BGer 4A_207/2016 | |||
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BGer 4A_207/2016 vom 19.05.2016 | |
{T 0/2}
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4A_207/2016
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Arrêt du 19 mai 2016 |
Ire Cour de droit civil | |
Composition
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Mmes et M. les juges Kiss, présidente, Klett et Kolly.
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Greffier : M. Thélin.
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Participants à la procédure | |
X.________, représenté par Me Pierre Ducret,
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demandeur et recourant,
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contre
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Z.________, représenté par Me Christian van Gessel,
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défendeur et intimé.
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Objet
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procédure civile; avance de frais
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recours contre l'arrêt rendu le 6 janvier 2016 par la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Considérant en fait et en droit : | |
1. Par l'office des poursuites de Genève, Z.________ a fait notifier à X.________ le commandement de payer 7'594'000 fr. avec intérêts au taux de 5% par an dès le 1er janvier 2002.
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Le 30 octobre 2015, X.________ a ouvert action contre Z.________ devant la Chambre patrimoniale du canton de Vaud; ce tribunal est requis de prononcer que les prestations réclamées par voie de poursuite ne sont pas dues.
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Par ordonnance du 2 décembre 2015, la Chambre patrimoniale a invité le demandeur à verser une avance de frais à hauteur de 121'910 fr. dans un délai dont l'échéance était fixée au 6 janvier 2016.
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Le demandeur a attaqué cette décision par la voie du recours. Statuant le 6 janvier 2016, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal a rejeté le recours et confirmé l'ordonnance.
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2. Agissant par la voie du recours en matière civile, le demandeur requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt de la Chambre des recours et de prononcer qu'il n'y a pas lieu au versement d'une avance de frais; subsidiairement, il demande le renvoi de la cause à la Chambre des recours pour nouvelle décision sur le montant de l'avance; plus subsidiairement, il requiert le Tribunal fédéral de fixer l'avance au montant de 5'000 francs.
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Le défendeur a pris position sur une demande d'effet suspensif jointe au recours, à laquelle il a acquiescé et qui a été accueillie; pour le surplus, le défendeur n'a pas été invité à procéder.
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3. L'ordonnance du 2 décembre 2015 imposant le versement d'une avance des frais judiciaires n'a pas terminé l'instance introduite devant la Chambre patrimoniale; ce prononcé est au contraire incident aux termes de l'art. 93 al. 1 LTF. L'arrêt de la Chambre des recours a terminé l'instance introduite devant cette autorité; néanmoins, parce que le recours à l'origine de ce prononcé était dirigé contre une décision incidente, l'arrêt revêt lui aussi le caractère d'une décision incidente selon l'art. 93 al. 1 LTF (ATF 137 III 380 consid. 1.1 p. 381/382). En conséquence, la recevabilité du recours en matière civile suppose que l'ordonnance soit de nature à causer un préjudice irréparable aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (même arrêt, consid. 1.2.2 p. 383).
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Selon la jurisprudence antérieure à la réforme de l'organisation judiciaire fédérale qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2007, une décision incidente par laquelle des sûretés sont exigées afin de garantir le paiement des frais de justice présumés, avec l'avertissement qu'à défaut la demande ou le recours sera déclaré irrecevable, était en elle-même propre à causer un préjudice juridique irréparable (ATF 77 I 42 consid. 2 p. 46, concernant l'art. 87 aOJ; ATF 128 V 199 consid. 2 p. 201; 133 V 402 consid. 1.2 p. 403, concernant l'art. 45 aPA). Selon la jurisprudence actuellement déterminante, lorsque le préjudice consiste censément en ce que la partie recourante est empêchée d'accéder à la justice parce qu'elle n'est pas en mesure de fournir les sûretés exigées, cette partie doit démontrer qu'elle est effectivement dépourvue des ressources nécessaires (arrêts 4A_128/2015 du 8 avril 2015, consid. 3; 4A_356/2014 du 5 janvier 2015, consid. 1.2.1; voir aussi les arrêts 4A_602/2014 du 10 février 2015, consid. 1.1, et 4A_562/2014 du 20 février 2015, consid. 2.2).
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En l'espèce, le demandeur a produit des documents bancaires d'où il ressort que ses avoirs ne lui permettent pas le versement exigé. Le recours en matière civile est donc recevable au regard de l'art. 93 al. 1 let. a LTF.
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4. Ce recours satisfait aussi aux autres conditions de recevabilité, notamment à raison de la valeur litigieuse; déterminée conformément à l'art. 51 al. 1 let. c LTF, celle-ci correspond au montant de la poursuite.
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5. L'ordonnance du 2 décembre 2015 est fondée sur l'art. 98 CPC, selon lequel le tribunal peut exiger de la partie demanderesse une avance à concurrence de la totalité des frais judiciaires présumés.
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En règle générale, selon l'art. 104 al. 1 CPC, le montant des frais judiciaires est arrêté définitivement dans la décision finale, d'après le tarif cantonal prévu par l'art. 96 CPC. Au moment de réclamer une avance conformément à l'art. 98 CPC, le juge doit donc évaluer les frais présumables en tenant compte du tarif (arrêt 4A_186/2012 du 19 juin 2012, consid. 5).
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Selon l'art. 9 al. 1 du tarif vaudois des frais judiciaires civils du 28 septembre 2010 (TFJC), la partie qui saisit l'autorité judiciaire doit fournir une avance correspondant à la totalité de l'émolument de décision prévu pour ses conclusions. Dans une contestation patrimoniale dont la valeur litigieuse dépasse 500'000 fr., soumise à la procédure ordinaire, l'art. 18 TFJC prévoit un émolument forfaitaire à calculer comme suit: 15'500 fr. plus 1,5% de la valeur litigieuse dépassant 500'000 fr., mais au maximum 300'000 francs. Le montant de l'avance présentement en cause - 121'910 fr. - résulte de ce calcul.
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Aux termes de l'art. 10 TFJC, le juge peut renoncer à exiger tout ou partie de l'avance de frais si des motifs d'équité le justifient.
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6. Le demandeur fait valoir que l'art. 98 CPC n'impose pas au tribunal de percevoir une avance de frais et qu'il lui confère au contraire un pouvoir d'appréciation, ce pouvoir portant aussi bien sur le principe d'une avance que sur son montant. Il reproche aux autorités précédentes de n'avoir pas correctement exercé ce pouvoir d'appréciation. Il soutient que dans le procès, il incombera au défendeur d'établir en fait et en droit l'existence des prétentions élevées par voie de poursuite, et qu'au stade de l'avance de frais à exiger du demandeur, le juge ne peut pas ignorer cette inversion du rôle des parties dans une action négatoire. Il affirme aussi que les prétentions de son adverse partie sont manifestement abusives et que la poursuite entreprise a pour unique objectif de porter atteinte à son crédit et à sa réputation. A son avis, ces circonstances auraient dû conduire les autorités précédentes à « limiter dans la plus large mesure possible » le montant de l'avance de frais. Il tient le montant de 121'910 fr. pour disproportionné et incompatible avec la garantie constitutionnelle de l'accès à la justice conférée par l'art. 29a Cst.
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Les émoluments de justice sont des taxes causales soumises aux principes de la couverture des frais, d'une part, et de l'équivalence entre le montant perçu par la collectivité publique et la valeur économique de la prestation que celle-ci fournit, d'autre part; dans le domaine des taxes causales, ce principe-ci concrétise la protection contre l'arbitraire et le principe de la proportionnalité (arrêt 2C_717/2015 du 13 décembre 2015, consid. 7.1). Le demandeur ne tente pas de démontrer que dans une contestation judiciaire portant sur plus de 7'500'000 fr., un émolument d'environ 122'000 fr. apparaisse d'emblée contraire au principe de l'équivalence. Le Tribunal fédéral n'est donc pas saisi de cette question juridique conformément aux exigences de motivation du recours en matière civile fixées par l'art. 42 al. 2 LTF.
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Pour le surplus, le principe de l'équivalence n'exige pas qu'un émolument judiciaire soit taxé différemment selon que la partie assujettie exerce une prétention contre l'autre partie ou, au contraire, résiste à une prétention de cette partie; autrement dit, les actions négatoire ou condamnatoire peuvent être soumises au même émolument (même arrêt, consid. 7.4). L'art. 98 CPC n'exige donc pas non plus une différence au stade de l'avance de frais prévue par cette règle. Enfin, il n'incombe pas au juge de l'avance de frais d'évaluer les mérites et les chances de succès de la demande en justice (arrêt 4A_186/2012, consid. 7). Dans la présente contestation, le demandeur échoue donc à mettre en évidence une application de l'art. 98 CPC qui soit contraire à cette disposition ou contraire à des règles de rang plus élevé.
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7. Il convient de rappeler que si toutes les conditions prévues par l'art. 117 CPC sont satisfaites, la partie demanderesse peut solliciter l'assistance judiciaire et obtenir ainsi d'être exonérée de l'avance de frais conformément à l'art. 118 al. 1 let. a CPC.
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8. A titre de partie qui succombe, le demandeur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral. L'autre partie a pris position sur une demande d'effet suspensif; il n'y a néanmoins pas lieu de lui allouer des dépens.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté.
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2. Le demandeur acquittera un émolument judiciaire de 3'000 francs.
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3. Il n'est pas alloué de dépens.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 19 mai 2016
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La présidente : Kiss
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Le greffier : Thélin
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