre le membre inférieur gauche était exigible à plein temps. Il en résultait un taux d'incapacité de gain de 13 %.
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La juridiction cantonale a confirmé ce point de vue.
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4.
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Le recourant conteste l'évaluation de sa capacité de travail. Il soutient qu'il n'est pas apte à travailler à un taux supérieur à 50 % car il présente toujours des douleurs et son pied gonfle après quelques heures d'activité. D'ailleurs, jusqu'à la décision litigieuse, tous les médecins avaient attesté une incapacité de travail de 50 %. Le docteur M.________ n'avait apporté aucun argument médical nouveau pour justifier une appréciation différente de la situation et son opinion était manifestement contradictoire à celle exprimée par le corps médical auparavant. La question de sa capacité de travail résiduelle méritait à tout le moins des éclaircissements supplémentaires, ce d'autant qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une véritable expertise afin de déterminer de manière précise quelles étaient les conséquences de ses blessures. Enfin, le recourant fait valoir que l'accident qu'il a subi doit être classé à la limite supérieure des accidents de gravité moyenne et qu'il réunit suffisamment de critères déterminants pour que l'existence d'un rapport de causalité adéquate soit admis.
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5.
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A titre préalable, il y a lieu de rappeler qu'aux termes de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à l'appui d'un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (voir également ATF 135 V 194). Les documents médicaux (datés des 21 avril, 18 juin, 21 octobre et 2 novembre 2010) produits par le recourant en annexe de son recours ne peuvent donc être pris en considération.
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6.
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En matière d'appréciation des preuves, le juge doit examiner objectivement tous les documents à disposition, quelle que soit leur provenance, puis décider s'ils permettent de porter un jugement valable sur le droit litigieux. Il ne peut écarter un rapport médical au seul motif qu'il est établi par le médecin interne d'un assureur social, respectivement par le médecin traitant (ou l'expert privé) de la personne assurée, sans examiner autrement sa valeur probante. Dans une procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations d'assurances sociales, le Tribunal fédéral a récemment précisé que lorsqu'une décision administrative s'appuie exclusivement sur l'appréciation d'un médecin interne à l'assureur social et que l'avis d'un médecin traitant ou d'un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l'un ou sur l'autre de ces avis et il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l'art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465).
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7.
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7.1 En l'occurrence, on doit constater que la juridiction cantonale n'a pas procédé à une appréciation complète des preuves médicales à sa disposition. Dans l'arrêt attaqué, elle s'est fondée sur l'évaluation des médecins de la CNA, en écartant les avis des médecins traitants A.________ et G.________ (des 20 août 2008 et 26 octobre 2009), mais n'a pas mentionné ni discuté le rapport des docteurs U.________ et E.________ (du 26 mai 2008), qui retiennent un syndrome douloureux complexe neuropathique. Or, il ne saurait être fait purement et simplement abstraction d'un diagnostic médical posé par des médecins spécialistes à l'issue d'un suivi thérapeutique de plus d'une année (de mars 2007 à mai 2008).
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7.2 Pour le docteur T.________, de la CNA, l'assuré ne présente aucun problème neurologique et les médecins de la consultation de la douleur auraient effectué un diagnostic erroné. D'une part, les examens pratiqués à la Clinique W.________ n'avaient pas mis en évidence de signe d'atteinte neurogène dans le membre inférieur gauche. D'autre part, l'absence de résultat des traitements prodigués à B.________ - lesquels étaient pourtant reconnus pour être efficaces dans les cas de neuropathie - démontrait que les douleurs dont celui-ci se plaignait n'avaient pas une origine neurologique. Sans dénier toute valeur à ces arguments médicaux, on peut tout de même observer que les docteurs U.________ et E.________ ont confirmé leur diagnostic après avoir constaté l'inefficacité des traitements entrepris et qu'ils n'ont à aucun moment évoqué l'éventualité d'une problématique purement psychique chez l'assuré comme l'a retenu l'intimée. On se trouve, en définitive, devant de deux avis médicaux qui s'opposent dans un domaine où la Cour de céans ne possède pas les connaissances spéciales nécessaires pour les départager. A cela s'ajoute que l'examen psychiatrique du recourant remonte à 2006 et que le psychiatre avait nié l'existence d'une affection psychiatrique significative ainsi que d'une incapacité de travail pour des motifs psychiques, retenant uniquement un trouble de l'adaptation «sur la base d'un abaissement modéré de l'humeur» (voir le consilium du docteur H.________ du 13 mars 2006), ce qui ne donne pas une explication satisfaisante à la symptomatologie du recourant.
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7.3 Dans ces circonstances, il subsiste des doutes suffisants sur la nature et l'origine des plaintes de B.________ pour qu'une instruction complémentaire au sens de la jurisprudence précitée (cf. consid. 6 supra) s'impose. Elle prendra la forme d'une expertise pluridisciplinaire associant les compétences d'un neurologue et d'un psychiatre, dès lors qu'il s'agit de vérifier l'éventualité d'une atteinte neurologique, respectivement d'un syndrome douloureux neuropathique, ou d'une affection de nature psychique. Les experts se prononceront également sur le lien de causalité naturelle des troubles qu'ils auront constatés ainsi que sur la capacité de travail résiduelle du recourant. La conclusion subsidiaire du recours se révèle ainsi bien fondée et la cause sera renvoyée à la CNA afin qu'elle mette en oeuvre une telle expertise.
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8.
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Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires seront mis à charge de l'intimée (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera également au recourant une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est admis en ce sens que le jugement du 11 mars 2010 de la Chambre des assurances sociales du Tribunal cantonal jurassien ainsi que la décision sur opposition du 25 septembre 2009 de la CNA sont annulés, la cause étant renvoyée à l'assureur-accidents pour qu'il procède conformément aux considérants et rende une nouvelle décision sur le droit aux prestations.
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2.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
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3.
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L'intimée versera au recourant la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la dernière instance.
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4.
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La cause est renvoyée à la Chambre des assurances sociales du Tribunal cantonal jurassien pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure cantonale.
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5.
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Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances du Tribunal cantonal jurassien, et à l'Office fédéral de la santé publique.
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Lucerne, le 25 février 2011
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Au nom de la Ire Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: La Greffière:
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Ursprung von Zwehl
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