BGer 1B_346/2013 | |||
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BGer 1B_346/2013 vom 18.12.2013 | |
{T 0/2}
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1B_346/2013
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Arrêt du 18 décembre 2013 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
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Aemisegger et Karlen.
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Greffier: M. Kurz.
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Participants à la procédure | |
A.________,
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représenté par Me Vincent Solari,
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avocat,
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recourant,
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contre
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Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
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Objet
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procédure pénale, levée de scellés,
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recours contre l'ordonnance du Tribunal pénal
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du canton de Genève, Tribunal des mesures de contrainte, du 1er octobre 2013.
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Faits: | |
A. A.________, avocat genevois, fait l'objet d'une procédure pénale pour détournement, infractions à la LAVS et à la LPP et violation d'une obligation d'entretien, ainsi que de plaintes pénales pour faux dans les titres, abus de confiance et gestion déloyale en relation avec un club et des joueurs de football.
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Le 8 février 2013, une perquisition a été effectuée dans l'étude du prévenu. Les données informatiques ont été copiée sur une clé USB et treize cartons de documents ont été saisis et mis sous scellés. En vertu d'une ordonnance de séquestre du 11 février 2013, des pièces bancaires ont été produites par plusieurs établissements financiers; elles ont également été mises sous scellés. Les 18 février et 13 mars 2013, le Ministère public du canton de Genève a demandé au Tribunal des mesures de contraintes (Tmc) la levée des scellés. Dans ses déterminations, le prévenu faisait valoir qu'une large saisie avait déjà eu lieu précédemment, à laquelle il ne s'était pas opposé. La nouvelle saisie procédait d'une recherche indéterminée de preuves; il affirmait n'avoir jamais été un agent de joueurs. Il s'opposait à la saisie de correspondance échangée avec son conseil et admettait la levée des scellés pour certains dossiers privés ou en lien direct avec la procédure. Il s'y opposait par ailleurs pour les comptes clôturés avant la période pénale ou pour ceux dont il n'était pas l'ayant droit.
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B. Par ordonnance du 1 er octobre 2013, le Tmc a levé les scellés pour les documents en lien avec une activité non spécifique de l'avocat, notamment celle d'agent de joueurs ou de gestion de fortune ou de fonds. Il a exclu les documents en lien avec l'activité spécifique d'avocat et la correspondance avec son défenseur, ainsi que les dossiers médicaux de l'intéressé. Le Tmc a dressé un tableau numéroté des pièces saisies, indiquant si la levée des scellés était autorisée en fonction des critères précités. Il en a fait de même pour les dossiers informatiques (à l'exception de deux dossiers) et les documents bancaires. Le solde a été restitué au prévenu.
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C. Agissant par la voie du recours en matière pénale (après avoir requis et obtenu des mesures provisionnelles urgentes tendant au maintien des scellés), A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'ordonnance du Tmc en tant qu'elle ordonne la levée des scellés; subsidiairement, il demande le maintien des scellés et le renvoi de la cause au Tmc pour nouvelle décision après tri des pièces avec le concours du recourant. Le recourant indique qu'il a parallèlement saisi le Cour de justice du canton de Genève, en se référant à la pratique selon laquelle un tel recours serait ouvert dans les cas particulièrement complexes.
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Le Tmc s'en rapporte à justice. Le Ministère public ne s'est pas déterminé dans le délai imparti.
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Considérant en droit: | |
1. Conformément à l'art. 393 al. 1 let. c CPP, le recours au sens du CPP n'est ouvert contre les décisions du Tmc que dans les cas prévus par ledit code. Aux termes de l'art. 248 al. 3 let. a CPP, le Tmc statue définitivement sur la demande de levée des scellés au stade de la procédure préliminaire. Le recours au Tribunal fédéral est par conséquent directement ouvert (art. 80 LTF). Le recourant évoque l'arrêt 1B_595/2011 du 21 mars 2012, selon lequel le Tribunal fédéral ne statuerait pas en première et unique instance de recours dans les cas particulièrement complexes. Cette pratique a toutefois été revue par la suite (ATF 138 IV 225 consid. 1 - non publié), de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière.
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1.1. La décision attaquée est de nature incidente puisqu'elle porte sur l'administration des preuves en procédure pénale. Elle est toutefois susceptible de causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF, dans la mesure où elle pourrait porter atteinte au secret professionnel de l'avocat (arrêt 1B_300/2012 du 14 mars 2013).
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1.2. Le recourant a la qualité de prévenu dans la procédure pénale (art. 81 al. 1 let. b ch. 1). Il était en outre partie à la procédure de levée des scellés (art. 81 al. 1 let. a LTF). En tant que détenteur des pièces saisies et mises sous scellés, il dispose d'un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de l'ordonnance attaquée (art. 81 al. 1 let. b LTF et 382 al. 1 CPP).
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1.3. La procédure judiciaire de levée des scellés ne saurait être assimilée à une procédure sur mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF. Le recourant n'est donc pas limité dans ses griefs, qui peuvent se rapporter au droit fédéral ou constitutionnel (art. 95 LTF).
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1.4. Dans le cadre du recours formé auprès de la Cour de justice, le Tmc a été invité à faire savoir si le recourant a eu ou non accès aux documents placés sous scellés. Par ordonnance du 9 décembre 2013, le Tmc a invité le recourant à consulter le dossier et à faire valoir ses observations. Une nouvelle ordonnance serait ensuite rendue. S'il considère que le droit d'être entendu du recourant n'a probablement pas été respecté, le Tmc n'a toutefois pas révoqué sa précédente décision. Le recours conserve dès lors un objet, et le recourant ne l'a d'ailleurs pas retiré.
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2. Dans un grief formel, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu. Il relève que le Tmc avait prévu une séance de tri à laquelle il devait participer, mais que celle-ci n'a jamais eu lieu. Le recourant n'aurait pas eu accès à l'intégralité de la documentation mise sous scellés.
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2.1. Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment le droit pour l'intéressé d'accéder au dossier, de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 135 I 279 consid. 2.3 p. 282).
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2.2. Après la demande de levée des scellés du 18 février 2013, le Tmc a chargé un inspecteur de la Brigade de criminalité informatique d'examiner le contenu de la clé USB et de remettre un rapport à ce sujet. Une audience de tri des documents, à laquelle le recourant devait participer, a été fixée au 27 juin 2013; elle a été annulée en raison de problèmes de santé du recourant. Une seconde audience du 9 août 2013 a été fixée, mais a également été annulée en raison du décès du procureur chargé de la cause. Selon l'affirmation non contestée du recourant, le greffe du Tmc lui aurait fait savoir qu'une nouvelle audience serait fixée, mais l'ordonnance attaquée a été rendue sans qu'une telle audience n'ait eu lieu. Le recourant relève également qu'il n'aurait pu consulter qu'une partie des documents mis sous scellés et qu'une consultation plus complète devait avoir lieu à l'occasion de la séance de tri, compte tenu du nombre de pièces saisies.
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2.3. Il ressort des affirmations non contestées du recourant qu'en dépit de ses demandes et des assurances de l'autorité quant à la tenue d'une audience de tri, le droit de consulter le dossier (soit l'intégralité des pièces mises sous scellés et le rapport de la Brigade de criminalité informatique) n'a pas été respecté. Le recours doit dès lors être admis pour ce motif, sans qu'il y ait lieu d'examiner les griefs de fond.
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3. Sur le vu de ce qui précède, le recours est admis, l'ordonnance attaquée est annulée et la cause est renvoyée au Tmc pour nouvelle décision. Le recourant, représenté par un avocat, a droit à des dépens (art. 68 al. 2 LTF), à la charge du canton de Genève. Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: | |
1. Le recours est admis. L'ordonnance attaquée est annulée et la cause est renvoyée au Tribunal des mesures de contrainte pour nouvelle décision au sens des considérants.
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2. Une indemnité de dépens de 2'000 fr. est allouée au recourant, à la charge du canton de Genève. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public, au Tribunal pénal de la République et canton de Genève, Tribunal des mesures de contrainte, et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
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Lausanne, le 18 décembre 2013
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Fonjallaz
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Le Greffier: Kurz
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