BGer 6B_465/2016 | |||
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BGer 6B_465/2016 vom 17.03.2017 | |
6B_465/2016
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Arrêt du 17 mars 2017 |
Cour de droit pénal | |
Composition
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M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti.
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Greffière : Mme Kistler Vianin.
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Participants à la procédure | |
A.X.________, représentée par Me Michael Rudermann, avocat,
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recourante,
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contre
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Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
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intimé.
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Objet
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Ordonnance de classement (homicide),
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 16 mars 2016.
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Faits : | |
A. Par ordonnance du 14 janvier 2016, le Ministère public du canton de Genève a ordonné le classement de la procédure ouverte à la suite du décès de B.X.________.
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B. Par arrêt du 16 mars 2016, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté le recours formé par A.X.________, épouse de B.X.________.
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En bref, elle a retenu les faits suivants:
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B.a. | |
B.a.a. B.X.________, mari de A.X.________, a été admis aux urgences des Hôpitaux Universitaires de Genève (ci-après: HUG) le 29 septembre 2013, en provenance de l'hôpital de Loëx. Il souffrait d'une fibrose pulmonaire incurable, ainsi que d'une pneumopathie interstitielle gravissime, d'une infection urinaire, d'une polyarthrite rhumatoïde et d'un emphysème pulmonaire. Il conservait également les séquelles d'un AVC survenu en 2012, notamment une aphasie.
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B.a.b. Le 29 septembre 2013, B.X.________ a présenté l'après-midi une dyspnée brutale. Il était conscient, répondait de façon orientée aux questions simples et a indiqué ne pas vouloir d'intubation. A 17h47, B.X.________ et A.X.________ ont été informés de la gravité du tableau clinique, du mauvais pronostic et du risque de décès. Ils ont maintenu leur position, à savoir le refus de l'intubation et une limitation thérapeutique.
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B.a.c. Le 3 octobre 2013, à 19h26, la ventilation non invasive, la corticothérapie et l'antibiothérapie ne semblaient pas pouvoir améliorer l'état du patient, dont la fibrose pulmonaire s'était encore dégradée; le pronostic à court terme était jugé mauvais. Si un nouvel épisode de dyspnée survenait, le passage en soins de confort devait être mis en place.
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L'état respiratoire de B.X.________ s'étant encore détérioré dans la nuit suivante, les soins de confort, comprenant l'administration de morphine, ont commencé.
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En fin de journée, les équipes de pneumologie et des soins intensifs ont décidé de poursuivre dans cette voie, écartant toute escalade thérapeutique et toute continuation des investigations diagnostiques, car la situation clinique était claire et avait été discutée de façon multidisciplinaire.
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B.a.d. Le 5 octobre 2013, aux alentours d'une heure du matin, l'administration de morphine a été stoppée, à la suite de l'opposition catégorique de A.X.________.
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B.X.________ est décédé à 5h20.
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B.b. Selon le rapport d'autopsie du 14 mars 2014, établi par les Dresses C.________ et D.________, médecins légistes, les causes de la mort étaient naturelles, à savoir la conséquence d'une insuffisance respiratoire très sévère, vraisemblablement décompensée par une broncho-pneumonie, chez un patient présentant plusieurs pathologies préexistantes et également aiguës très sévères, notamment aux niveaux respiratoire et cardio-vasculaire. Des analyses toxicologiques ont été effectuées. Les médecins légistes les ont étudiées et ont précisé que les doses de morphine retrouvées dans le sang du défunt étaient compatibles avec une prescription médicale, étant précisé que dans un contexte de soins palliatifs d'insuffisance respiratoire, la morphine était la médication de choix et que les concentrations retrouvées étaient compatibles avec cet usage.
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B.c. Dans leur rapport d'expertise complémentaire du 13 mai 2015, les Dresses C.________ et D.________ ont confirmé que la cause du décès de B.X.________ était des pathologies chroniques et aiguës très sévères dont il souffrait, sans que n'apparussent d'éléments à l'appui de l'hypothèse selon laquelle le décès aurait été accéléré par la morphine, aux doses administrées à l'Hôpital. Le taux de morphine retrouvé dans le liquide céphalo-rachidien était comparable à celui retrouvé dans le sang préalablement analysé, et donc compatible avec une administration médicale. Quant à la caféine, il n'en avait pas été détecté dans le sang du défunt ni dans son contenu gastrique. Le taux retrouvé dans l'urine était inférieur à 500 microgrammes par litre et pouvait résulter d'une faible consommation de produit contenant de la caféine, plusieurs jours avant le décès.
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B.d. Le 12 janvier 2016, les Dresses C.________ et D.________, médecins légistes auteurs du rapport d'autopsie et du rapport d'expertise complémentaire, ont été entendues par le Ministère public genevois. Elles ont confirmé la teneur de leurs deux rapports. La cause de la mort de B.X.________ était une pathologie pulmonaire sévère, décompensée par une broncho-pneumonie aigüe. La concentration de morphine retrouvée dans le sang de l'intéressé et le lien éventuel entre ce taux et le décès avaient été examinés avec attention. Sur la base de tables en vigueur, qui tenaient compte du taux de morphine libre, seul retenu en littérature médicale, et non du taux de morphine totale, le taux présenté à cet égard par le défunt était sans lien avec sa mort. Par ailleurs, la littérature médicale définissait le seuil de toxicité des doses de morphine administrées en dosant les taux retrouvés dans le sang, et non dans le liquide céphalo-rachidien. Les quantités de caféine retrouvées dans le sang étaient nulles, et celles retrouvées dans l'urine très basses, ce qui pouvait s'expliquer par la consommation de substances contenant de la caféine dans les jours précédant le décès. La morphine administrée à un taux thérapeutique n'avait pas d'effets collatéraux et ne causait, notamment, pas de dépression respiratoire, même en présence de pathologies préexistantes; elle représentait la seule substance apte à soulager les dyspnées (sensation de manque d'air).
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C. Contre l'arrêt cantonal, A.X.________, épouse du défunt, dépose un recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la procédure au Ministère public genevois pour complément d'instruction, le cas échéant, mise en prévention des acteurs du décès de son mari.
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Considérant en droit : | |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 140 IV 57 consid. 2 p. 59). Lorsque les conditions de légitimation ne sont pas évidentes, le recourant doit démontrer que celles-ci sont réunies. Ce n'est en effet pas la tâche du Tribunal fédéral de rechercher à l'aide du dossier ou d'autres documents que le recourant est habilité à recourir (ATF 138 IV 86 consid. 3 p. 88; 133 II 353 consid. 1 p. 356).
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1.1. En vertu de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. La partie plaignante n'a pas de prétention civile si, pour les actes reprochés au prévenu, une collectivité publique assume une responsabilité de droit public exclusive de toute action directe contre l'auteur (ATF 138 IV 86 consid. 3.1 p. 88; 133 IV 228 consid. 2.3.3 p. 234; 131 I 455 consid. 1.2.4 p. 461; 128 IV 188 consid. 2.2 p. 191).
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En l'espèce, les HUG forment un établissement de droit public doté de la personnalité juridique et responsable des actes commis par ses employés dans l'exercice de leurs activités (cf. art. 5 al. 1 et 2 de la loi genevoise sur les établissements publics médicaux; LEPM, RS/GE K 2 05). Conformément aux art. 2 et 9 de la loi genevoise sur la responsabilité de l'Etat et des communes (LREC, RS/GE A 2 40), l'Etat de Genève répond donc seul d'un éventuel dommage, le lésé ne disposant d'aucune action directe contre le personnel soignant ou le personnel médical de cet établissement. A défaut de pouvoir élever des prétentions civiles contre les employés des HUG, la recourante n'a dès lors pas qualité pour recourir en application de l'art. 81 LTF.
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1.2. La recourante, qui admet ne pas avoir de prétentions civiles selon l'art. 81 LTF, fait valoir un droit de recours fondé sur les art. 2 et 3 CEDH, 7 Pacte ONU II (RS 0.103.2), 10 al. 3 Cst. et 13 de la Convention des Nations Unies du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (RS 0.105).
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Les art. 10 al. 3 Cst. et 3 CEDH interdisent la torture, ainsi que les peines ou traitements inhumains ou dégradants. La Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants oblige notamment les Etats parties à se doter d'une loi réprimant les traitements prohibés et à instituer des tribunaux compétents pour appliquer cette loi. La première phrase de l'art. 13 de la Convention oblige les Etats parties à reconnaître aux personnes qui se prétendent victimes de traitements prohibés, d'une part, le droit de porter plainte et, d'autre part, un droit propre à une enquête prompte et impartiale devant aboutir, s'il y a lieu, à la condamnation pénale des responsables (ATF 131 I 455 consid. 1.2.5 p. 462). La jurisprudence considère que la victime de traitements prohibés peut fonder son droit de recours sur les dispositions précitées (ATF 138 IV 86 consid. 3.1.1 p. 88).
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Pour tomber sous le coup de ces dispositions, un mauvais traitement doit en principe être intentionnel et atteindre un minimum de gravité (arrêt 6B_474/2013 du 23 août 2013 consid. 1.4). Il sera qualifié de dégradant s'il humilie ou avilit un individu, s'il témoigne d'un manque de respect pour sa dignité humaine, voire la diminue, ou s'il suscite chez l'intéressé des sentiments de peur, d'angoisse ou d'infériorité propres à briser sa résistance morale et physique. Il y a également traitement dégradant, au sens large, si l'humiliation ou l'avilissement a pour but, non d'amener la victime à agir d'une certaine manière, mais de la punir (arrêts 6B_474/2013 du 23 août 2013 consid. 1.4; 6B_364/2011 du 24 octobre 2011 consid. 2.2; 6B_274/2009 du 16 février 2010 consid. 3.1.2.2 et les références citées). La souffrance due à une maladie survenant naturellement, qu'elle soit physique ou mentale, peut relever de l'art. 3 CEDH si elle se trouve ou risque de se trouver exacerbée par un traitement - que celui-ci résulte de conditions de détention, d'une expulsion ou d'autres mesures - dont les autorités peuvent être tenues pour responsables (arrêt de la CourEDH Pretty c. Royaume-Uni du 29 avril 2002, Recueil CourEDH, 2002 III § 52, également in EuGRZ 2002 234 et in PJA 2003 1488).
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Le droit à la vie, tel qu'il est garanti aux art. 2 CEDH et 10 al. 1 Cst., implique notamment une obligation positive pour les Etats parties de préserver la santé et la vie des personnes placées sous sa responsabilité. Ce droit nécessite une protection juridique accrue, en particulier lorsque le recours à la force par des agents de l'Etat a entraîné une mort d'homme (ATF 138 IV 86 consid. 3.1.2 p. 89).
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Ces dispositions sont appliquées la plupart du temps dans des cas où l'individu est soumis à des actes de violence infligées par des agents de police ou de détention. En l'espèce, le personnel médical des HUG a prodigué au mari de la recourante un traitement en vue de soulager ses douleurs et non de susciter chez ce dernier des souffrances physiques ou psychiques. En aucun cas, il ne s'agissait de l'humilier ou de réduire sa dignité humaine. La recourante n'allègue aucun élément qu'elle considère comme propre à fonder sa qualité pour recourir selon les art. 2 et 3 CEDH et l'art. 10 Cst. (cf. consid. 1). Au vu de l'arrêt attaqué et en l'absence de motivation de la recourante (art. 42 al. 1 LTF), la qualité pour recourir de celle-ci sur la base des dispositions précitées doit dès lors être niée.
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1.3. Indépendamment des conditions posées par l'art. 81 al. 1 LTF, la partie plaignante est aussi habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (cf. ATF 136 IV 29 consid. 1.9 p. 40 et les références citées). Son recours ne peut par conséquent pas porter sur des points indissociables du jugement au fond tels que le refus d'administrer une preuve sur la base d'une appréciation anticipée de celle-ci ou le devoir de l'autorité de motiver sa décision de façon suffisamment détaillée (ATF 136 IV 41 consid. 1.4 p. 44).
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1.3.1. Dans un premier grief, la recourante soutient que l'arrêt attaqué repose sur un état de fait lacunaire. Outre le fait que ce grief n'est pas motivé (art. 106 al. 2 LTF), elle invoque de la sorte une appréciation arbitraire des preuves, soit un grief qui ne peut être séparé du fond de la cause, de sorte que ce grief est irrecevable.
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1.3.2. La recourante considère que l'expertise ne saurait être concluante et que l'on ne saurait donc conclure que les concentrations de morphine retrouvées dans le sang du défunt étaient compatibles avec une administration médicale. En particulier, elle reproche aux expertes et à leur suite aux autorités judiciaires cantonales de ne pas avoir jugé utile de faire analyser le sang
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1.3.3. Se fondant sur son droit d'être entendue, la recourante se plaint de ne pas avoir eu accès au dossier complet de l'hôpital, dont la saisie avait pourtant été ordonnée. Elle n'aurait en particulier pas eu accès à un document établi par les HUG précisant les doses de morphine administrées à son mari avec indication de l'heure et de la personne ayant procédé à cette administration, document qui aurait été en possession des expertes.
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Le droit d'être entendu comprend, notamment, le droit de prendre connaissance de l'ensemble du dossier (ATF 135 II 286 consid. 5.1 p. 293). Le document litigieux n'apparaît toutefois pas pertinent. En effet, les expertes ont fondé leur expertise sur les doses de morphine retrouvées dans le sang du défunt (taux de morphine libre) et non sur un document établissant les doses de morphine administrées. Dans ces conditions, on ne voit pas en quoi un tel document a joué ou pourrait jouer un rôle pour l'issue du litige. La recourante ne donne à ce sujet aucune explication. Son grief ne satisfait donc pas aux exigences de clarté et de précision posée à l'art. 106 al. 2 LTF. Il est donc irrecevable.
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1.3.4. Dans un dernier grief, la recourante conteste que l'état de santé de son mari ait présenté une dégradation alarmante le 29 septembre 2013 et que, depuis, l'évolution ait été irréversible. Par cette argumentation, elle s'en prend à l'établissement des faits, à savoir à la question du fond du litige. Ses griefs sont dès lors irrecevables.
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2. Au vu de ce qui précède, le recours doit être déclaré irrecevable.
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La recourante, qui succombe, doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est irrecevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
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Lausanne, le 17 mars 2017
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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La Greffière : Kistler Vianin
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