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Informationen zum Dokument  BGer 1B_729/2012  Materielle Begründung
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BGer 1B_729/2012 vom 28.05.2013
 
{T 0/2}
 
1B_729/2012
 
 
Arrêt du 28 mai 2013
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président, Merkli et Eusebio.
 
Greffière: Mme Sidi-Ali.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
 
Objet
 
procédure pénale; refus d'octroi de l'assistance judiciaire,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 14 novembre 2012.
 
 
Faits:
 
 
A.
 
Le 9 août 2010, A.________ a déposé plainte pénale contre le sous-brigadier de gendarmerie B.________, lequel a été prévenu d'abus d'autorité le 5 juillet 2012. Le 18 octobre 2012, le Ministère public a refusé l'octroi au plaignant de l'assistance judiciaire. Saisie d'un recours, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice a confirmé cette décision par arrêt du 14 novembre 2012. Elle a en substance considéré que le plaignant ne pouvait faire valoir de prétentions civiles dès lors que, pour les actes des membres du corps de police, la collectivité publique assume une responsabilité exclusive de toute action directe contre l'auteur. L'assistance judiciaire étant uniquement destinée à permettre au plaignant de faire valoir ses prétentions civiles, ce qui n'était pas possible en l'espèce, il ne se justifiait pas de la lui accorder.
 
 
B.
 
Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et de le mettre au bénéfice de l'assistance judiciaire en sa qualité de partie plaignante. Subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à la Chambre pénale de recours pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Plus subsidiairement, il conclut à l'octroi de l'assistance judiciaire pour la seule procédure cantonale. En tout état, il demande à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire dans la présente procédure. La cour cantonale se réfère à son arrêt. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le recourant n'a pas formulé d'observations sur les déterminations des autorités.
 
 
Considérant en droit:
 
 
1.
 
Selon l'art. 78 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral connaît des recours contre les décisions rendues en matière pénale.
 
1.1. Le refus de l'assistance judiciaire est une décision incidente susceptible de causer au recourant un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 133 IV 335 consid. 4 p. 338). Le recourant agit en tant que partie plaignante. Selon l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, une telle partie a qualité pour recourir "si la décision peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles". Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil, telles les prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO. En l'occurrence, les actes dénoncés ont été commis par un policier dans le cadre de sa fonction, soit un agent de l'Etat. Selon l'art. 1 de la loi genevoise sur la responsabilité de l'Etat et des communes (LREC; RSG A 2 40), l'Etat de Genève et les communes du canton sont tenus de réparer le dommage résultant pour des tiers d'actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence par leurs fonctionnaires ou agents dans l'accomplissement de leur travail (al. 1); les lésés n'ont aucune action directe envers les fonctionnaires ou agents (al. 2). Le canton de Genève ayant ainsi fait usage de la faculté réservée à l'art. 61 al. 1 CO, le recourant ne dispose que d'une prétention de droit public à faire valoir non pas contre les auteurs présumés, mais contre l'Etat. Or, selon la jurisprudence constante, une telle prétention ne peut être invoquée dans le procès pénal par voie d'adhésion et ne constitue dès lors pas une prétention civile au sens des dispositions précitées (ATF 138 IV 86 consid. 3.1 p. 88; 133 IV 228 consid. 2.3.3 p. 234; 128 IV 188 consid. 2). La seule volonté de voir appliquer correctement le droit fédéral est insuffisante pour reconnaître à la partie plaignante un intérêt juridique à recourir en l'absence d'incidence sur le jugement de ses prétentions civiles (cf. ATF 136 IV 29 consid. 1.7.2 et 1.9 pp. 39-40; 133 IV 228 c. 2.3 p. 230).
 
1.2. Le recourant invoque les mêmes griefs à l'appui de la recevabilité de son recours qu'à l'appui de ses conclusions sur le fond. Il soutient que l'impossibilité de faire valoir des prétentions civiles dans la procédure pénale dirigée contre un agent de l'Etat ne vaut que pour les prétentions en versement d'une somme d'argent. Il disposerait en revanche d'une action civile directe contre l'auteur pour obtenir une désapprobation judiciaire et la constatation d'une violation illicite de droits garantis par la CEDH. Ces prétentions civiles seraient indissociables du verdict de culpabilité que peut prononcer l'autorité pénale. Elles ne pourraient donc être reconnues que dans la procédure pénale dirigée contre l'auteur, à l'exclusion de l'action en responsabilité contre l'Etat. Il s'agirait d'une prétention civile qu'il pourrait faire valoir par voie d'adhésion dans la procédure pénale en dépit de ce que l'action en responsabilité doive être dirigée contre l'Etat. Cela lui ouvrirait, outre la voie de recours devant le Tribunal fédéral au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF, un droit à l'assistance judiciaire en vertu de l'art. 136 CPP.
 
1.2.1. Le législateur a choisi de distinguer les cas dans lesquels la partie plaignante fait valoir des conclusions civiles dans la procédure pénale, des cas dans lesquels la partie plaignante ne participe à la procédure que pour l'aspect pénal (cf. art. 119 al. 2 let. a CPP). Ce faisant, il a tenu compte du fait que le monopole de la justice répressive est par principe exercé par l'Etat (Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1057 ch. 1.5.1.4, 1142 ch. 2.3.1.1, 1160 ch. 2.3.4.3). La jurisprudence a confirmé l'incidence de cette distinction tant sur la qualité pour recourir au Tribunal fédéral en vertu de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF (ATF 136 IV 29 consid. 1.7.2 p. 39) que pour l'octroi de l'assistance judiciaire en vertu de l'art. 136 al. 1 CPP (arrêts 1B_619/2011 consid. 2.1 du 31 mai 2012; 1B_702/2011 du 31 mai 2012 consid. 3.1).
 
1.2.2. Avec la cour cantonale, le recourant admet que la constatation de l'illicéité est indissociable de la qualification de l'infraction, et même de tout verdict de culpabilité. Les deux notions sont en effet étroitement liées puisque de l'illicéité de l'acte dépend la culpabilité (cf. art. 1 et 14 ss CP). En revanche, contrairement à ce que soutient le recourant, la cour cantonale ne dénie pas à la condamnation le caractère de désapprobation judiciaire lorsqu'elle retient qu'il n'y a "pas de place pour une constatation civile, en quelque sorte supplémentaire et en tout cas superfétatoire de l'illicéité d'une atteinte à la personnalité du recourant au sens de l'art. 49 al. 2 CO". Elle affirme ainsi au contraire que les deux aspects sont intrinsèquement liés. En tant qu'accessoire à la procédure pénale, l'action civile ne saurait tendre à déterminer la culpabilité de l'auteur, cette finalité étant déjà celle - appartenant exclusivement à l'Etat - de l'action pénale. La seule procédure pénale tend précisément à constater ou non l'illicéité de l'acte incriminé, de sorte qu'il n'y a plus de place pour des conclusions civiles en ce sens. Le fait que le prononcé de la condamnation puisse jouer un rôle réparateur pour la partie plaignante ne justifie pas pour autant que celle-ci puisse se prévaloir d'un intérêt juridique accru. En d'autres termes, on ne voit pas en quoi l'intérêt juridique du plaignant formulant expressément pour seule conclusion civile la constatation de l'illicéité d'un acte, et ainsi une réprobation judiciaire, se distinguerait de l'intérêt juridique du plaignant qui s'est limité à demander la poursuite et la condamnation de la personne pénalement responsable de l'infraction en vertu de l'art. 119 al. 2 let. a CPP. Or, la loi exclut pour le second, faute d'intérêt suffisant, la possibilité de recourir ou de bénéficier de l'assistance judiciaire. Le recourant ne saurait, par une fiction consistant à décomposer les caractéristiques de la condamnation pénale, s'ouvrir une voie expressément fermée par le législateur.
 
 
1.3.
 
Le recourant ne pouvant faire valoir de prétentions civiles, il ne peut fonder sa qualité pour recourir sur l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF.
 
 
2.
 
Le recourant fait valoir un droit de recours et, subséquemment, un droit à l'assistance judiciaire en vertu de l'art. 13 CEDH, dès lors qu'il se plaint d'un atteinte à des droits garantis par les art. 8 CEDH (par une violation de domicile) et 5 CEDH (par une arrestation illicite devant son domicile).
 
2.1. La jurisprudence admet dans certains cas la qualité pour recourir de la partie plaignante, y compris en matière d'assistance judiciaire, lorsque les actes dénoncés sont susceptibles de tomber sous le coup des dispositions prohibant les actes de torture et autres peines ou traitements cruels ou dégradants (art. 3 et 13 CEDH, 7 Pacte ONU II, 10 al. 3 Cst. et 13 de la Convention des Nations Unies du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants [Convention contre la torture; RS 0.105]; cf. ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1 p. 88; arrêts 1B_355/2012 du 12 octobre 2012, consid. 1.2.2; 1B_559/2012 du 4 décembre 2012 consid. 1.2.3 ).
 
Pour tomber sous le coup de ces dispositions, un mauvais traitement doit en principe être intentionnel et atteindre un minimum de gravité. L'appréciation de ce minimum dépend de l'ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime. Un traitement atteint le seuil requis et doit être qualifié de dégradant s'il est de nature à créer des sentiments de peur, d'angoisse et d'infériorité propres à humilier ou à avilir la victime, de façon à briser sa résistance physique ou morale ou à la conduire à agir contre sa volonté ou sa conscience. Il y a également traitement dégradant, au sens large, si l'humiliation ou l'avilissement a pour but, non d'amener la victime à agir d'une certaine manière, mais de la punir. Lorsqu'un individu se trouve privé de sa liberté, l'utilisation à son égard de la force physique alors qu'elle n'est pas rendue strictement nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation de la convention de New York et des art. 7 Pacte ONU II, 3 CEDH et 10 al. 3 Cst. (arrêts 6B_364/2011 du 24 octobre 2011 consid. 2.2; 6B_274/2009 du 16 février 2010 consid. 3.1.2.2 et les références citées).
 
La jurisprudence a ainsi retenu que tel était le cas lorsque les faits avaient conduit à un décès (ATF 138 IV 86; arrêt 1B_272/2011 du 22 mars 2012), lorsque le plaignant prétendait avoir subi des lésions corporelles (arrêts 1B_355/2012 du 12 octobre 2012; 1B_10/2012 du 29 mars 2012; 6B_274/2009 du 16 février 2010) ou encore lorsqu'un mineur était embarqué dans un fourgon de police et emmené dans un endroit isolé hors de la ville où il était alors abandonné (arrêt 6B_364/2011 du 24 octobre 2011). Elle a en revanche considéré que l'atteinte n'était pas d'un degré de gravité suffisant lorsque le plaignant alléguait une violation de domicile du fait que des agents de police s'étaient introduits dans son appartement en son absence (arrêt 1B_559/2012 du 4 décembre 2012) ni lorsqu'il alléguait avoir été saisi au collet quelques instants par la police (arrêt 1B_70/2011 du 11 mai 2011).
 
2.2. En l'espèce, le recourant se plaint d'une perquisition effectuée sans son accord et d'une privation illicite de sa liberté pour avoir été emmené à pieds, menotté, au poste de police distant de 200 mètres de chez lui. Le recourant ne démontre pas en quoi ces faits seraient d'un degré de gravité suffisant pour tomber sous le coup des dispositions prohibant les actes de torture et autres peines ou traitements cruels ou dégradants. De ce point de vue également, le recours est irrecevable.
 
2.3. Pour le surplus, le recourant invoque l'art. 13 CEDH en lien avec les art. 5 et 8 CEDH pour faire valoir son droit à l'assistance judiciaire, qu'il met toujours en relation, sans toutefois développer son argumentation, avec sa qualité pour recourir. A cet égard, le recourant ne démontre pas en quoi ces dispositions lui conféreraient, en tant que plaignant, un droit de recours auprès du Tribunal fédéral, alors qu'il a pu pleinement soumettre ses moyens devant la cour cantonale (cf. 6B_538/2009 du 4 novembre 2009 consid. 6.4).
 
 
3.
 
Enfin, faisant valoir une inégalité de traitement du fait du refus de lui accorder l'assistance judiciaire, le recourant ne met pas cet élément en rapport avec son éventuelle qualité pour recourir, de sorte que le grief ne répond pas aux exigences de motivation découlant de l'art. 106 al. 2 LTF.
 
 
4.
 
Il résulte de ce qui précède que recours doit être déclaré irrecevable. Compte tenu des circonstances, le présent arrêt sera rendu sans frais (art. 66 al. 1 LTF). Les conclusions du recours étant cependant vouées à l'échec, la demande d'assistance judiciaire présentée pour la procédure de recours devant le Tribunal fédéral doit être rejetée (art. 64 al. 1 et 2 LTF).
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
 
1.
 
Le recours est irrecevable.
 
 
2.
 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
 
 
3.
 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours.
 
Lausanne, le 28 mai 2013
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Fonjallaz
 
La Greffière: Sidi-Ali
 
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