BGer 1C_211/2012 | |||
| |||
Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch) | |||
BGer 1C_211/2012 vom 04.10.2013 | |
{T 0/2}
| |
1C_211/2012
|
Arrêt du 4 octobre 2013 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
| |
MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
| |
Merkli et Chaix.
| |
Greffier: M. Parmelin.
|
Participants à la procédure | |
A.X.________ et B.X.________,
| |
représentés par Me Hubert Theurillat, avocat,
| |
recourants,
| |
contre
| |
C.Y.________ et D.Y.________,
| |
représentés par Me Pierre Vallat, avocat,
| |
intimés,
| |
Commune mixte de Coeuve,
| |
agissant par son Conseil communal,
| |
Section des permis de construire du
| |
Service de l'aménagement du territoire
| |
de la République et canton du Jura.
| |
Objet
| |
Rétablissement de l'état conforme au droit d'un hangar agricole et de ses abords,
| |
recours contre la décision du Président de la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 4 mai 2011 et contre l'arrêt de la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 9 mars 2012.
|
Faits: | |
A. B.X.________ et A.X.________ exploitent un domaine agricole à Coeuve. Le 18 mai 1999, ils ont requis l'autorisation de construire un hangar sur les parcelles n os 2570, 2571 et 2572, en zone agricole.
| |
Par décision du 15 mai 2000, la Section des permis de construire du Service des constructions et des domaines de la République et canton du Jura a rejeté l'opposition des époux D.Y.________ et C.Y.________, propriétaires d'une maison d'habitation sise à une trentaine de mètres du bâtiment projeté, et a accordé le permis de construire sollicité. Le Juge administratif extraordinaire du Tribunal de première instance de la République et canton du Jura a rejeté le recours formé contre cette décision par les opposants au terme d'un jugement rendu le 11 juillet 2001 que la Chambre administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a confirmé par arrêt du 17 mai 2002.
| |
Statuant le 22 novembre 2002 sur un recours de droit administratif des époux Y.________, le Tribunal fédéral a annulé cet arrêt et a renvoyé la cause à la Chambre administrative pour qu'elle complète l'instruction de manière à déterminer si la construction d'un hangar de l'ampleur projetée était ou non adaptée aux besoins objectifs de l'exploitation des intimés (cause 1A.131/2002).
| |
Au terme d'un nouvel arrêt du 9 juin 2005, la Chambre administrative a rejeté le recours des époux Y.________ et a confirmé la décision de la Section des permis de construire du 15 mai 2000 ainsi que le jugement du Juge administratif extraordinaire du 11 juillet 2001, à l'exception de la question des frais et dépens. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours interjeté par D.Y.________ et C.Y.________ contre cet arrêt le 27 mars 2006 (cause 1A.213/2005).
| |
B. Le 19 juillet 2006, les époux Y.________ se sont adressés au Conseil communal de Coeuve pour lui signaler que les frères X.________ n'avaient pas respecté le permis de construire.
| |
Le 5 octobre 2006, le Conseil communal de Coeuve a invité les frères X.________ à lui présenter, dans un délai de 30 jours, une demande de modification du projet autorisé, accompagnée des nouveaux plans des aménagements extérieurs. Aucune suite n'a été donnée à cette requête.
| |
Le 17 juin 2008, le Conseil communal de Coeuve a finalement renoncé à ordonner le rétablissement de l'état conforme à la loi aux motifs que les modifications apportées au permis de construire étaient minimes et qu'elles étaient justifiées par une exploitation rationnelle du hangar. Il a confirmé cette décision sur opposition des époux Y.________ le 17 septembre 2008.
| |
Par jugement du 28 juin 2010, la Juge administrative du Tribunal de première instance de la République et canton du Jura a admis le recours formé contre cette décision par les époux Y.________ et a ordonné le rétablissement de l'état conforme au droit, respectivement au permis délivré le 15 mai 2000 par la Section des permis de construire et l'arrêt du Tribunal cantonal du 9 juin 2005, en remettant en herbe les aménagements des abords du hangar sur trois côtés, laissant un empierrement en façade est pour permettre les manoeuvres, et en réalisant l'aménagement des façades sud et nord conformément au permis délivré, ce jusqu'au 31 octobre 2010.
| |
Les frères X.________ ont recouru le 30 août 2010 contre ce jugement auprès de la Chambre administrative du Tribunal cantonal, devenue par la suite la Cour administrative, en sollicitant la suspension de la procédure jusqu'à droit connu sur la demande de permis de construire visant à régulariser les modifications apportées à leur projet initial déposée le même jour auprès de la Commune de Coeuve à l'intention de la Section des permis de construire. Les époux Y.________ en ont fait de même s'agissant des dépens.
| |
Par décision du 4 mai 2011, le Président de la cour a rejeté la demande de suspension de la procédure de recours formulée par les frères X.________. Au terme d'un arrêt rendu le 9 mars 2012, la Cour administrative a partiellement admis les recours et a annulé les décisions du Conseil communal de Coeuve des 17 juin et 17 septembre 2008 ainsi que, partiellement, le jugement de la Juge administrative du 28 juin 2010. Elle a confirmé ce jugement dans la mesure:
| |
"b) où le rétablissement de l'état conforme est ordonné concernant :
| |
- la façade sud à réaliser conformément au permis délivré le 15 mai 2000 par la Section des permis de construire et le
| |
9 juin 2005 par la Chambre administrative;
| |
- les surfaces aménagées en dur sises sur la parcelle
| |
no 2570.A, à l'exception des surfaces se trouvant sous les avants-toits;
| |
- les surfaces aménagées en dur sises au sud de la façade sud du hangar et dans son prolongement, soit sur les parcelles nos 2571.A et 2572.A, à l'exception de la surface se trouvant sous l'avant-toit;
| |
c) où il porte sur le sort des frais de procédure de première instance".
| |
Elle a imparti aux constructeurs un délai de trois mois dès l'entrée en force pour rétablir l'état conforme au droit et a renvoyé pour le surplus l'affaire au Conseil communal de Coeuve pour procéder dans le sens des considérants.
| |
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.X.________ et B.X.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Président de la Cour administrative du 4 mai 2011 et d'ordonner la suspension de la procédure de rétablissement de l'état conforme à la loi jusqu'à droit connu sur la demande de permis de construire déposée le 30 août 2010 et pendante auprès de la Section des permis de construire. Ils concluent également à l'annulation du jugement de la Cour administrative du 9 mars 2012 et, le cas échéant, au renvoi du dossier à cette autorité pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
| |
La Cour administrative et les intimés concluent au rejet du recours. La Commune de Coeuve appuie le recours. La Section des permis de construire a renoncé à prendre position sur le recours.
| |
Invité à se déterminer, l'Office fédéral du développement territorial n'a pas souhaité déposer des observations.
| |
Les recourants ont répliqué.
| |
D. Par ordonnance présidentielle du 23 mai 2012, l'effet suspensif a été accordé au recours.
|
Considérant en droit: | |
1. Dirigé contre une décision rendue dans le domaine du droit public de l'aménagement du territoire et des constructions, le recours est en principe recevable comme recours en matière de droit public conformément aux art. 82 ss LTF, auxquels renvoie l'art. 34 al. 1 de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700). Aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée. Les frères X.________ ont qualité pour recourir, au sens de l'art. 89 al. 1 LTF, contre l'arrêt attaqué qui confirme en dernière instance cantonale la remise en état partielle des abords de leur hangar. Déposé en temps utile et dans les formes requises contre une décision finale, le recours est recevable au regard des art. 42, 90 et 100 al. 1 LTF.
| |
2. Les recourants s'en prennent en premier lieu aux refus respectifs de la Cour administrative et de son président de suspendre la procédure de recours contre l'ordre de rétablissement de l'état conforme à la loi jusqu'à droit connu sur leur demande d'autorisation de construire déposée le 30 août 2010.
| |
2.1. La décision du 4 mai 2011 par laquelle le Président de la Cour administrative a rejeté la requête de suspension de la procédure de recours revêtait un caractère incident. Elle n'était pas de nature à causer un préjudice irréparable aux recourants au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF puisqu'une décision favorable sur le fond du litige n'était a priori pas exclue; l'hypothèse visée à l'art. 93 al. 1 let. b LTF n'était pas davantage réalisée, de sorte qu'on ne saurait leur reprocher de ne pas l'avoir attaquée immédiatement. Le refus de suspendre la procédure a eu pour effet que le Tribunal cantonal s'est prononcé par un arrêt final sur des points qui font l'objet d'une demande de permis de construire, que la cour cantonale a tranchés définitivement et que la Section des permis de construire aurait, selon les recourants, été seule compétente pour examiner. La décision incidente était ainsi de nature à influer sur l'arrêt attaqué au sens de l'art. 93 al. 3 LTF. Les recourants sont donc habilités à la contester conjointement avec la décision finale de la cour cantonale.
| |
2.2. Sous réserve des cas cités à l'art. 95 let. c à e LTF qui n'entrent pas en considération dans le cas particulier, le recours ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal. En revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits ou principes constitutionnels (ATF 134 II 349 consid. 3 p. 351; 133 III 462 consid. 2.3 p. 466).
| |
Appelé à revoir l'interprétation d'une norme cantonale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche, si l'application de la loi défendue par l'autorité cantonale ne s'avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution éventuellement plus judicieuse paraît possible (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5; 136 III 552 consid. 4 p. 560).
| |
2.3. Les recourants soutiennent qu'en droit jurassien, une demande de permis de construire visant à régulariser des modifications apportées à un projet autorisé peut être déposée en tout temps, tant et aussi longtemps qu'une décision sur le rétablissement de l'état conforme au droit n'a pas été définitivement rendue. L'examen de cette demande incombe alors à l'autorité de police des constructions en vertu de l'art. 46 al. 2 du Décret cantonal concernant le permis de construire (DPC). Le Président de la Cour administrative aurait ainsi dû suspendre la procédure de rétablissement de l'état conforme à la loi jusqu'à droit connu sur la procédure en modification du permis de construire pendante devant la Section des permis de construire. En confirmant la décision incidente de son président et en statuant sur le fond, la Cour administrative aurait outrepassé ses compétences, versé dans l'arbitraire et violé le principe de la proportionnalité.
| |
2.4. Le Président de la Cour administrative a relevé que, contrairement au droit bernois, le droit jurassien ne renfermait aucune disposition qui prévoit expressément la suspension de la décision de rétablissement de l'état antérieur lorsque l'obligé dépose une demande de permis de construire dans les trente jours à compter de la notification de cette décision. Cela étant, il a considéré qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer en qualité de juge unique sur la demande de suspension de la procédure de recours, mais qu'il incombait bien plutôt à la Cour administrative d'examiner, dans son arrêt sur le fond de l'affaire, si la demande de permis déposée par les frères X.________ pouvait encore être instruite ou si, au contraire, une telle demande n'était plus admissible. Il a rejeté pour ce motif la requête de suspension de la procédure présentée par les recourants.
| |
La Cour administrative a considéré pour sa part que le dépôt d'une demande de permis de construire ne pouvait motiver une suspension de la procédure de rétablissement de l'état conforme que si un permis était susceptible d'être délivré au terme d'un examen sommaire, ce qui suppose que les travaux effectués sans autorisation formelle ne soient pas, matériellement, non conformes au droit. Appliquant ces principes, elle a jugé que certaines des modifications apportées au projet autorisé pouvaient éventuellement se concevoir, justifiant ainsi de renvoyer la cause à la Section des permis de construire, et d'autres pas.
| |
2.5. L'art. 46 DPC traite des modifications apportées à un projet de construction pendant la procédure d'autorisation de construire et après l'octroi du permis. Selon cette disposition, si, pendant la procédure d'octroi ou de recours, le requérant modifie son projet afin de tenir compte des objections soulevées par les autorités ou les opposants ou pour d'autres motifs importants, la procédure peut se poursuivre sans nouvelle publication, pour autant que la modification ne touche pas à des intérêts publics. Les opposants et les voisins éventuellement touchés par la modification seront entendus au sujet de cette dernière (al. 1). L'autorité compétente pour l'octroi du permis peut, après avoir entendu les intéressés et sans nouvelle procédure d'octroi, autoriser qu'il soit apporté à un projet admis les modifications qui se révèlent nécessaires au cours de l'exécution des travaux, à condition toutefois que ni des intérêts publics, ni des intérêts importants de voisins ne s'en trouvent touchés (al. 2).
| |
L'art. 46 DPC doit être appliqué et interprété en lien avec l'art. 36 de la loi jurassienne sur les constructions et l'aménagement du territoire (LCAT). Selon cette disposition, lorsque des travaux de construction sont exécutés sans permis ou en violation des dispositions de celui-ci, l'autorité compétente en matière de police des constructions ordonne la suspension des travaux; cette décision est immédiatement exécutoire (al. 1). Si le vice peut être éventuellement corrigé par un permis délivré ultérieurement, l'autorité de police des constructions impartit au propriétaire ou au titulaire du droit de superficie un délai pour présenter une demande de permis ou de modification en cours de travaux en l'informant que, si cette demande n'est pas présentée dans ce délai, elle ordonnera le rétablissement de l'état conforme à la loi (al. 2). S'il apparaît d'emblée que le vice ne peut pas être corrigé par une autorisation délivrée ultérieurement, ou si la demande n'est pas présentée conformément à l'alinéa 2 ci-dessus, ou si enfin elle est refusée, l'autorité de police des constructions impartit au propriétaire ou au titulaire du droit de superficie un délai approprié en vue d'éliminer ou de modifier les constructions ou parties de constructions édifiées de manière illicite sous commination de l'exécution par substitution (al. 3).
| |
2.6. En l'occurrence, les recourants n'ont pas présenté de demande de permis de construire visant à régulariser les modifications apportées à leur projet initial dans le délai qui leur avait été fixé conformément à l'art. 36 al. 2 LCAT, de sorte que l'autorité de police des constructions a initié la procédure de rétablissement conforme au droit. La Cour administrative s'est demandée s'il était encore possible de déposer une telle demande après coup, avant l'entrée en force de la décision de rétablissement de l'état conforme. Elle a répondu par l'affirmative à cette question, s'agissant des travaux qu'il était possible de régulariser parce qu'ils ne sont pas matériellement non conformes au droit. En revanche, s'il est manifeste qu'un permis de construire ne pourra être délivré, il n'y a pas lieu de suspendre la procédure de rétablissement de l'état conforme jusqu'à droit connu au sujet de la demande de permis. Il appartient alors à l'autorité saisie lors du dépôt de la demande d'examiner ce qu'il en est. La solution ainsi consacrée ne contrevient pas à l'art. 46 al. 2 DPC.
| |
Cette disposition a en effet trait aux modifications que le bénéficiaire du permis de construire entend apporter au projet autorisé en cours d'exécution des travaux. Elle ne concerne en revanche pas le cas où les modifications ont déjà été opérées sans que l'autorité compétente pour les autoriser n'ait été informée et où la demande de permis de construire visant à régulariser la situation est déposée en même temps que le recours contre la décision ordonnant le rétablissement conforme au droit. Elle ne vise ainsi pas l'hypothèse d'une demande de permis déposée avant l'entrée en force de la décision de rétablissement de l'état conforme, soit pendant la procédure d'opposition ou de recours contre cette décision. Le droit cantonal ne détermine pas expressément l'autorité compétente pour trancher cette question.
| |
La Section des permis de construire est en principe compétente pour délivrer le permis de construire hors de la zone à bâtir (art. 7 al. 2 DPC et 29c LCAT). Elle l'est également pour statuer en première instance sur les demandes de modification de permis (art. 46 al. 2 DPC). Sa décision est susceptible d'un recours auprès du juge administratif (art. 23 al. 1 LCAT), puis auprès de la Cour administrative du Tribunal cantonal (art. 117 et 118 CPA). Le système légal prévoit ainsi un double degré de juridiction dans le domaine du droit de la construction. L'art. 46 al. 1 DPC déroge cependant à ce mécanisme puisqu'il permet à l'autorité de recours de statuer en premier lieu, à la place de l'autorité administrative de première instance, sur une demande de modification du permis de construire lorsque celle-ci intervient en cours de procédure de recours. La Cour constitutionnelle du Tribunal cantonal jurassien a admis cette manière de procéder au motif que l'application du principe de double instance aurait pour effet d'alourdir et de prolonger de manière disproportionnée la procédure d'octroi du permis de construire, lorsque seule est en cause une modification mineure du projet initial (cf. arrêt CST 1 / 2012 du 27 avril 2012). Le droit cantonal n'exclut donc pas que l'autorité de recours puisse statuer en instance unique sur la conformité au droit d'une demande de modification d'une autorisation de construire introduite pour la première fois devant elle. Le Tribunal fédéral a tenu cette solution pour compatible avec les exigences de l'art. 33 LAT à la condition que le droit d'opposition des tiers intéressés soit sauvegardé (arrêt 1C_394/2010 du 10 juin 2011 consid. 3.2 in RDAF 2011 I p. 575). La solution retenue dans l'arrêt attaqué, qui va dans le même sens, ne saurait dès lors être tenue pour arbitraire ou d'une autre manière contraire au droit cantonal en l'absence d'une règle expresse qui imposerait en tous les cas la transmission de la demande à l'autorité compétente en matière de permis de construire.
| |
Cette solution ne va pas davantage à l'encontre du droit fédéral. Selon la jurisprudence, l'ordre de démolir une construction édifiée sans droit et pour laquelle une autorisation ne pouvait être accordée n'est en soi pas contraire au principe de la proportionnalité (ATF 123 II 248 consid. 4a p. 255; 108 Ia 216 consid. 4b p. 218). L'autorité doit toutefois renoncer à une telle mesure s'il y a des chances sérieuses de faire reconnaître la construction comme conforme au droit (ATF 123 II 248 consid. 3bb p. 252; 111 Ib 213 consid. 6b p. 224; 102 Ib 64 consid. 4 p. 69). Il serait en effet contraire au principe de la proportionnalité d'ordonner la démolition d'une installation qui pourrait être autorisée au terme d'une procédure de régularisation. La jurisprudence du Tribunal fédéral admet cependant que l'autorité compétente puisse renoncer à ouvrir une procédure d'autorisation de construire visant à régulariser les modifications apportées à un projet autorisé si ces dernières ne peuvent manifestement pas être admises (arrêt 1P.672/2000 du 22 février 2001 consid. 3b; MAGDALENA RUOSS FIERZ, Massnahmen gegen illegales Bauen, 1999, ch. 2.4.1, p. 110 et ch. 4, p. 163). Le constructeur ne dispose ainsi en vertu du droit fédéral d'aucun droit à ce qu'une procédure de régularisation soit ouverte pour des travaux qui ne peuvent pas être autorisés en raison de leur non-conformité manifeste au droit. Si la demande de régularisation est introduite alors que la procédure de rétablissement d'un état conforme au droit est pendante devant l'autorité de recours, le droit fédéral ne s'oppose pas davantage à ce que celle-ci puisse statuer, s'agissant d'une question de compétence qui relève en priorité du droit cantonal. La solution retenue par la Cour administrative consistant à ne renvoyer la demande de permis de construire à la Section des permis de construire pour examen que pour les travaux susceptibles d'être autorisés est également conforme au droit fédéral.
| |
2.7. Cela étant, le refus de la cour cantonale, respectivement de son président, de suspendre la procédure de recours contre l'ordre de remise en état pour les travaux qu'elle considère d'emblée comme non conformes et non susceptibles d'être régularisés par la procédure d'autorisation de construire n'est pas arbitraire et ne consacre pas une interprétation insoutenable du droit cantonal. Etant donné que la procédure était alors pendante devant elle, la Cour administrative pouvait au contraire de manière soutenable s'estimer compétente pour se prononcer sur la question de savoir s'il convenait de suspendre la procédure ou si, au contraire, elle pouvait considérer la demande en tout ou partie comme d'emblée infondée.
| |
3. Les recourants contestent l'ordre de remise en état des lieux qui leur a été signifié. Ils sont d'avis que les surfaces en dur aménagées autour de leur hangar pourraient faire l'objet d'une autorisation de construire ordinaire car elles sont nécessaires à une utilisation rationnelle du bâtiment et à la bonne marche de leur exploitation et ne portent atteinte à aucun intérêt public ou privé prépondérant.
| |
3.1. Sont considérés comme des constructions ou installations au sens de l'art. 22 al. 1 LAT tous les aménagements durables et fixes créés par la main de l'homme, exerçant une incidence sur l'affectation du sol, soit parce qu'ils modifient sensiblement l'espace extérieur, soit parce qu'ils chargent l'infrastructure d'équipement ou soit encore parce qu'ils sont susceptibles de porter atteinte à l'environnement. L'aménagement d'une place en dur en zone agricole constitue une modification durable du sol sujette à une autorisation de construire au sens de l'art. 22 al. 1 LAT.
| |
Selon l'art. 22 al. 2 let. a LAT, une autorisation de construire ne peut être délivrée que si la construction ou l'installation projetée est conforme à l'affectation de la zone. Hors de la zone à bâtir, de façon générale, la conformité est liée à la nécessité: la construction doit être adaptée, par ses dimensions et son implantation, aux besoins objectifs du propriétaire ou de l'exploitant (ATF 132 II 10 consid. 2.4 p. 17). Cette clause du besoin est clairement exprimée en ce qui concerne les zones agricoles aux art. 16a al. 1 LAT et 34 al. 4 let. a OAT. En introduisant cette exigence, le législateur fédéral entend limiter les constructions nouvelles à celles qui sont réellement indispensables à l'exploitation agricole afin de garantir que la zone agricole demeure une zone non constructible. Le critère de la nécessité implique aussi que les intérêts en présence soient appréciés et mis en balance. L'implantation et la conception architecturale de la construction ne doivent contrevenir à aucun intérêt prépondérant (cf. art. 34 al. 4 let. b OAT). L'appréciation doit se faire à l'aune des buts et principes énoncés aux art. 1 et 3 LAT.
| |
3.2. La cour cantonale a fait une distinction entre les surfaces en dur nécessaires à l'accès au hangar, celles se trouvant sous les avant-toits et les autres surfaces situées tout autour du bâtiment. Elle a considéré que du point de vue matériel, rien ne s'opposait à ce qu'un accès au hangar adapté aux nécessités de l'exploitation soit réalisé en dur depuis la route communale et que son emplacement précis et sa largeur maximale devraient être définis dans le cadre de la demande de permis de construire déposée après coup, en tenant compte du fait que les frères X.________ envisagent également un accès au nord par une porte coulissante. De même, elle a admis que les surfaces sises sous les avant-toits ouest, sud et nord soient réalisées en dur pour stocker des balles de fourrage, du bois de feu ou d'autres matériaux en rapport avec l'exploitation agricole. En revanche, elle a estimé que les autres surfaces aménagées en dur autour du hangar ne pouvaient pas servir pour l'entreposage de fourrage ou de machines car le bâtiment avait été dimensionné à cet effet.
| |
Les recourants le contestent et affirment qu'elles seraient nécessaires pour manoeuvrer autour du hangar, notamment pour y parquer des machines agricoles ou du fourrage. A cette fin, ils doivent pouvoir disposer d'un espace suffisant, sachant que certains engins accouplés à un tracteur accusent une longueur de plus de quinze mètres. En niant la nécessité de disposer d'une telle surface bétonnée, la Cour administrative aurait violé l'art. 34 al. 4 let. a OAT et le principe de la proportionnalité en matière de l'état conforme.
| |
3.3. Le hangar a été dimensionné de manière à pouvoir accueillir le parc de machines des recourants. Ces derniers ne prétendent pas que ce parc se serait étoffé depuis lors au point que le bâtiment serait sous-dimensionné. La nécessité de disposer de surfaces en dur à l'extérieur pour l'entreposage de machines n'est donc pas établie. Dans l'arrêt du 27 mars 2006 concernant les mêmes parties, la Cour de céans a précisé que l'aménagement d'une surface en dur pour entreposer les balles rondes impliquait une modification durable de la nature agricole du sol et qu'il ne pouvait pour cette raison être cautionné; elle a admis en revanche que les balles rondes prennent place sous l'avant-toit ouest du hangar projeté afin de les protéger des intempéries et de préserver la qualité du fourrage. Les recourants ne prétendent pas que les circonstances se seraient modifiées depuis lors et qu'un besoin supplémentaire en place de stockage pour le fourrage serait indispensable. Il importe peu à cet égard qu'ils n'utilisent pas l'avant-toit ouest à cette fin, mais préfèrent y entreposer des machines ou d'autres véhicules. Il n'est donc pas admissible de prévoir des surfaces en dur à l'extérieur destinées à l'entreposage de machines ou de fourrage en l'absence d'un besoin supplémentaire en place de stockage dûment établi. Enfin, les recourants n'ont pas davantage démontré la nécessité de pouvoir passer avec des machines agricoles tout autour du hangar sur une surface en dur. Ils pourront en effet entrer dans le bâtiment avec les longs convois agricoles par le nord et en sortir par l'est. Il existe un intérêt public important à ne pas tolérer une extension injustifiée des surfaces bâties dans la zone agricole.
| |
La Cour administrative a confirmé l'empierrement sous les avant-toits sur une largeur de trois mètres. Cet espace est certes suffisant pour entreposer des balles rondes. En revanche, il ne permet pas leur manipulation en cas d'intempéries, lorsque le sol est détrempé. Les balles rondes ne peuvent en effet pas être transportées ou déplacées à la main en raison de leurs poids et de leurs dimensions. Un tracteur équipé d'un chargeur frontal, un chargeur compact muni d'une fourche adaptée ou encore un chargeur à bras télescopique est nécessaire à cet effet. On peut admettre qu'une surface en dur aux abords de l'avant-toit ouest plus importante que celle autorisée est nécessaire pour les déposer et les reprendre avec une machine adaptée par n'importe quel temps. Il appartiendra à la Section des permis de construire, appelée à statuer sur la demande de permis de construire des recourants, de déterminer la surface nécessaire à cet effet en la réduisant au maximum.
| |
Sous cette réserve, l'arrêt attaqué échappe à toute critique en tant qu'il constate que les surfaces en dur aménagées sur la parcelle n o 2570.A, respectivement sur les parcelles n os 2571.A et 2572.A au sud ne pouvaient pas être autorisées au regard de l'art. 34 al. 4 OAT. Les recourants ne prétendent pas avec raison qu'elles pourraient faire l'objet d'une autorisation exceptionnelle fondée sur l'art. 24 LAT. Pour le surplus, la délimitation exacte de la surface en dur nécessaire à l'accès au hangar depuis la route communale et à la manoeuvre des machines agricoles au nord et à l'est du bâtiment devra être définie dans le cadre de l'examen de la demande d'autorisation de construire pendante devant la Section des permis de construire.
| |
3.4. Les recourants invoquent encore le principe de la proportionnalité pour s'opposer au rétablissement des lieux dans leur état antérieur. Ils affirment que la remise en herbe de la surface bétonnée qui ne peut faire l'objet d'une autorisation de construire entraînerait un coût de plusieurs dizaines de milliers de francs. Ils n'ont toutefois produit aucun document qui permettrait d'étayer ce chiffre ou d'admettre que le rétablissement des lieux serait de nature à mettre en péril leur exploitation. Quoi qu'il en soit, le dommage économique allégué doit être mis en balance avec l'intérêt public majeur que constituent la préservation des zones agricoles et la distinction fondamentale entre espace bâti et non-bâti. Or, un bétonnage surdimensionné des abords d'un hangar en zone agricole constitue une infraction manifeste à ces principes et l'ordre de démolition doit être confirmé, indépendamment des incidences financières qu'elles impliquent pour les recourants.
| |
4. Le recours doit par conséquent être très partiellement admis. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que le rétablissement de l'état conforme est ordonné concernant les surfaces aménagées en dur à l'exception de celles se trouvant sous les avant-toits et celles nécessaires à la manutention des balles rondes sous l'avant-toit ouest. Il est confirmé pour le surplus. Les recourants, qui succombent pour l'essentiel, prendront en charge les frais judiciaires réduits (art. 65 et 66 al. 1 LTF). Ils verseront en outre une indemnité de dépens aux intimés, qui obtiennent gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 4 LTF).
|
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: | |
1. Le recours est très partiellement admis. L'arrêt de la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura du 9 mars 2012 est réformé dans le sens des considérants. Il est confirmé pour le surplus.
| |
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge des recourants.
| |
3. Les recourants verseront solidairement aux intimés, créanciers solidaires, la somme de 2'000 fr. à titre de dépens partiels.
| |
4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, à la Commune mixte de Coeuve, à la Section des permis de construire du Service de l'aménagement du territoire et à la Cour administrative du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura, ainsi qu'à l'Office fédéral du développement territorial.
| |
Lausanne, le 4 octobre 2013
| |
Au nom de la Ire Cour de droit public
| |
du Tribunal fédéral suisse
| |
Le Président: Fonjallaz
| |
Le Greffier: Parmelin
| |
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR). |