BGer 6B_2/2014 | |||
| |||
Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch) | |||
BGer 6B_2/2014 vom 26.06.2014 | |
{T 0/2}
| |
6B_2/2014
|
Arrêt du 26 juin 2014 |
Cour de droit pénal | |
Composition
| |
MM. les Juges fédéraux Mathys, Président,
| |
Denys et Oberholzer.
| |
Greffière : Mme Cherpillod.
|
Participants à la procédure | |
A.________,
| |
représentée par Mes Gilles Crettol et Béatrice Stahel, avocats,
| |
recourante,
| |
contre
| |
1. X.________,
| |
représenté par Me Stéphane Jordan, avocat,
| |
2. Office central du Ministère public du canton du Valais, case postale 2305, 1950 Sion 2,
| |
intimés.
| |
Objet
| |
Ordonnance de classement (abus de confiance),
| |
recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale, du 29 novembre 2013.
|
Faits : | |
A. Le 24 octobre 2011, A.________ a déposé une dénonciation pénale contre X.________ pour abus de confiance au sens de l'art. 138 CP, subsidiairement gestion déloyale selon l'art. 158 CP, au motif que X.________ se serait approprié, en 2004, des avoirs bancaires d'une valeur de plusieurs millions d'euros qu'il lui avait donnés en 1999-2000.
| 1 |
B. Par ordonnance du 11 juillet 2013, le procureur de l'Office central du ministère public du canton du Valais a classé la procédure pénale ouverte contre X.________ en application de l'art. 319 al. 1 let. b CPP. Il a également levé le blocage du portefeuille ordonné.
| 2 |
C. Par ordonnance du 29 novembre 2013, la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais a rejeté le recours de A.________ contre l'ordonnance du 11 juillet 2013. En bref, elle a considéré que tant à la lumière du droit belge que du droit suisse, le dossier ne permettait pas de retenir que A.________ était devenue propriétaire ou au moins ayant droit économique des fonds transférés par X.________ et qu'une condamnation de ce dernier pour abus de confiance, a fortiori pour gestion déloyale, ne paraissait pas plus vraisemblable qu'un acquittement.
| 3 |
D. A.________ forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Elle sollicite, avec suite de frais et dépens, la restitution de l'effet suspensif, le blocage du portefeuille précité, l'annulation de l'ordonnance du 29 novembre 2013, la mise en accusation de X.________ du chef d'abus de confiance, subsidiairement de gestion déloyale, et le renvoi de ce dernier devant le tribunal compétent. A titre subsidiaire, elle requiert également que soit établi le droit belge s'agissant de la validité d'une donation manuelle assortie d'un pouvoir général en faveur du donateur, au besoin en ordonnant une expertise, cas échéant par l'autorité précédente après renvoi de la cause.
| 4 |
Par ordonnance du 30 janvier 2014, le Président de la Cour pénale du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif.
| 5 |
Considérant en droit : | |
1. La recourante accuse l'intimé d'abus de confiance, subsidiairement de gestion déloyale, pour s'être approprié des avoirs lui appartenant. Dans son mémoire au Tribunal fédéral, elle explique avoir des prétentions contre l'intimé à hauteur de 3'075'781.65 EUR, soit 4'782'230 fr., et dans quelle mesure la décision attaquée a une incidence sur leur jugement. Les indications fournies sont suffisantes pour retenir que la recourante revêt la qualité pour recourir selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF.
| 6 |
2. La recourante soulève une violation de son droit d'être entendue. L'autorité précédente aurait soudainement appliqué le droit belge à la donation ayant conduit au versement en sa faveur des fonds en 1999-2000.
| 7 |
2.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti aux art. 29 al. 2 Cst. et 107 CPP, comprend notamment le droit pour l'intéressé de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 137 IV 33 consid. 9.2 p. 48). Le droit d'être entendu porte avant tout sur les questions de fait. La jurisprudence a toutefois estimé que les parties devaient éventuellement aussi être entendues sur les questions de droit lorsque l'autorité concernée entendait se fonder sur des normes légales dont la prise en compte ne pouvait pas être raisonnablement prévue par les parties (cf. ATF 129 II 497 consid. 2.2 p. 504 s. et arrêts cités; également 130 III 35 consid. 5 p. 39).
| 8 |
2.2. Il ressort de la procédure que la question du droit applicable à l'acte juridique ayant justifié le versement des fonds a toujours été litigieuse. La recourante a ainsi elle-même invoqué, auprès du ministère public, que cet acte ne devait pas être soumis au droit français, comme l'intimé semblait le prétendre, mais au droit belge (courrier des conseils de la recourante du 23 juillet 2012, p. 3). Dans ces circonstances, l'application par l'autorité précédente du droit belge à l'acte susmentionné ne peut être considérée comme inattendue. Le grief de violation du droit d'être entendu est infondé.
| 9 |
3. Invoquant une violation du principe "in dubio pro duriore", tiré de l'art. 319 CPP, la recourante fait grief à la juridiction cantonale d'avoir ordonné le classement de la procédure.
| 10 |
3.1. Aux termes de l'art. 319 al. 1 let. b CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis.
| 11 |
Selon la jurisprudence, cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage "in dubio pro duriore". Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91). Il signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91).
| 12 |
3.2. Se rend coupable d'abus de confiance au sens de l'art. 138 ch. 1 al. 2 CP celui qui, sans droit, aura employé à son profit ou au profit d'un tiers, des valeurs patrimoniales qui lui avaient été confiées.
| 13 |
Sur le plan objectif, cette infraction suppose qu'une valeur ait été confiée, autrement dit que l'auteur ait acquis la possibilité d'en disposer, mais que, conformément à un accord exprès ou tacite ou un autre rapport juridique, il ne puisse en faire qu'un usage déterminé, en d'autres termes, qu'il l'ait reçue à charge pour lui d'en disposer au gré d'un tiers, notamment de la conserver, de la gérer ou de la remettre (ATF 133 IV 21 consid. 6.2 p. 27). Le comportement délictueux consiste à utiliser la valeur patrimoniale contrairement aux instructions reçues, en s'écartant de la destination fixée (ATF 129 IV 257 consid. 2.2.1 p. 259).
| 14 |
3.3. Se rend coupable de gestion déloyale au sens de l'art. 158 ch. 1 CP celui qui, en vertu de la loi, d'un mandat officiel ou d'un acte juridique, est tenu de gérer les intérêts pécuniaires d'autrui ou de veiller sur leur gestion et qui, en violation de ses devoirs, aura porté atteinte à ces intérêts ou aura permis qu'ils soient lésés. Le gérant d'affaires qui, sans mandat, aura agi de même encourra la même peine. En vertu de l'art. 158 ch. 2 CP, celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura abusé du pouvoir de représentation que lui confère la loi, un mandat officiel ou un acte juridique et aura ainsi porté atteinte aux intérêts pécuniaires du représenté sera puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire.
| 15 |
3.4. La recourante se réfère à l'ordonnance attaquée, p. 6, qui retient qu'"une condamnation ne paraît pas plus vraisemblable qu'un acquittement". Elle en déduit que l'autorité précédente aurait accordé autant de chance à un acquittement qu'à une condamnation, de sorte qu'elle aurait dû rendre une ordonnance de mise en accusation. Considérer qu'une condamnation ne paraît "pas plus vraisemblable qu'un acquittement", ne signifie pas que les deux ont la même chance d'être prononcés. Le grief est infondé.
| 16 |
3.5. Invoquant l'art. 97 LTF, réglant l'établissement des faits, la recourante reproche à l'autorité cantonale d'avoir arbitrairement omis de prendre en considération les documents d'ouverture de compte à leur juste valeur, et de ne pas avoir considéré qu'elle était non seulement la titulaire formelle mais également la bénéficiaire économique des montants soustraits (recours, p. 6, ch. 27 ss). En classant la procédure en dépit de ces "preuves lourdes", l'autorité précédente aurait violé le principe "in dubio pro duriore" (recours, p. 8, ch. 41). Elle soutient également que l'autorité précédente aurait appliqué arbitrairement le droit civil belge pour conclure à l'absence de donation initiale en sa faveur. Ce faisant, la recourante concentre toute sa discussion sur la question de ses droits sur les fonds litigieux. Elle perd ainsi de vue que sa titularité sur ces fonds, même admise, ne constitue pas la seule condition de punissabilité des infractions dénoncées, soit l'abus de confiance et la gestion déloyale.
| 17 |
3.6. Il ressort des faits constatés par l'autorité précédente, dont la recourante ne démontre pas qu'ils aient été établis de manière arbitraire et qui lient par conséquent le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), que l'intimé a été le compagnon de la mère de la recourante durant trente ans. Entre octobre 1999 et janvier 2000, la recourante, de nationalité française et domiciliée en Belgique - à l'instar de l'intimé - a ouvert quatre relations bancaires auprès de la succursale d'une banque sise à Sion. Ces relations bancaires ont été immédiatement créditées d'un montant total de 4'000'000 EUR provenant d'avoirs appartenant à l'intimé. A cet égard, l'indication "donation du père" mentionnée sur les documents bancaires est erronée, la recourante admettant elle-même que les fonds provenaient de l'intimé (plainte, p. 3 ch. 7), qui n'était juridiquement ni son père, ni même son beau-père. Cette erreur déjà interdit de suivre la recourante lorsqu'elle soutient que l'instruction n'aurait pas mis en lumière que les indications consignées dans la documentation bancaire d'ouverture de compte auraient été erronées (recours, p. 7 ch. 36). Le jour même de l'ouverture desdits comptes, la recourante a mis l'intimé au bénéfice d'un "pouvoir général" de représentation illimité, régi exclusivement par le droit suisse, lui conférant le pouvoir d'effectuer tous actes de gestion et de disposition, y compris des prélèvements de tout ou partie des actifs de la signataire et également de clôturer le compte. Le document préformé définissant ce pouvoir contenait une clause par laquelle la signataire se déclarait consciente qu'un tel mandat donnait à son représentant les mêmes pouvoirs qu'elle avait elle-même.
| 18 |
Les circonstances dans lesquelles ces dispositions ont été prises sont litigieuses. L'autorité précédente a toutefois retenu que l'opération avait été orchestrée par l'intimé, dans un contexte probablement fiscal. Elle relève également que la recourante n'est pas intervenue en rapport avec ces comptes durant les dix ans qui ont suivi les versements, lors même que ses liens avec l'intimé se sont distendus et que les rapports entre sa mère et lui se sont dégradés dès le début des années 2000. L'autorité cantonale a écarté le motif tardif avancé par la recourante pour expliquer les versements, soit le souci de l'intimé de réparer les conséquence d'attouchements d'ordre sexuel qu'il aurait perpétrés autrefois sur sa personne, relevant notamment que la recourante a fait état dans sa dénonciation pénale d'une relation extrêmement proche avec l'intimé, avec lequel des liens de totale confiance avaient été tissés au fil du temps.
| 19 |
En 2004, lorsque la recourante a quitté la Belgique pour la France, l'intimé a intégré les actifs litigieux dans une nouvelle structure juridique, un trust, recueillant également des avoirs à son nom propre.
| 20 |
L'ordonnance attaquée ne contient aucun fait permettant de penser que l'intimé, au bénéfice d'un "pouvoir général" sur les fonds virés par lui sur les comptes ouverts au nom de la recourante, aurait été limité dans sa capacité de disposer de ces fonds. En particulier, l'autorité précédente ne constate pas qu'un accord même tacite entre les parties aurait prévu une telle restriction. Dans son mémoire, la recourante ne mentionne pas que les faits auraient été constatés, respectivement omis de manière arbitraire à cet égard. Elle n'allègue pas que l'intimé aurait été limité, malgré le pouvoir général qu'elle lui avait accordé sur les fonds crédités à son nom, dans sa capacité de disposer de ceux-ci comme il l'entendait. Une telle limitation, qui plus est dans les circonstances d'espèces où une personne cède sa titularité formelle sur des fonds contre un pouvoir général sur ceux-ci, ne se présume pas. Dans ces conditions, on ne peut considérer que les fonds litigieux avaient été confiés au sens de la jurisprudence rappelée ci-dessus (cf. supra consid. 3.2 ) par la recourante à l'intimé, ni a fortiori que ce dernier aurait disposé de ces fonds sans droit. Deux des conditions constitutives objectives de l'abus de confiance faisaient donc défaut. Les faits tels que constatés par l'autorité précédente ne permettaient pas non plus de retenir à charge de l'intimé une obligation de gérer les intérêts pécuniaires de la recourante, ni un abus d'un pouvoir de la représenter (cf. supra consid. 3.3). L'autorité précédente, en confirmant le classement fondé sur l'art. 319 al. 1 let. b CPP, n'a donc pas abusé du pouvoir d'appréciation conféré par cette disposition, ni violé le principe "in dubio pro duriore".
| 21 |
3.7. La recourante estime que l'autorité précédente a arbitrairement appliqué le droit étranger s'agissant de la validité de la donation ayant conduit au virement des fonds litigieux. Comme elle le reconnaît elle-même (recours, p. 9 ch. 47) et comme cela résulte de ce qui précède, cette question n'est pas déterminante pour le sort de la procédure. Son grief ne peut qu'être rejeté.
| 22 |
4. Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante supporte les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimé, qui n'a pas été invité à se déterminer sur le fond, mais uniquement sur l'effet suspensif.
| 23 |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
| |
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 4'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
| |
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale.
| |
Lausanne, le 26 juin 2014
| |
Au nom de la Cour de droit pénal
| |
du Tribunal fédéral suisse
| |
Le Président : La Greffière :
| |
Mathys Cherpillod
| |
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR). |