BGer 4A_331/2014 | |||
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BGer 4A_331/2014 vom 31.10.2014 | |
{T 0/2}
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4A_331/2014
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Arrêt du 31 octobre 2014 |
Ire Cour de droit civil | |
Composition
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Mmes les Juges fédérales Klett, Présidente, Hohl et Kiss.
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Greffier : M. Piaget.
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Participants à la procédure | |
La République A.________, représentée par Me Eric Vazey, avocat,
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recourante,
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contre
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B.________, représenté par Me Sébastien Desfayes, avocat,
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intimé.
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Objet
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conflit de travail; immunité de juridiction, compétence,
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des prud'hommes, du 25 avril 2014.
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Faits : | |
A. Par décision du 18 novembre 2002 de la Mission permanente de la République A.________ auprès des Nations Unies (ci-après: la Mission), B.________, de nationalité xxx, a été engagé en qualité de " Maître d'Hôtel à la résidence de M. l'Ambassadeur A.________ à Genève ". Le salaire " forfaitaire " mensuel de l'employé a été fixé à 3'500 fr.
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B. Par acte du 15 février 2011, B.________ a saisi le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève d'une demande en paiement contre la République A.________, concluant à ce qu'il soit constaté que le contrat de travail n'avait pas valablement pris fin, ainsi qu'au paiement du montant total de 102'778.11 fr. (intérêts en sus).
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C. L'employeuse exerce un recours en matière civile contre l'arrêt cantonal du 25 avril 2014. Elle conclut à son annulation, à ce qu'il soit dit qu'elle bénéficie devant les tribunaux suisses de l'immunité de juridiction dans la présente affaire, à ce que la demande déposée le 15 février 2011 soit déclarée irrecevable, et à ce que sa partie adverse soit condamnée aux frais et dépens. Subsidiairement, elle conclut à l'annulation de l'arrêt entrepris et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
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Considérant en droit : | |
1. La recourante s'en prend uniquement au rejet de l'exception d'immunité de juridiction. Elle ne conteste plus la compétence des autorités judiciaires suisses pour le cas où l'immunité de juridiction devrait être définitivement niée.
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1.1. En tant qu'elle a rejeté l'exception d'immunité de juridiction, la cour cantonale a rendu une décision incidente sur la compétence, susceptible d'un recours immédiat au Tribunal fédéral (art. 92 LTF; ATF 133 III 645 consid. 2.2 p. 647; 124 III 382 consid. 2a p. 385 s.).
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1.2. Le recours en matière civile peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Il peut donc également être formé pour violation d'un droit constitutionnel (ATF 136 I 241 consid. 2.1 p. 247; 136 II 304 consid. 2.4 p. 313).
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1.3. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire (ATF 136 II 304 consid. 2.4 p. 314; 135 III 127 consid. 1.5 p. 130) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
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2. Le Tribunal des prud'hommes, sans distinguer clairement la question relative à la compétence de celle visant l'immunité de juridiction, est arrivé à la conclusion qu'il était compétent à raison de la matière et du lieu et que l'employeuse ne pouvait pas se prévaloir de son immunité de juridiction. En conséquence, il a déclaré recevable la demande formée par l'employé le 15 février 2011.
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La Cour de justice confirme la décision prise par les premiers juges. S'agissant de la compétence ratione materiae, elle considère que les parties se sont soumises au droit privé, qu'à défaut d'élection de droit en faveur d'une législation étrangère, le droit du contrat de travail suisse (cf. art. 319 ss CO) est applicable, et que, sur cette base, la compétence à raison de la matière du tribunal des prud'hommes genevois doit être admise selon l'art. 1 al. 1 let. a de la loi genevoise sur le Tribunal des prud'hommes (LTPH/GE; E 3 10). Quant à l'exception tirée de l'immunité de juridiction, la cour cantonale juge que, le tribunal saisi étant compétent et le travail en cause étant accompli totalement ou partiellement sur le territoire suisse, l'employeuse ne peut faire valoir son immunité de juridiction (règle de l'absence d'immunité prévue à l'art. 11 al. 1 de la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens [CNUIJE]). Elle indique enfin qu'aucune des exceptions mentionnées à l'art. 11 al. 2 CNUIJE n'est réalisée en l'espèce.
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3. La recourante estime qu'en vertu des " principes généraux du droit des gens ", son immunité de juridiction aurait dû être reconnue par la cour cantonale (acte de recours p. 9 s.).
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3.1. Pour trancher les questions relatives aux immunités de juridiction, il faut s'inspirer de la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens (CNUIJE), signée par la Suisse le 19 septembre 2006 et ratifiée le 16 avril 2010. Cette convention n'est pas encore entrée en vigueur, faute de ratification par un nombre suffisant d'Etats; néanmoins, cet accord se veut la codification du droit international coutumier en matière d'immunité de juridiction, de sorte que le bien-fondé de l'exception d'immunité de juridiction peut être examiné à la lumière de l'art. 11 CNUIJE (cf. sur l'ensemble de la question: arrêt 4A_544/2011 du 30 novembre 2011 consid. 2.1 publié in RSDIE 2013 p. 124; ATF 134 III 122 consid. 5.1 p. 128).
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3.2. La recourante soutient que l'autorité précédente aurait dû se fonder sur la Convention européenne sur l'immunité des Etats conclue à Bâle le 16 mai 1972 (CEIE; RS 0.273.1), ratifiée par la Suisse le 6 juillet 1982, et non sur la Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens (CNUIJE).
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3.3. En Suisse, le législateur a regroupé dans la loi sur l'Etat hôte du 22 juin 2007 [LEH; RS 192.12]) les règles découlant du droit international coutumier relatives aux privilèges et aux immunités (cf. Message relatif à la loi fédérale sur l'Etat hôte du 13 septembre 2006, FF 2006 p. 7604).
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3.4. La personne jouissant de l'immunité diplomatique au sens de l'art. 11 al. 2 let. b/iv CNUIJE - les autres cas d'immunité de l'art. 11 al. 2 n'entrant manifestement pas en considération - est nécessairement une personne s'acquittant de fonctions particulières dans l'exercice de la puissance publique
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3.5. Selon la recourante, le seul point de rattachement avec le territoire suisse est le lieu de l'activité professionnelle de l'employé, ce qui ne serait pas suffisant pour admettre la compétence des tribunaux suisses " au regard des règles et principes en matière d'immunité de juridiction ". Selon elle, tous les autres critères (nationalité, lieu de l'engagement, résidence au moment de l'engagement, devise dans laquelle l'employé a été rémunéré, forme du contrat d'engagement, intitulé de la décision d'engagement) font référence à la République A.________.
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3.6. Enfin, la recourante insiste sur le fait que les rapports de travail avec l'intimé seraient régis par la loi xxx.
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4. Il résulte des considérations qui précèdent que le recours en matière civile doit être déclaré mal fondé.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. La recourante versera à l'intimé une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre des prud'hommes.
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Lausanne, le 31 octobre 2014
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente : Klett
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Le Greffier : Piaget
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