BGer 5A_220/2016 | |||
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BGer 5A_220/2016 vom 15.07.2016 | |
{T 0/2}
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5A_220/2016
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Arrêt du 15 juillet 2016 |
IIe Cour de droit civil | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux von Werdt, Président,
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Escher, Marazzi, Herrmann et Bovey.
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Greffier : M. Braconi.
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Participants à la procédure | |
A.A.________,
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représentée par Me Delphine Pannatier Kessler,
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avocate,
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recourante,
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contre
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Justice de paix de l'arrondissement de la Gruyère, rue de l'Europe 10, 1630 Bulle.
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B.A.________,
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Objet
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curatelle de représentation en paternité et aliments
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(art. 308 al. 2 CC),
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recours contre l'arrêt de la Cour de protection de l'enfant et de l'adulte du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg du 16 février 2016.
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Faits : | |
A. A.A.________ ( mère) est la mère de B.A.________, née le 3 juin 2015. Le 8 juin suivant, le Service de l'Etat civil de Fribourg a avisé la Justice de paix de l'arrondissement de la Gruyère ( Justice de paix) que la filiation entre l'enfant et son père biologique n'avait pas été établie; le 10 juin 2015, la Justice de paix a dès lors requis la mère de la révéler ou d'inviter le père à reconnaître sa fille, faute de quoi une procédure en protection de l'enfant serait ouverte et l'instauration d'une curatelle aux fins d'établir la filiation et faire valoir la créance alimentaire serait envisagée.
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Le 24 juin 2015, la mère a informé la Justice de paix que, « pour des motifs strictement personnels », elle ne désirait pas divulguer l'identité du père; elle a ajouté qu'elle était capable d'assumer l'entretien de sa fille et de veiller à ses intérêts, si bien qu'il n'y avait pas lieu de nommer un curateur. Elle a maintenu cette position lors de l'audience qui s'est tenue le 10 septembre 2015 devant la Justice de paix.
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B. Statuant le 10 septembre 2015, la Justice de paix a institué en faveur de l'enfant une « curatelle de représentation en paternité et aliments » au sens de l'art. 308 al. 2 CC (ch. I), désigné la curatrice (ch. II) et défini son mandat (ch. III-V). La Cour de protection de l'enfant et de l'adulte du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg a rejeté le recours de la mère et confirmé cette décision par arrêt du 16 février 2016.
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C. Par mémoire du 17 mars 2016, la mère - qui agit à titre personnel et en tant que représentante légale de sa fille - forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral; elle conclut à l'annulation des décisions de la Justice de paix et du Tribunal cantonal, subsidiairement au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
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Des observations n'ont pas été requises.
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D. Par ordonnance du 30 mars 2016, le Président de la IIe Cour de droit civil a attribué l'effet suspensif au recours, en ce sens qu'il est interdit à la curatrice d'exécuter son mandat.
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Considérant en droit : | |
1. Le recours a été déposé dans le délai légal (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en matière de protection de l'enfant (art. 72 al. 2 ch. 6 LTF) par un tribunal supérieur ayant statué sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF). La cause n'étant pas pécuniaire, il est ouvert indépendamment de la valeur litigieuse (arrêt 5A_ 645/2013 du 6 décembre 2013 consid. 1 et la jurisprudence citée). La recourante, qui a participé à la procédure devant l'autorité précédente et possède un intérêt digne de protection à la suppression de la mesure contestée, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF; arrêt 5A_645/2013 ibid.).
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Erwägung 2 | |
2.1. Jusqu'au 30 juin 2014, l'art. 309 al. 1 CC disposait que, dès qu'une femme enceinte non mariée en fait la demande à l'autorité de protection de l'enfant ou que celle-ci a été informée de l'accouchement (
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2.2. Le Conseil fédéral prévoyait d'abroger la disposition précitée lors de la révision du droit de l'autorité parentale (FF 2011 8315). Estimant que la curatelle instituée aux fins de recherche de paternité équivalait à une "
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Cette suppression ayant été critiquée ( cf. sur la question: HÄFELI, Das Recht des Kindes auf Feststellung der Vaterschaft und die Regelung des Unterhaltsanspruchs nach der ZGB-Änderung von 21. Juin 2013, in : RMA/ZKE 2014 p. 189 ss, avec les références), la Commission des affaires juridiques du Conseil national a proposé de préciser à l'art. 308 al. 2 CC que le curateur peut se voir conférer le pouvoir de " représenter l'enfant pour la constatation de la paternité ". Cette proposition a été approuvée par le Conseil national (BO 2012 CN 1656), puis le Conseil des Etats (BO 2013 CE 15); à cette occasion, il a été rappelé que " le seul fait qu'une femme non mariée mette au monde un enfant n'implique pas en soi qu'il existe un besoin de protection de l'enfant " (SEYDOUX-CHRISTE, rapporteuse de la Commission des affaires juridiques du CE, loc. cit., qui affirme que les " droits de l'enfant et ses intérêts sont ainsi protégés ").
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2.3. Il résulte de ce qui précède que, en cas de naissance d'un enfant hors mariage, une curatelle tendant à faire établir la filiation paternelle ne doit être instituée que si cette mesure apparaît nécessaire (
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L'autorité qui ordonne une mesure de protection de l'enfant dispose à cet égard d'un large pouvoir d'appréciation (art. 4 CC), dont le Tribunal fédéral ne revoit l'exercice qu'avec retenue; il n'intervient que si cette autorité a pris en considération des éléments qui ne jouent aucun rôle au sens de la loi ou a omis de tenir compte de facteurs essentiels (arrêt 5A_7/2016 du 15 juin 2016 consid. 3.3.3 et la jurisprudence citée). Quoi qu'en pense - non sans témérité - la recourante, la mesure contestée n'est pas inadéquate parce qu'elle a " clairement démontré (...) qu'elle ne cédera pas à la pression et qu'elle ne révélera pas le nom du père ", sauf à affirmer que les autorités devraient systématiquement renoncer à intervenir face à la rénitence caractérisée du justiciable.
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Erwägung 3 | |
3.1. Il est manifeste que le bien-être de l'enfant ne se résume pas à la satisfaction de ses seuls besoins matériels (art. 276 CC;
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Au reste, outre le fait que la situation financière de la recourante - en particulier son salaire - n'apparaît nullement aussi " confortable " qu'elle le prétend ( cf. infra, consid. 4.2), son opposition à la désignation d'un curateur de paternité porte préjudice au droit de sa fille de bénéficier d'une contribution d'entretien qui soit également fixée en considération des ressources du père (art. 285 al. 1 CC), puisqu'un rapport juridique de filiation est une condition nécessaire de l'obligation d'entretien que la loi met à la charge des deux parents (art. 276 CC; ATF 129 III 646 consid. 4.1); si cette obligation peut être assumée contractuellement par le père biologique, elle ne découle alors pas du droit de la famille (ATF 136 IV 122 consid. 2.1 et la jurisprudence citée). En outre, faute de reposer sur un jugement (art. 80 al. 1 LP) ou une convention ratifiée par l'autorité de protection de l'enfant (art. 80 al. 2 ch. 2 LP, en relation avec l'art. 287 al. 1 CC; arrêt 5A_950/2014 du 16 avril 2015 consid. 3.7 et les citations), un tel engagement ne constitue pas un titre apte à la mainlevée définitive ( cf. sur la pertinence d'un pareil titre: ATF 111 II 2 consid. 2a). Enfin, comme la qualité de " descendant " (art. 457 et 471 ch. 1 CC) est rattachée à la notion juridique de la famille (ATF 134 III 467 consid. 2 et les citations), la vocation d'héritière légale de l'enfant serait compromise en l'absence d'un lien de filiation paternelle (MEIER, in : Commentaire romand, CC I, 2010, n° 13 ad art. 309a CC).
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3.2. Comme l'a retenu l'autorité précédente, l'enfant a le droit de faire établir sa filiation paternelle (art. 7 al. 1 CDE; art. 8 § 1 CEDH; art. 119 al. 2 let. g Cst.; ATF 134 III 241, avec les citations), la "
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Il faut concéder à la recourante - qui parle de " désavantages sociaux et psychologiques destructeurs " - que la révélation de l'identité du père peut s'avérer contraire à l'intérêt de l'enfant. En l'occurrence, il ressort de l'arrêt attaqué (art. 105 al. 1 LTF; ATF 140 III 16 consid. 1.3.1) que l'intéressée refuse de la divulguer pour des " raisons personnelles ", qui ne sont pas explicitées. Cela étant, il n'est pas possible de déterminer si celles-ci permettraient exceptionnellement au curateur de renoncer à l'action en paternité, sous réserve du consentement de l'autorité de protection de l'enfant (art. 416 ch. 9 CC; cf. MEIER, ibid., n° 15). En tout état de cause, une telle renonciation doit être motivée par l'intérêt de l'enfant, et non par celui des parents à ne pas voir dévoilée une relation susceptible de compromettre leur propre réputation (MEIER, ibid., n° 13 et les citations); au demeurant, elle ne priverait pas l'enfant (capable de discernement) d'intenter lui-même action (art. 19c al. 1 CC, en relation avec l'art. 261 CC; parmi d'autres: MEIER/DE LUZE, Droit des personnes, 2014, n° 179; SCHWENZER/COTTIER, in : Basler Kommentar, op. cit., n° 5 ad art. 261 CC).
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Pour autant qu'un tel moyen soit pertinent, le grief de la recourante tiré d'une violation de sa " sphère privée " (art. 13 Cst.) est infondé. D'une part - comme on l'a vu -, l'intéressée n'a jamais expliqué les " raisons personnelles " qui feraient obstacle à la révélation de l'identité du père biologique ni, partant, démontré qu'elles l'emporteraient sur l'intérêt de son enfant à faire constater la filiation paternelle. D'autre part, elle ne saurait arguer de ce que sa fille peut " faire établir la paternité juridique jusqu'à ses 19 ans " ( cf. art. 263 al. 1 ch. 2 CC); la juridiction cantonale objecte à juste titre qu'une paternité établie à l'âge adulte " n'aura pas le bénéfice de l'établissement d'un tel lien durant son enfance et son adolescence, phases importantes [de son] développement " ( cf. pour le droit aux relations personnelles [art. 273 CC]: arrêt 5A_459/2015 du 13 août 2015 consid. 6.2.2 et les références, in : SJ 2016 I p. 133). De surcroît, l'écoulement du temps pourrait mettre en péril l'administration de certaines preuves.
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3.3. En résumé, il apparaît que la décision entreprise - dont la mise en oeuvre promet d'être ardue vu l'opposition de la mère (MEIER/STETTLER,
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Erwägung 4 | |
4.1. La recourante s'oppose au surplus à l'institution d'une curatelle de "
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4.2. Sur ce point, la juridiction précédente a considéré que la "
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4.3. L'opinion de l'autorité précédente n'est pas critiquable. L'institution d'une curatelle de paternité s'avérant justifiée (
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5. En conclusion, le recours est rejeté, aux frais de la recourante (art. 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à la Justice de paix de l'arrondissement de la Gruyère et à la Cour de protection de l'enfant et de l'adulte du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.
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Lausanne, le 15 juillet 2016
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Au nom de la IIe Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : von Werdt
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Le Greffier : Braconi
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