BGer 2C_839/2015 | |||
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BGer 2C_839/2015 vom 26.05.2016 | |
2C_839/2015
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{T 0/2}
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Arrêt du 26 mai 2016 |
IIe Cour de droit public | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,
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Zünd, Aubry Girardin, Donzallaz et Haag.
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Greffier : M. Ermotti.
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Participants à la procédure | |
X.________,
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représentée par Me Anne-Sylvie Dupont, avocate,
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recourante,
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contre
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Commission fédérale des professions médicales, Section formation universitaire, Office fédéral de la santé publique.
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Objet
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Reconnaissance de diplôme,
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recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour II, du 19 août 2015.
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Faits : | |
A. X.________, née en 1954, est titulaire d'un diplôme de médecin décerné formellement le 11 avril 1992 à Alger.
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Le 1er décembre 1990, X.________ a été engagée en qualité de cheffe de clinique au sein du Centre hospitalier universitaire vaudois (ci-après: le CHUV). A partir du 1er mai 1995, elle a travaillé en tant que médecin associée auprès de ce même établissement. Le 1er septembre 2003, le CHUV l'a embauchée comme médecin adjointe. Depuis 2011, l'intéressée travaille pour le compte de laboratoires d'analyse qu'elle dirige.
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B. Le 4 février 2015, X.________ a sollicité de la Commission fédérale des professions médicales (ci-après: la Commission) la reconnaissance de son diplôme algérien de médecin.
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Par décision du 12 mars 2015, la Commission a considéré que le diplôme en question ne pouvait pas être reconnu et elle a autorisé X.________ à se présenter directement à l'examen fédéral de médecine humaine, dans une forme réduite aux deux épreuves partielles à choix multiples, constituant la partie théorique de celui-ci. Par arrêt du 19 août 2015, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours formé par X.________ contre cette décision.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, de reformer l'arrêt attaqué en ce sens que son diplôme algérien de médecin est "reconnu comme équivalant à un diplôme fédéral de médecin". Subsidiairement, elle requiert l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause au Tribunal administratif fédéral, respectivement à la Commission, pour "nouvel examen et nouvelle décision dans le sens des considérants".
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Le Tribunal administratif fédéral renonce à se déterminer sur le recours. La Commission dépose des observations et conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit : | |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 136 I 42 consid. 1 p. 43).
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1.1. En vertu de l'art. 83 let. t LTF, le recours en matière de droit public n'est pas ouvert à l'encontre des décisions sur le résultat d'examens ou d'autres évaluations des capacités, notamment en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d'exercice d'une profession. L'art. 83 let. t LTF vise non seulement le résultat d'examens au sens étroit, mais encore toutes les évaluations de capacité qui reposent sur une appréciation des aptitudes intellectuelles ou physiques du candidat (ATF 138 II 42 consid. 1.1 p. 44).
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En revanche, cet article ne s'applique pas lorsque le litige porte, comme en l'espèce, sur la question de savoir si un examen ou un titre est nécessaire ou non pour obtenir une autorisation d'exercer une activité (cf. arrêts 2C_1016/2011 du 3 mai 2012 consid. 1.1, non publié in ATF 138 I 196, et 2C_736/2010 du 23 février 2012 consid. 1.1). Partant, la voie du recours en matière de droit public est ouverte.
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1.2. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF). Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF) par la destinataire de l'arrêt entrepris qui a qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Il convient donc d'entrer en matière.
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2. Dans un grief de nature formelle, qu'il convient d'examiner à titre préliminaire dès lors qu'il est de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée indépendamment de ses chances de succès au fond (cf. ATF 137 I 195 consid. 2.2 p. 197; 135 I 279 consid. 2 p. 281), la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue en lien avec un défaut de motivation de l'arrêt entrepris.
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2.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Selon la jurisprudence, il suffit que le juge mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause. L'autorité n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à l'examen des questions décisives pour l'issue du litige. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté même si la motivation présentée est erronée. La motivation peut d'ailleurs être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 p. 564 s. et les arrêts cités).
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2.2. En l'espèce, la lecture de l'arrêt entrepris permet de comprendre les motifs qui ont conduit le Tribunal administratif fédéral à rejeter les arguments de la recourante. En particulier, les juges précédents se sont prononcés sur tous les griefs invoqués par l'intéressée, concernant la violation du droit d'être entendue de celle-ci, l'interprétation de l'art. 15 de la loi fédérale du 23 juin 2006 sur les professions médicales universitaires (LPMéd; RS 811.11) et la restriction disproportionnée de la liberté économique de la recourante.
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Quant à savoir si, sur le fond, s'agissant en particulier de la portée donnée à l'art. 15 LPMéd, l'arrêt attaqué est conforme au droit, cet élément sera analysé ci-après (cf. infra consid. 3). Le grief de violation de l'art. 29 al. 2 Cst. est donc infondé.
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3. La recourante invoque ensuite une violation des articles 15 al. 4 LPMéd et 27 Cst.
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3.1. A ce sujet, le Tribunal administratif fédéral a considéré que l'art. 15 al. 4 LPMéd, sur lequel la Commission s'était fondée pour imposer à l'intéressée de passer la partie théorique de l'examen fédéral de médecine humaine, n'avait pas été violé. Les juges précédents ont retenu en substance qu'en vertu de l'art. 15 LPMéd, lorsque l'équivalence d'un titre étranger ne pouvait être établie sur la base d'un accord international, la délivrance d'un diplôme fédéral de médecin était subordonnée à la réussite de l'examen fédéral correspondant, comme pour tout autre candidat, en vertu des articles 1 al. 3 let. b, 12 et 14 LPMéd, selon les modalités précisées à l'art. 6 de l'ordonnance du 26 novembre 2008 concernant les examens fédéraux des professions médicales universitaires (ci-après: l'ordonnance; RS 811.113.3). Partant, la Commission "n'avait aucun autre choix en l'espèce, que d'exiger de la recourante qu'elle passe l'examen fédéral en médecine" (arrêt entrepris, consid. 3.3). En outre, la mesure retenue était la moins incisive parmi les solutions possibles et s'avérait par conséquent conforme au principe de la proportionnalité, de sorte que l'on ne discernait pas non plus de violation de l'art. 27 Cst. cum art. 36 Cst.
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3.2. La recourante reproche au Tribunal administratif fédéral d'avoir considéré que l'art. 15 al. 4 LPMéd l'obligeait à se soumettre aux examens théoriques de médecine, sans examiner d'autres solutions. Elle considère également que lui imposer de passer lesdits examens, sans tenir compte de ses compétences professionnelles (liées à ses nombreuses années de pratique médicale en Suisse) et de son activité académique, aboutit à un résultat contraire à l'art. 27 Cst. cum 36 Cst.
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3.3. D'après l'art. 1 al. 3 let. d LPMéd, ladite loi "fixe les conditions de reconnaissance de diplômes et de titres postgrades étrangers". Selon l'art. 15 al. 1 LPMéd, est reconnu le diplôme étranger dont l'équivalence avec un diplôme fédéral est établie dans un traité sur la reconnaissance réciproque des diplômes conclu avec l'Etat concerné, et dont le titulaire maîtrise une langue nationale suisse. L'art. 15 al. 4 LPMéd prévoit que "la Commission des professions médicales, si elle ne reconnaît pas le diplôme étranger, fixe les conditions de l'obtention du diplôme fédéral correspondant".
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3.4. En l'espèce, il n'est pas contesté que le diplôme algérien de la recourante ne peut pas être reconnu sur la base de l'art. 15 al. 1 LPMéd, faute d'accord international avec l'Algérie à ce sujet. C'est ainsi sur la base de l'art. 15 al. 4 LPMéd que l'arrêt entrepris confirme la décision de la Commission. Il y a donc lieu d'interpréter cet article.
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3.4.1. La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, le juge doit rechercher la véritable portée de la norme au regard notamment de la volonté du législateur telle qu'elle ressort, entre autres, des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l'intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales (interprétation systématique; ATF 141 III 53 consid. 5.4.1 p. 59). Lorsqu'il est appelé à interpréter une loi, le Tribunal fédéral adopte une position pragmatique en suivant ces différentes interprétations, sans les soumettre à un ordre de priorité (ATF 140 II 202 consid. 5.1 p. 204; 139 IV 270 consid. 2.2 p. 273).
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3.4.2. L'art. 15 al. 4 LPMéd se limite à indiquer que si la Commission ne reconnaît pas le diplôme, elle "fixe les conditions de l'obtention du diplôme fédéral". Le texte de cet article n'oblige donc nullement la Commission à soumettre le requérant à l'examen fédéral. Il en va de même, sur le plan systématique, de l'art. 6 de l'ordonnance, auquel se réfère l'autorité précédente. Cet article prévoit en effet que "si [la Commission] ne reconnaît pas un diplôme étranger et demande à son titulaire de passer l'examen fédéral", elle détermine les conditions d'admission à cet examen et décide si le titulaire doit passer l'examen complet ou des parties de celui-ci (al. 1); ce faisant, elle tient compte du parcours et de l'expérience professionnels du titulaire, en particulier dans le système de santé suisse (al. 2). L'art. 6 de l'ordonnance n'impose donc pas à la Commission d'exiger du requérant qu'il passe l'examen fédéral, mais se limite à indiquer la procédure à suivre si la Commission demande à l'intéressé de se soumettre à cet examen, tout en soulignant l'incidence de l'expérience professionnelle de celui-ci spécifiquement dans le système de santé suisse. Quant au règlement du 19 avril 2007 de la Commission des professions médicales (ci-après: le règlement; RS 811.117.2), également cité par l'arrêt entrepris, il prévoit que la Commission "statue sur la reconnaissance des diplômes étrangers" et que "en cas de refus, elle fixe les conditions d'obtention du diplôme fédéral correspondant" (art. 3 let. e du règlement). En outre, la Commission "statue au sens de l'art. 15 al. 4 LPMéd sur l'admission à l'examen fédéral des personnes dont le diplôme n'a pas été reconnu, et détermine la teneur de l'examen" (art. 3 let. g du règlement). Ainsi, le règlement n'impose pas non plus à la Commission de soumettre systématiquement à l'examen fédéral de médecine humaine le titulaire d'un diplôme étranger de médecin qui demande la reconnaissance dudit diplôme.
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Sur le plan historique, le message du Conseil fédéral concernant la loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 3 décembre 2004 (FF 2005 157; ci-après: le message) prévoit notamment ce qui suit: "si elle ne reconnaît pas le diplôme étranger, la Commission des professions médicales fixe les conditions à remplir pour l'obtention du diplôme fédéral (p. ex. l'examen spécifique de la branche en question si la personne concernée a déjà exercé une profession médicale en Suisse, ou, à défaut, l'examen fédéral final complet) " (message, p. 198). L'art. 15 LPMéd a été adopté sans débat au Conseil national (cf. BO 2005 CN 933) et au Conseil des Etats (cf. BO 2006 CE 80).
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3.4.3. Dans ces circonstances, force est de constater que, contrairement à ce que retient l'arrêt entrepris (cf. supra consid. 3.1), l'art. 15 LPMéd n'impose pas à la Commission de soumettre dans tous les cas la requérante à l'examen fédéral final de médecin, même limité à la partie théorique. Au contraire, cet article octroie un large pouvoir d'appréciation à la Commission. S'il se justifie de reconnaître à celle-ci un certain schématisme dans l'exercice de ce pouvoir d'appréciation, cela ne l'autorise pas pour autant à tomber dans l'automatisme et à ignorer des circonstances particulières, en présence notamment d'un candidat qui aurait déjà un parcours professionnel reconnu en Suisse. En l'espèce, la recourante a invoqué sa longue carrière professionnelle dans notre pays, en particulier le fait qu'elle avait travaillé comme médecin au sein du CHUV pendant environ 20 ans (entre 1990 et 2011) en tant que cheffe de clinique, médecin associée et médecin adjointe à l'Institut de pathologie. En outre, il ressort du curriculum vitae figurant au dossier qu'elle a publié un grand nombre d'articles scientifiques dans le domaine médical et qu'elle a fonctionné comme experte aux examens de médecine du canton de Vaud pendant près de 20 ans également (cf. art. 105 al. 2 LTF). En considérant que l'art. 15 LPMéd obligeait la Commission à exiger de la recourante qu'elle passe la partie théorique de l'examen fédéral final en médecine, sans examiner la situation très particulière de celle-ci en lien avec son expérience professionnelle en Suisse et sans envisager d'autres solutions moins radicales, par exemple une autre forme de vérification des capacités de l'intéressée, le Tribunal administratif fédéral a violé l'art. 15 al. 4 LPMéd.
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3.5. Le recours devant être admis pour cette raison, il n'est pas nécessaire d'examiner la critique de la recourante concernant l'art. 27 Cst.
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Il y a donc lieu de renvoyer l'affaire à la Commission (cf. art. 107 al. 2 in fine LTF) pour qu'elle exerce correctement son pouvoir d'appréciation et rende une nouvelle décision, en tenant compte de tous les éléments pertinents en l'espèce.
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4. Compte tenu de l'issue du litige, il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Ayant obtenu gain de cause avec l'aide d'un mandataire professionnel, la recourante a droit à des dépens (art. 68 al. 1 LTF), qu'il convient de mettre à la charge de la Commission fédérale des professions médicales. L'affaire sera également renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour qu'il procède à une nouvelle répartition des frais et dépens de la procédure qui s'est déroulée devant lui (cf. art. 67 et 68 al. 5 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est admis et l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 19 août 2015 est annulé.
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2. La cause est renvoyée à la Commission fédérale des professions médicales pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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3. La cause est renvoyée au Tribunal administratif fédéral afin qu'il statue à nouveau sur le sort des frais et dépens de la procédure devant lui.
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4. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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5. Une indemnité de 3'000 fr., à payer à la recourante à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral, est mise à la charge de la Commission fédérale des professions médicales.
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6. Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, à la Commission fédérale des professions médicales, Section formation universitaire, Office fédéral de la santé publique, au Tribunal administratif fédéral, Cour II, ainsi qu'au Département fédéral de l'intérieur.
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Lausanne, le 26 mai 2016
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Seiler
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Le Greffier : Ermotti
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