BGer 4A_419/2013 | |||
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BGer 4A_419/2013 vom 10.02.2014 | |
{T 0/2}
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4A_419/2013
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Arrêt du 10 février 2014 |
Ire Cour de droit civil | |
Composition
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Mmes et M. les juges Klett, présidente, Niquille et
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Ch. Geiser, juge suppléant.
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Greffier: M. Thélin.
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Participants à la procédure | |
X.________ SA,
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représentée par Me Dominique Henchoz,
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défenderesse et recourante,
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contre
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Banque U.________, représentée par Me Gilles Davoine,
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demanderesse et intimée.
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Objet
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procédure civile; élection de for
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recours contre l'arrêt rendu le 28 juin 2013 par la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
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Faits: | |
A. Le 16 février 2006, X.________ SA s'est fait ouvrir un compte dit « ordinaire » par l'agence de la Banque U.________ à La Roche-sur-Foron, en France. Le 7 mars 2006, elle s'est fait ouvrir un deuxième compte du même type par le même établissement. Ces comptes étaient désignés par les nos 31255506425 et 31261332774 (ci-après: nos 25 et 74). La banque et sa cliente n'ont alors passé aucune convention écrite.
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Le lendemain 8 mars 2006, la banque et sa cliente ont conclu par écrit une convention de « découvert en compte » par laquelle l'une accordait à l'autre un financement au montant de 8'900'000 euros. Il était précisé que les opérations y relatives étaient exclues de tout compte courant que la cliente pouvait avoir auprès de la banque, qu'elles seraient comptabilisées sur le compte n° 74 et que celui-ci ne serait qu'un simple instrument comptable dépourvu des effets juridiques attachés aux comptes courants. Le financement devait être remboursé en capital, intérêts et accessoires au plus tard le 31 décembre 2006.
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Le 26 juin 2007, la banque et sa cliente ont conclu deux conventions de « compte courant » relatives aux deux comptes nos 25 et 74. Celle relative à ce compte-ci faisait référence à des conditions générales dites « conditions de fonctionnement » de l'établissement bancaire. Le compte devait en principe toujours conserver un solde créancier. La banque pouvait consentir un découvert « inférieur à trois mois » selon une convention distincte qui devenait dès sa conclusion une annexe à la convention de compte courant. La banque pouvait aussi consentir un découvert « de plus de trois mois » selon une convention spécifique, soumise à des dispositions légales également spécifiques. Il était par ailleurs convenu que la convention de compte courant était soumise à la loi française et à la compétence des tribunaux français.
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Le droit applicable et la compétence judiciaire ne sont pas précisés dans la convention relative au compte n° 25.
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B. Le 4 octobre 2011, la Banque U.________ a ouvert action contre X.________ SA devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. La défenderesse devait être condamnée à payer 9'800'391,60 euros pour remboursement du financement accordé le 8 mars 2006, avec intérêts au taux de 6,283 % dès le 1er octobre 2009. Le tribunal était requis de donner mainlevée définitive de l'opposition de la défenderesse à un commandement de payer que l'autre partie lui avait fait notifier.
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La défenderesse a excipé de l'incompétence du for; elle a conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande et subsidiairement au rejet de l'action.
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Le tribunal s'est prononcé le 7 décembre 2012; il a accueilli l'exception d'incompétence et déclaré la demande irrecevable.
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La Chambre civile de la Cour de justice a statué le 28 juin 2013 sur l'appel de la demanderesse. Elle a rejeté l'exception d'incompétence, annulé le jugement et renvoyé la cause au Tribunal de première instance pour reprise de l'instruction et nouvelle décision.
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C. Agissant par la voie du recours en matière civile, la défenderesse requiert le Tribunal fédéral d'accueillir l'exception d'incompétence et de déclarer la demande irrecevable.
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La demanderesse conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit: | |
1. L'arrêt attaqué est une décision incidente sur la compétence des tribunaux genevois; il est susceptible du recours séparé prévu par l'art. 92 al. 1 LTF.
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Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites, notamment à raison de la valeur litigieuse.
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Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral ou international (art. 95 let. a et b LTF). Dans une affaire pécuniaire, le Tribunal fédéral ne contrôle pas l'application du droit étranger éventuellement pertinent (art. 96 let. b LTF); la partie recourante ne peut invoquer à ce sujet, s'il y a lieu, que la protection contre l'arbitraire conférée par l'art. 9 Cst. (ATF 137 III 517 consid. 3.3 in fine p. 521).
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2. La Suisse et la France sont l'une et l'autre parties à la Convention de Lugano concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, conclue le 30 octobre 2007, entrée en vigueur le 1er janvier 2010 pour la France et le 1er janvier 2011 pour la Suisse (CL; RS 0.275.11). Les deux Etats étaient aussi parties à la Convention de Lugano du 16 septembre 1988 portant sur les mêmes matières, désormais remplacée par celle de 2007 (aCL; RO 1991 p. 2436).
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Le Tribunal de première instance a été saisi après l'entrée en vigueur, pour la Suisse, de la Convention de 2007, de sorte que sa compétence doit être déterminée d'après ce récent traité (art. 63 par. 1 CL; ATF 138 III 82 consid. 2.1 p. 84).
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Conformément à l'art. 1er al. 2 de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP), les dispositions de la Convention priment les règles du droit interne concernant la compétence. En tant que les tribunaux suisses sont compétents d'après la Convention mais que celle-ci ne détermine pas plus précisément la compétence à raison du lieu, celle-ci doit être fixée d'après cette loi fédérale (ATF 134 III 475 consid. 4.2.1 p. 478).
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3. Aux fins de l'application de la Convention, les sociétés et les personnes morales sont réputées domiciliées là où est situé leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement (art. 60 par. 1 CL). Il est constant que la demanderesse et la défenderesse sont respectivement domiciliées en France et en Suisse.
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4. A teneur de l'art. 23 par. 1 CL, les tribunaux d'un Etat partie à la Convention sont compétents lorsque les parties à la cause ont convenu de cette compétence pour les différends « à naître à l'occasion d'un rapport de droit déterminé », pour autant que l'une d'elles au moins ait son domicile sur le territoire d'un Etat partie; ladite compétence exclut alors, si le contraire n'est pas également convenu, celle des tribunaux d'un autre Etat partie à la Convention.
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En l'occurrence, les parties à la cause ont convenu de la compétence des tribunaux français dans leur convention de compte courant relative au compte n° 74. Il importe de déterminer si le rapport de droit visé par cette stipulation s'étend ou ne s'étend pas à la convention de découvert en compte du 8 mars 2006; dans l'affirmative, la compétence des tribunaux suisses et genevois est exclue.
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Cette question doit être résolue par l'interprétation des conventions intervenues entre les parties à la cause. La Convention de Lugano ne régit pas cette interprétation; celle-ci est soumise au droit applicable auxdites conventions, désigné par le droit international privé en vigueur au for saisi (arrêts 4A_149/2013 du 31 juillet 2013, consid. 4; 4C.163/2001 du 7 août 2001, consid. 2b). Les conventions des parties prévoyaient la mise à disposition d'un financement par la demanderesse ainsi que des prestations de service à fournir par elle, de sorte que le droit français est déterminant en vertu des art. 117 al. 2 et 117 al. 3 let. b et c LDIP. Ce point est d'ailleurs incontesté.
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5. Le Tribunal fédéral a jugé qu'aux fins de l'application des règles de compétence judiciaire, on ne peut pas dissocier d'un contrat de compte courant la convention additionnelle des mêmes parties relative à une limite de crédit (ATF 133 III 295 consid. 8.2 p. 302). Le Tribunal de première instance s'est référé à cette jurisprudence tandis que la Cour de justice la tient pour non concluante au regard des textes souscrits par les parties à la présente contestation.
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La Cour relève que selon la convention de découvert en compte du 8 mars 2006, le financement accordé était textuellement exclu d'une éventuelle relation de compte courant entre les parties, y compris celle relative au compte n° 74 qui devait être utilisé pour les opérations inhérentes à ce financement. De ce point de vue, la convention de découvert ne se présente pas comme un complément de celle conclue plus tard, le 26 juin 2007, comportant la clause d'élection de for et prévoyant l'utilisation du compte n° 74 dans une relation de compte courant. La Cour relève aussi que cette convention-ci distingue précisément deux types de découverts à autoriser, le cas échéant, par la banque: celui de moins de trois mois, à régler dans une convention qui s'intégrera d'emblée à la convention de compte courant, et celui de plus de trois mois, à régler dans une convention spécifique dont il n'est pas prévu qu'elle s'intégrera à la convention de compte courant. Cette distinction dénote elle aussi que la convention de découvert, relative au financement, était destinée à demeurer autonome par rapport à celle de compte courant afférente au compte n° 74. La Cour relève enfin que dans cette convention-ci, la clause d'élection de for ne vise textuellement que « la présente convention ». De tout cela, la Cour déduit que cette clause n'appréhende pas la convention du 9 mars 2006.
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A cela s'ajoute que la convention concernant le compte n° 25 ne comporte pas de clause d'élection de for. La demanderesse ne paraît donc pas avoir manifesté l'intention de soumettre globalement à la compétence des tribunaux français l'ensemble de ses relations avec sa cliente.
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A l'appui du recours en matière civile, la défenderesse discute et conteste l'appréciation de la Cour de justice. Elle fait état des principes d'interprétation et de complètement des contrats qu'elle prétend admis en droit français, lesquels ne paraissent pas très différents des principes consacrés en droit suisse sur le même sujet. Elle propose une approche qui est sans aucun doute plausible et qui échapperait donc au grief d'arbitraire si elle avait été adoptée par l'autorité précédente. La défenderesse ne parvient cependant pas à mettre en évidence une erreur indiscutable dans l'interprétation littérale retenue par la Cour. Elle ne met en évidence, non plus, aucun élément extrinsèque propre à invalider de manière certaine cette interprétation littérale, en révélant que les textes adoptés par les parties n'expriment pas le vrai sens du contrat conclu. Or, une décision n'est arbitraire que si elle apparaît insoutenable, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain (ATF 139 III 334 consid. 3.2.5 p. 339; 138 I 305 consid. 4.3 p. 319). En tant qu'elle est fondée sur le droit français, la décision présentement attaquée est donc compatible avec l'art. 9 Cst.
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La Cour de justice ayant valablement retenu que la contestation ne s'inscrit pas dans le rapport de droit visé par la clause d'élection de for, cette clause n'exclut pas la compétence des tribunaux suisses. Il s'ensuit que cette décision est aussi conforme à l'art. 23 par. 1 CL.
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6. Enfin, la compétence des tribunaux genevois doit être admise sur la base des art. 2 par. 1 CL et 2 LDIP, à raison du lieu où la défenderesse a son domicile. La décision est donc en tous points conforme aux règles déterminantes, ce qui entraîne le rejet du recours.
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7. A titre de partie qui succombe, la défenderesse doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: | |
1. Le recours est rejeté.
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2. La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 12'000 francs.
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3. La défenderesse versera une indemnité de 14'000 fr. à la demanderesse, à titre de dépens.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 10 février 2014
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La présidente: Klett
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Le greffier: Thélin
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