BGer 1B_372/2016 | |||
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BGer 1B_372/2016 vom 17.01.2017 | |
{T 0/2}
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1B_372/2016
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Arrêt du 17 janvier 2017 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
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Fonjallaz et Chaix.
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Greffière : Mme Kropf.
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Participants à la procédure | |
recourant,
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contre
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Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
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Objet
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Procédure pénale, qualité de partie plaignante,
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recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 5 septembre 2016.
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Faits : |
A. | |
A.a. Le 30 août 2007, A.________ a déposé plainte pénale contre D.________, pour escroquerie, voire abus de confiance, contre K.________, pour complicité d'escroquerie, voire complicité d'abus de confiance, ainsi que contre tout tiers qui aurait participé à ces infractions, soit notamment les associés de F.________.
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Il reprochait en substance aux deux susmentionnés de l'avoir trompé, par le biais d'une plaquette de vente, sur le prix d'achat d'un immeuble; dès lors que le prix était en réalité inférieur (32'890'000 fr.) à celui communiqué (38'000'000 fr.), cela aurait eu comme conséquence que son pourcentage des parts détenues dans l'entité E.________ - propriétaire indirect du bien immobilier - aurait dû être plus important eu égard aux investissements consentis.
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A.b. Les quatre mis en cause ont été entendus par la police, puis par le Juge d'instruction. Par ordonnance du 9 février 2010, le Ministère public genevois a classé la procédure, faute de prévention pénale suffisante et, subsidiairement, en opportunité au regard du caractère civil prépondérant du litige. Par acte du 22 février 2010, A.________ a formé recours contre cette décision, concluant en particulier à l'ouverture d'une instruction pour escroquerie contre G.________ et H.________, ainsi qu'au constat du retrait de sa plainte à l'égard de D.________ et de K.________. Son recours a été admis le 28 juin 2011 par la Chambre d'accusation de la Cour de justice de la République et canton de Genève et la cause a été renvoyée à l'instruction. Le 16 septembre 2011, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevables les recours intentés contre cet arrêt par G.________ et H.________ (causes 1B_450/2011 et 1B_452/2011).
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A.c. Le 19 février 2010, A.________, D.________ et K.________ ont conclu une convention de règlement et de coopération, accord répartissant notamment les 75% des actions de E.________ détenues par L.________, société dont l'ayant droit économique était D.________. Le 4 mars suivant, A.________ a relevé que l'examen du dossier et les investigations menées avaient permis d'exclure toute responsabilité civile ou pénale de D.________ et de K.________, retirant en conséquence la plainte pénale déposée à leur encontre.
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A.d. A la suite de la reprise de la procédure pénale, D.________, K.________, G.________ et H.________ ont été à nouveau entendus par le Procureur, d'abord en qualité de personnes appelées à donner des renseignements, puis en tant que prévenus. Il a en particulier été établi que D.________ était seul à l'origine des documents comportant le prix d'achat de 38'000'000 fr. (cf. son audition du 29 juillet 2014, ad E/a.i p. 7 de l'arrêt attaqué).
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Par courrier du 9 mai 2016, le Ministère public a informé les parties qu'il entendait retirer la qualité de partie plaignante à A.________ vu le courrier du 4 mars 2010. Celui-ci s'y est opposé, rappelant ses griefs à l'encontre de G.________ et de H.________ (faux délai péremptoire et préjudice subi notamment à la suite de la vente avec plus-value des actions détenues par I.________; ad E/e p. 9 du jugement entrepris). Le 8 juin 2016, A.________ a transmis une copie du courrier adressé à L.________, D.________ et K.________ dans lequel il déclarait invalider la convention du 19 février 2010, se prévalant en substance d'une erreur essentielle et d'un vice du consentement.
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Par ordonnance du 21 juin 2016, le Ministère public a retiré la qualité de partie plaignante à A.________. Le Procureur a retenu que, dans la mesure où le courrier du 8 juin 2016 pouvait être considéré comme une manifestation de volonté de revenir sur le retrait de plainte du 4 mars 2010, celle-ci n'était pas intervenue dans un délai raisonnable au regard de la prise de connaissance le 29 juillet 2014 des actes commis par D.________; par conséquent, A.________ avait renoncé définitivement à être partie plaignante contre D.________ et K.________. Selon le Ministère public, tel était également le cas vis-à-vis des deux autres prévenus, dès lors que l'indivisibilité du retrait de plainte, même en cas d'actes poursuivis d'office, ne souffrait pas d'exception. Le magistrat a de plus estimé qu'il n'existait pas d'infraction commise au détriment de A.________ par G.________ et H.________, faute notamment de tromperie astucieuse et de lésion au patrimoine du premier.
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B. Le 5 septembre 2016, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours intenté par A.________ contre cette ordonnance.
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Elle a considéré que le retrait de la plainte par rapport à une éventuelle infraction de faux dans les titres réalisée par D.________ et K.________ était valable; A.________ ne soutenait en effet pas avoir procédé à cet acte à la suite d'un comportement pénalement relevant, telle une contrainte ou une tromperie (ad consid. 5.5 p. 17 s.).
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S'agissant en revanche de G.________ et de H.________, visés par un autre chef d'infraction (escroquerie) et par des faits différents (accord dit d'Interlaken ayant abouti à l'obtention de 15% des actions de E.________ par I.________), la cour cantonale a estimé que la plainte déposée en août 2007 demeurait valide et valait constitution de partie plaignante (ad consid. 5.6 p. 18); A.________ n'avait de plus pas renoncé, formellement ou par actes concluants, à cette qualité, dès lors que - nonobstant le retrait du 4 mars 2010 - il avait recouru contre l'ordonnance de classement, obtenu gain de cause et participé à la procédure depuis sa reprise en 2011 (ad consid. 6.2 p. 19 s.). La juridiction précédente a cependant ensuite considéré que les affirmations certes fallacieuses tenues par G.________ et H.________ - transmises à A.________ par l'intermédiaire de D.________ - afin de faire intervenir I.________ pour un crédit-relais et d'obtenir 15% du capital de E.________ ne paraissaient pas constituer une tromperie astucieuse au regard des six jours impartis pour verser le montant réclamé, laps de temps suffisant pour procéder à des vérifications (ad consid. 7.3/i p. 22); A.________ n'avait également subi aucun préjudice puisque la vente était intervenue, que la répartition interne des parts détenues par L.________ résultait de son ayant droit économique - D.________ - et que A.________ n'avait pas été contraint d'investir davantage que ce qu'il prévoyait, ni n'aurait obtenu moins que ce qu'il escomptait (ad consid. 7.3/ii p. 22 s.). Les juges cantonaux ont enfin relevé que les actionnaires de E.________ n'étaient lésés qu'indirectement par la cession gracieuse de 15% de son capital à I.________ (ad consid. 7.3/iii p. 23).
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C. Par acte du 6 octobre 2016, A.________ forme un recours en matière pénale, subsidiairement un recours constitutionnel subsidiaire, contre cet arrêt, concluant à son annulation et à la constatation de sa qualité de partie plaignante dans la cause P1. A titre subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour instruction et nouvelle décision au sens des considérants. Le recourant demande également la production de l'entier du dossier de la cause susmentionnée et l'octroi de l'effet suspensif.
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Le Ministère public a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif, ainsi qu'à celui du recours. Quant à la cour cantonale, elle a produit douze classeurs relatifs à la procédure et son propre dossier; elle s'est rapportée à justice s'agissant de l'effet suspensif et, sur le fond, a persisté dans les considérants de son arrêt, sans formuler d'observations. Le 2 décembre 2016, le recourant a répliqué.
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Par ordonnance présidentielle du 27 octobre 2016, la requête d'effet suspensif a été rejetée.
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Considérant en droit : | |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 III 395 consid. 2.1 p. 397; 140 IV 57 consid. 2 p. 59).
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L'arrêt attaqué confirme l'ordonnance du Ministère public de retirer la qualité de partie plaignante au recourant. La décision entreprise a été rendue au cours d'une procédure pénale par une autorité statuant en dernière instance cantonale (art. 80 LTF); elle est donc susceptible d'un recours en matière pénale au sens des art. 78 ss LTF; le recours constitutionnel subsidiaire est par conséquent irrecevable.
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Le recourant, qui se voit dénier la qualité de partie plaignante, a pris part à la procédure devant l'autorité précédente et a un intérêt juridique à l'annulation ou à la réforme de la décision attaquée (art. 81 LTF; ATF 141 IV 1 consid. 1 p. 4 s.; arrêt 1B_190/2016 du 1 er septembre 2016 consid. 1).
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Selon la jurisprudence, une décision qui rejette une demande de constitution de partie plaignante dans le procès pénal, respectivement retire cette qualité, présente, pour la partie concernée qui se trouve définitivement écartée de la procédure, les traits d'une décision finale au sens de l'art. 90 LTF (ATF 139 IV 310 consid. 1 p. 312). Le recours en matière pénale, déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF), est dès lors recevable.
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2. Dans un premier grief, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu.
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Il reproche à cet égard à l'autorité précédente d'avoir renvoyé à des considérants ne figurant pas dans le jugement attaqué; il aurait dès lors reçu une version incomplète de l'arrêt entrepris, étant ainsi dans l'impossibilité de le comprendre et/ou de l'attaquer correctement. Certes, la numérotation des considérants comporte quelques erreurs. Cela ne suffit cependant pas pour considérer que le jugement attaqué ne serait pas complet ou serait incompréhensible. En effet, vu la motivation donnée, les éléments auxquelles la cour cantonale se réfère dans son consid. 4.3 en mentionnant un consid. 4.1 inexistant sont ceux relevés précédemment dans ses considérants - et par ailleurs répétés pour la plupart -, à savoir en particulier le retrait de la plainte intervenu le 4 mars 2010 (consid. 3.3), l'arrêt de la Chambre d'accusation du 28 juin 2011 (consid. 3), la reprise de la procédure d'instruction (consid. 3.1) et la participation du recourant à celle-ci en tant que partie plaignante (consid. 3.3). Quant au second renvoi erroné (consid. 5.5 : "comme vu ci-avant (cf. ch. 4.4"), il se limite à indiquer que la question du courrier du 8 juin 2016 a déjà été évoquée, ce qui ressort effectivement de la lecture de l'arrêt entrepris (cf. ad consid. 4.2/ii p. 15).
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Ce grief doit donc être rejeté.
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3. La cour cantonale a considéré que le retrait de plainte opéré le 4 mars 2010 était valable s'agissant de l'infraction de faux dans les titres respectivement de complicité, qui pourrait être reprochée à D.________ et à K.________ (cf. consid. 5.5). Le recourant ne développe aucune argumentation tendant à remettre en cause cette constatation. Partant, sur ce point, l'arrêt cantonal est définitif.
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En revanche, le recourant reproche à l'autorité précédente une appréciation arbitraire des faits et des violations des art. 146 CP et 115 CPP. Il lui fait grief de lui avoir dénié la qualité de partie plaignante s'agissant de l'éventuelle réalisation d'une escroquerie par G.________ et par H.________. Selon le recourant, les conditions de cette infraction, dont l'astuce, seraient réalisées. Il soutient en substance à cet égard que le - faux - délai péremptoire indiqué par les deux susmentionnés pour payer le solde réclamé par le vendeur aurait engendré une situation d'urgence excluant toute vérification de leurs dires et justifiant la mise en oeuvre rapide du crédit-relais par I.________; or, cette opération n'aurait pas eu comme but d'éviter la perte de l'entier des investissements déjà consentis, mais de permettre à I.________ d'obtenir gratuitement 15% du capital-action de E.________, cela au préjudice du recourant puisque son pourcentage de parts aurait été réduit en conséquence.
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3.1. Selon l'art. 118 al. 1 CPP, on entend par partie plaignante le lésé qui déclare expressément vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil. La notion de lésé est définie à l'art. 115 CPP; il s'agit de toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (al. 1); sont aussi considérées comme des lésés les personnes qui ont qualité pour déposer plainte pénale (al. 2).
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En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte. Les droits touchés sont les biens juridiques individuels tels que la vie et l'intégrité corporelle, la propriété, l'honneur, etc. (ATF 141 IV 1 consid. 3.1 p. 5). Celui qui prétend à la qualité de partie plaignante doit rendre vraisemblable le préjudice subi et doit en outre démontrer le rapport de causalité entre son dommage et l'infraction poursuivie (ATF 141 IV 1 consid. 3.1 p. 6).
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La jurisprudence a de plus précisé que lors d'infraction contre le patrimoine, le propriétaire des valeurs patrimoniales lésées est considéré comme la personne lésée. Il en résulte notamment que, lorsqu'une infraction est perpétrée au détriment du patrimoine d'une personne morale, seule celle-ci subit un dommage et peut donc prétendre à la qualité de lésé, à l'exclusion des actionnaires d'une société anonyme, des associés d'une société à responsabilité limitée, des ayants droit économiques et des créanciers desdites sociétés (ATF 140 IV 155 consid. 3.3.1 p. 158; arrêt 6B_1315/2015 du 9 août 2016 consid. 1.2.1 et les arrêts cités).
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3.2. En l'occurrence, la cession gracieuse de 15% du capital-action de E.________ implique que cette société dispose en pratique de fonds ne correspondant pas au montant inscrit à titre de capital-action. Il n'y a cependant pas lieu de déterminer dans quelle mesure la société ou ses autres actionnaires subiraient en conséquence un quelconque préjudice en raison de cet acte. La question d'un éventuel dommage pour les actionnaires au moment de la répartition du bénéfice - divisé en principe selon le nombre total d'actions - peut également rester indécise (cf. ad A/2 p. 14 s. du mémoire de recours).
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En effet, de telles problématiques n'entreraient en considération que dans l'hypothèse où la personne en cause aurait la qualité indiscutable d'actionnaire de la société E.________. Certes, on peine à comprendre à la lecture de l'arrêt cantonal qui détiendrait cette société, respectivement à quel pourcentage (cf. en particulier ad consid. 7.3/ii p. 22 s.). Cela étant, le recourant ne soutient pas être un actionnaire proprement dit de E.________, puisqu'il explique lui-même que les 47% des actions E.________ dont il se prévaut seraient détenues par B.________ (cf. ad 29 p. 11 et B/3 p. 20 de son mémoire). Cela ressort également de l'attribution à cette société des parts de E.________ lors de la convention du 19 février 2010 (cf. p. 4 dudit accord) - octroi qui n'est contesté que dans sa quotité (pourcentage retenu, avec ou sans prise en compte des 15% détenus par I.________ [cf. ad A/1 p. 13 s. et A/3 p. 15 du mémoire de recours]) -, ainsi que des contrats de fiducie établis préalablement avec L.________ (cf. ad D/t p. 7 de l'arrêt attaqué).
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L'absence de qualité d'actionnaire du recourant est par ailleurs confirmée par son invocation de la théorie de la transparence ("Durchgriff", sur cette notion, cf. ATF 132 III 489 consid. 3.2 p. 493; 128 II 329 consid. 2.4 p. 333) pour se prévaloir, à titre personnel, des droits de la société qu'il a pourtant utilisée précédemment pour son opération immobilière. Ces principes ne lui sont cependant d'aucun secours. Cette théorie n'a en effet pas été développée pour permettre à une personne physique, soit en l'espèce le recourant, de choisir, selon les circonstances et en fonction des avantages qu'elle pourrait en retirer, de procéder par le biais d'une société ou de faire abstraction de l'existence de celle-ci.
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Vu ces considérations, il apparaît que le recourant ne subit aucun préjudice direct à la suite des faits dénoncés. Partant, la qualité de lésé au sens de l'art. 115 CPP ne peut lui être accordée et la Chambre pénale de recours n'a pas violé le droit fédéral, ni a fortiori fait preuve d'arbitraire, en confirmant l'ordonnance de retrait de cette qualité prononcée par le Ministère public.
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3.3. Il n'est dès lors pas nécessaire d'examiner dans quelle mesure le comportement adopté par les deux prévenus encore concernés serait constitutif d'un comportement astucieux et quel serait l'éventuel dommage qui en aurait résulté (cf. art. 146 CP); ces questions relèvent du juge du fond en cas de mise en accusation ou du Ministère public si une ordonnance pénale ou un classement devait être envisagé.
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4. Il s'ensuit que le recours est rejeté.
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Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'accorder de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours constitutionnel subsidiaire est irrecevable.
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2. Le recours en matière pénale est rejeté.
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3. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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4. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
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Lausanne, le 17 janvier 2017
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Merkli
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La Greffière : Kropf
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