BGer 1B_147/2016 | |||
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BGer 1B_147/2016 vom 17.05.2016 | |
{T 0/2}
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1B_147/2016
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Arrêt du 17 mai 2016 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
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Merkli et Chaix.
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Greffière : Mme Arn.
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Participants à la procédure | |
recourant,
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contre
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Ministère public de l'arrondissement de Lausanne, p.a. Ministère public central du canton de Vaud, avenue de Longemalle 1, 1020 Renens.
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Objet
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Détention provisoire,
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recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 6 avril 2016.
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Faits : | |
A. Le 25 mai 2012, le Ministère public de l'arrondissement de Lausanne a ouvert une instruction pénale à l'encontre de A.________ notamment pour escroquerie par métier, usure, contrainte, infractions à la loi sur l'assurance chômage (LACI), à la loi sur les armes (LArm) et à la loi sur les stupéfiants (LStup). Il est reproché au prévenu d'avoir offert ses services de conseiller juridique professionnel indépendant, en l'absence de formation juridique, en donnant faussement l'impression, par une publicité pompeuse, de disposer des qualités professionnelles et des infrastructures nécessaires. Son mode opératoire consistait notamment à user de la fragilité de ses clients pour exiger d'eux des provisions exorbitantes jusqu'à ce qu'ils ne puissent plus y faire face financièrement, puis à tirer prétexte de cette situation pour résilier les mandats, pour lesquels il n'avait le plus souvent déployé qu'une activité réduite, voire inexistante. De plus, le prévenu menaçait ses clients d'engager des poursuites, quand il ne s'agissait pas de saisir le juge pénal pour les amener à poursuivre leurs versements. De nombreuses plaintes pénales ont été déposées pour ces faits.
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B. Dans le cadre de l'instruction, la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique a été ordonnée. Les experts psychiatres ont, dans leur rapport du 20 octobre 2015, retenu que l'expertisé ne souffrait pas au moment des faits de (grave) trouble mental aux sens des art. 59 et 63 CP. Ils ont par ailleurs qualifié le risque de récidive de potentiellement important, précisant que les modalités de fonctionnement psychique de l'intéressé représentaient un aspect qui péjorait le pronostic.
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C. Par ordonnance du 23 mars 2016, le Tmc a refusé la demande de libération présentée par le prévenu, en raison du risque de réitération; il a par ailleurs rejeté ses réquisitions de preuve tendant aux auditions des experts psychiatres et de son compagnon.
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L'intéressé a recouru contre cette décision auprès du Tribunal cantonal, qui a rejeté ce recours par arrêt du 6 avril 2016. En substance, cette autorité a retenu un risque de réitération qu'aucune mesure de substitution ne permettait d'exclure. Les principes de proportionnalité et de célérité étaient respectés. En outre, le droit d'être entendu de l'intéressé n'avait pas été violé.
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D. A.________ forme un recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal et demande au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt entrepris en ce sens que sa libération immédiate est ordonnée, subsidiairement moyennant le prononcé des mesures de substitution proposées dans son recours cantonal. Le recourant a requis l'assistance judiciaire. Il a complété son recours les 22 et 28 avril 2016.
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Le Tribunal cantonal et le Ministère public renoncent à se déterminer et se référent aux considérants de l'arrêt entrepris, la seconde autorité précisant que l'acte d'accusation renvoyant le prévenu en jugement devant le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne avait été établi.
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Considérant en droit : | |
1. Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre une décision relative à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP (RS 312.0). Formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et qui touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF), le recours en matière pénale est recevable.
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2. Dans une argumentation confuse, le recourant invoque une violation de son droit d'être entendu en tant que l'instance précédente aurait refusé de procéder à l'audition des experts psychiatres afin qu'ils puissent s'exprimer sur le risque de récidive, et plus particulièrement sur l'interprétation de leurs conclusions à ce sujet et la possibilité de mettre en oeuvre des mesures de substitution. Il soutient que le rapport d'expertise présenterait des lacunes qu'il conviendrait de combler par l'audition des experts; il explique ainsi qu'on ignorerait notamment si ces derniers feraient état d'un risque spécial ou général, lequel ne serait en outre pas circonscrit temporellement.
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Le grief du recourant doit être écarté. Comme relevé par l'instance précédente, le recours fait l'objet d'une procédure écrite (art. 397 al. 1 CPP), laquelle se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance (cf. art. 389 al. 1 CPP). Toutefois, conformément à l'art. 389 al. 3 CPP, l'autorité de recours peut administrer, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours (cf. arrêt 1B_51/2015 du 7 avril 2015 consid. 4.2 et 4.4). En l'occurrence, au vu des considérations qui suivent (consid. 3.2 s.), l'instance précédente n'a pas violé le droit d'être entendu en considérant, à l'instar du Tmc, qu'elle était suffisamment renseignée par les éléments figurant au dossier, et notamment par le rapport d'expertise du 20 octobre 2015. Elle a ainsi procédé à une appréciation anticipée non arbitraire des preuves en renonçant à donner suite à la requête du recourant tendant à l'audition des experts psychiatres (cf. sur l'appréciation anticipée des preuves: ATF 136 I 229 consid. 5.3 p. 236).
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3. Si le recourant ne conteste pas à juste titre l'existence de charges suffisantes (question ayant fait l'objet du consid. 4 de l'arrêt 1B_292/2015 auquel il y a lieu de se référer), il nie en revanche tout risque de récidive.
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3.1. Aux termes de l'art. 221 al. 1 let. c CPP, la détention provisoire peut être ordonnée lorsqu'il y a lieu de craindre que le prévenu compromette sérieusement la sécurité d'autrui par des crimes ou des délits graves après avoir déjà commis des infractions du même genre.
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Selon la jurisprudence, la détention provisoire en raison d'un risque de récidive peut être ordonnée, respectivement prolongée, d'une part, lorsqu'il s'agit d'éviter que le prévenu retarde, voire empêche, la clôture de la poursuite en commettant de nouvelles infractions et, d'autre part, pour éviter la réalisation d'un danger (ATF 137 IV 84 consid. 3.2 p. 85; arrêt 1B_249/2014 du 6 août 2014 consid. 3.2). Cependant, il convient de faire preuve de retenue dans l'appréciation du risque de récidive: le maintien en détention ne peut ainsi se justifier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable et si les délits dont l'autorité redoute la réitération sont graves (ATF 137 IV 84 consid. 3.2 p. 85). Ainsi, une possibilité hypothétique de réitération, ainsi que la probabilité que des infractions de peu d'importance soient à nouveau perpétrées ne suffisent pas pour justifier la détention provisoire (ATF 135 I 71 consid. 2.3 p. 73).
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Un risque de récidive existe non seulement lorsqu'il y a sérieusement à craindre pour la vie et l'intégrité corporelle, mais également en cas d'infractions graves contre le patrimoine, telle l'escroquerie par métier (arrêt 1B_193/2015 du 17 juin 2015 consid. 2.1 et les arrêts cités). Un tel risque peut aussi se fonder sur les infractions faisant l'objet de la procédure pénale en cours, si le prévenu est fortement soupçonné - avec une probabilité confinant à la certitude - de les avoir commises (ATF 137 IV 84 consid. 3.2 p. 86 et les références citées).
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3.2. A l'appui de son grief, le recourant se prévaut de l'expertise psychiatrique qui évoquerait un risque de récidive potentiel et non pas concret. Il reproche en outre à l'instance précédente de s'être référée aux précédentes décisions et notamment à celle du Tribunal fédéral du 23 septembre 2015, alors même qu'il existerait des éléments nouveaux (expertise psychiatrique du 20 octobre 2015; auditions de son compagnon et de B.________).
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Les arguments avancés par le recourant ne permettent toutefois pas de remettre en cause l'appréciation convaincante du Tribunal cantonal. Contrairement à ce que soutient à nouveau l'intéressé, les faits qui lui sont reprochés revêtent une gravité certaine au vu notamment du nombre important de plaignants concernés. On ne saurait par ailleurs reprocher au Tribunal cantonal d'avoir repris les considérations émises par le Tribunal de céans dans son arrêt du 23 septembre 2015 concernant l'existence d'un risque de récidive au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP (arrêt 1B_292/2015 consid. 5.2). Celles-ci conservent en effet toute leur pertinence et l'on peut s'y référer.
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L'instance précédente ne s'est de plus pas contentée de faire siennes dites considérations; elle a également souligné que l'existence d'un tel risque de réitération était confirmée par l'expertise psychiatrique qui a qualifié celui-ci de "potentiellement important". Le recourant tente à cet égard en vain de se prévaloir du fait que les experts ont fait usage du terme "potentiellement" pour minimiser le risque de réitération. L'adverbe litigieux se rapporte en effet à l'importance du risque et la lecture de l'expertise montre qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une simple possibilité théorique de r écidive, mais bien d'un risque concret potentiellement important que l'intéressé ne commette de nouvelles infractions pénales en lien avec une activité professionnelle future; les experts ont en particulier relevé que celui-ci projetait de reprendre une activité dans un domaine proche en tant que courtier en assurances. Dans leur analyse, les experts ont notamment tenu compte des antécédents du recourant auprès du Tribunal des mineurs, de la poursuite de son activité malgré la mise en garde du Procureur émise en février 2013 et de son fonctionnement caractérisé par une tendance à tester les limites de son environnement, notamment dans une recherche de satisfaction et de profit; ils ajoutaient également que les modalités de fonctionnement psychique de l'intéressé - notamment sa difficulté à prendre en compte l'altérité dès que ses besoins propres étaient en jeux - représentaient un aspect qui péjorait le pronostic (cf. point 3.2 du rapport d'expertise psychiatrique). Enfin, à l'instar de l'instance précédente, il y a lieu de constater que d'autres éléments - non contestés par le recourant - corroborent cette appréciation concernant le risque de récidive, en particulier le fait que celui-ci a violé à plusieurs reprises les règles de la prison et qu'il a persisté à nier toute activité délictueuse lors de son audition récapitulative du 20 novembre 2015. Compte tenu des éléments précités, le fait qu'il puisse compter sur le soutien financier de son concubin - qui serait en mesure de participer seul aux charges du ménage - n'apparaît clairement pas suffisant pour prévenir tout risque de récidive.
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L'arrêt attaqué en tant qu'il retient un risque de réitération au sens de l'art. 221 al. 1 let. c CPP ne porte dès lors pas le flanc à la critique.
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3.3. Le recourant reproche ensuite à l'instance précédente d'avoir écarté, sans motivation circonstanciée, les mesures de substitution qu'il a proposées; il évoque ainsi un suivi par le service de probation, la reddition de ses comptes bancaires, le contrôle par la police des sites internet romands de conseil juridique ainsi que de l'annuaire téléphonique "local.ch".
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Sa critique doit être écartée. En effet, si sur ce point la motivation du Tribunal cantonal est certes succincte, elle satisfait néanmoins aux exigences de motivation découlant de l'art. 29 al. 2 Cst. En l'état, cette autorité pouvait à juste titre considérer qu'au vu de l'intensité du risque de réitération, aucune mesure de substitution - pas même celles proposées par le recourant - n'était apte à pallier tout danger de réitération, comme le démontrerait le fait que ce dernier ne parvenait même pas à se plier aux règles imposées dans le cadre strict de la prison. Quoi qu'en pense le recourant, peu importe s'il n'a pas été sanctionné pour les faits en question.
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Enfin, le recourant ne peut être suivi lorsqu'il soutient que les experts psychiatres auraient dû se prononcer sur les mesures de substitution susceptibles d'être prononcées. Il appartient en effet au tribunal compétent, en l'espèce le Tmc, de se prononcer sur ces mesures. L'expertise psychiatrique ordonnée par le Ministère public sert en premier lieu à déterminer l'existence d'un trouble mental ainsi que le degré de responsabilité du prévenu (cf. arrêt 1B_613/2011 du 24 novembre 2011 consid. 3.2). De plus, dans la mesure où les experts ont considéré que le recourant ne souffrait pas d'un grave trouble mental, ils n'avaient pas à se prononcer sur d'éventuelles mesures thérapeutiques au sens des art. 59 et 63 CP.
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Le recours doit également être rejeté sur ce point.
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4. Enfin, invoquant implicitement une violation du principe de la proportionnalité, le recourant soutient qu'au vu de la détention subie à ce jour, il n'est pas certain que celle-ci n'excède pas la peine susceptible d'être prononcée en cas de condamnation. Il se plaint en outre d'une violation du principe de célérité, en se prévalant uniquement de l'ordonnance du Tmc du 5 juin 2013.
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En l'espèce, la durée de la détention provisoire subie par le recourant atteignait environ quatorze mois lorsque la décision entreprise a été rendue. Si le recourant est reconnu coupable d'escroquerie par métier, la peine privative de liberté encourue est de dix ans au plus (art. 146 al. 2 CP). C ompte tenu de la gravité des faits reprochés au recourant, la durée de la détention avant jugement subie à ce jour reste encore compatible avec la peine encourue concrètement en cas de condamnation. De plus, il n'apparaît pas que la détention doive se prolonger au-delà de la durée admissible dans la mesure où le Procureur a rédigé l'acte d'accusation renvoyant le prévenu en jugement. Eu égard aux quatorze mois de détention déjà subis, il conviendra néanmoins au Tribunal correctionnel de faire en sorte que le recourant soit jugé dans les meilleurs délais.
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Quant au principe de célérité, il n'est aucunement établi qu'il ait été violé. Contrairement à ce que soutient le recourant, le Tmc n'a pas constaté dans son ordonnance du 5 juin 2015 que le Ministère public aurait dû mettre fin rapidement à son enquête. L'intéressé n'avance en l'occurrence aucun élément susceptible d'établir un retard inadmissible dans l'avancement de la procédure. Comme relevé par l'instance précédente, la durée de la procédure apparaît liée à la complexité de l'affaire, impliquant de nombreux plaignants; elle a également nécessité l'établissement d'une expertise psychiatrique.
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Par conséquent, ces griefs doivent être écartés.
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5. Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant - qui a procédé sans le concours d'un avocat - a demandé l'assistance judiciaire; celle-ci peut lui être accordée sous la forme d'une dispense des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. La demande d'assistance judiciaire est admise; il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3. Le présent arrêt est communiqué au recourant, au Ministère public de l'arrondissement de Lausanne et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
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Lausanne, le 17 mai 2016
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Fonjallaz
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La Greffière : Arn
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