BGer 2C_805/2013 | |||
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BGer 2C_805/2013 vom 21.03.2014 | |
{T 0/2}
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2C_805/2013
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Arrêt du 21 mars 2014 |
IIe Cour de droit public | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Zünd, Président,
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Seiler, Aubry Girardin, Donzallaz et Stadelmann.
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Greffier: M. Chatton.
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Participants à la procédure | |
Administration fédérale des contributions,
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Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée,
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recourante,
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contre
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A.________,
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intimé.
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Objet
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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA); qualification
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d'une notification d'estimation comme décision;
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période du 1er trimestre 2010 au 4ème trimestre 2010,
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recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 25 juillet 2013.
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Faits: | |
A. A.________ exploite à titre individuel un pub-bar sous l'enseigne "B.________" à C.________ (NE). Il n'est pas inscrit au registre du commerce; en revanche, il est, depuis le 1er janvier 2003, immatriculé au registre des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: la TVA) tenu par l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale).
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Au printemps 2011, l'Administration fédérale a procédé à un contrôle externe dans l'entreprise de l'assujetti, portant sur les périodes fiscales allant du 1er trimestre 2006 au 4ème trimestre 2009, ainsi que sur celles allant du 1er trimestre 2010 au 4ème trimestre 2010. Ayant constaté diverses erreurs d'imposition, elle a fixé le montant de la correction d'impôt à 27'705 fr. pour les périodes 2006 à 2009 et à 9'658 fr. pour les périodes s'étendant sur 2010.
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B. Le 21 novembre 2011, l'Administration fédérale a adressé à A.________ deux notifications d'estimation valant, selon elle, décisions formelles et confirmant le montant des corrections d'impôt effectuées à l'issue du contrôle.
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L'assujetti a déposé réclamation contre la notification d'estimation relative aux années 2006 à 2009 par courrier du 15 décembre 2011. Le 17 janvier 2012, il a adressé à l'Administration fédérale un courriel indiquant qu'il contestait aussi la seconde notification d'estimation afférente à l'année 2010.
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Par décisions du 29 mars 2012, l'Administration fédérale a rejeté la réclamation du 15 décembre 2011 et déclaré irrecevable la réclamation du 17 janvier 2012 pour cause de tardiveté.
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A.________ a recouru contre ces deux décisions sur réclamation auprès du Tribunal administratif fédéral. Après avoir disjoint les deux causes, celui-ci a, par arrêt du 25 juillet 2013, admis le recours portant sur l'année 2010, annulé la décision d'irrecevabilité du 29 mars 2012 et renvoyé la cause à l'Administration fédérale pour décision au fond.
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C. Contre l'arrêt du 25 juillet 2013, l'Administration fédérale interjette un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Elle conclut, sous suite de frais, à l'annulation de l'arrêt entrepris et à la confirmation de sa décision sur réclamation du 29 mars 2012 concernant l'année 2010.
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Le Tribunal administratif fédéral a renoncé à prendre position. A.________ ne s'est pas déterminé.
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Considérant en droit: |
1. | |
1.1. L'arrêt attaqué retient que c'est à tort que l'Administration fédérale a refusé d'entrer en matière sur la réclamation formulée par l'assujetti pour les périodes fiscales 2010. Partant, il admet le recours, annule la décision d'irrecevabilité du 29 mars 2010 et renvoie la cause à cette autorité pour décision au fond.
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1.2. L'arrêt entrepris, concernant le domaine de la TVA, a par ailleurs été rendu par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) et ne tombe pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. L'Administration fédérale a par ailleurs qualité pour recourir (art. 89 al. 2 let. a LTF) en vertu de l'art. 141 de l'ordonnance du 27 novembre 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (OTVA; RS 641.201; arrêt 2C_153/2013 du 16 août 2013 consid. 1.3, non publié in ATF 139 II 460).
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1.3. Déposé en temps utile compte tenu des féries (art. 45 al. 1, 46 al. 1 let. b et 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF), le recours en matière de droit public est donc recevable.
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2. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral applique d'office le droit fédéral (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, à moins que la décision attaquée ne contienne des vices juridiques manifestes, il s'en tient aux arguments juridiques soulevés dans le recours (cf. art. 42 al. 1 et 2 LTF; arrêt 2C_1100/2012 du 20 mai 2013 consid. 2, non publié in ATF 139 II 346).
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3. Le litige est en relation avec les périodes fiscales allant du 1er au 4ème trimestre 2010 et concerne une question procédurale, à savoir la possibilité d'assimiler ou de coupler la notification d'estimation à une décision, contre laquelle une réclamation doit être déposée dans les trente jours. Par conséquent, il est entièrement régi par la LTVA du 12 juin 2009, entrée en vigueur le 1er janvier 2010 (cf. art. 112 et 113 LTVA).
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4. L'arrêt attaqué a considéré en substance que la notification d'estimation afférente à l'année 2010 transmise à l'assujetti à la suite d'un contrôle externe ne pouvait constituer une décision susceptible de faire partir un délai de réclamation; il s'agissait d'une proposition de décision par laquelle l'Administration fédérale a fait connaître ses prétentions à l'assujetti, auquel il revenait ensuite de décider s'il admettait cette créance ou s'il la contestait, cette dernière position entraînant l'ouverture d'une procédure administrative par le prononcé d'une décision formelle. Etant donné que la notification d'estimation du 21 novembre 2011 avait été adressée à l'assujetti avant qu'il ne manifestât, par courriel du 17 janvier 2012, sa volonté d'engager une procédure administrative, ladite notification ne pouvait être assimilée à une décision faisant partir un délai de réclamation, de sorte que le fisc ne pouvait reprocher à l'assujetti d'avoir agi tardivement et, partant, refuser d'entrer en matière sur sa contestation.
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5. Il convient de commencer par qualifier la notion de notification d'estimation.
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5.1. Pour ce faire, on aura recours aux méthodes usuelles d'interprétation. D'après la jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi (ATF 139 III 478 consid. 6 p. 479 s.; 138 II 440 consid. 13 p. 453), étant précisé que le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation (ATF 139 IV 270 consid. 2.2 p. 273; 139 V 250 consid. 4.1 p. 254).
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5.2. La
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5.3. Les travaux préparatoires confirment l'absence de caractère décisionnel de la notification d'estimation. Il résulte en particulier du Message du Conseil fédéral, du 25 juin 2008, sur la simplification de la TVA, qu'au terme du contrôle fiscal effectué selon l'art. 78 LTVA, l'inspecteur doit remettre à l'assujetti une notification d'estimation "dans laquelle il arrête le résultat du contrôle, c'est-à-dire la reprise d'impôt possible ou l'impôt crédité en faveur de l'assujetti"; ce dernier peut ensuite "se prononcer sur cette estimation et la discuter avec l'inspecteur. Si l'assujetti n'est pas d'accord avec l'estimation, il doit ouvrir une procédure administrative" (FF 2008 6277, p. 6393). Il s'ensuit que le législateur a voulu aménager la procédure de reprise fiscale en deux temps, qui comprend une première phase non contentieuse, dans laquelle l'assujetti exerce son droit d'être entendu préalablement à toute décision; il lui est alors loisible de discuter, de façon informelle, des constats établis par l'inspecteur de l'Administration fédérale et, le cas échéant, d'obtenir leur correction; la seconde phase intervient en cas de désaccord persistant et permet alors à l'assujetti d'ouvrir une procédure administrative, en sollicitant du fisc ou provoquant une décision formelle sujette à contestation. De surcroît, comme le remarque à juste titre le Tribunal administratif fédéral, aucun élément du Message précité ne traduit l'intention des autorités de qualifier différemment, s'agissant de la nature de l'acte, la notification d'estimation par rapport aux décomptes complémentaires qui existaient sous l'empire de l'ancienne LTVA et ne valaient pas décisions (cf. arrêts 2C_486/2009 du 1er février 2010 consid. 2.3, RF 65/2010 p. 595; 2C_632/2007 du 7 avril 2008 consid. 4.7, ASA 77 p. 354; 2A.561/2002 du 11 juillet 2003 consid. 2.3, RF 59/2004 p. 228; voir également Marlise Rüegsegger, Das Selbstveranlagungsprinzip der Mehrwertsteuer im Lichte der Rechtsprechung, in ASA 76 p. 345 ss, 346 s., 360, 362).
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5.4. Du point de vue téléologique, il convient de rappeler que la TVA est perçue sur la base d'un système reposant sur l'auto-taxation ("
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5.5. La nature décisionnelle de la notification d'estimation, qui serait directement attaquable, est par ailleurs contestée par la doctrine majoritaire. Pour Baumgartner/Clavadetscher/Kocher (Vom alten zum neuen Mehrwertsteuergesetz, 2010, § 8 n° 39 et § 10 nos 86-90, p. 330 s.), la notification d'estimation est assimilable à une proposition de taxation ("
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5.6. A l'aune des méthodes d'interprétation systématique, historique et téléologique de la LTVA, il y a donc lieu de confirmer la position du Tribunal administratif fédéral, qui correspond à l'avis majoritaire de la doctrine récente, selon laquelle les notifications d'estimation ne constituent pas en tant que telles des décisions; elles interviennent en amont, dans une phase préalable à l'ouverture de la phase procédurale qui survient en cas de désaccord de l'assujetti.
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6. Il reste à examiner si, comme l'affirme l'autorité recourante, la LTVA habilite celle-ci à "coupler la notification d'estimation à une décision formelle" (recours, p. 6), en revêtant ce premier acte - per se non décisionnel - d'un habit décisionnel par le biais d'une motivation suffisante et de l'indication des voies de droit idoines.
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6.1. Pour soutenir sa thèse, l'Administration fédérale indique en particulier que l'art. 82 LTVA lui confère une compétence générale de rendre des décisions formelles; le fait pour l'assujetti de contrevenir à son obligation d'établir correctement et complètement sa taxation selon le principe de l'auto-taxation menace non seulement la perception de l'impôt, mais est aussi constitutif d'une "contestation" au sens de l'art. 82 al. 1 let. c LTVA, justifiant ainsi la prise d'une décision immédiate sur cette base. Au vu du principe de l'efficacité, qui régit l'acquittement et la perception de l'impôt (art. 1 al. 3 let. b LTVA), et compte tenu du raccourcissement du délai de prescription absolue du droit de taxer de quinze à dix ans sous le nouveau droit (art. 42 al. 6 LTVA), la recourante estime en outre que lui interdire d'établir une décision simultanément à la notification d'estimation l'empêcherait, dans de nombreux litiges, de remplir son obligation de perception; or, ceci irait à l'encontre des principes de célérité, d'égalité des armes entre le fisc et l'assujetti, et de la sécurité du droit.
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6.2. Il est vrai que, tel qu'il est formulé ("L'AFC rend, d'office ou sur demande de l'assujetti, toutes les décisions nécessaires à la perception de l'impôt, en particulier dans les cas suivants [...]"), l'art. 82 LTVA reconnaît une marge de manoeuvre importante à l'Administration fédérale par rapport aux domaines, aux circonstances ainsi qu'au moment dans lesquels il lui est permis de rendre des décisions administratives à l'égard de l'assujetti. Cette disposition n'octroie pas pour autant un blanc-seing en faveur du fisc, dont la compétence se voit d'emblée limitée à la prise de décisions qui sont "nécessaires à la perception de l'impôt". Qui plus est, le texte de la loi précise, par une tournure restrictive, bien que non exhaustive ("en particulier" ["insbesondere"; "in particolare"]), qu'en dehors des cas où l'assujetti requiert l'adoption d'une décision, les situations qui légitiment avant tout son prononcé sont : d'une part, celles où le comportement de l'assujetti ou les circonstances du cas mettent concrètement en danger la perception de l'impôt, par exemple en cas de non paiement ou de non respect d'obligations mises à sa charge (cf. art. 82 let. d à f LTVA; dans ce sens: FF 2008 6277, ad art. 82 LTVA, p. 6395: "la perception de l'impôt est menacée"); d'autre part, les cas dans lesquels l'assujetti conteste son assujettissement, la créance fiscale ou d'autres conditions et modalités que la loi lui impose (cf. art. 82 let. a à c et f LTVA).
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Il s'ensuit que, pour rendre une décision conformément à l'art. 82 LTVA, l'Administration fédérale doit soit avoir reçu une requête de l'assujetti allant dans ce sens, soit pouvoir déduire des circonstances concrètes du dossier que ce dernier entend contester les obligations découlant pour lui de la LTVA, ou qu'il met en péril - notamment par des manoeuvres dilatoires ou un autre comportement contraire à la bonne foi - la perception de l'impôt.
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6.3. En l'occurrence, la recourante affirme que la perception de l'impôt aurait été menacée ou qu'il aurait existé un "différend" dès lors que l'intimé avait contrevenu à son obligation d'établir correctement et complètement sa taxation, cela ayant nécessité un contrôle et des rectifications de l'auto-taxation.
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Cette conception ne peut être suivie.
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6.3.1. En premier lieu, elle se heurte à la jurisprudence - amorcée sous l'empire de l'aLTVA, dont il n'y a toutefois pas lieu de s'écarter sous l'angle de la nouvelle loi - selon laquelle le décompte complémentaire (l'actuelle notification d'estimation) ne fait pas encore partie de la procédure contentieuse (cf. consid. 5.3 supra et les arrêts cités), si bien que l'on ne saurait considérer que la nécessité d'un contrôle qui débouche sur une rectification de l'auto-taxation dont le fisc transmet le résultat chiffré à l'assujetti révèle déjà à ce stade l'existence d'une "contestation" au sens où l'entend l'art. 82 LTVA.
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6.3.2. En deuxième lieu, il n'est pas inutile de rappeler que, dans un système d'auto-taxation, même atténué, la responsabilité principale d'établir les décomptes fiscaux appartient à l'entreprise assujettie, laquelle ne dispose que rarement de connaissances approfondies du domaine spécifique lié à la TVA et est partant sujette à commettre des erreurs ou imprécisions. Il s'ensuit que l'autorité fiscale ne peut, en l'absence d'indices concrets, considérer que de tels manquements traduiraient d'emblée et dans tous les cas une tentative consciente de l'assujetti de se soustraire à ses obligations fiscales. La notification d'estimation, que le fisc doit en principe communiquer à l'assujetti peu de temps après la fin du contrôle, tient précisément compte du potentiel d'erreur inhérent au système d'auto-taxation; dans un souci d'efficience et pour éviter que chaque contrôle se solde par une décision formelle, elle offre en effet la possibilité à l'assujetti d'engager un dialogue informel avec l'Administration fédérale, lui permettant de clarifier certains points ou malentendus (et de mieux accepter la solution calculée par le fisc), voire de convaincre cette dernière, par exemple sur la base de pièces inédites, de modifier sa position (cf., dans ce sens, Baumgartner/Clavadetscher/Kocher, op. cit., p. 269). Ce n'est donc qu'en cas d'échec de ce dialogue, voire si une telle phase informelle apparaît par avance vouée à l'échec (l'assujetti ayant notamment d'emblée fait savoir qu'il s'opposerait à la position du fisc) que l'Administration fédérale pourra en principe notifier une décision.
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6.3.3. En troisième et dernier lieu, il résulte tant des explications fournies par l'Administration fédérale dans son mémoire de recours que des commentaires de la doctrine (Blum, Auswirkungen, op. cit., p. 291; Blum, ad art. 78 LTVA, op. cit., n° 35, p. 495; Camenzind et al., op. cit., nos 2261 ss, p. 839 ss; Honauer/Graff Brakemeier/Di Costanzo, op. cit., p. 100), que le couplage de la notification d'estimation à une décision sujette à réclamation dans un délai de 30 jours constitue une pratique administrative instaurée sous l'empire de la nouvelle LTVA. Certes, dans la mesure où elle déplace la phase du dialogue informel (censée commencer avec la notification d'estimation transmise quelque temps après le contrôle) immédiatement à la fin du contrôle, lorsque l'inspecteur présente ses résultats provisoires à l'assujetti (Blum, Auswirkungen, op. cit., p. 291; Harun Can, Einsprache nach neuem MWSt-Gesetz - Eine Eile ohne Weile, in L'Expert-comptable suisse, 2011, p. 655 ss, 658), cette pratique ne lèse a priori pas le droit d'être entendu de l'entreprise (cf. Blum, ad art. 79, op. cit., n° 36, p. 495; Camenzind/ Honauer/Vallender/Jung/Probst, p. 840 s.), même si elle tend à abréger le temps de réflexion et de dialogue qui lui est accordé à partir de la fin du contrôle (Can, op. cit., 655; Honauer/Graff Brakemeier/Di Costanzo, op. cit., p. 100; contra: Bertschy, op. cit., p. 296) et qu'elle suppose que les résultats provisoires soient effectivement soumis à l'assujetti avant la notification d'estimation. Une telle pratique
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6.3.4. S'ajoute à cela que ladite pratique vide de son sens l'art. 43 al. 1 let. b LTVA, lequel prévoit l'entrée en force de la créance fiscale par suite de la reconnaissance écrite ou du paiement sans réserve, par l'assujetti, du montant figurant dans la notification d'estimation; or, dès lors que le fisc confère systématiquement à cette dernière un caractère décisionnel (c'est l'hypothèse prévue à la let. a de l'art. 43 al. 1 LTVA), la possibilité - inspirée par les principes de l'auto-taxation - donnée à l'assujetti de consentir librement aux prétentions de l'Administration fédérale, le cas échéant après s'être laissé convaincre par les explications et calculs de l'inspecteur, devient illusoire, ce qui se heurte à l'effet utile qu'il convient en principe de donner à chaque norme d'un texte de loi (cf. ATF 134 II 10 consid. 3.5.3 p. 20; arrêt 4A_736/2011 du 11 avril 2012 consid. 3.3.4, résumé in PJA 2012 p. 1616).
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6.3.5. Finalement, les arguments de la recourante selon lesquels l'arrêt attaqué irait à l'encontre des principes de célérité, de sécurité juridique et d'égalité des armes entre le fisc et l'assujetti doivent être écartés.
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En tant que la recourante craint que l'arrêt querellé l'empêche de percevoir l'impôt avant que le délai de prescription du droit de taxation relatif de cinq ans (art. 42 al. 2 LTVA; partant, en l'occurrence, le 1er janvier 2011, soit à l'issue de la période de 2010 en cause; cf. Michael Beusch, ad art. 42 LTVA, in MWStG-Kommentar, 2012, n° 10, p. 328), voire absolu de dix ans (raccourci par rapport aux quinze ans prévus par l'aLTVA; art. 42 al. 6 LTVA; cf. arrêt 2C_227/2010 du 5 août 2010 consid. 2.2, RF 66/2011 p. 78) ne soit atteint (cf., dans ce sens, Can, op. cit., p. 661), elle omet de prendre en considération qu'une déclaration écrite sujette à réception visant à fixer ou à corriger la créance fiscale, une décision, une décision sur réclamation ou un jugement interrompent la prescription relative et font repartir un nouveau délai de deux ans, qui devrait donner le temps nécessaire à l'Administration fédérale pour mener à bien la procédure, y compris en cas de contentieux, dans les délais légaux de prescription (cf. art. 42 al. 2 LTVA). S'y ajoute, en respectant l'ordre des démarches prescrit par la loi, la possibilité pour l'assujetti d'écourter de lui-même la procédure en sollicitant un recours omisso medio auprès du Tribunal administratif fédéral (art. 83 al. 4 LTVA; cf. Felix Geiger, ad art. 83 LTVA, in MWStG-Kommentar, 2012, n° 19 p. 514; Honauer/Pietropaolo/Borer-Di Costanzo, Prozessieren in MWSt-Sachen, in L'Expert-comptable suisse, 2013, p. 435 ss, 439 s.), étant toutefois précisé que le déclenchement d'une telle procédure dépend de la volonté de l'assujetti. Par ailleurs, il incombe à l'autorité fiscale de s'organiser de façon à être en mesure d'achever les procédures de taxation dans les délais, ce qui implique notamment qu'il lui faut faire preuve de toute la célérité et diligence indiquée tant dans la phase du contrôle aboutissant à la notification d'estimation, que par la suite, au moment de rendre une décision formelle, puis une décision sur réclamation, si celles-ci s'imposent. Il faut préciser que la notification d'estimation limite le temps de réflexion de l'assujetti à trente jours (délai de paiement imparti) et que la loi n'impose nullement au fisc de procéder, comme il le fait actuellement, à deux sommations avant d'engager une procédure de recouvrement. L'on ne saurait en effet perdre de vue que l'un des buts de l'adoption de la nouvelle LTVA visait prioritairement à alléger la charge de travail de l'ass ujetti, à "recentrer l'administration sur le service aux assujettis", de même qu'à accélérer "la procédure du point de vue des assujettis " (FF 2008 6277, p. 6279 et p. 6374 s., ad art. 42 LTVA), tout en laissant à ces derniers le choix d'entamer une procédure administrative (le cas échéant, en accélérant la procédure via le recours omisso medio ) ou d'accepter le montant de l'impôt. En outre, l'exégèse de la LTVA ne conduit pas radicalement à remettre en cause le droit de l'Administration fédérale de coupler une décision de notification à une décision lorsque les circonstances spécifiques du cas le justifient (l'assujetti annonce d'emblée vouloir contester les constats du fisc, persiste catégoriquement dans son refus d'accepter la position du fisc à l'issue du contrôle ou la perception de l'impôt apparaît concrètement menacée). Elle fait seulement obstacle à une pratique tendant systématiquement au prononcé d'une telle décision, alors que l'existence d'une notification d'estimation ne signifie pas à elle seule qu'il existe déjà une menace concrète quant à la perception de l'impôt.
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La recourante ne peut rien tirer du principe de sécurité juridique en sa faveur. Tel que le législateur l'a conçue, la LTVA de 2009 vise moyennant la notification d'estimation au contraire à renforcer ledit principe ainsi que l'égalité des armes en faveur de l'assujetti, en empêchant l'Administration fiscale, notamment par la multiplication ou la prolongation des contrôles en entreprise, de revenir sans cesse sur la différence entre la créance calculée par l'assujetti et celle retenue par le fisc (cf. le délai d'ordre pour les contrôles prévu à l'art. 78 al. 5 LTVA; FF 2008 6277, p. 6300 et p. 6392; voir aussi Baumgartner/ Clavadetscher/Kocher, op. cit., n° 83 p. 329 et nos 35 s. p. 268; Camenzind/Honauer/Vallender/Jung/Probst, p. 840; Honauer/Graff Brakemeier/Di Costanzo, op. cit., p. 100; Sieber, op. cit., p. 288).
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6.4. En conclusion, il découle de l'interprétation des dispositions concernées de la LTVA que la pratique instaurée par l'Administration fédérale, consistant à systématiquement coupler ses notifications d'estimation à des décisions administratives, sans pour autant examiner si les circonstances particulières du cas d'espèce justifient la prise d'une décision au sens de l'art. 82 LTVA, n'est pas conforme à la systématique et à l'esprit de ladite loi fédérale. En tant que la notification d'estimation afférente à la période de 2010 correspond à cette pratique, sans que la recourante ne parvienne à démontrer que des circonstances particulières aient motivé le prononcé d'une notification d'estimation revêtue d'un caractère décisionnel, c'est à bon droit que le Tribunal administratif fédéral a considéré qu'elle ne pouvait constituer une décision et que, partant, le fisc ne pouvait refuser d'entrer en matière sur la contestation formulée par l'assujetti au motif qu'elle était tardive.
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7. Reste à se prononcer sur la conséquence qu'en a tirée le Tribunal administratif fédéral, à savoir l'annulation de la décision d'irrecevabilité du 29 mars 2012. Dans un argument subsidiaire, pour le cas où la Cour de céans devrait rejeter son recours, l'Administration fédérale prie le Tribunal fédéral de confirmer que sa décision d'irrecevabilité du 29 mars 2012 doit être annulée et non déclarée nulle. Selon la recourante, il en va de la sécurité juridique par rapport à un grand nombre de décisions de taxation similaires émises à partir du 1er janvier 2010.
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7.1. La sanction ordinaire d'une décision comportant des vices est l'annulabilité. Celle-ci ne peut être prononcée que par l'autorité de recours saisie dans le délai prévu. Les décisions ne sont considérées comme nulles que dans des cas exceptionnels. Pour que la nullité soit prononcée, le vice doit non seulement être particulièrement grave, mais aussi être manifeste ou en tous les cas clairement reconnaissable et il faut que la sécurité du droit ne soit pas sérieusement mise en danger par la reconnaissance de la nullité (ATF 137 I 273 consid. 3.1 p. 275 s.; 132 II 21 consid. 3.1 p. 27; arrêt 2C_962/2012 du 21 mars 2013 consid. 4.1).
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7.2. En l'occurrence, la Cour de céans a retenu que la pratique du couplage systématique de la notification d'estimation à une décision -, en tant qu'elle s'inscrivait dans ce système sans qu'un autre élément n'en justifiât le prononcé à ce stade précoce de la procédure de reprise d'impôt -, n'était pas conforme à la systématique et à l'esprit de la TVA. La décision d'irrecevabilité du 29 mars 2012 était ainsi infondée. Il n'y avait toutefois pas d'atteinte au droit constitutionnel d'être entendu de l'intimé ni à d'autres garanties fondamentales; en outre, l'on ne pouvait exclure que l'Administration fédérale puisse, dans des circonstances spécifiques répondant aux conditions de l'art. 82 LTVA, d'emblée communiquer la notification d'estimation sous forme d'une décision sujette à réclamation. En outre, dans une administration de masse comme elle existe en droit fiscal, il y a lieu de suivre l'argument de la recourante selon lequel le constat de la nullité ab initio de la décision en cause créerait une insécurité juridique par rapport aux nombreuses décisions que l'Administration fédérale a rendues de la même façon par le passé (voir, dans ce sens, Blum, ad art. 79 LTVA, op. cit., n° 35 p. 495). Il convient dès lors de confirmer que c'est à juste titre que le Tribunal administratif fédéral a seulement annulé et non pas déclaré nulle la décision d'irrecevabilité du 29 mars 2012 portant sur l'année 2010.
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8. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours. Les frais judiciaires seront mis à la charge de la recourante qui succombe et défend un intérêt patrimonial (cf. art. 66 al. 1 et 4 LTF). L'intimé, qui n'est pas représenté par un avocat et qui ne s'est pas déterminé dans la procédure de recours engagée devant la Cour de céans, ne peut pas prétendre à des dépens (cf. art. 68 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: | |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué à l'Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée, à l'intimé, ainsi qu'au Tribunal administratif fédéral, Cour I.
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Lausanne, le 21 mars 2014
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Zünd
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Le Greffier: Chatton
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