BGer 8C_580/2015 | |||
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BGer 8C_580/2015 vom 26.04.2016 | |
{T 0/2}
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8C_580/2015
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Arrêt du 26 avril 2016 |
Ire Cour de droit social | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Ursprung, Frésard, Heine et Wirthlin.
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Greffière : Mme Castella.
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Participants à la procédure | |
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
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Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
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recourante,
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contre
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A.________,
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représenté par Me Pierre-Bernard Petitat, avocat,
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intimé.
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Objet
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Assurance-accidents (coordination européenne en matière de sécurité sociale),
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recours contre le jugement de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 23 juin 2015.
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Faits : | |
A. A.________, de nationalité française, résidant en France, a été victime d'un accident sur son lieu de travail le 11 novembre 2010. Alors qu'il travaillait sur un chantier à U.________ (F) et qu'il était occupé à poser un carrelage mural, il a chuté d'un escabeau. Il travaillait alors pour l'entreprise B.________ Sàrl, société inscrite au registre du commerce du canton de Genève, qui a son siège à Genève et dont il était l'associé gérant.
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Le 30 avril 2013, la société a rempli une déclaration de sinistre à l'intention de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA) relative à l'accident dont avait été victime son employé. Par décision du 27 mars 2014, la CNA a refusé de prendre en charge le cas au motif que l'intéressé, qui résidait en France, n'était pas soumis à la législation suisse en matière d'assurance-accidents.
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A.________ a formé opposition. Par lettre du 27 juin 2014, il a expliqué à la CNA qu'il avait atteint l'âge de la retraite en France en 2009. Il percevait en France une pension de retraite et avait continué à travailler comme gérant et surveillant des chantiers de B.________ Sàrl. A la suite de l'accident, il était demeuré en incapacité totale de travailler jusqu'en février 2014. Les conséquences de l'accident n'avaient pas été prises en charge par la sécurité sociale française du moment qu'il percevait déjà une pension de retraite. Le 8 juillet 2014, la CNA a rejeté l'opposition.
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B. A.________ a recouru contre la décision sur opposition devant la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève. Par arrêt du 23 juin 2015, la cour a partiellement admis son recours. Elle a annulé la décision sur opposition en tant qu'elle se rapportait à la période postérieure au 30 avril 2013 (date de l'annonce du cas à la CNA). Elle l'a confirmée pour la période antérieure. Elle a renvoyé la cause à la CNA pour complément d'instruction et nouvelle décision au sens des motifs.
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C. La CNA forme un recours en matière de droit public dans lequel elle conclut à l'annulation de l'arrêt cantonal et au rétablissement de sa décision sur opposition.
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A.________ conclut au rejet du recours. Ni l'Office fédéral de la santé publique ni l'Office fédéral des assurances sociales (section des affaires internationales) ne se sont déterminés.
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Considérant en droit : | |
1. L'arrêt attaqué ne met pas un terme à la procédure. En tant qu'il renvoie la cause à la recourante pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants, il doit être qualifié de décision incidente au sens de l'art. 93 LTF (ATF 140 V 321 consid. 3.1 p. 325; 133 V 477 consid. 4.2 p. 482). Cet arrêt de renvoi - qui règle la question de la législation applicable (infra consid. 7.1) - impose à la recourante de rendre une décision qu'elle estime être contraire au droit et qu'elle ne pourra elle-même pas attaquer. En cela, elle subit un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Le jugement attaqué peut ainsi être déféré immédiatement au Tribunal fédéral.
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2. En outre, le recours est dirigé contre un arrêt rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
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3. L'intimé, ressortissant d'un Etat partie à l'Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (Accord sur la libre circulation des personnes, ALCP; RS 0.142.112.681) a exercé une activité salariée en France, où il réside, pour le compte d'une entreprise sise en Suisse. Il prétend des prestations d'assurance d'une institution suisse. Le litige relève donc - cela est incontesté - de la coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale.
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Erwägung 4 | |
4.1. Jusqu'au 31 mars 2012, les Parties à l'ALCP appliquaient entre elles le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (ci-après: règlement n° 1408/71; RO 2004 121). Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l'Annexe II à l'ALCP avec effet au 1
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4.2. On relèvera que le règlement n° 883/2004 a été ultérieurement modifié par le Règlement (UE) n° 465/2012 du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 (JO L 149 du 8 juin 2012 p. 4), repris par la Suisse dès le 1
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Erwägung 5 | |
5.1. Sous le régime du règlement n° 1408/71, la détermination de la législation applicable faisait l'objet du Titre II (art. 13 à 17 bis). L'art. 13 par. 2 let. a de ce règlement posait le principe de la
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5.2. En l'espèce, l'intimé, qui exerçait une activité salariée en France où il résidait, a été incontestablement soumis à la législation française en vertu du règlement n
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Erwägung 6 | |
6.1. L'art. 11 par. 3 let. a du règlement n° 883/2004 reprend le principe de la loi du pays d'emploi. Il en découle que les ressortissants d'un Etat membre de l'Union européenne qui exercent leur activité lucrative en Suisse, mais résident dans un pays membre de l'Union européenne, sont soumis aux dispositions du droit suisse et sont donc obligatoirement assurés en vertu de la LAA (voir JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L'assurance-accidents obligatoire (avec des aspects de l'assurance-militaire), in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3
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6.2. L'art. 87 du règlement n° 883/2004 renferme des dispositions transitoires pour l'application de ce règlement (l'art. 87
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1. Le présent règlement n'ouvre aucun droit pour la période antérieure à la date de son application.
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(...)
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3. Sous réserve du par. 1, un droit est ouvert en vertu du présent règlement, même s'il se rapporte à une éventualité réalisée antérieurement à la date de son application dans l'Etat membre concerné. (...)
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8. Si, en conséquence du présent règlement, une personne est soumise à la législation d'un Etat membre autre que celui à la législation duquel elle est soumise en vertu du titre II du règlement (CEE) n° 1408/71, cette personne continue d'être soumise à cette dernière législation aussi longtemps que la situation qui a prévalu reste inchangée, mais en tout cas pas plus de dix ans à compter de la date d'application du présent règlement, à moins qu'elle n'introduise une demande en vue d'être soumise à la législation applicable en vertu du présent règlement. La demande est introduite dans un délai de trois mois à compter de la date d'application du présent règlement auprès de l'institution compétente de l'Etat membre dont la législation est applicable en vertu du présent règlement pour que l'intéressé puisse être soumis à la législation de cet Etat membre dès la date d'application du présent règlement. Si la demande est présentée après l'expiration de ce délai, le changement de législation applicable intervient le premier jour du mois suivant.
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(...)
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6.3. Le règlement n° 883/2004 (entré en vigueur pour les Etats membres de l'Union européenne le 1
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Erwägung 7 | |
7.1. Les considérants et conclusions du jugement attaqué peuvent se résumer comme suit:
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Avant l'entrée en vigueur du règlement n° 883/2004 pour la Suisse, l'intimé était soumis au règlement n° 1408/71. Il relevait donc indiscutablement de la législation française du fait de sa résidence et de son activité en France, cela bien qu'il exerçât une activité pour une entreprise sise en Suisse. Il ne peut en tout cas pas prétendre de prestations de la CNA pour une période antérieure au 1 er avril 2012 (art. 87 par. 1 du règlement n° 883/2004). Cependant, le fait que l'accident est survenu avant l'entrée en vigueur de ce nouveau règlement n'exclut pas que celui-ci puisse trouver application pour une période postérieure, conformément à son art. 87 par. 3. Encore eût-il fallu que l'intéressé ait présenté une demande en vue d'être soumis au droit applicable désigné par ce même règlement (art. 87 par. 8), ce qu'il n'a pas fait. Il faut toutefois considérer que sa déclaration de sinistre du 30 avril 2013 renferme implicitement une telle demande. Aussi bien la CNA pourrait-elle être tenue à prestations, dès le 1 er mai 2013 (premier jour du mois suivant la demande; art. 87 par 8 in fine) et en application de la législation suisse, si, lors de la survenance de l'accident, "l'activité (de l'intimé) en France était inférieure à 25 %" (taux d'activité selon l'art. 14 par. 8 du règlement n° 987/2009). Ce dernier point devait faire l'objet d'un complément d'instruction de la part de l'assureur-accidents. En conclusion, l'intimé n'a en tout cas pas droit à des prestations pour une période antérieure au 1 er mai 2013. Pour la période postérieure, le droit à des prestations dépendra du résultat des investigations encore à mener par la CNA.
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Erwägung 7.2 | |
7.2.1. L'art. 87 par. 8 du règlement n
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7.2.2. Il est douteux que l'art. 87 par. 8 du règlement n
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7.2.3. Tant le règlement n° 1408/71 (art. 13 par. 1 et 15 par. 2) que le règlement n° 883/2004 (art. 11 par. 1) posent le principe de
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7.2.4. D'autre part, contrairement à ce qu'il ressort de l'arrêt attaqué (consid. 7b p. 14), la date déterminante à partir de laquelle l'intimé pouvait - à supposer que les conditions en fussent réalisées - opter pour la législation suisse en vertu de l'art. 87 par. 8 du règlement n° 883/2004 n'est pas celle de l'accident (11 novembre 2010), mais celle de l'entrée en vigueur de ce règlement. En effet, la première condition pour appliquer l'art. 87 par. 8 est que,
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7.2.5. Pour être complet, on peut encore relever qu'il n'y a pas eu de changement de situation postérieurement au 1
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8. De ce qui précède, il résulte que le recours est bien fondé. L'intimé, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est admis. Le jugement attaqué est annulé et la décision sur opposition du 8 juillet 2014 est confirmée.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de la République et canton de Genève, à l'Office fédéral des assurances sociales et à l'Office fédéral de la santé publique.
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Lucerne, le 26 avril 2016
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Au nom de la Ire Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Maillard
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La Greffière : Castella
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