BGer 4A_391/2014 | |||
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BGer 4A_391/2014 vom 29.10.2014 | |
{T 0/2}
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4A_391/2014
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Arrêt du 29 octobre 2014 |
Ire Cour de droit civil | |
Composition
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Mmes les juges Klett, présidente, Kiss et Niquille.
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Greffier : M. Thélin.
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Participants à la procédure | |
A.X.________ et B.X.________,
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représentés par Me Sidonie Morvan,
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défendeurs et recourants,
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contre
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A.Z.________ et B.Z.________,
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représentés par Me Nils De Dardel,
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demandeurs et intimés.
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Objet
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bail à loyer; résiliation
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recours contre l'arrêt rendu le 19 mai 2014 par la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève.
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Faits : | |
A. Dès le 1er janvier 2003, A.Z.________ et B.Z.________ ont pris à bail un local commercial de 24 m² destiné à l'exploitation d'un salon de coiffure, au rez-de-chaussée d'un bâtiment sis dans le centre de Genève. Le contrat était résiliable pour le 31 décembre de chaque année, la première fois pour le 31 décembre 2007. Depuis le 1er janvier 2010, le loyer annuel s'élève à 11'076 fr., frais accessoires en sus.
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Le rez-de-chaussée comprend deux autres locaux commerciaux, respectivement affectés à l'exploitation d'un café-librairie et d'un bar-restaurant japonais; les étages comprennent dix logements.
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Le salon de coiffure des locataires Z.________ est doté de toilettes. Le café-librairie et le bar-restaurant en sont dépourvus; le personnel et la clientèle de ces établissements utilisent un WC accessible dans le hall du bâtiment.
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A.X.________ et B.X.________ sont devenus propriétaires de l'immeuble et bailleurs des locaux dès le mois de février 2009. Le 31 mars 2011, ils ont résilié le bail des locataires Z.________ avec effet au 31 décembre 2012. Invités à motiver ce congé, ils ont communiqué que le WC commun dans le hall engendrait des difficultés et qu'ils projetaient d'y mettre fin par d'importantes transformations, avec révision de « tout le concept des locaux du café-librairie et du salon de coiffure ».
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B. En temps utile, devant l'autorité de conciliation compétente puis devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève, A.Z.________ et B.Z.________ ont ouvert action contre A.X.________ et B.X.________. A titre principal, ils réclamaient l'annulation du congé; à titre subsidiaire, ils réclamaient la prolongation du bail pour une durée de six ans, jusqu'au 31 décembre 2018.
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Les défendeurs ont conclu principalement à l'irrecevabilité de la demande et subsidiairement au rejet de l'action.
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Le tribunal a interrogé les parties et entendu divers témoins. Il a notamment entendu U.________; celui-ci exploite une entreprise individuelle consacrée aux activités « en rapport avec l'immobilier, [telles] que contrôle des devis, investissements, courtage en immobilier, rénovations de biens immobiliers ». Le témoin n'est pas architecte; les défendeurs l'ont néanmoins consulté en vue d'un réaménagement des toilettes du rez-de-chaussée. Selon sa déposition, les travaux nécessitent des interventions lourdes pendant une durée d'un mois et demi à deux mois, incompatibles avec la présence de locataires. Le projet est réalisable et les autorisations nécessaires seraient faciles à obtenir. Le témoin n'a pas préparé de document autre qu'une lettre datée du 25 avril 2012, présente au dossier; il l'a adressée à ses clients après deux visites des lieux, pour leur expliquer que la configuration des toilettes du rez-de-chaussée « ne correspond plus aux normes » et nécessite une « réhabilitation complète »; il a précisé que pour des raisons de sécurité et d'hygiène, il n'est pas possible d'entreprendre des travaux en poursuivant l'exploitation du restaurant et du salon de coiffure. Les normes auxquelles il faisait allusion étaient celles « du bon sens ».
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Par jugement du 6 septembre 2013, le tribunal a accueilli l'action et annulé le congé.
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La Chambre des baux et loyers de la Cour de justice a statué le 19 mai 2014 sur l'appel des défendeurs; elle a confirmé le jugement.
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C. Agissant par la voie du recours en matière civile, les défendeurs requièrent le Tribunal fédéral de constater la validité du congé.
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Les demandeurs concluent au rejet du recours.
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Considérant en droit : | |
1. Les conditions de recevabilité du recours en matière civile sont satisfaites, notamment à raison de la valeur litigieuse.
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2. Les demandeurs ont ouvert action en annulation du congé sur la base de l'art. 271 al. 1 CO, lequel prévoit que la résiliation d'un bail d'habitation ou de locaux commerciaux est annulable lorsqu'elle contrevient aux règles de la bonne foi.
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Selon la jurisprudence, cette disposition protège le locataire contre le congé purement chicanier qui ne répond à aucun intérêt objectif, sérieux et digne de protection, et dont le motif n'est qu'un prétexte. Le locataire est aussi protégé en cas de disproportion grossière des intérêts en présence; il l'est également lorsque le bailleur use de son droit de manière inutilement rigoureuse ou adopte une attitude contradictoire. La protection ainsi conférée procède à la fois du principe de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit, respectivement consacrés par les al. 1 et 2 de l'art. 2 CC; il n'est toutefois pas nécessaire que l'attitude de la partie donnant congé à l'autre constitue un abus de droit « manifeste » aux termes de cette dernière disposition (ATF 120 II 105 consid. 3 p. 108; 120 II 31 consid. 4a p. 32; voir aussi arrêt 4A_31/2014 du 27 août 2014, consid. 4.1, destiné à la publication; ATF 138 III 59 consid. 2.1 p. 61/62).
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L'art. 271 al. 1 CO laisse en principe subsister le droit du bailleur de résilier le contrat dans le but d'adapter la manière d'exploiter son bien selon ce qu'il juge le plus conforme à ses intérêts; le bailleur peut ainsi légitimement vouloir se procurer un rendement plus élevé (ATF 136 III 190 consid. 3 in fine p. 194). En particulier, le bailleur peut légitimement vouloir une transformation ou rénovation très importante des locaux loués afin d'en augmenter la valeur. Une opération de grande ampleur, comportant notamment des modifications dans la distribution des locaux, le remplacement des cuisines, salles de bains et autres installations, et le renouvellement des sols et revêtements muraux, peut nécessiter la restitution des locaux par leur locataire et, par conséquent, la résiliation du bail. La résiliation se justifie aussi lorsque le locataire se déclare prêt à rester dans les locaux pendant de pareils travaux, et à s'accommoder des inconvénients qui en résulteront, quand sa présence serait de nature à entraîner un accroissement des difficultés, du coût et de la durée de l'entreprise. La résiliation n'est alors pas contraire aux règles de la bonne foi.
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Ce congé est en revanche annulable s'il apparaît que la présence du locataire ne compliquerait pas les travaux, notamment en cas de rénovation moins importante, ou ne les compliquerait que de manière insignifiante. Il est donc nécessaire d'apprécier l'importance des travaux envisagés et de déterminer s'ils nécessitent que le bâtiment ou les locaux en cause soient vidés de leurs occupants; le congé est annulable si cette appréciation est impossible faute de renseignements suffisants. Le locataire a le droit d'obtenir du bailleur une motivation qui lui permette d'apprécier ses chances de contester le congé avec succès; il doit notamment recevoir, en cas de projet de transformation, des informations suffisamment précises pour qu'il puisse évaluer la réalité des intentions du bailleur et la gêne que sa présence entraînerait dans l'exécution des travaux (arrêt précité 4A_31/2014, loc. cit.; ATF 135 III 112 consid. 4.2 p. 119).
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La résiliation est par ailleurs annulable lorsque le projet du bailleur apparaît objectivement impossible, notamment parce qu'il est de toute évidence incompatible avec les règles du droit administratif applicable et que le bailleur n'obtiendra donc pas les autorisations nécessaires; la preuve de l'impossibilité objective incombe alors au locataire. La validité du congé ne suppose pas que le bailleur ait déjà obtenu ces autorisations, ni même qu'il ait déjà déposé les documents dont elles dépendent (arrêt 4A_31/2014, loc. cit.; voir aussi ATF 136 III 190 consid. 4 p. 194/195).
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3. La validité d'un congé doit être appréciée en fonction des circonstances présentes au moment de cette manifestation de volonté (arrêt 4A_31/2014, loc. cit.; ATF 138 III 59 consid. 2.1 i.f. p. 62; 109 II 153 consid. 3b p. 156). En élucider le motif relève de la constatation des faits (ATF 136 III 190 consid. 2 p. 192; 115 II 484 consid. 2b p. 486), de sorte que, sous réserve du contrôle restreint prévu par les art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, ce point échappe à l'examen du Tribunal fédéral. Les déductions opérées ou à opérer sur la base d'indices - tels que des faits postérieurs au congé, propres à en dénoter rétrospectivement le motif (cf. arrêts 4A_155/2013 du 21 octobre 2013, consid. 2.3, et 4A_623/2010 du 2 février 2011, consid. 2.4) - relèvent elles aussi de la constatation des faits (ATF 117 II 256 consid. 2b p. 258; 136 III 486 consid. 5 p. 489; 128 III 390 consid. 4.3.3 in fine p. 398).
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Les art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF habilitent le Tribunal fédéral à compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 133 II 249 consid. 1.1.2 p. 252). Les constatations de fait sont arbitraires lorsque l'autorité omet de prendre en considération, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, sur la base des éléments recueillis, elle parvient à des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 136 III 552 consid. 4.2 p. 560). Au reste, en vertu de l'art. 105 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de l'autorité précédente.
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4. A l'instar du Tribunal des baux et loyers, la Cour de justice constate que les défendeurs n'ont mandaté aucun architecte ni ingénieur aux fins de développer leur projet de transformation, et que ce projet n'est concrétisé par aucun document technique ou administratif, ni par aucun devis. Selon la décision attaquée, les défendeurs ont seulement prétendu avoir réfléchi à une transformation des locaux, sans que ce projet ne fût clairement défini; ils n'ont en particulier fourni aucun plan ni esquisse du « concept » qu'ils disent vouloir mettre en oeuvre. Ils ont également fait allusion à un autre projet de travaux, à étudier plus tard, concernant le bar-restaurant japonais. Leurs déclarations sont incohérentes en tant qu'ils prétendent vouloir maintenir le WC accessible dans le hall alors que les habitants des étages se plaignent des nuisances engendrées par son utilisation. La Cour juge que dans ces conditions, le projet de transformation n'est pas suffisamment concret et développé pour qu'il soit possible d'apprécier s'il pourrait ou ne pourrait pas, raisonnablement, être exécuté sans que les locataires n'évacuent les locaux. Elle retient que le projet ainsi allégué n'est pas un motif de congé objectif, sérieux et digne de protection; elle confirme donc l'annulation fondée sur l'art. 271 al. 1 CO.
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A l'appui du recours en matière civile, les défendeurs se plaignent d'une constatation arbitraire des faits et d'une application incorrecte du droit; ils n'avancent toutefois que des moyens inconsistants. Les réclamations que les locataires des étages ont élevées à l'encontre des nuisances provenant du café-librairie, résultant notamment de l'utilisation du WC accessible dans le hall, ne démontrent pas qu'un réaménagement des locaux sanitaires du rez-de-chaussée ne puisse pas s'accomplir sans mettre fin à l'exploitation du salon de coiffure. A elles seules, les affirmations du témoin U.________ ne prouvent pas de manière certaine et indiscutable qu'un réaménagement de ce genre nécessite impérativement l'évacuation des locataires; il n'est donc pas question d'une constatation manifestement inexacte des faits. Les défendeurs arguent inutilement de la dépense « conséquente » qu'entraînerait l'élaboration d'un projet de transformation concret, comprenant des plans et d'autres documents techniques, car du point de vue d'un propriétaire réellement désireux d'entreprendre des travaux, il s'agit de frais indispensables à exposer de toute manière, quelles que soient le retard et les difficultés à prévoir jusqu'à la restitution des locaux occupés par des locataires. Il importe peu que des plans puissent être élaborés « en quelques semaines seulement ». Il ne suffit pas d'avoir prétendument « expliqué de manière parfaitement claire la nature du projet »; il faut en outre, comme on l'a vu, avoir mis les locataires en mesure d'apprécier la gêne que leur présence entraînerait dans l'exécution des travaux envisagés. Cette exigence n'a pas été satisfaite, de sorte que la Cour de justice a dûment confirmé l'annulation du congé. Pour le surplus, il n'est pas nécessaire de vérifier si les motifs de sa décision résistent en tous points aux critiques des défendeurs.
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5. Le recours se révèle privé de fondement, ce qui conduit à son rejet. A titre de parties qui succombent, ses auteurs doivent acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels leurs adverses parties peuvent prétendre.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les défendeurs acquitteront un émolument judiciaire de 2'000 francs.
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3. Les défendeurs verseront solidairement entre eux une indemnité de 2'500 fr. aux demandeurs, créanciers solidaires, à titre de dépens.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 29 octobre 2014
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La présidente : Klett
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Le greffier : Thélin
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