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Informationen zum Dokument  BGer 6B_701/2011  Materielle Begründung
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BGer 6B_701/2011 vom 21.05.2012
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
6B_701/2011
 
Arrêt du 21 mai 2012
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
Mme et MM. les Juges Mathys, Président,
 
Schneider, Jacquemoud-Rossari, Denys et Schöbi.
 
Greffière: Mme Gehring.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________, représentée par Me Giuseppe Donatiello, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
Y.________, représenté par Me Romain Jordan, avocat,
 
Z.________, représentée par son curateur Me Claudio Realini, avocat,
 
Ministère public du canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
 
intimés.
 
Objet
 
Procédure pénale, qualité de partie plaignante,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 16 septembre 2011.
 
Faits:
 
A.
 
Il est reproché à Y.________ d'avoir violé le 22 novembre 2009 la mineure Z.________, née le 25 janvier 1995. A l'ouverture des débats devant le Tribunal correctionnel du canton de Genève, la mère de l'enfant, X.________, a déposé des conclusions civiles en son propre nom à concurrence de 26'835 fr. 25 tendant au paiement par Y.________ du dommage et du tort moral qu'elle prétendait avoir elle-même subis.
 
Par décision du 31 mai 2011, le Tribunal correctionnel du canton de Genève a constaté que X.________ n'avait pas qualité de partie plaignante.
 
Les débats se sont poursuivis sans X.________. Par jugement du 3 juin 2011, le Tribunal correctionnel a reconnu Y.________ coupable de viol et d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et l'a condamné à une peine privative de liberté de 3 ans, sous déduction de 380 jours de détention avant jugement, cette peine étant prononcée sans sursis à raison de 12 mois, le sursis partiel lui étant accordé pour le surplus avec délai d'épreuve de 4 ans. Le tribunal a accordé à l'enfant Z.________ une indemnité de 15'000 fr. pour tort moral.
 
B.
 
X.________ a formé un recours contre la décision du 31 mai 2011. Par arrêt du 16 septembre 2011, la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, a déclaré ce recours irrecevable, considérant qu'aucune voie de droit n'était ouverte à ce stade de la procédure.
 
C.
 
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal. Elle conclut, sous suite de dépens, principalement à son annulation, à ce que sa qualité de partie plaignante soit constatée, à ce que la cause soit renvoyée au Tribunal correctionnel, et à ce qu'il soit ordonné à la direction de la procédure de statuer sur ses conclusions civiles; subsidiairement, elle conclut à l'annulation et au renvoi de la cause en instance cantonale pour qu'il soit statué sur le recours cantonal. Elle sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.
 
Invités à se déterminer sur le recours, le Ministère public s'en remet à justice quant à la recevabilité d'un recours au plan cantonal et persiste pour le surplus dans ses observations déposées en instance cantonale, tandis que Z.________ s'en rapporte à justice et Y.________ conclut à l'admission du recours et au bénéfice de l'assistance judiciaire.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
L'arrêt attaqué, qui déclare irrecevable le recours interjeté au plan cantonal, même s'il met un terme à la procédure, n'est pas pour ce seul motif une décision finale au sens de l'art. 90 LTF. Il participe bien plutôt de la nature (incidente ou finale) de la décision de première instance (cf. arrêts 4A_712/2011 du 13 février 2012 consid. 2.1 et 5A_276/2010 du 10 août 2010 consid. 1.2), en l'occurrence la décision du Tribunal correctionnel du 31 mai 2011.
 
Cette décision, rendue non pas lors de la phase de la procédure préliminaire (art. 299 ss CPP) mais par l'autorité de jugement chargée de statuer sur le fond, rejette la qualité de partie plaignante de la recourante. Une telle décision met fin à la procédure à l'égard de l'un des consorts. Elle est donc finale à l'égard de cette partie, même si elle ne met pas fin à la procédure qui se poursuit entre les autres parties. La décision est donc partielle au sens de l'art. 91 let. b LTF (cf. ATF 134 III 379 consid. 1.1). Le recours est ainsi recevable sous l'angle de cette disposition. La Cour de droit pénal du Tribunal fédéral est compétente pour en traiter (art. 29 al. 3 et 33 let. b RTF).
 
2.
 
Aux termes de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Au 1er janvier 2011, le champ d'application de cette disposition, visant auparavant uniquement la victime, a été étendu à la partie plaignante. La condition que la décision attaquée puisse avoir des effets sur le jugement des prétentions civiles a toutefois été maintenue. La jurisprudence rendue sous l'ancien droit concernant cette exigence garde donc toute sa portée (ATF 137 IV 246 consid. 1.3.1). Indépendamment de cette exigence, le recourant reste habilité à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (cf. ATF 136 IV 29 consid. 1.9 et les réf. cit.).
 
En l'espèce, la recourante avait pris des conclusions civiles en première instance. Sa qualité de plaignante lui a été déniée et son recours cantonal a été déclaré irrecevable. Dans ces circonstances, il faut lui reconnaître la qualité pour agir au regard de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF.
 
3.
 
Seule la décision de dernière instance cantonale est susceptible d'être attaquée (art. 80 al. 1 LTF). L'objet du recours consiste ainsi uniquement à examiner la validité de la décision d'irrecevabilité prise par la Chambre pénale de recours. Les griefs et conclusions de la recourante qui tendent à ce que sa qualité de partie plaignante soit reconnue sortent par conséquent du cadre du recours et sont irrecevables.
 
4.
 
4.1 La Chambre pénale de recours a relevé, en référence à la version allemande du CPP, que l'exception prévue à l'art. 393 al. 1 let. b in fine CPP ne vise pas les décisions de "la" direction de la procédure au sens de l'art. 61 let. c CPP, mais les décisions "de" direction de la procédure rendues par le tribunal lui-même (verfahrensleitende Entscheide). Elle a considéré qu'en application de l'art. 65 al. 1 CPP, de telles ordonnances ne pouvaient être attaquées qu'avec la décision finale et a ainsi exclu qu'un recours soit ouvert selon l'art. 393 al. 1 let. b CPP.
 
4.2 La recourante est d'avis que la Chambre pénale de recours a violé l'art. 393 al. 1 let. b CPP en refusant d'entrer en matière sur son recours. Elle considère que la décision prise en première instance lui refusant la qualité de partie plaignante n'est pas une décision qui organise la procédure (verfahrensleitende Entscheide), pour laquelle un recours immédiat est exclu en vertu de l'art. 393 al. 1 let. b in fine CPP, mais qu'il s'agit bien plutôt d'une décision d'une autre nature, qui touche directement ses droits de partie et contre laquelle le recours doit être ouvert.
 
4.3 La décision rendue en première instance le 31 mai 2011 n'a pas tranché une question de droit matériel et ne revêt ainsi pas la forme d'un jugement selon l'art. 80 CPP. La voie de l'appel au sens des art. 398 ss CPP n'entre pas en ligne de compte contre une telle décision (cf. LUZIUS EUGSTER, Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 2 ad art. 398 CPP). Seul un recours au sens de l'art. 393 al. 1 let. b CPP peut être envisagé.
 
4.3.1 Aux termes de l'art. 393 al. 1 let. b CPP, le recours est recevable contre les ordonnances, les décisions et les actes de procédure des tribunaux de première instance, "sauf contre ceux de la direction de la procédure" (en allemand: "ausgenommen sind verfahrensleitende Entscheide"; en italien: "sono eccettuate le disposizioni ordinatorie"). Cette disposition doit être lue en corrélation avec l'art. 65 al. 1 CPP, aux termes duquel "les ordonnances rendues par les tribunaux" (en allemand : "verfahrensleitende Anordnungen der Gerichte"; en italien: "le disposizioni ordinatorie del giudice") ne peuvent être attaquées qu'avec la décision finale.
 
La doctrine mentionne notamment comme décision susceptible de recours selon l'art. 393 al. 1 let. b CPP la suspension provisoire de la procédure (art. 329 al. 2 CPP), le renvoi de l'acte d'accusation au ministère public (art. 329 al. 2 CPP), le classement de la procédure (art. 329 al. 4 CPP) (cf. MARC RÉMY, Commentaire romand, Code de procédure pénal suisse, 2011, n. 11 ad art. 393 CPP). En revanche, les ordonnances contre lesquelles un recours immédiat est exclu selon les art. 65 al. 1 et 393 al. 1 let. b in fine CPP concernent en particulier toutes les décisions qu'exigent l'avancement et le déroulement de la procédure avant ou pendant les débats. Tant le message du Conseil fédéral que la doctrine excluent un recours séparé contre les décisions prises lors des débats (cf. message du Conseil fédéral du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057 ss, spéc. p. 1296 ad art. 401 al. 1 let. b du projet; NIKLAUS SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, n. 12 ad art. 393 CPP; JEREMY STEPHENSON / GILBERT THIRIET, Basler Kommentar, Schweizerische Strafprozessordnung, 2011, n. 13 ad art. 393 CPP). Néanmoins, pour les décisions prises avant les débats, Niklaus Schmid propose de distinguer celles qui ont un caractère formel et celles qui ont un caractère matériel, un recours immédiat devant selon lui être ouvert contre ces dernières ( cf. NIKLAUS SCHMID, op. cit., n. 13 ad art. 393 CPP; contra JEREMY STEPHENSON / GILBERT THIRIET, op. cit., n. 13 ad art. 393 CPP).
 
4.3.2 Un courant de doctrine se penche sur le cas spécifique d'une décision d'exclusion de la qualité de partie plaignante prise lors des débats préalablement au jugement au fond. Pour la personne qui se voit dénier la qualité de partie plaignante lors des débats, le procès se termine. Elle ne peut plus participer à la suite des débats. A rigueur de loi, elle ne pourra pas former un appel contre le jugement au fond dès lors qu'elle n'est plus partie à la procédure et qu'elle n'a donc pas qualité pour agir. Dans cette configuration particulière, la voie d'un recours immédiat doit être ouverte (cf. THOMAS MAURER, Kommentierte Textausgabe zur schweizerischen Strafprozessordnung, Goldschmid/Maurer/Sollberger éditeurs, p. 393; ANDREAS J. KELLER, Kommentar zur StPO, Donatsch/Hansjakob/Lieber éditeurs, n. 19 ad art. 393 CPP).
 
4.4 Cette dernière approche doit être suivie. La décision préalable lors des débats d'exclure la qualité de partie plaignante a une portée particulière. Les effets d'une telle décision ne sont pas susceptibles d'être réparés par la suite. Contrairement à ce que suppose une partie de la doctrine (cf. JEREMY STEPHENSON/GILBERT THIRIET, op. cit., n. 13 in fine ad art. 393 CPP), un recours immédiat au Tribunal fédéral contre une telle décision n'est pas ouvert dès lors qu'elle émane d'une juridiction inférieure et qu'on ne saurait déduire du système légal que le législateur a délibérément opté pour une instance cantonale unique s'agissant d'une décision quant à la qualité de partie plaignante (cf. art. 80 LTF). Par ailleurs, admettre que la personne dont la qualité de partie plaignante a été déniée aux débats puisse ensuite former appel contre le jugement au fond et mettre en cause la décision préalable d'exclusion supposerait aussi une interprétation et un aménagement de la loi puisque précisément l'appel contre le jugement au fond est réservé à la partie qui a participé aux débats de première instance (cf. LUZIUS EUGSTER, op. cit., n. 7 ad art. 398 CPP). Le CPP n'offre donc pas de solution satisfaisante et il apparaît que le législateur a omis de tenir compte de la problématique spécifique de l'exclusion de la qualité de partie plaignante lors des débats. Cette lacune proprement dite doit être comblée. Il est préférable qu'une voie de droit immédiate soit ouverte et il se justifie ainsi de prévoir le recours de l'art. 393 al. 1 let. b CPP.
 
4.5 Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour qu'elle entre en matière sur le recours interjeté devant elle contre la décision rendue le 31 mai 2011 afin de se prononcer sur la qualité de partie plaignante ou non de la recourante.
 
5.
 
Vu l'issue de la procédure, il ne sera pas perçu de frais (art. 66 al. 4 LTF) et le canton de Genève versera à la recourante une indemnité de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 68 al. 1 et 2 LTF). La demande d'assistance judiciaire de la recourante est ainsi sans objet. L'intimé Y.________, qui a conclu à l'admission du recours, est mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Me Jordan est désigné comme avocat d'office et la caisse du Tribunal fédéral lui versera une indemnité à titre d'honoraires pour sa brève détermination.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est admis dans la mesure où il est recevable, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
 
2.
 
La demande d'assistance judiciaire de la recourante est sans objet.
 
3.
 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
4.
 
Une indemnité de 3'000 fr., à verser au conseil de la recourante à titre de dépens, est mise à la charge du canton de Genève.
 
5.
 
La demande d'assistance judiciaire de l'intimé est admise et Me Romain Jordan est désigné comme défenseur d'office. Une indemnité de 1'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à verser par la caisse du Tribunal fédéral.
 
6.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
 
Lausanne, le 21 mai 2012
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Mathys
 
La Greffière: Gehring
 
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