BGer 4A_613/2015 | |||
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BGer 4A_613/2015 vom 27.11.2015 | |
{T 0/2}
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4A_613/2015
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Arrêt du 27 novembre 2015 |
Ire Cour de droit civil | |
Composition
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Mmes les Juges Kiss, présidente, Klett et Niquille.
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Greffier: M. Carruzzo.
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Participants à la procédure | |
A.________,
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recourante,
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contre
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M. et Mme B.________, Société en nom collectif, représentée par Me Michael Lavergnat,
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intimée.
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Objet
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contrat de travail,
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recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 1er octobre 2015 par la Chambre des prud'hommes
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de la Cour de justice du canton de Genève.
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Considérant en fait et en droit : | |
1.
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1.1. Un différend en matière de droit du travail oppose A.________, demanderesse, à son ancien employeur, la société en nom collectif M. et Mme B.________, défenderesse, qui l'avait engagée pour travailler comme aide de cuisine dans le café-restaurant qu'elle exploite à Genève.
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Par jugement du 13 août 2015, le Tribunal des prud'hommes du canton de Genève a condamné la défenderesse à payer à la demanderesse la somme brute de 7'414 fr. 17 et les sommes nettes de 4 fr. 96 et de 2'559 fr., chacune avec les intérêts y afférents. Il a débouté les parties de toute autre conclusion.
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Saisie d'un appel de la demanderesse, la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du même canton l'a déclaré irrecevable par arrêt du 1er octobre 2015 sans avoir pris les déterminations de la partie adverse (art. 312 al. 1 CPC). Selon cette autorité, l'écriture d'appel déposée par la demanderesse le 14 septembre 2015, soit le dernier jour du délai d'appel, ne satisfaisait pas à l'exigence de motivation fixée par l'art. 311 al. 1 CPC et la jurisprudence y relative (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1 p. 375) pour la recevabilité de ce moyen de droit.
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1.2. Le 5 novembre 2015, A.________ a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Invoquant l'interdiction du formalisme excessif et de l'arbitraire, la recourante conclut à l'annulation de cet arrêt et au renvoi de la cause à la Chambre des prud'hommes afin qu'elle entre en matière sur son appel et rende une décision sur le fond.
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La cour cantonale, qui a produit son dossier, et la défenderesse, intimée au recours, n'ont pas été invitées à déposer une réponse.
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2.
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2.1. Exercé par une personne dont l'appel a été déclaré irrecevable par l'instance précédente (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF) dans une affaire pécuniaire en matière de droit du travail dont la valeur litigieuse atteint le seuil fixé à l'art. 74 al. 1 let. a LTF pour la recevabilité du recours en matière civile, le présent recours est recevable, puisqu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi.
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2.2. Le recours est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le Tribunal fédéral applique ce droit d'office, hormis les droits fondamentaux (art. 106 LTF). Il n'est pas lié par l'argumentation des parties, apprécie librement la portée juridique des faits, mais s'en tient d'ordinaire aux questions juridiques que la partie recourante soulève dans la motivation du recours (art. 42 al. 2 LTF; ATF 135 III 397 consid. 1.4 p. 400; 133 II 249 consid. 1.4.1 p. 254); au demeurant, il ne se prononce sur la violation de droits fondamentaux que s'il se trouve saisi d'un grief y relatif, soulevé et motivé de façon détaillée (art. 106 al. 2 LTF; ATF 134 I 83 consid. 3.2 p. 88; 134 II 244 consid. 2.2 p. 246; 133 II 249 consid. 1.4.2).
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Le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF); les allégations de fait et les moyens de preuve nouveaux sont en principe irrecevables (art. 99 al. 1 LTF). Le Tribunal fédéral peut compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 133 II 249 consid. 1.1.2 p. 252) ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
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3. Dans un premier moyen, la recourante reproche à la Chambre des prud'hommes d'avoir violé l'interdiction du formalisme excessif.
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3.1. Un formalisme excessif est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la mise en oeuvre du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9). Les allégués contenus dans le mémoire de recours adressés à l'autorité, en particulier les moyens de droit, doivent en principe satisfaire aux exigences de motivation. Cela doit notamment permettre de comprendre pour quelles raisons le recourant s'en prend à la décision attaquée et dans quelle mesure celle-ci doit être modifiée ou annulée. Dès lors, si la validité d'un moyen de droit présuppose, en vertu d'une règle légale expresse, une motivation - même minimale -, cela ne constitue pas une violation du droit d'être entendu ou de l'interdiction du formalisme excessif d'en exiger une (ATF 134 II 244 consid. 2.4.2 p. 247 s.).
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3.2. En l'espèce, l'écriture d'appel de la recourante était ainsi libellée:
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"Je fais appel contre la décision du 13/08/2015 n° 2190912012-2, j'ai été en vacances durant la notification de 30 jours. Motif : je vous enverrai les documents nécessaires dans les prochains jours car je ne suis pas d'accord avec votre décision.
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[formule de politesse]"
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Le 17 septembre 2015, la recourante a déposé au greffe de la Cour de justice genevoise une lettre, accompagnée de sept pièces, dans laquelle elle indiquait à la juridiction prud'homale qu'elle lui faisait parvenir en annexe "les documents suivants [énumération de ceux-ci] attestant les opérations chirurgicales que j'ai subies". Selon elle, les circonstances exceptionnelles du cas particulier - notamment le fait que, par lettre du 21 septembre 2015, son avocat avait informé la Chambre d'appel qu'il n'assurait plus la défense de ses intérêts et le fait que le délai d'appel arrivait à terme quelques jours seulement après le retour de vacances de l'appelante, une personne au demeurant sans formation juridique et ne parlant pas bien la langue française - auraient dû amener la cour cantonale à lui impartir un délai pour lui permettre de compléter son acte d'appel.
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Il n'en est rien. La thèse défendue par la recourante se heurte à la jurisprudence précitée selon laquelle ce n'est pas faire preuve de formalisme excessif que d'exiger une motivation, fût-elle minimale, lorsque, comme c'est le cas de l'art. 311 al. 1 CPC, la loi en exige une. Force est, d'ailleurs, de constater que les pièces déposées le 17 septembre 2015 par la recourante au greffe de la Cour de justice avec la lettre d'accompagnement l'ont été après l'expiration, le 14 septembre 2015, du délai d'appel, lequel ne pouvait pas être prolongé s'agissant d'un délai légal (art. 144 al. 1 CPC en liaison avec l'art. 311 al. 1 CPC). Pour le surplus, la recourante ne prétend pas avoir déposé une demande de restitution du délai, au sens de l'art. 148 CPC, et ne reproche pas non plus aux juges précédents de n'avoir pas traité son écriture du 17 septembre 2015 comme une requête ad hoc.
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4. En second lieu, la recourante fait grief à la Chambre des prud'hommes d'être tombée dans l'arbitraire en posant la constatation suivante: "aucun complément de la part de A.________ n'est parvenu à la Cour à ce jour" (arrêt attaqué, p. 2, 5ème attendu). Selon elle, pareille constatation serait insoutenable, étant donné le dépôt, par ses soins, le 17 septembre 2015, d'une lettre complémentaire accompagnée de sept pièces justificatives. Et la recourante de démontrer en quoi, à son avis, les pièces en question seraient pertinentes pour la solution du litige.
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4.1. Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire, au sens de l'art. 9 Cst., lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et reconnu, ou encore heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; encore faut-il que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat. A cet égard, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par la cour cantonale que dans la mesure où celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d'un droit certain. Il n'y a pas arbitraire du fait qu'une autre solution pourrait entrer en considération ou serait même préférable (ATF 140 III 16 consid.2.1 p. 18 s.; 138 III 378 consid. 6.1 p. 379 s.).
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De jurisprudence constante, le Tribunal fédéral se montre réservé en matière de constatation des faits et d'appréciation des preuves, vu le large pouvoir qu'il reconnaît en la matière à l'autorité cantonale (ATF 120 Ia 31 consid. 4b p. 40; 104 Ia 381 consid. 9 p. 399 et les arrêts cités). Dans ce domaine, l'autorité verse dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en compte, sans raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsqu'elle tire des conclusions insoutenables à partir des éléments recueillis (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 265; 137 III 226 consid. 4.2 p. 234).
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4.2. Examinée à la lumière de cette jurisprudence, la constatation incriminée est exempte d'arbitraire.
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Elle l'est déjà intrinsèquement dès lors que le simple dépôt de pièces avec une lettre se bornant à énumérer celles-ci ne mérite pas d'être qualifié de "complément", par quoi l'on entend un acte dont le contenu complète la motivation de l'acte d'appel initial. Concrètement, la lettre déposée le 17 septembre 2015 par la recourante ne démontre pas davantage que celle adressée trois jours plus tôt à l'autorité d'appel en quoi le jugement de première instance serait erroné puisque, à l'instar de celle-ci, elle ne contient aucun motif. Preuve en est, a contrario, la tentative faite par la recourante devant le Tribunal fédéral d'expliquer en quoi les pièces produites par elle seraient propres à étayer les prétentions qu'elle avait soumises sans succès au Tribunal des prud'hommes.
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Ensuite et en tout état de cause, ladite constatation, fût-elle insoutenable, ne porterait pas à conséquence. En effet, comme on l'a déjà noté, les pièces en question ont été produites tardivement et ne pouvaient dès lors pas être prises en considération par la Chambre des prud'hommes. Il suit de là que, même s'il fallait y voir un véritable complément à l'écriture d'appel, comme le soutient la recourante, la constatation inverse des juges précédents resterait sans incidence sur l'issue du litige.
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5. Dans ces conditions, le présent recours ne peut qu'être rejeté. Son auteur devra donc supporter les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF). Quant à l'intimée, n'ayant pas été invitée à déposer une réponse, elle n'a pas droit à l'allocation de dépens.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: | |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 27 novembre 2015
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente: Kiss
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Le Greffier: Carruzzo
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