BGer 8C_536/2013 | |||
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BGer 8C_536/2013 vom 14.05.2014 | |
{T 0/2}
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8C_536/2013
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Arrêt du 14 mai 2014 |
Ire Cour de droit social | |
Composition
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Mme et MM. les Juges fédéraux Leuzinger, Présidente, Ursprung et Frésard.
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Greffière : Mme von Zwehl.
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Participants à la procédure | |
Caisse cantonale vaudoise de chômage, Division juridique, Rue Caroline 9bis,
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1014 Lausanne,
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recourante,
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contre
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A.________,
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représentée par Me Charles-Henri De Luze, avocat,
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intimée.
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Objet
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Assurance-chômage (chômage; conjoint; position analogue à un employeur),
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recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois du 25 juin 2013.
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Faits: | |
A. B.________ a été engagée le 1er février 2006 en qualité de pilote et planificatrice de vols à un taux d'environ 65 % par la société C.________ SA. Cette société, fondée en avril 2003, a pour but l'organisation, la planification, la gestion et la commercialisation de transports aériens, ainsi que l'organisation de voyages. D.________ en est l'administrateur unique avec droit de signature individuelle. Le 21 août 2007, B.________ a épousé D.________ avec lequel elle a deux enfants nés respectivement en 2002 et 2007.
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Le 26 avril 2011, C.________ SA a résilié le contrat de travail de A.________ (auparavant B.________) avec effet au 30 juin suivant pour raisons économiques. Le 26 mai 2011, la prénommée s'est annoncée au chômage et a requis l'octroi des indemnités journalières à partir du 1er juillet 2011 pour une perte de travail de 70 %.
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Par décision du 27 juillet 2011, la Caisse cantonale vaudoise de chômage (ci-après: la caisse) a refusé d'allouer des prestations à l'assurée en raison de sa situation de conjointe d'un dirigeant de l'entreprise qui l'a licenciée.
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L'intéressée a contesté cette décision. A l'appui de son opposition, elle a fourni les explications suivantes. C.________ SA avait été fondée dans la perspective d'une relation d'affaires avec E.________ SA, société à qui F.________ SA avait donné la charge d'organiser le transport de personnes en avion pour l'entreprise. Les discussions entre E.________ SA et C.________ SA avaient abouti à la conclusion, en décembre 2004, d'une convention d'assistance technique selon laquelle la première, propriétaire d'un avion G.________, confiait à la seconde l'organisation et l'exploitation exclusive de cet avion conformément aux termes dudit contrat. C.________ SA avait engagé A.________, qui disposait d'une licence de pilote de ligne, pour gérer et piloter l'avion G.________. A cette fin, la prénommée avait suivi une formation complémentaire sur cet avion spécifique à l'étranger financée par E.________ SA. A la fin de l'année 2010, cette société avait résilié la convention d'assistance technique pour le 30 juin 2011. C.________ SA, qui n'était propriétaire d'aucun avion et dont l'activité avait essentiellement consisté à organiser le transport aérien pour le compte de E.________ SA, avait donc dû se séparer de A.________ ainsi que de trois autres pilotes ayant travaillé pour elle en "free lance". Vu l'âge de A.________ et le fait qu'elle ne disposait que d'une licence pour piloter l'avion G.________ dont il n'existait que très peu d'exemplaires en Suisse, un réengagement auprès de C.________ SA était exclu. Il n'y avait donc pas de risque de détournement de la loi.
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Dans une nouvelle décision du 13 mars 2012, la caisse a écarté l'opposition de l'assurée. Elle a considéré que malgré les éléments avancés, le risque d'une mise à contribution abusive de l'assurance ne pouvait être écarté.
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B. A.________ a recouru contre la décision sur opposition devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois.
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Après avoir procédé à l'audition de trois témoins (à savoir D.________, H.________, pilote occasionnel ayant oeuvré en "free lance" pour C.________ SA et I.________, directeur de l'école d'aviation J.________ SA), le tribunal cantonal a, par jugement du 25 juin 2013, admis le recours, annulé la décision litigieuse et renvoyé la cause à la caisse pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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C. La caisse interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont elle requiert l'annulation. Préalablement, elle a demandé l'effet suspensif qui lui a été accordé à titre superprovisoire par ordre de la Présidente de la Ire Cour de droit social le 3 septembre 2013.
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Sous suite de frais et dépens, A.________ conclut au rejet du recours. Le Secrétariat d'Etat à l'économie a renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit: | |
1. En tant qu'il renvoie la cause à la caisse pour nouvelle décision, le jugement entrepris doit être qualifié de décision incidente, qui ne peut être déférée immédiatement au Tribunal fédéral que si la condition du préjudice irréparable est réalisée ou pour des motifs d'économie de la procédure (art. 93 al. 1 let. a LTF). Lorsqu'une administration ou un assureur social sont contraints par le jugement incident à rendre une décision qu'ils estiment contraire au droit et qu'ils ne pourront eux-mêmes pas attaquer, un tel jugement incident peut être déféré au Tribunal fédéral sans attendre le prononcé du jugement final (ATF 133 V 477 consid. 5.2 p. 483). Cette éventualité est en l'espèce réalisée, le jugement attaqué ayant un effet contraignant pour la recourante en ce sens que celle-ci est tenue de statuer à nouveau sur le droit aux prestations de chômage de l'intimée en faisant abstraction de sa situation d'épouse de D.________. Il convient par conséquent d'entrer en matière.
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2. Le litige porte sur le point de savoir si c'est à bon droit que la caisse a nié le droit de l'intimée à l'indemnité de chômage à partir du 1er juillet 2011.
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3. Le jugement attaqué expose correctement la disposition excluant du droit à l'indemnité en cas de réduction de l'horaire de travail les personnes (ainsi que leur conjoint lorsqu'il/elle travaille avec elles) qui se trouvent dans une position assimilable à celle d'un employeur (art. 31 al. 3 let. c LACI; RS 837.0), ainsi que la jurisprudence qui étend par analogie à ces personnes (ainsi qu'à leur conjoint) l'exclusion du droit à l'indemnité de chômage (ATF 123 V 234). On peut y renvoyer.
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On rappellera brièvement les motifs qui ont présidé au développement de cette jurisprudence. Pour des raisons de conflits d'intérêts évidents, la loi exclut du cercle des bénéficiaires de l'indemnité en cas de réduction de travail les personnes qui occupent dans l'entreprise une position dirigeante leur permettant de déterminer eux-mêmes l'ampleur de la diminution de leur activité. Il en va de même des conjoints de ces personnes qui travaillent dans l'entreprise. Le Tribunal fédéral a identifié un risque de contournement de cette clause d'exclusion lorsque dans un contexte économique difficile, ces mêmes personnes procèdent à leur propre licenciement et revendiquent l'indemnité de chômage tout en conservant leurs liens avec l'entreprise. Dans une telle configuration, en effet, il est toujours possible pour elles de se faire réengager dans l'entreprise ultérieurement et d'en reprendre les activités dans le cadre de son but social. La même chose vaut pour le conjoint de la personne qui se trouve dans une position assimilable à un employeur lorsque, bien que licencié par ladite entreprise, il conserve des liens avec celle-ci au travers de sa situation de conjoint d'un dirigeant d'entreprise. Cette possibilité d'un réengagement dans l'entreprise - même si elle est seulement hypothétique et qu'elle découle d'une pure situation de fait - justifie la négation du droit à l'indemnité de chômage. Ce droit peut toutefois être reconnu lorsque le dirigeant démontre qu'il a coupé tous les liens qu'il entretenait avec l'entreprise (en raison de la fermeture de celle-ci ou en cas de démission de la fonction dirigeante) ou, s'agissant du conjoint licencié, lorsque celui-ci a travaillé dans une autre entreprise que celle dans laquelle son mari ou sa femme occupe une position assimilable à un employeur. Bien que cette jurisprudence puisse paraître très sévère, il y a lieu de garder à l'esprit que l'assurance-chômage n'a pas pour vocation à indemniser la perte ou les fluctuations de gain liées à une activité indépendante mais uniquement la perte de travail, déterminable et contrôlable, du travailleur ayant un simple statut de salarié qui, à la différence de celui occupant une position décisionnelle, n'a pas le pouvoir d'influencer la perte de travail qu'il subit et pour laquelle il demande l'indemnité de chômage (sur l'ensemble de cette problématique, voir BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l'assurance-chômage, 2014, ad art. 10 n o 18 et ss; également du même auteur, Droit à l'indemnité de chômage des personnes occupant une position assimilable à celle d'un employeur, in DTA 2013 n o 1, p. 1-12).
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4. Tout en reconnaissant que le lien de parenté entre l'intimée et l'administrateur unique de C.________ SA constituait en principe un motif d'exclusion du droit à l'indemnité de chômage, les juges cantonaux ont considéré que le cas d'espèce présentait des spécificités particulières qui justifiaient de considérer qu'il n'y avait pas de risque de détournement de la loi. A cet égard, ils ont constaté que l'activité de l'intimée au sein de C.________ SA avait consisté à exploiter l'avion G.________ dont E.________ SA était propriétaire et que la résiliation de son contrat de travail était liée à la dénonciation par E.________ SA du contrat d'assistance technique conclu fin 2004 entre C.________ SA et la société qui possédait cet avion. En d'autres termes, faute d'outil de travail, il n'y avait plus de travail pour l'intimée dans l'entreprise de son mari. Sur la base des témoignages entendus, les premiers juges ont également retenu que la possibilité pour C.________ SA de se voir confier la gestion d'un nouvel avion du type G.________ était hypothétique vu le nombre d'avions de ce type existant en Suisse (deux). Par ailleurs, la licence de pilote de l'intimée n'était plus valide puisqu'elle était sujette à un examen d'aptitude annuel. Devant l'ensemble de ces éléments, les seuls faits que la société C.________ SA avait un but social relativement large et que l'intimée avait également exercé à 30 % la fonction de planificatrice de vols lorsqu'elle était employée par C.________ SA, n'étaient pas de motifs suffisants pour lui dénier le droit au chômage à cause de son lien de parenté avec l'unique dirigeant de son ancien employeur.
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La recourante conteste cette appréciation en faisant valoir qu'il n'y a pas de motif de faire exception à la jurisprudence en la matière.
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5. On doit convenir avec la caisse que les circonstances d'espèce ne sont pas aptes à mettre en cause - ni même à justifier de renoncer à appliquer au cas particulier - la jurisprudence selon laquelle la personne licenciée par l'entreprise dans laquelle son conjoint occupe une position décisionnelle n'a pas droit à l'indemnité de chômage tant que le conjoint reste lié à l'entreprise.
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En l'occurrence, il est constant que C.________ SA a continué d'exister malgré la perte du contrat avec E.________ SA. On ne peut donc pas parler d'une circonstance propre à exclure la poursuite du but social de l'entreprise (pour un exemple dans ce sens arrêt 8C_1016/2012 du 19 août 2013). Par ailleurs, D.________, en sa qualité d'administrateur unique, a gardé à tout moment la faculté de réengager sa femme dans la société. Il n'y a certes pas lieu de douter que c'est la baisse du volume des affaires découlant du retrait de E.________ SA qui a conduit au licenciement de l'intimée. Mais c'est justement en cela que le cas d'espèce présente une analogie avec une réduction en matière d'horaire de travail. Contrairement à ce qu'a retenu la juridiction cantonale, le fait que l'entreprise n'est plus en possession de l'avion piloté par l'intimée n'est pas déterminante. En effet, il n'est pas impossible que C.________ SA obtienne d'autres mandats pour le transport aérien de personnes intégrant un financement pour la formation complémentaire du pilote comme cela avait été le cas avec E.________ SA (pour des cas de figure comparables voir les arrêts 8C_155/2011 du 25 janvier 2012, 8C_1004/2010 du 29 juin 2011, 8C_174/2010 du 30 juillet 2010, 8C_461/2009 du 8 décembre 2009 et C 157/06 du 22 janvier 2007). Il ressort au demeurant du dossier que l'intimée avait déjà travaillé en "free lance" pour C.________ SA avant son engagement du 1er février 2006 et que parmi ses collègues pilotes, elle était la seule à bénéficier d'un contrat de travail. Cela démontre bien que le lien de parenté entre elle et l'administrateur unique de la société rend un contournement de la loi possible, même s'il demeure hypothétique eu égard à la conjoncture économique. Comme on l'a dit, cela suffit à nier le droit au chômage de l'intimée.
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Le recours se révèle donc bien fondé et le jugement entrepris doit être annulé. La cause étant tranchée, la requête d'effet suspensif n'a plus d'objet.
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6. L'intimée qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF)..
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est admis et le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois du 25 juin 2013 est annulé. La décision sur opposition du 13 mars 2012 est confirmée.
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2. Les frais de justice, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et au Secrétariat d'Etat à l'économie SECO.
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Lucerne, le 14 mai 2014
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Au nom de la Ire Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente : La Greffière :
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Leuzinger von Zwehl
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