BGer 1B_255/2015 | |||
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BGer 1B_255/2015 vom 12.08.2015 | |
{T 0/2}
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1B_255/2015
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Arrêt du 12 août 2015 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
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Chaix et Kneubühler.
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Greffier : M. Kurz.
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Participants à la procédure | |
recourant,
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contre
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Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
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Objet
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détention pour des motifs de sûreté,
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 30 juin 2015.
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Faits : | |
A. Par jugement du 5 juin 2015, le Tribunal correctionnel du canton de Genève a acquitté A.________ du chef de meurtre par dol éventuel et l'a reconnu coupable d'homicide par négligence pour avoir participé à une course poursuite ayant abouti à un accident mortel. Il l'a également reconnu coupable de deux violations simples de la LCR, de conduite sans autorisation et de deux conduites sans assurance responsabilité civile. La peine a été fixée à 4 ans et demi de privation de liberté sous déduction de 21 jours de détention avant jugement. Un précédent sursis (40 jours-amende à 30 fr.) a été révoqué.
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Par décision du même jour, le tribunal a ordonné la mise en détention pour des motifs de sûreté à la requête du Ministère public, retenant qu'il existait un risque de récidive au vu des très mauvais antécédents en matière de circulation routière; il y avait en outre un risque de fuite, l'intéressé étant de nationalité brésilienne et domicilié en France, sa seule attache avec la Suisse étant sa mère qui y résidait; bien qu'il ait comparu libre, il avait été condamné à une lourde peine susceptible d'être aggravée, le Ministère public et les parties plaignantes ayant fait appel du jugement.
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B. Par arrêt du 30 juin 2015, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève a confirmé la décision de mise en détention. Le 29 janvier 2013, le Tribunal des mesures de contrainte (Tmc) avait ordonné la libération du prévenu moyennant notamment le versement de 3'000 fr. de caution et l'obligation de se présenter une fois par semaine à un poste de police. A cette époque toutefois, la prévention ne s'étendait pas au meurtre par dol éventuel. Depuis lors, une lourde condamnation avait été prononcée, susceptible d'être aggravée sur appel du Ministère public. Même si la mère et la soeur du condamné habitaient en Suisse, sa compagne et ses trois enfants résidaient en France voisine. Après le prononcé du Tmc, l'intéressé avait circulé à deux reprises sans permis; il avait fait l'objet de cinq avertissements et retraits de permis entre 2002 et 2012; il n'avait pas non plus respecté une mesure de substitution imposée dans le cadre d'une autre procédure (interdiction d'exercer une activité professionnelle dans le domaine de la sécurité et de travailler la nuit). Ce cumul d'éléments faisait ressortir un risque de récidive. Aucune mesure de substitution n'entrait en considération.
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C. Par acte du 28 juillet 2015, A.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et d'ordonner sa libération immédiate, selon les modalités à fixer par la direction de la procédure; subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à l'instance cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants. Il requiert l'assistance judiciaire.
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La cour cantonale a renoncé à des observations. Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le recourant a répliqué, persistant dans ses griefs et ses conclusions.
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Considérant en droit : | |
1. Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. Le recours a été formé dans le délai fixé à l'art. 100 al. 1 LTF contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 233 CPP et 80 LTF). Le recourant, dont la mise en détention a été confirmée, a qualité pour agir (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF.
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2. Une mesure de détention provisoire ou pour des motifs de sûreté n'est compatible avec la liberté personnelle garantie aux art. 10 al. 2 Cst. et 5 CEDH que si elle repose sur une base légale (art. 31 al. 1 et art. 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 221 CPP. Elle doit en outre correspondre à un intérêt public et respecter le principe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.). Pour que tel soit le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les besoins de l'instruction, par un risque de fuite ou par un danger de collusion ou de réitération (art. 221 al. 1 let. a, b et c CPP). Préalablement à ces conditions, il doit exister des charges suffisantes, soit de sérieux soupçons de culpabilité, à l'égard de l'intéressé (art. 221 al. 1 CPP; art. 5 par. 1 let. c CEDH), c'est-à-dire des raisons plausibles de le soupçonner d'avoir commis une infraction.
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3. Compte tenu du jugement de première instance, le recourant ne nie pas l'existence de charges suffisantes, même s'il se défend d'avoir commis un homicide par négligence. Il conteste en revanche l'existence de risques de récidive et de fuite. Il relève n'avoir jamais été condamné pénalement pour violation de la LCR. Le risque de récidive avait été retenu sur la base de cinq mesures administratives prononcées au cours des dix dernières années. Les trois infractions constatées (conduite sous le coup d'un retrait de permis et sans assurance RC) ne seraient pas suffisamment graves ni susceptibles de récidive. Le Ministère public n'avait d'ailleurs pas précédemment ordonné de mise en détention pour ce motif, et rien dans le comportement du recourant durant les quinze derniers mois (et notamment après la seconde infraction de conduite sans permis), ne permettrait d'accréditer le risque de réitération. Les assertions quant au manque de respect pour les décisions administratives ou à la désinvolture du recourant seraient sans pertinence pour admettre un risque de réitération. En réplique, le recourant relève que la présente cause se distinguerait de l'arrêt du 11 septembre 2008 (1B_236/2008) où la personne détenue se voyait reprocher des actes de violence répétés.
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3.1. Aux termes de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté peut être ordonnée lorsqu'il y a lieu de craindre que le prévenu compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre. Selon la jurisprudence, il convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation du risque de récidive: le maintien en détention ne peut se justifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et si les délits dont l'autorité redoute la réitération sont graves. Bien qu'une application littérale de l'art. 221 al. 1 let. c CPP suppose l'existence d'antécédents, le risque de réitération peut être également admis dans des cas particuliers alors qu'il n'existe qu'un antécédent, voire aucun dans les cas les plus graves. La prévention du risque de récidive doit en effet permettre de faire prévaloir l'intérêt à la sécurité publique sur la liberté personnelle du prévenu (ATF 137 IV 13 consid. 3-4 p. 18 ss). Le risque de récidive peut également se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné - avec une probabilité confinant à la certitude - de les avoir commises (ATF 137 IV 84 consid. 3.2 p. 86 et les références citées).
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3.2. Compte tenu des principes rappelés ci-dessus, le risque de réitération ne saurait se limiter à des infractions au code de la route comme la conduite sans permis ou même sans assurance responsabilité civile. Il conviendrait de démontrer que l'attitude du recourant comporte un danger grave pour la vie ou l'intégrité corporelle d'autres personnes, par exemple en se livrant à nouveau à un comportement routier tel que celui qui a conduit à sa condamnation. Or, s'il résulte des antécédents du recourant que celui-ci pourrait reprendre le volant en dépit des mesures dont il fait l'objet, il n'est en revanche pas prétendu qu'il se montrerait systématiquement dangereux lorsqu'il conduit un véhicule automobile, même si le Ministère public relève qu'il ne semble pas avoir pris conscience des risques liés à la vitesse.
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Il n'est dès lors pas certain qu'un risque de récidive puisse être retenu dans le cas particulier. La question peut néanmoins demeurer indécise car le risque de fuite apparaît quant à lui indéniable.
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4. Conformément à l'art. 221 al. 1 let. a CPP, la détention pour des motifs de sûreté peut être ordonnée s'il y a sérieusement lieu de craindre que le prévenu se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible en prenant la fuite. Selon la jurisprudence, le risque de fuite doit s'analyser en fonction d'un ensemble de critères tels que le caractère de l'intéressé, sa moralité, ses ressources, ses liens avec l'Etat qui le poursuit ainsi que ses contacts à l'étranger, qui font apparaître le risque de fuite non seulement possible, mais également probable. La gravité de l'infraction ne peut pas, à elle seule, justifier la prolongation de la détention, même si elle permet souvent de présumer un danger de fuite en raison de l'importance de la peine dont le prévenu est menacé (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62 et les arrêts cités). Il est sans importance que l'extradition du prévenu puisse être obtenue (ATF 123 I 31 consid. 3d p. 36 s.).
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4.1. Le recourant relève qu'il n'a pas pris la fuite lorsque les charges ont été étendues à l'infraction de meurtre le 19 mars 2013. Au contraire, le Ministère public avait allégé les mesures de substitution le 3 mars 2014, en remplaçant le contrôle hebdomadaire par un contrôle mensuel. Arrivé à Genève à quinze ans en 1995, le recourant a obtenu un permis C et exercé des emplois réguliers jusqu'à son incarcération; sa soeur, devenue suissesse, habite également en Suisse; aucun contact n'aurait été gardé avec son pays d'origine. En couple depuis quinze ans et père de trois jeunes enfants, dans une situation financière difficile, il n'aurait ni raison ni moyens de fuir.
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4.2. La référence du recourant aux faits et décisions intervenus précédemment durant l'instruction est sans pertinence, dès lors qu'une condamnation a désormais été rendue en première instance. Le recourant a certes fait appel de sa condamnation et pourrait ainsi espérer une libération du chef d'homicide. Le Procureur ayant toutefois également fait appel en persistant à requérir une condamnation pour homicide intentionnel, le recourant peut également craindre une peine plus sévère. Cela étant, après la condamnation prononcée par le tribunal, la perspective de passer plusieurs années en prison apparaît désormais concrète, ce qui n'était pas forcément le cas auparavant (cf. ATF 139 IV 270 consid. 3.1). Le recourant est de nationalité étrangère et ne dispose plus d'un travail en Suisse. Quand bien même sa mère et sa soeur demeurent en Suisse, sa compagne et ses trois enfants résident en France voisine. Le recourant habite avec eux et déclare lui-même qu'il s'agit de son attache principale. La tentation de fuir, ne serait-ce qu'en France voisine, ou d'entrer dans la clandestinité pour échapper à une condamnation est ainsi évidente. Compte tenu de cette nouvelle situation, aucune des mesures de substitution prononcées précédemment n'apparaît propre à pallier le risque de fuite.
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5. Le recours doit par conséquent être rejeté. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies (art. 64 al. 1 LTF). Il y a lieu de désigner Me Xavier-Marcel Copt en qualité d'avocat d'office et de fixer ses honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Le recourant est en outre dispensé des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté.
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2. La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Xavier-Marcel Copt est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
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Lausanne, le 12 août 2015
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Fonjallaz
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Le Greffier : Kurz
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