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Informationen zum Dokument  BGer 1B_51/2013  Materielle Begründung
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BGer 1B_51/2013 vom 27.09.2013
 
{T 0/2}
 
1B_51/2013
 
 
Arrêt du 27 septembre 2013
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
 
Eusebio et Chaix.
 
Greffier: M. Kurz.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________,
 
représenté par Maîtres Marc Bonnant et Charles Poncet, avocats,
 
recourant,
 
contre
 
Y.________,
 
représentée par Me Doris Leuenberger, avocate,
 
intimée,
 
Ministère public de la République et canton de Genève.
 
Objet
 
procédure pénale; indemnité de procédure,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision, du 20 décembre 2012.
 
 
Faits:
 
A. Par arrêt du 11 décembre 2009, la Cour d'assises du canton de Genève a condamné X.________ à trente-six mois de privation de liberté avec sursis partiel, pour viols et contraintes sexuelles commis sur sa fille Y.________. Par arrêt du 17 décembre 2010, la Cour de cassation genevoise a admis partiellement le pourvoi formé par X.________ et l'a acquitté des infractions de viols; elle a confirmé le verdict de culpabilité pour le surplus et renvoyé la cause à l'autorité de première instance pour nouvelle décision.
 
Lors des débats du 14 décembre 2011 devant le Tribunal correctionnel du canton de Genève, X.________ a requis la récusation du Président. Cette demande a été rejetée par arrêt du 27 février 2012, de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise. L'accusé a recouru au Tribunal fédéral.
 
Par jugement du 15 décembre 2011, le Tribunal correctionnel a condamné X.________ à trente-six mois de privation de liberté dont six mois ferme, ainsi qu'à 20'000 fr. d'indemnité pour tort moral allouée à la partie plaignante. Le condamné a formé appel.
 
B. Par arrêt du 13 juillet 2012, le Tribunal fédéral a admis le recours ainsi que la demande de récusation. Le 25 juillet 2012, la Chambre pénale d'appel et de révision a ouvert une instruction afin de définir les conséquences de cet arrêt du Tribunal fédéral sur la procédure d'appel. X.________ a demandé le renvoi de la cause au Tribunal de première instance afin de répéter l'intégralité des actes de procédure effectués par le magistrat récusé. Il demandait également l'allocation d'une indemnité pour ces actes, à la charge de l'Etat de Genève et de la partie plaignante.
 
C. Par arrêt du 20 décembre 2012, la Chambre pénale d'appel et de révision a renvoyé la cause au Tribunal correctionnel, le jugement du 15 décembre 2011 devant être considéré comme inexistant. Elle a refusé toute indemnité, considérant que les actes de procédure viciés n'étaient pas dus au comportement d'une partie au sens de l'art. 417 CPP. Les frais de cet arrêt ont été laissés à la charge de l'Etat.
 
D. X.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt. Il en demande l'annulation en tant qu'il lui refuse une indemnité en raison des actes de procédure devenus inutiles, et conclut au paiement de 10'000 fr. de ce chef.
 
La Cour de justice persiste dans les termes de son arrêt. Le Ministère public a renoncé à présenter des observations. La partie plaignante s'en rapporte à justice.
 
 
Considérant en droit:
 
1. Le recours est dirigé contre une décision prise en dernière instance cantonale dans une cause pénale. La voie du recours en matière pénale est donc en principe ouverte (art. 78 ss LTF). En tant qu'accusé, le recourant a qualité pour agir (art. 81 al. 1 let. b ch. 1 LTF).
 
1.1. L'arrêt attaqué porte d'une part sur le renvoi de la cause au Tribunal correctionnel; il s'agit sur ce point d'une décision incidente. A ce stade, il ne s'agit plus d'une décision sur la compétence ou sur une demande récusation (celle-ci ayant été préalablement admise par arrêt du Tribunal fédéral) au sens de l'art. 92 LTF. Selon la jurisprudence constante, une telle décision de renvoi, sans injonctions à l'autorité inférieure, ne peut faire l'objet d'un recours immédiat, les conditions de l'art. 93 LTF n'étant pas réalisées (ATF 133 IV 121 consid. 1.3 p. 125).
 
1.2. L'arrêt attaqué refuse aussi d'indemniser le recourant pour ses frais de défense dans le cadre des débats de première instance et de la procédure d'appel. Le recourant y voit une décision partielle au sens de l'art. 91 let. a LTF. Selon la jurisprudence, le prononcé accessoire sur les frais et dépens contenu dans une décision incidente n'est pas de nature à causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Il peut faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral uniquement dans le cadre d'un recours contre la décision incidente sur le point principal, à supposer qu'une telle voie de droit soit ouverte selon l'art. 93 al. 1 LTF. A défaut, il n'est possible de contester la répartition des frais et dépens que dans un recours dirigé contre la décision finale, conformément à l'art. 93 al. 3 LTF (ATF 135 III 329 consid. 1).
 
En l'occurrence, la question de l'indemnisation ne se rapporte pas à la procédure de récusation proprement dite ni à la décision de renvoi à l'instance inférieure, mais aux actes de la procédure pénale qui ont été annulés en raison de l'admission de la demande de récusation. Il s'agit dès lors d'une question distincte. Toutefois, si, comme on le verra ci-dessous, le recourant a la faculté de renouveler sa demande d'indemnisation dans le cours ultérieur de la procédure, il s'agirait également d'un prononcé incident. Au stade de la recevabilité, la question peut demeurer indécise.
 
2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). La partie recourante ne peut critiquer les constatations de faits que si ceux-ci ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF, en particulier en violation de l'interdiction de l'arbitraire consacrée à l'art. 9 Cst. (art. 105 al. 2 LTF). La correction du vice doit en outre être susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
 
Le recourant revient sur le déroulement de la procédure, considérant que la cour cantonale aurait ignoré sur ce point des faits pertinents pour juger de la quotité de l'indemnisation à laquelle il prétend. Comme on le verra ci-dessous, la contestation est limitée, à ce stade, au principe même de l'indemnisation, de sorte que les faits soulevés, qui viennent, selon le recourant, justifier le montant de ses prétentions, apparaissent sans pertinence.
 
3. Invoquant son droit d'être entendu, le recourant reproche à la cour cantonale de n'avoir pas statué d'office sur une indemnité fondée sur l'art. 59 al. 4 CPP. Il estime que, par application analogique, cette disposition permettrait une indemnisation pour les actes de procédure viciés en raison de l'admission de la demande de récusation, soit 10'000 fr. pour ses frais de défense en première instance et en appel.
 
3.1. Selon l'art. 59 al. 4 CPP, si la demande [de récusation] est admise, les frais de procédure sont mis à la charge de la Confédération ou du canton. L'art. 429 al. 1 let. a CPP prévoit par ailleurs l'indemnisation du prévenu acquitté pour les dépenses occasionnées par l'exercice raisonnable de ses droits de procédure.
 
3.2. Contrairement à ce que soutient le recourant, l'art. 59 al. 4 CPP ne concerne que les frais de la procédure de récusation proprement dite. Ces frais suivent, selon les principes généraux, le sort de la demande de récusation (cf. la deuxième phrase de l'art. 59 al. 4 CPP, concernant l'hypothèse d'un rejet de la demande). Tel est également l'opinion de la doctrine ( BOOG, BSK StPO, n° 11 ad art. 95; VERNIORY, Commentaire romand CPP, n° 5 ad art. 59; SCHMID, Praxiskommentar StPO, n° 10 ad art. 59). DONATSCH/HANSJAKOB/LIEBER, (Kommentar StPO, n° 13 ss ad art. 59) y voient une lex specialis par rapport aux art. 416 ss CPP, mais uniquement dans la mesure où la partie intimée ne peut être astreinte aux frais; s'agissant des indemnités, les art. 429 ss CPP sont applicables. Ces considérations sont, elles aussi, limitées aux frais et indemnités relatifs à la procédure de récusation. Le recourant se prévaut donc en vain de l'art. 59 al. 4 CPP.
 
4. Il en va de même de l'art. 436 CPP. Le recourant considère que cette disposition permettrait l'octroi d'une juste indemnité lorsque les procédures de première instance et d'appel ont été annulées après l'admission d'une demande de récusation. La composition irrégulière du tribunal ferait partie des défauts entraînant l'annulation de la procédure, au sens de l'art. 436 al. 3 CPP.
 
4.1. Selon cette dernière disposition, si une autorité de recours annule une décision conformément à l'art. 409 CPP, les parties ont droit à une juste indemnité pour les dépenses occasionnées par la procédure de recours et par la partie annulée de la procédure de première instance. Ce droit à l'indemnisation (qui s'étend à l'ensemble des parties et ne se limite pas à celle qui obtient gain de cause) est fondé sur la considération que l'autorité de première instance peut se voir reprocher, dans un tel cas, une faute d'une certaine gravité ( WEHRENBERG/BERNHARD, BSK StPO, n° 8 ad art. 436; MIZEL/RÉTORNAZ, Commentaire romand CPP, n° 7 ad art. 436).
 
4.2. L'art. 409 CPP se rapporte à l'annulation, par la juridiction d'appel, de la procédure de première instance, lorsque celle-ci présente des vices importants auxquels il est impossible de remédier en appel. Dans ce cas, c'est à l'instance d'appel qu'il appartient de statuer sur la juste indemnité allouée aux parties (art. 436 al. 3 CPP).
 
Certains auteurs proposent d'ailleurs d'étendre cette disposition à la procédure de recours des art. 393 ss CPP ( SCHMID, Praxiskommentar, n° 4 ad art. 436; MIZEL/RÉTORNAZ, Commentaire romand CPP, n° 7 ad art. 436; DONATSCH/HANSJAKOB/LIEBER, op. cit. n° 4 ad art. 436;). Aucun n'envisage en revanche de l'appliquer à l'annulation d'une procédure après admission d'une demande de récusation. En effet, l'admission d'une telle demande peut aussi intervenir alors que la cause est toujours pendante devant le tribunal de première instance; dans ce cas, les dispositions précitées, applicables à l'instance d'appel ou de recours, apparaissent sans pertinence. Il y a lieu dès lors de s'en tenir au principe général selon lequel le sort des frais et indemnités est fixé dans la décision finale (art. 421 al. 1 CPP; cf. SCHMID, Praxiskommentar, n° 10 ad art. 59).
 
4.3. Sur le vu de ce qui précède, la décision attaquée, qui refuse d'entrer en matière, au stade du renvoi au Tribunal de première instance, sur la demande d'indemnisation du recourant, ne viole pas le droit fédéral.
 
5. Le recours doit dès lors être rejeté, aux frais du recourant (art. 66 al. 2 LTF). L'intimée ayant renoncé à procéder, il ne lui est pas alloué de dépens.
 
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale d'appel et de révision.
 
Lausanne, le 27 septembre 2013
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Fonjallaz
 
Le Greffier: Kurz
 
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