BGer 4A_136/2016 | |||
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BGer 4A_136/2016 vom 03.11.2016 | |
{T 0/2}
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4A_136/2016
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Arrêt du 3 novembre 2016 |
Ire Cour de droit civil | |
Composition
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Mmes les Juges Kiss, présidente, Klett et Hohl.
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Greffier: M. Carruzzo.
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Participants à la procédure | |
1. A.X.________ SA,
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2. B.X.________ Ltd,
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toutes deux représentées par Mes Martin Molina et Omar Abo Youssef,
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recourantes,
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contre
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Z.________ Ltd,
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représentée par Me Pierre-Yves Tschanz et/ou Me Frank Spoorenberg, et par Me Jean-Pierre Mignard et/ou Me Adrien Basdevant,
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intimée.
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Objet
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arbitrage international,
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recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 29 janvier 2016 par le Tribunal arbitral CCI.
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Faits: | |
A. Les 26 août 2004, 22 décembre 2004 et 2 décembre 2009, A.X.________ SA, société de droit xxx, et B.X.________ Ltd, société de droit yyy, d'une part (ci-après: les sociétés X.________ ou les défenderesses), et la société de droit zzz Z.________ Ltd (ci-après: Z.________ ou la demanderesse), d'autre part, ont conclu trois contrats de conseil ( Consultancy Agreements; ci-après: les contrats, resp. le contrat n° 1, le contrat n° 2 et le contrat n° 3), soumis au droit suisse, par lesquels celles-là ont chargé celle-ci de les assister dans la préparation et la soumission d'offres en vue de l'attribution de marchés relatifs à des projets d'infrastructure (transport) initiés par la République U.________ et, le cas échéant, dans l'exécution de ces projets. Une clause arbitrale, insérée dans chacun des trois contrats, confiait à un tribunal arbitral de trois membres, constitué sous l'égide de la Chambre de Commerce Internationale (CCI), le soin de régler les différends pouvant résulter de l'exécution de ces contrats. Le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève.
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Ces trois contrats faisaient suite à deux autres contrats de conseil conclus par les mêmes parties et entièrement exécutés.
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Entre février 2006 et novembre 2008, les sociétés X.________ ont payé les factures émises par Z.________ au fur et à mesure de l'avancement des projets qu'elles s'étaient vu adjuger par le truchement de la société zzz. Elles ont versé à cette dernière des sommes correspondant au total à 55% de la rémunération prévue dans le contrat n° 1 et à 80% de la rémunération prévue dans le contrat n° 2. Depuis lors, elles se sont abstenues de tout paiement au titre de ces deux contrats et n'ont rien versé à Z.________ du chef du contrat n° 3. Selon elles, en effet, différentes enquêtes pénales portant sur des soupçons de corruption en lien avec des projets auxquels avait participé X.________ étaient en cours, notamment aux Etats-Unis d'Amérique, via le Department of Justice (DOJ), et au Royaume-Uni, via le Serious Fraud Office (SFO). Aussi n'avaient-elles pas d'autre choix que de suspendre le paiement des commissions, sauf à s'exposer à de lourdes sanctions pénales, dès lors que les vérifications faites avaient révélé l'existence de violations commises par Z.________ des règles, intégrées aux contrats, que X.________ avait établies pour ses consultants, dans le cadre de sa politique d'éthique et de conformité ( Ethic & Compliance Policy), afin de prévenir la corruption.
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B. Le 20 décembre 2013, Z.________ a adressé à la CCI une requête d'arbitrage dirigée contre les sociétés X.________ en vue d'obtenir, notamment, le paiement du solde de ses commissions pour les contrats nos 1 et 2, ainsi que le versement de la rémunération afférente au contrat n° 3. Les défenderesses ont conclu au rejet intégral de la demande.
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Après avoir instruit la cause, le Tribunal arbitral, admettant partiellement la demande, a condamné les défenderesses, par sentence finale du 29 janvier 2016, à payer à la demanderesse la somme de 932'800 euros en rapport avec le contrat n° 1 et le montant de 624'440 euros relativement au contrat n° 2, le tout avec intérêts. Pour ce faire, et s'agissant des seuls motifs qui revêtent encore de l'importance à ce stade de la procédure, il a tout d'abord examiné les pièces versées au dossier de l'arbitrage, mais n'y a pas décelé la preuve - le fardeau en incombait aux défenderesses, selon lui - d'actes de corruption imputables à la demanderesse. Le Tribunal arbitral s'est penché, en second lieu, sur l'argument des défenderesses d'après lequel la demanderesse n'avait pas satisfait à son obligation contractuelle d'apporter la preuve des services rendus ( proof of services), alors que chacun des trois contrats en faisait une condition nécessaire au paiement des commissions stipulées. A cet égard, il a opéré une distinction entre les contrats nos 1 et 2, d'une part, et le contrat n° 3, d'autre part. En ce qui concerne les deux premiers, il a souligné que, si chacun d'eux contenait certes une clause particulière touchant la preuve des services rendus par le consultant, il convenait d'interpréter cette clause en fonction du comportement adopté par les parties postérieurement à sa conclusion. Or, celles-ci avaient manifesté, par leur comportement commun, qu'elles n'entendaient pas interpréter la clause en question à la lettre. Ainsi, pendant de nombreuses années, les défenderesses, nonobstant le texte de cette clause, s'étaient contentées des pièces que leur avait soumises la demanderesse pour verser à cette dernière les acomptes sur commissions stipulés dans les contrats, et ce sans formuler de réserves. Du reste, poursuit le Tribunal arbitral, à supposer même que la conduite adoptée par les parties quant à la preuve des services rendus n'ait plus été couverte par le texte de la clause topique des contrats nos 1 et 2, force serait alors d'admettre que cette conduite commune a eu pour effet de modifier les obligations contractuelles de la demanderesse relatives à cette preuve-là. Le Tribunal arbitral s'est ensuite employé à démontrer pourquoi la même conclusion ne pouvait pas être tirée par rapport au contrat n° 3. Outre le texte nettement plus détaillé et strict de la clause comparable figurant dans celui-ci, il a encore mis en évidence le fait que les défenderesses n'avaient rien versé à la demanderesse en exécution de ce dernier contrat et les divers engagements pris par la demanderesse, avant la conclusion de ce dernier, quant au respect du code d'éthique et de conformité édicté par X.________.
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C. Le 2 mars 2016, les défenderesses (ci-après: les recourantes) ont formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif, afin d'obtenir l'annulation de la sentence du 29 janvier 2016. Elles y reprochent au Tribunal arbitral d'avoir rendu une sentence incompatible avec l'ordre public et d'avoir violé leur droit d'être entendues.
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Dans sa réponse du 12 avril 2016, la demanderesse (ci-après: l'intimée) a conclu principalement à l'irrecevabilité du recours et, subsidiairement, au rejet de celui-ci dans la mesure de sa recevabilité.
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Les recourantes, dans leur réplique du 26 mai 2016, et l'intimée, dans sa duplique du 10 juin 2016, ont maintenu leurs conclusions, l'intimée précisant toutefois qu'elle s'en remet à justice en ce qui concerne la recevabilité du recours.
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L'effet suspensif a été accordé au recours par ordonnance présidentielle du 28 juin 2016.
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Considérant en droit: | |
1. D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Devant le Tribunal arbitral, celles-ci se sont servies de l'anglais, tandis que, dans les mémoires qu'elles ont adressés au Tribunal fédéral, elles ont employé le français, respectant ainsi l'art. 42 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 70 al. 1 Cst. (arrêt 4A_386/2015 du 7 septembre 2016, destiné à la publication, consid.1). Conformément à sa pratique, le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
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2. Le recours en matière civile est recevable contre les sentences touchant l'arbitrage international aux conditions fixées par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 let. a LTF). Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, des conclusions prises par les recourantes ou encore des griefs soulevés dans le mémoire de recours, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière.
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3.
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3.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Aussi bien, sa mission, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste-t-elle pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant dans le dossier de l'arbitrage (arrêt 4A_386/2010 du 3 janvier 2011 consid. 3.2). Cependant, comme c'était déjà le cas sous l'empire de la loi fédérale d'organisation judiciaire (cf. ATF 129 III 727 consid. 5.2.2; 128 III 50 consid. 2a et les arrêts cités), le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (ATF 138 III 29 consid. 2.2.1 et les arrêts cités).
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3.2. Sous nos 42 à 44 de leur mémoire, les recourantes allèguent diverses circonstances concernant, d'une part, le risque d'être poursuivies pénalement par le DOJ et/ou le SFO auquel elles s'exposeraient en exécutant leurs obligations pécuniaires résiduelles vis-à-vis de l'intimée et, d'autre part, le fait que cette dernière aurait signé, entre autres documents, deux "déclarations de compliance (sic) de X.________" à l'époque où elle leur avait envoyé ses dernières factures relatives aux contrats nos 1 et 2. Force est, toutefois, d'observer que, pour étayer ces allégations, elles ne se réfèrent qu'à des pièces versées au dossier de l'arbitrage et non pas à des constatations précises figurant dans la sentence attaquée, allant même jusqu'à reprocher aux arbitres de ne pas avoir tenu compte du second fait avancé par elles. Dès lors, la Cour de céans ne prendra pas en considération ces allégations-là, lesquelles sont incompatibles avec les principes jurisprudentiels précités.
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4. Dans un premier moyen, les recourantes font grief au Tribunal arbitral d'avoir rendu une sentence contraire à l'ordre public matériel au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP.
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4.1. Une sentence est contraire à l'ordre public matériel lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants; au nombre de ces principes figurent, notamment, la fidélité contractuelle, le respect des règles de la bonne foi, l'interdiction de l'abus de droit, la prohibition des mesures discriminatoires ou spoliatrices, ainsi que la protection des personnes civilement incapables (ATF 132 III 389 consid. 2.2.1).
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Les promesses de versement de pots-de-vin, d'après la conception juridique suisse, sont contraires aux moeurs et, partant, nulles en raison du vice affectant leur contenu. Selon un point de vue confirmé, elles contreviennent également à l'ordre public (ATF 119 II 380 consid. 4b). Encore faut-il, pour que le grief correspondant puisse être admis, que la corruption soit établie, mais que le Tribunal arbitral ait refusé d'en tenir compte dans sa sentence (arrêt 4A_532 et 534/2014 du 29 janvier 2015 consid. 5.1; arrêt 4A_231/2014 du 23 septembre 2014 consid. 5.1 et les références).
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4.2. | |
4.2.1. En l'espèce, le Tribunal arbitral, après avoir analysé les éléments probatoires que les recourantes lui avaient fournis afin d'étayer leur allégation implicite de corruption visant l'intimée, a estimé que cette allégation n'avait pas été prouvée (sentence, n. 277 à 280). Pareille conclusion découle d'une appréciation des preuves que la Cour de céans ne peut pas revoir (cf. consid. 3.1 ci-dessus); son bien-fondé est d'ailleurs confirmé par les recourantes, lesquelles précisent, sous n. 26 de leur réplique, "qu'elles ne prétendent pas avoir la preuve d'actes de corruption commis en relation avec les contrats litigieux". Dans ces conditions, il est exclu de reprocher au Tribunal arbitral d'avoir méconnu l'ordre public en ordonnant le paiement de commissions relatives à des contrats de conseil qui seraient frappés de nullité pour cause de corruption.
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4.2.2. A suivre les recourantes, l'incompatibilité de la sentence attaquée avec l'ordre public matériel résiderait plutôt dans le fait que le Tribunal arbitral leur a ordonné d'effectuer en faveur de l'intimée des paiements qui ne sont pas conformes aux "règles de compliance (sic) " de X.________ et qui les exposeraient, de ce fait, au risque de lourdes sanctions pénales (réplique, n. 27). Ces règles, ajoutent-elles, constituent la concrétisation, au niveau de l'entreprise et de ses cocontractants, des normes anticorruption reconnues internationalement d'intérêt public majeur et, partant, d'un objectif ayant un caractère d'ordre public au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP (réplique, n. 33).
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Comme l'intimée le souligne à juste titre (duplique, n. 16 à 21), les recourantes, en argumentant de la sorte, tentent d'élever au niveau normatif - autrement dit, à celui de la notion d'ordre public matériel que la jurisprudence du Tribunal fédéral a tirée de la disposition légale citée - des règles édictées par un sujet de droit privé et à laisser ainsi à un groupe de sociétés commerciales la faculté de définir cette notion-là. Effectivement, il n'est pas imaginable d'abandonner à un sujet de droit privé, n'ayant de surcroît pas son siège en Suisse, le soin de déterminer, pour reprendre la définition de la notion d'ordre public visée par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 132 III 389 consid. 2.2.3).
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S'agissant de la disposition touchant la preuve des services fournis, que les parties ont insérée dans chacun des trois contrats litigieux et qui constitue l'une des règles en question, le Tribunal arbitral, interprétant le comportement adopté par les cocontractantes après la conclusion des contrats nos 1 et 2, en a déduit la volonté concordante des parties d'alléger la charge de la preuve imposée à l'intimée par cette disposition. Ce faisant, il a procédé à une interprétation subjective de la volonté des parties, dont il a tiré la conclusion que les intéressées s'étaient mises d'accord - par une interprétation réductrice de la disposition en cause, voire par une modification consensuelle de sa teneur - pour restreindre les formalités imposées à l'intimée quant à la preuve des services fournis par elle (sentence, n. 300 à 306). Puis il a constaté que l'intéressée avait satisfait à l'exigence de preuve ainsi réduite (sentence, n. 307). Or, l'interprétation subjective, fondée notamment sur l'attitude des parties après la conclusion du contrat, repose sur l'appréciation des preuves et relève du domaine des faits, si bien qu'elle lie le Tribunal fédéral (ATF 142 III 239 consid. 5.2.1). Au demeurant, ressortirait-elle au droit que le Tribunal fédéral ne pourrait pas non plus la revoir dans le cadre de l'examen du grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let. e LDIP. Dans ces conditions, le moyen pris de la violation de l'ordre public matériel tombe à faux.
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5. Dans un second moyen, les recourantes, invoquant l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, reprochent au Tribunal arbitral d'avoir violé leur droit d'être entendues. Selon elles, les parties ne pouvaient pas s'attendre à ce que le Tribunal arbitral réduisît les exigences imposées à l'intimée, quant à la preuve des services fournis, par une interprétation subjective de leur volonté qui le conduirait à restreindre la portée de la clause topique des contrats nos 1 et 2, voire à en modifier le contenu. Elles le pouvaient d'autant moins, à les en croire, que, dans son ordonnance de procédure n. 18 du 28 mai 2015, le Tribunal arbitral les avait invitées à se déterminer sur deux questions précises de droit suisse n'ayant aucun rapport avec les "théories" appliquées par lui. Toujours selon les recourantes, l'effet de surprise aurait été accentué en l'espèce du fait que les parties, toutes étrangères à la Suisse, n'étaient pas représentées par des avocats suisses dans la procédure arbitrale.
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5.1. En Suisse, le droit d'être entendu se rapporte surtout à la constatation des faits. Le droit des parties d'être interpellées sur des questions juridiques n'est reconnu que de manière restreinte. En règle générale, selon l'adage
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5.2. Considéré à la lumière de ces principes, le grief soulevé apparaît dénué de tout fondement.
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L'interprétation subjective constitue l'un des deux piliers sur lesquels repose l'interprétation des contrats en droit suisse (cf. art. 18 al. 1 CO), le second étant l'interprétation objective (ATF 142 III 239 consid. 5.2.1 et les arrêts cités). Il est, par ailleurs, admis de longue date que le comportement concordant adopté par les cocontractants postérieurement à la conclusion du contrat sert principalement à déterminer leur réelle et commune intention, en ce qu'il constitue une interprétation subséquente authentique du contrat faite par les signataires mêmes de celui-ci, mais qu'il peut aussi être assimilé, suivant les circonstances, à une modification subséquente concluante du contrat, voire, le cas échéant, à une annulation de ce dernier (cf., parmi d'autres: ERNEST A. KRAMER, in Commentaire bernois, Das Obligationenrecht, VI/1, 1986, n° 28 ad art. 18 CO et les références, auteur cité dans les notes de pied n. 250 et 253 de la sentence attaquée). Les recourantes ne sont donc pas crédibles lorsqu'elles plaident l'effet de surprise alors que l'un des principaux éléments du litige consistait à déterminer la portée de la clause des contrats relative à la preuve des services fournis par l'intimée en sa qualité de consultant. Peu importe, à cet égard, que le Tribunal arbitral ait invité les parties à répondre à deux questions spécifiques de droit suisse sans rapport avec cette problématique. A plus forte raison, l'argument tiré de la nationalité étrangère des conseils mandatés par les recourantes n'est-il pas recevable: d'une part, et d'une manière générale, l'application du principe rendu par l'adage jura novit curiaet les exceptions que souffre ce principe ne peuvent pas dépendre de la nationalité des avocats des parties; d'autre part et qui plus est, s'agissant en l'espèce de contrats que les parties avaient soumis au droit suisse, le choix de renoncer à l'assistance de conseils suisses, si tant est que tel ait bien été le cas, pouvait comporter des risques dans ces circonstances.
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Cela étant, le présent recours ne peut qu'être rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
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6. Les recourantes, qui succombent, devront payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce: | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 17'500 fr., sont mis à la charge des recourantes, solidairement entre elles.
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3. Les recourantes sont condamnées solidairement à verser à l'intimée une indemnité de 19'500 fr. à titre de dépens.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à Me..., avocat à Zurich, pour le Tribunal arbitral CCI.
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Lausanne, le 3 novembre 2016
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente: Kiss
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Le Greffier: Carruzzo
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