BGer 1C_106/2016 | |||
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BGer 1C_106/2016 vom 09.06.2016 | |
{T 0/2}
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1C_106/2016
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Arrêt du 9 juin 2016 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
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Karlen et Eusebio.
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Greffier : M. Alvarez.
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Participants à la procédure | |
recourant,
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contre
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Service des automobiles et de la navigation du canton de Vaud, avenue du Grey 110, 1014 Lausanne.
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Objet
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retrait de permis de conduire,
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recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, du 28 janvier 2016.
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Faits : | |
A. A.________ est titulaire du permis de conduire pour les véhicules automobiles des catégories G et M depuis le 26 juin 1985, des caté-gories B, B1, BE, C, C1, C1E, CE, D1, D1E et F depuis le 14 mars 1990, des catégories A et A1 depuis le 14 juillet 1994, et de la caté-gorie 121 depuis le 8 décembre 2008.
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Le prénommé ne fait l'objet d'aucune mention dans le fichier fédéral des mesures administratives en matière de circulation routière (ADMAS).
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Le 19 mars 2014, aux environs de 21h30, alors qu'il circulait au volant d'un véhicule automobile, A.________ en a perdu la maîtrise, heurtant un panneau de circulation situé à droite de la chaussée, selon le sens de marche. A la suite de ce heurt, le prénommé à quitté les lieux sans avertir la police.
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Identifié au moyen de la plaque d'immatriculation retrouvée sur les lieux de l'accident, A.________ a été interpellé à son domicile, plus tard dans la soirée. Le contrôle à l'éthylomètre effectué par la police cantonale vaudoise s'est avéré positif (1,68 o/oo, 1,81 o/oo, 1,63 o/oo et 1,74 o/oo). Quant au prélèvement sanguin effectué à 00h35, il a révélé un taux d'alcoolémie compris entre 1,80 et 1,98 o/oo, soit un taux minimum de 2,01 o/oo lors de l'événement (calcul en retour).
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Le permis de conduire de l'intéressé lui a été immédiatement saisi.
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Par décision du 19 janvier 2015, le Service des automobiles et de la navigation du canton de Vaud (ci-après: SAN) a prononcé le retrait du permis de conduire d'A.________ à titre préventif pour une durée indéterminée; à titre de mesure d'instruction, l'autorité a ordonné la mise en oeuvre d'une expertise auprès de l'Unité de médecine et de psychologie du trafic (ci-après: UMPT) du Centre universitaire romand de médecine légale à Lausanne (CURML).
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B. Le 9 mars 2015, A.________ a été reçu à l'UMPT pour une prise capillaire et un entretien ainsi que pour une expertise médicale, le 16 mars suivant.
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Il ressort notamment du rapport d'expertise de l'UMPT, établi le 13 avril 2015, que la consommation annoncée comme modérée par A.________ est incompatible avec le résultat de l'analyse capillaire, parlant en faveur d'une consommation chronique et excessive d'alcool (un taux élevé d'éthylglucuronide de 58 pg/mg EtG, correspondant à 42 unités d'alcool par semaine) sur les deux à trois mois précédant le prélèvement. Confronté à ce résultat, l'intéressé a déclaré avoir consommé un peu plus d'alcool qu'habituellement, lors des fêtes de fin d'année. Face à l'inadéquation entre les résultats de l'analyse capillaire et les propos de l'intéressé, les experts ont éprouvé des doutes et ont estimé qu'A.________ a pu tenir un "discours de cir-constance visant à se montrer sous le meilleur jour possible masquant possiblement une problématique d'alcool sous-jacente ou sous-esti-mant de manière importante sa consommation d'alcool, que ce soit vo-lontairement ou par déni"; pour appuyer cette conclusion, les experts ont relevé qu'en dépit des enjeux de l'expertise le prénommé a non seulement poursuivi sa consommation, après les faits qui lui sont reprochés, ce qui peut témoigner d'un désir irrésistible, mais égale-ment dans des quantités importantes au vu du résultat élevé de la pri-se capillaire, qui lui peut refléter des difficultés au contrôle de ses con-sommations; ils ont également souligné la tolérance augmentée à l'al-cool d'A.________, ce dernier ayant été capable de conduire jusqu'à son domicile en dépit d'une alcoolémie élevée. Comme possibles stigmates d'une consommation chronique et excessive d'alcool, les ex-perts ont également mis en évidence de rares télangiectasies sur le vi-sage et un léger érythème palmaire. Ces différents éléments repré-sentant des critères de dépendance selon la Classification internatio-nale des maladies (CIM-10, disponible sous www.bfs.admin.ch/bfs/ portal/fr/index/infothek/nomenklaturen/blank/blank/cim10/02/05.html), les experts de l'UMPT ont retenu, en guise de conclusion, une con-sommation d'alcool à risque pour la santé et la conduite et ont sus-pecté une dépendance à l'alcool, voire un risque d'évoluer vers une dépendance.
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Sur la base de ces constatations, l'UMPT a notamment proposé qu'A.________ effectue une abstinence d'alcool contrôlée clini-quement et biologiquement, pour une période de six mois; le rapport suggère également un suivi socio-éducatif axé sur la pathologie et les risques liés à la conduite sous l'emprise de l'alcool.
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C. Par décision du 28 mai 2015, le SAN a prononcé le retrait de sécurité du permis de conduire d'A.________, pour une durée indéterminée, mais pour trois mois au minimum, cette mesure s'exécutant dès le 19 décembre 2014, date de la saisie du permis de conduire par la police. Le SAN a notamment subordonné la révocation de cette me-sure à une abstinence de toute consommation d'alcool, contrôlée cliniquement et biologiquement, à un suivi socio-éducatif ainsi qu'à la présentation d'un rapport favorable émanant du médecin traitant de l'intéressé lors du dépôt de sa demande de restitution du droit de conduire; un préavis du médecin conseil du SAN et des conclusions favorables d'une expertise simplifiée, à réaliser après le demande de restitution, y sont également exigés.
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Le 29 juin 2015, A.________ a déposé une réclamation à l'encontre de cette décision, soutenant, en substance, que l'ensemble des éléments au dossier plaidait contre une dépendance à l'alcool. A l'appui de sa contestation, l'intéressé a notamment produit les pièces suivantes: un courriel du 24 juin 2015 par lequel son médecin traitant indique qu'il n'a jamais eu à traiter l'intéressé pour un problème de dépendance à l'alcool ou à d'autres substances et que les examens de laboratoire effectués pour contrôler sa tolérance à la thérapie du psoriasis dont il souffre n'ont jamais montré de perturbations des tests hépatiques ni de la formule sanguine; un certificat de travail intermédiaire émis par son employeur; une attestation de bonne moralité établie par le Service de défense incendie et de secours dont il fait partie; un "rapport de dépistage" réalisé le 29 avril 2015 par un laboratoire français sur un prélèvement de cheveux et excluant la présence d'éthylglucuronide.
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Après avoir transmis l'écriture d'A.________ à l'UMPT pour que cette dernière se détermine, le SAN a, par décision sur réclamation du 29 juillet 2015, maintenu sa décision initiale, confirmant par ailleurs le retrait de l'effet suspensif à tout recours éventuel.
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Par acte du 14 septembre 2015, A.________ a recouru contre la décision sur réclamation devant la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois. A l'appui de son recours, l'intéressé a produit un compte-rendu d'analyse établi le 7 septembre 2015 par l'Unité de toxicologie et de chimie forensiques du CURML, portant sur un échantillon capillaire prélevé le 18 août 2015 sur sa personne, dont il ressort que la concentration d'éthylglucuronide n'indique pas de consommation signifiante d'éthanol dans les deux à trois mois ayant précédé le prélèvement, à savoir entre mi-mai et mi-août 2015.
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Par arrêt du 28 janvier 2016, la cour cantonale a rejeté le recours d'A.________. Le Tribunal cantonal a en substance considéré qu'aucun élément au dossier ne commandait de s'écarter du résultat du prélèvement capillaire effectué le 9 février 2015. A cet égard, l'instance précédente a, d'une part, estimé que les résultats de cette première analyse n'étaient pas incompatibles avec ceux du prélè-vement du 18 août 2015; elle a, d'autre part, jugé que le rapport établi en France, à la demande du recourant, n'était pas de nature à remettre en cause la valeur probante de l'expertise ordonnée par le SAN. Sur le fond, le Tribunal cantonal a considéré que les conditions légales d'un retrait de sécurité étaient réalisées et a confirmé la déci-sion du SAN.
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D. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral de réformer l'arrêt attaqué en ce sens qu'il est reconnu apte à la conduite d'un véhicule automobile, son permis de conduire lui étant immédiatement restitué, sans condition. Subsidiairement, il conclut à la restitution immédiate du permis de conduire, assortie d'une condition d'abstinence contrôlée cliniquement et biologiquement, durant six mois; plus subsidiairement, il requiert l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle instruction et décision dans le sens des considérants.
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Le Tribunal cantonal se réfère à son arrêt; il rappelle néanmoins que le rapport d'expertise établi en France à la demande du recourant mentionne expressément qu'il "est dépourvu de toute valeur légale et ne peut être utilisé dans le cadre d'une procédure judiciaire ou administrative". Le SAN conclut au rejet du recours. Egalement invité à se prononcer, l'Office fédéral des routes (OFROU) renonce à se déterminer.
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Considérant en droit : | |
1. La voie du recours en matière de droit public, au sens des art. 82 ss LTF, est en principe ouverte contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 86 al. 1 let. d LTF) au sujet d'une mesure administrative de retrait du permis de conduire (art. 82 let. a LTF), aucune des exceptions mentionnées à l'art. 83 LTF n'étant réalisée. Le recourant est particulièrement atteint par la décision attaquée, qui confirme le retrait de son permis de conduire pour une durée indéterminée; il a un intérêt digne de protection à son annulation. Il a donc qualité pour recourir au sens de l'art. 89 al. 1 LTF. Les autres conditions de recevabilité du recours sont au surplus réunies, de sorte qu'il convient d'entrer en matière.
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2. Dans un grief d'ordre formel qu'il convient d'examiner en premier lieu, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu. Il soutient qu'en raison notamment des résultats négatifs des deux analyses privées qu'il a produites, le Tribunal cantonal devait nourrir des doutes quant à la fiabilité des premières mesures effectuées par l'UMPT; l'instance précédente aurait, en conséquence, dû faire droit à son offre de preuve en ordonnant une nouvelle analyse des échan-tillons capillaires prélevés le 9 février 2015.
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2.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment pour le justiciable le droit d'obtenir l'adminis-tration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (arrêt 6B_928/2014 du 10 mars 2016 consid. 4.4.1, destiné à publi-cation; ATF 133 I 270 consid. 3.1 p. 277). Le juge peut cependant renoncer à l'administration de certaines preuves, notamment lorsque les faits dont les parties veulent rapporter l'authenticité ne sont pas importants pour la solution du litige. Ce refus d'instruire ne viole leur droit d'être entendues que si l'appréciation anticipée de la pertinence du moyen de preuve offert, à laquelle le juge a ainsi procédé, est enta-chée d'arbitraire (ATF 131 I 153 consid. 3 p. 157 et les arrêts cités; sur la notion d'arbitraire, voir ATF 132 I 13 consid. 5.1 p. 17).
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Erwägung 2.2 | |
2.2.1. Il ressort du dossier que le prélèvement du 9 février 2015 a fait l'objet d'un rapport du 10 mars 2015 établi par l'Unité de toxicologie et de chimie forensiques du CURML; d'après les experts, le résultat de cette première analyse, à savoir un taux d'éthylglucuronide de 58 pg/mg EtG, est compatible avec une consommation chronique et excessive d'éthanol entre le premier tiers du mois de novembre 2014 et le premier tiers du mois de février 2015. Le compte-rendu rédigé par cette même unité, le 7 septembre 2015, et portant sur un échan-tillon capillaire du 18 août 2015, ne met en revanche pas en évidence de consommation significative d'alcool dans les deux à trois mois précédant ce dernier prélèvement; il en va de même du "rapport de dépistage" établi par un laboratoire français (NarcoCheck) daté du 29 avril 2015.
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2.2.2. Dès lors que les deux analyses effectuées par le CURML portent sur des échantillons couvrant des périodes d'observation différentes, le Tribunal cantonal a jugé que les résultats des rapports des 10 mars 2015 et 7 septembre 2015 n'apparaissaient pas contra-dictoires. En outre, tout en lui niant toute valeur probante, la cour cantonale a considéré qu'il en allait de même du "rapport de dépis-tage" réalisé par un laboratoire français sur un prélèvement capillaire réalisé ultérieurement à la prise du 9 février 2015. L'instance précé-dente a par ailleurs relevé qu'à dire d'experts il n'y avait pas d'inter-férence entre le traitement médicamenteux suivi par le recourant pour son psoriasis et les analyses pratiquées. Fort de ces éléments, le Tribunal cantonal a considéré qu'il n'existait pas de motif de remettre en cause le résultat du compte-rendu du 10 mars 2015 sur lequel se fonde notamment le rapport d'expertise de l'UMPT du 13 avril 2015; il a par conséquent refusé de mettre en oeuvre une nouvelle analyse des échantillons capillaires du 9 février 2015.
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2.2.3. Le recourant estime pour sa part que ces divergences sont de nature à jeter le doute sur la fiabilité des premières analyses effec-tuées sur la base de l'échantillon du 9 février 2015. Il soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal cantonal, les périodes d'observation de l'analyse de cet échantillon et de celle effectuée le 29 avril 2015 par le laboratoire français se recouperaient en partie, sur un mois; il serait dès lors - d'après lui - étonnant que la première relève un taux d'EtG compatible avec une consommation excessive chroni-que et la seconde une abstinence. Selon lui, ce doute serait d'autant plus fondé qu'aucun autre élément du dossier ne plaiderait en faveur d'une consommation d'alcool pathologique; il prétend que si la mesure de l'EtG n'avait pas été compatible avec une consommation à risque, les experts ne se seraient pas écarté de la consommation modérée déclarée et des différentes attestations établies par son entourage et son employeur. Il se fonde également sur les six analyses de sang effectuées dans le cadre de son suivi ultérieur par l'Unité socio-édu-cative du Service d'alcoologie du CHUV, entre le 13 mai et le 14 octobre 2015, dont les résultats démentent, à le suivre, ceux de la pre-mière analyse EtG.
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2.2.4. En tant qu'expertise privée, le "rapport de dépistage" du 29 avril 2015 reste, d'après la jurisprudence, soumis à la libre appréciation des preuves; son résultat n'est qu'un simple allégué de partie dont le juge doit tenir compte avec circonspection, l'expert privé ne pouvant être considéré comme indépendant et impartial, en raison notamment de sa relation contractuelle avec l'intéressé, contrairement à l'expert judiciaire (ATF 141 IV 369 consid. 6.2 p. 373 ss et les arrêt cités). Dans le cadre de l'appréciation de ce document, on relèvera en pre-mier lieu, avec la cour cantonale, que celui-ci mentionne expres-sément que le résultat qu'il affiche ne peut être utilisé en justice; il ne contient en outre ni le nom du sujet de l'analyse ni la signature du toxicologue responsable du contrôle du résultat; à ces constatations, il faut ajouter que l'on ignore si le protocole appliqué pour cette analyse, en particulier s'agissant du prélèvement de l'échantillon, permet de garantir son identification et son suivi (envoi du prélèvement par voie postale en France). Dans ces circonstances, on ne discerne pas en quoi le Tribunal cantonal aurait versé dans l'arbitraire en niant à cette expertise privée toute valeur probante susceptible de remettre en cause le résultat de l'expertise judiciaire.
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Quant à l'analyse du 7 septembre 2015, également effectuée par le CURML, celle-ci porte sur un échantillon prélevé plusieurs mois après le 9 février 2015 et atteste tout au plus d'une abstinence dans les mois précédant directement ce dernier examen; il en va au demeurant de même des analyses de sang effectuées entre les 13 mai et le 14 octo-bre 2015, dans le cadre du suivi du recourant auprès l'Unité socio-éducative du Service d'alcoologie du CHUV.
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2.3. En définitive, en écartant l'offre de preuve du recourant au motif qu'aucun de ces éléments n'est susceptible de remettre en cause les résultats figurant dans le compte-rendu du 10 mars 2015 et, plus largement, l'expertise de l'UMPT du 13 avril 2015, le Tribunal cantonal a procédé à une appréciation exempte d'arbitraire; cela est d'autant plus vrai que le rapport litigieux répond aux exigences définies par la jurisprudence en la matière (cf. consid. 3.3 et 3.4). Le grief tiré d'une violation du droit d'être entendu doit par conséquent être rejeté.
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3. Toujours sous l'angle formel, le recourant se plaint d'un établissement manifestement inexact des faits et d'une appréciation arbitraire des preuves. Il reproche en particulier à la cour cantonale d'avoir fait siens les résultats de l'expertise de l'UMPT alors même que celle-ci ne se fonderait - selon lui - que sur l'analyse des échantillons capillaires. Ce faisant, il remet en cause la valeur probante de cette expertise.
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Erwägung 3.1 | |
3.1.1. La décision de retrait de sécurité du permis pour cause d'inaptitude à la conduite au sens de l'art. 16d al. 1 let. b de la loi fédé-rale sur la circulation routière du 19 décembre 1958 (LCR; RS 741.01) constitue une atteinte grave à la personnalité et à la sphère privée de l'intéressé et elle doit donc reposer sur une instruction précise des circonstances déterminantes (ATF 139 II 95 consid. 3.4.1 p. 103). L'autorité compétente doit, avant d'ordonner un tel retrait, éclaircir d'office la situation de la personne concernée. Si elle met en oeuvre une expertise, l'autorité est liée par l'avis de l'expert et ne peut s'en écarter que si elle a de sérieux motifs de le faire (ATF 132 II 257 consid. 4.4.1 p. 269). Lorsque, comme en l'espèce, l'autorité cantonale juge une expertise concluante et en fait sien le résultat, le Tribunal fédéral n'admet le grief d'appréciation arbitraire des preuves que si l'expert n'a pas répondu aux questions posées, si ses conclusions sont contradictoires ou si, d'une quelconque autre façon, l'expertise est entachée de défauts à ce point évidents et reconnaissables, même sans connaissances spécifiques, que le juge ne pouvait tout simple-ment pas les ignorer. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de vérifier si toutes les affirmations de l'expert sont exemptes d'arbitraire; sa tâche se limite à examiner si l'autorité intimée pouvait, sans arbitraire, se rallier au résultat de l'expertise (ATF 133 II 384 consid. 4.2.3 p. 391).
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3.1.2. De façon générale, en ce qui concerne la valeur probante d'une expertise médicale, il importe en particulier que les points litigieux aient fait l'objet d'une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu'il ait été établi en pleine connaissance de l'anamnèse, que la description du contexte médical et l'appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l'expert soient dûment motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232; 125 V 351 consid. 3a).
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3.1.3. S'agissant plus particulièrement d'une expertise de la médecine du trafic, la jurisprudence a précisé les exigences que celle-ci devait respecter pour constituer une base de décision suffisante en matière de retrait de sécurité. La mise en évidence d'une consommation d'alcool nuisible pour la santé suppose d'abord une analyse de labo-ratoire où divers marqueurs sont mesurés (ATF 129 II 82 consid. 6.2.1 p. 89 s. et les références). Les résultats ainsi obtenus doivent être appréciés en relation avec d'autres examens, tels que l'analyse approfondie des données personnelles, l'examen détaillé des courses effectuées en état d'ébriété, une anamnèse de l'alcoolisme - soit l'analyse du comportement de consommation (consommateur d'habi-tude ou occasionnel) de l'intéressé et de son impression subjective à ce propos -, de même qu'un examen médical complet, où l'on prêtera une attention particulière aux changements de peau dus à l'alcool (ATF 129 II 82 consid. 6.2.2 p. 90 ss; arrêt 1C_173/2009 du 27 mai 2009 consid. 3.1 et les arrêts et références cités).
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3.2. Il ressort du rapport d'expertise que la concentration d'EtG con-tenue dans l'échantillon capillaire du 9 février 2015 du recourant a conduit les experts à soupçonner l'existence d'une problématique liée à l'alcool. Au terme d'un examen clinique du recourant, ceux-ci ont également mis en évidence la présence de télangiectasies sur le visage et un léger érythème palmaire, décrits comme de possibles stigmates d'une consommation excessive; le recourant a également été soumis à différents questionnaires, dont il ressort notamment que celui-ci aurait, au cours de l'année précédente, conduit un véhicule automobile à deux ou trois reprises après avoir consommé de l'alcool. Les experts ont en outre souligné qu'après avoir été confronté aux ré-sultats de l'analyse capillaire (à savoir une consommation moyenne de 6 unités d'alcool par jour), le recourant est revenu sur ses premières déclarations de consommation modérée en affirmant avoir bu plus qu'habituellement durant les fêtes de fin d'année; pour les experts, ce discours de circonstance vise possiblement à masquer une probléma-tique d'alcool sous-jacente, que ce soit volontairement ou par déni, ce qui constitue, d'après eux, un critère de dépendance selon la CIM-10. Toujours dans le sens d'une problématique liée à la consommation d'alcool, les experts ont aussi retenu une tolérance augmentée à cette substance, le recourant ayant été en mesure de conduire avec une alcoolémie élevée (2,01 o/oo au minimum, selon calcul en retour), ce qui constitue un autre critère de dépendance selon la CIM-10. Ces différents éléments ont conduit l'UMPT à retenir une consommation d'alcool à risque pour la santé et la conduite et à suspecter une dépendance à l'alcool, voire un risque d'évoluer vers une dépendance.
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3.3. Cette analyse n'apparaît pas d'emblée entachée d'erreur ou de défauts au sens de la jurisprudence; les conclusions dûment motivées de l'expertise ont été en effet prises au terme d'un examen complet de la situation, comprenant une analyse scientifique, un examen clinique et un entretien personnel avec le recourant; elles n'entrent en outre pas - comme on l'a vu (cf. consid. 2.2.2 et 2.2.4) - en contradiction avec les analyses et comptes-rendus ultérieurs versés au dossier. Les avis favorables contraires du médecin traitant du recourant et ceux de son entourage sont insuffisants à démontrer que le Tribunal cantonal aurait versé dans l'arbitraire en se ralliant aux conclusions scientifi-quement étayées de l'UMPT: outre que l'avis d'un médecin traitant - à l'instar de celui d'un expert privé (cf. ATF 141 IV 369 consid. 6.2 p. 373 ss; arrêt 4A_481/2014 du 20 février 2015 consid. 2.4.1) - doit être apprécié avec retenue, le fait, en particulier, que les examens ordonnés par celui-ci pour contrôler la tolérance de son patient au traitement du psoriasis n'aient pas montré de signes hépatiques ou sanguins ne permet pas de remettre en cause les résultats de l'ana-lyse capillaire, prévue et effectuée spécifiquement pour évaluer la con-sommation d'éthanol. A ce sujet, même si une partie de la littérature scientifique citée par le recourant émet des doutes quant à la fiabilité du test EtG (PASCAL KINTZ, Interprétation des concentrations d'éthyl-glucuronide dans les cheveux, in Annales de toxicologie analytique, n° 22 (4), 2010, p. 187-189), force est en l'espèce de constater que l'expertise se fonde sur une série d'autres éléments médicaux conver-gents dûment motivés, de sorte que l'argumentation du recourant tom-be à faux. De surcroît, la jurisprudence a récemment eu l'occasion de rappeler - se référant notamment aux travaux du groupe de travail sur les analyses de cheveux de la Société suisse de médecine légale (cf. Société suisse de médecine légale, groupe de travail sur les analyses de cheveux, L'analyse des cheveux en toxicologie forensique, version 12/2009, ch. 2.3.3; Idem, Détermination de l'éthylglucoronide [EtG] dans les cheveux, version 2012, ch. 3.1) - que l'analyse de cheveux constitue un moyen approprié pour prouver aussi bien une consom-mation excessive d'alcool que le respect d'une obligation d'abstinence (cf. ATF 140 II 334 consid. 3 p. 337 s.). On relèvera enfin que l'auteur cité par le recourant reconnaît que "si l'éthylglucuronide n'apparaît pas pour le moment comme le marqueur parfait pour caractériser la con-sommation d'alcool éthylique, il n'en reste pas moins le plus pertinent, comparé aux autres paramètres sanguins ou capillaires" (PASCAL KINTZ, op. cit., p. 189).
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3.4. Dans ces circonstances, le rapport sur lequel s'est fondée l'ins-tance précédente, établi par une institution spécialisée dans l'éva-luation de l'aptitude à la conduite de véhicules - ce que le recourant ne conteste d'ailleurs pas -, apparaît conforme aux exigences de la jurisprudence. Il s'ensuit que le Tribunal cantonal pouvait, sans arbi-traire, se rallier aux conclusions de l'expertise du 13 avril 2015. Quant à savoir si le diagnostic posé par l'UMPT répond au critère d'inaptitude à la conduite liée à la dépendance figurant à l'art. 16d al. 1 let. b LCR - ce que conteste ici également le recourant -, il s'agit d'une question de droit qu'il convient d'examiner individuellement.
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Erwägung 4 | |
4.1. Aux termes de l'art. 16d al. 1 let. b LCR, qui met en oeuvre les principes posés aux art. 14 al. 2 let. c et 16 al. 1 LCR, le permis d'élève conducteur ou le permis de conduire est retiré pour une durée indéterminée à la personne qui souffre d'une forme de dépendance la rendant inapte à la conduite. L'existence d'une dépendance à l'alcool est admise si la personne concernée consomme régulièrement des quantités exagérées d'alcool, de nature à diminuer sa capacité à conduire des véhicules automobiles, et se révèle incapable de se libérer ou de contrôler cette habitude par sa propre volonté. La dépen-dance doit être telle que l'intéressé présente plus que tout autre auto-mobiliste le risque de se mettre au volant dans un état ne lui permettant plus d'assurer la sécurité de la circulation. La notion de dépendance au sens des art. 14 al. 2 let. c et 16d al. 1 let. b LCR ne recoupe donc pas la notion médicale de dépendance à l'alcool. La notion juridique permet déjà d'écarter du trafic les personnes qui, par une consommation abusive d'alcool, se mettent concrètement en danger de devenir dépendantes au sens médical (ATF 129 II 82 consid. 4.1 p. 86 s.; 127 II 122 consid. 3c p. 125 s. et les références).
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4.2. Se fondant, sans que cela ne soit discutable, sur les conclusions du rapport d'expertise de l'UMPT, la cour cantonale a retenu que le recourant présente une tendance à consommer de l'alcool de manière excessive (58 pg/mg EtG; une valeur EtG supérieure à 30 pg/mg parlant en faveur d'une consommation abusive; cf. ATF 140 II 334 consid. 7 p. 340) susceptible de diminuer sa capacité à conduire. En outre, il existe un risque qu'il ne soit pas en mesure de contrôler cette habitude par sa propre volonté, y compris lorsqu'il doit conduire un véhicule, ce que confirmerait, selon l'instance précédente, le fait d'avoir pris le volant le 19 décembre 2014, alors qu'il était sous l'em-prise d'une quantité importante d'alcool pour se rendre à son domicile, situé à une vingtaine de kilomètres. Sur cette base, la cour cantonale a jugé que le critère de dépendance au sens de l'art. 16d al. 1 let. b LCR était en l'espèce réalisé, justifiant le prononcé d'un retrait de sécurité du permis de conduire pour une durée indéterminée. Le Tribunal cantonal a en outre confirmé les conditions auxquelles le SAN a subordonné la révocation de cette mesure, dont notamment une abstinence contrôlée cliniquement et biologiquement, un suivi socio-éducatif, un préavis du médecin conseil du SAN et des conclusions favorables d'une expertise simplifiée.
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4.3. Cette appréciation n'est pas critiquable et le recourant ne la remet du reste pas réellement en cause. Son argumentation développée dans ce cadre se confond largement avec celle formulée en rapport avec ses précédents griefs, de sorte qu'il peut, pour l'essentiel, être renvoyé aux considérants qui précèdent; il conteste ainsi une nouvelle fois les mesures EtG effectuées dans le cadre de l'expertise judiciaire; dans le même sens, il critique à nouveau la valeur probante du rapport de l'UMPT, sans toutefois apporter d'élément convaincant. On ne discerne en particulier pas en quoi le fait que le recourant ne figure pas au fichier ADMAS, ou encore que l'infraction a été commise durant les fêtes de fin d'année, ce qui constituerait - à le suivre - des conditions particulières, seraient des éléments propres à remettre en cause les conclusions des experts fondées sur différentes consta-tations convergentes (cf. consid. 3.2 et 3.3). Par ailleurs, le recourant ne saurait tirer argument des résultats favorables des examens effectués ultérieurement, notamment dans le cadre de son suivi auprès de l'Unité socio-éducative du CHUV; on l'a vu, ces éléments portent sur une période postérieure au rapport de l'UMPT et ne reflè-tent pas l'état de la situation lors du prononcé de la décision de retrait litigieuse. En revanche, comme l'a rappelé la cour cantonale, ces résultats devront être appréciés en rapport avec la question de la restitution du droit de conduire.
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Pour le surplus, le recourant ne critique pas les conditions dont a été assortie la restitution de son droit de conduire. Au contraire, celui-ci s'est déjà soumis au suivi psychologique et à une abstinence contrôlée; dans ce cadre, l'Unité socio-éducative a notamment indiqué, dans son préavis du 27 octobre 2015, que le recourant a entamé un changement de comportement vis-à-vis de l'alcool per-mettant de se prononcer favorablement sur son évolution alcoolo-gique. Force est ainsi de reconnaître que cette mesure apparaît adé-quate et appropriée à éviter une conduite future en état d'ébriété. Il n'est enfin pas non plus critiquable de soumettre la restitution du droit de conduire à la mise en oeuvre d'une expertise simplifiée et au préa-vis favorable du médecin conseil de l'autorité administrative, ces mesures n'étant ni disproportionnées ni inadéquates au regard des conclusions de l'expertise de l'UMPT.
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4.4. En définitive c'est sans violer le droit fédéral que le Tribunal can-tonal a jugé la décision du SAN conforme à l'art. 16d al. 1 let. b LCR; le grief doit être écarté.
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5. Dans une ultime critique, le recourant se plaint d'une violation du principe de la proportionnalité. A le suivre, les résultats favorables des mesures auxquelles il s'est soumis après l'édition du rapport d'expertise de l'UMPT, excluraient toute dépendance; la cour canto-nale ne pouvait partant le priver de son permis pour une durée indéterminée, mais devait, au contraire, opter pour une mesure moins incisive en lui restituant le droit de conduire sous condition d'abs-tinence.
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Ce faisant, le recourant remet une nouvelle fois vainement en cause le bien-fondé de l'expertise et la réalisation des conditions d'application de l'art. 16d al. 1 let. b LCR (cf. consid. 3.3, respectivement 4.3). De plus, en suggérant une mesure moins incisive que celle commandée par cette dernière disposition, le recourant perd de vue que l'art. 190 Cst. (RS 101) impose aux autorités de se conformer aux lois fédé-rales.
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Ce grief est manifestement mal fondé et doit partant être rejeté.
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6. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours aux frais du recourant, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Service des automobiles et de la navigation du canton de Vaud, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de droit administratif et public, et à l'Office fédéral des routes.
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Lausanne, le 9 juin 2016
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Fonjallaz
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Le Greffier : Alvarez
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