BGer 1B_394/2016 | |||
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BGer 1B_394/2016 vom 25.04.2017 | |
{T 0/2}
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1B_394/2016
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Arrêt du 25 avril 2017 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Merkli, Président,
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Fonjallaz et Chaix.
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Greffière : Mme Tornay Schaller.
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Participants à la procédure | |
avocat,
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recourant,
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contre
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Ministère public du canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
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Objet
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Conditions de détention au sein de la prison de Champ-Dollon,
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice du canton
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de Genève, Chambre pénale de recours, du 21 septembre 2016.
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Faits : | |
A. A.________ s'est trouvé en détention provisoire puis pour des motifs de sûreté du 11 décembre 2014 au 1 er mai 2016, au sein de la prison genevoise de Champ-Dollon, dans le cadre d'une procédure pénale dirigée contre lui pour infraction grave à la LStup. Par jugement du 26 avril 2016, entré en force, le Tribunal correctionnel du canton de Genève a condamné A.________ à une peine privative de liberté de 5 ans, sous déduction de 505 jours de détention avant jugement.
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Le 4 décembre 2015, A.________ a requis la constatation du caractère illicite des conditions de sa détention, notamment au motif qu'il a été incarcéré durant 114 jours dans une cellule occupée par six détenus avec une surface individuelle nette de moins de 4 m 2. Par ordonnance du 17 mars 2016, le Tribunal des mesures de contrainte du canton de Genève (Tmc) a constaté que les conditions dans lesquelles s'était déroulée la détention du 10 décembre 2014 au 19 février 2016 avaient respecté les exigences légales, constitutionnelles et conventionnelles en la matière. Par arrêt du 21 septembre 2016, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice du canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) a rejeté le recours.
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B. Agissant par la voie du recours en matière pénale, A.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 21 septembre 2016 et de constater l'illicéité des conditions de détention pendant 114 jours. Il conclut subsidiairement au renvoi de la cause à l'instance précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
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Invité à se déterminer, le Ministère public du canton de Genève conclut au rejet du recours. La Cour de justice se réfère aux considérants de son arrêt. Le recourant a répliqué par courrier du 15 décembre 2016.
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Considérant en droit : | |
1. Selon l'art. 78 LTF, le recours en matière pénale est ouvert contre les décisions rendues en matière pénale, dont font partie les décisions relatives aux conditions de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté (arrêt 1B_369/2013 du 26 février 2014 consid. 1, non publié in ATF 140 I 125).
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La recevabilité du recours en matière pénale dépend notamment de l'existence d'un intérêt juridique actuel à l'annulation de la décision entreprise (art. 81 al. 1 let. b LTF). De cette manière, les tribunaux sont assurés de trancher uniquement des questions concrètes et non de prendre des décisions à caractère théorique, ce qui répond à un souci d'économie de procédure (ATF 136 I 274 consid. 1.3 p. 276). En tant qu'il a vu rejetées ses conclusions en constatation du caractère irrégulier de sa détention, le recourant a intérêt à l'annulation de l'arrêt attaqué.
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Les autres conditions de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il convient d'entrer en matière.
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2. Le recourant se limite à critiquer l'arrêt cantonal en ce qu'il n'a pas admis que sa détention du 25 juillet au 16 novembre 2015, soit durant 114 jours, s'était déroulée dans des conditions illicites.
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2.1. Le recourant reproche d'abord à la cour cantonale d'avoir retenu que la surface individuelle nette dont il disposait dans sa cellule entre le 25 juillet et le 16 novembre 2015 était de 4,11 m
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2.1.1. Pour le domaine spécifique de la détention, la Suisse a ratifié, le 7 octobre 1988, la Convention européenne de 1987 pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (RS 0.106). L'art. 1 de cette Convention institue un "Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants" (ci-après: CPT). Le 15 décembre 2015, le CPT a édité une norme sur l'Espace vital par détenu dans les établissements pénitentiaires. Il en ressort que la norme minimale concernant l'espace vital devrait exclure les sanitaires qui se trouvent à l'intérieur d'une cellule. Ainsi, une cellule individuelle devrait mesurer 6 m² auxquels on ajouterait la superficie nécessaire à une annexe sanitaire (généralement d'1 à 2 m²). De même, l'espace occupé par l'annexe sanitaire devrait être exclu du calcul des 4 m² par personne dans les cellules collectives. De plus, l'annexe sanitaire de ces dernières devrait être entièrement cloisonnée.
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Selon la jurisprudence, lors du calcul de la surface individuelle à disposition de chaque détenu, la surface des installations sanitaires doit être retranchée (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 p. 138 s. in fine; arrêt 1B_70/2016 du 24 juin 2016 consid. 3.3 et 3.4).
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2.1.2. En l'espèce, la cour cantonale a considéré que le recourant disposait d'une surface individuelle nette de 4,11 m
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2.2. Le recourant reproche ensuite à l'instance précédente d'avoir considéré que, comme les codétenus étaient occupés hors de la cellule plusieurs heures par jour à des horaires différents, la surface individuelle nette des occupants effectifs était augmentée d'autant. Il se plaint d'une violation des art. 3 CEDH, 7 et 10 Cst. et 3 al. 1 CPP.
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2.2.1. Le Tribunal fédéral a jugé qu'en cas de surpopulation carcérale telle que la connaît la prison de Champ-Dollon, l'occupation d'une cellule dite individuelle par trois détenus - chacun disposant d'un espace individuel de 4 m
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En revanche, l'occupation d'une cellule dite triple par six détenus avec une surface individuelle inférieure à 3,83 m 2 - restreinte encore par le mobilier - peut constituer une violation de l'art. 3 CEDH si elle s'étend sur une longue période et si elle s'accompagne d'autres mauvaises conditions de détention. Il faut dès lors considérer la période pendant laquelle le recourant a été détenu dans les conditions incriminées. Une durée qui s'approche de trois mois consécutifs (délai que l'on retrouve en matière de contrôle périodique de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté; cf. art. 227 al. 7 CPP) apparaît comme la limite au-delà de laquelle les conditions de détention susmentionnées ne peuvent plus être tolérées. En effet, si les conditions de détention provisoire peuvent être plus restrictives lorsque les risques de fuite, de collusion et de récidive sont plus élevés, ou lorsque l'ordre et la sécurité dans la prison sont particulièrement mis en danger, cela ne vaut pas lorsque la durée de la détention provisoire est de l'ordre de trois mois. Ce délai ne peut cependant pas être compris comme un délai au sens strict du terme mais comme une durée indicative à prendre en compte dans le cadre de l'appréciation globale de toutes les conditions concrètes de détention. La durée très limitée des périodes que le recourant est autorisé à passer hors de la cellule aggrave encore la situation (une heure de promenade en plein air par jour) (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 p. 138 s.).
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S'agissant du nombre journalier d'heures passées en cellule, la possibilité de sortir de la cellule, entre 1 heure et 5 heures 45 par jour une semaine sur deux, ne suffit pas en soi, dans la situation telle que décrite précédemment de la prison de Champ-Dollon, à rendre ces conditions de détention conformes à l'art. 3 CEDH (arrêt 1B_239/2015 du 29 septembre 2015 consid. 2.5.3).
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Le Tribunal fédéral a aussi considéré que, compte tenu de la longueur de la période considérée (635 jours), la possibilité de sortir de la cellule, entre 3 heures 30 et 5 heures 30 par jour, était certes susceptible d'alléger les conditions de détention; cette seule circonstance ne suffisait cependant pas en soi, dans la situation telle que décrite précédemment de la prison de Champ-Dollon, à rendre ces conditions de détention conformes à l'art. 3 CEDH. Un confinement en cellule respectivement de 20 heures 30, de 19 heures 30 et de 18 heures 30 sur 24 heures demeure une condition de détention difficile qui n'est pas propre à améliorer suffisamment les conditions décrites ci-dessus au point de les rendre licites (arrêt 1B_84/2016 du 27 juillet 2016 consid. 2.4).
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2.3. La Cour de justice a retenu que les 114 jours litigieux représentaient seulement 22 % de la peine prononcée à l'encontre du recourant par le Tribunal correctionnel. Elle a ajouté que, durant la période litigieuse, tous les codétenus étaient occupés en ateliers et hors de la cellule entre 3 et 5 heures 45 par jour alternativement une semaine sur deux, l'un des codétenus étant absent 5 heures par jour sur 5 jours. Elle a considéré que n'ayant pas tous les mêmes horaires de travail, les codétenus n'étaient ni toujours ensemble en cellule, ni toujours absents en même temps. Elle en a déduit qu'il existait un "tournus" quant au nombre de détenus présents dans la cellule concernée et qu'en l'absence de l'un ou de plusieurs d'entre eux, la surface nette individuelle des occupants effectifs était augmentée d'autant, soit supérieure à 4 m
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2.4. La question litigieuse est celle de savoir si la possibilité de sortir de la cellule pendant 3 heures ou 5 heures 45 par jour - cumulée au fait que les codétenus sont aussi absents pendant plusieurs heures de la cellule à des moments différents - est un facteur qui permet d'améliorer suffisamment les conditions de détention au point de les rendre conformes à la dignité humaine.
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Il y a lieu de procéder à l'appréciation globale des conditions de détention du recourant. Celui-ci a passé une période de 114 jours sans interruption dans une cellule de moins de 4 m 2 de surface individuelle nette avec cinq codétenus; cette durée dépasse les trois mois consécutifs apparaissant comme la limite au-delà de laquelle les conditions de détention susmentionnées ne peuvent plus être tolérées (ATF 140 I 125 consid. 3.6.3 p. 138).
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Le recourant a cependant passé du temps hors de la cellule: il a travaillé à la cuisine durant cette période à raison de 3 heures par jour pendant 7 jours (semaine 1) puis de 5 heures 45 par jour pendant 7 jour (semaine 2); s'ajoutent à cela une heure de promenade quotidienne, une heure de sport hebdomadaire dans la grande salle et un accès étendu aux activités sportives de l'unité Est, soit deux ou trois heures par semaine.
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Le fait de passer durant 114 jours 7 heures 15 en moyenne (5 heures 45 de travail en cuisine, 1 heure de promenade et 30 minutes en moyenne de sport par jour), puis en alternance la semaine suivante 4 heures 30 en moyenne hors de la cellule (3 heures de travail en cuisine, 1 heure de promenade et 30 minutes en moyenne de sport par jour) réduit de manière significative le confinement en cellule et permet de considérer que la détention dans de telles conditions ne constitue pas un traitement dégradant portant atteinte à la dignité humaine. S'ajoute à cela que les détenus partageant sa cellule sont absents quotidiennement pendant plusieurs heures de la cellule, à des moments différents, ce qui allège encore quelque peu les conditions de détention. Par ailleurs, le recourant ne conteste pas qu'en termes d'hygiène, d'aération, de visites, d'installations sanitaires, de régime alimentaire, d'éclairage, de chauffage et d'accès aux soins, les conditions de détention étaient convenables.
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Enfin, il ne faut pas perdre de vue que la période litigieuse - d'un peu moins de quatre mois - est largement inférieure à celle - de plus de vingt mois - de l'affaire dont se prévaut le recourant (arrêt 1B_84/2016 précité).
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2.5. En définitive, il découle de ce qui précède que, pour la période allant du 25 juillet au 16 novembre 2015, la cour cantonale pouvait considérer, sans violer le droit fédéral, que les conditions d'incarcération du recourant, pour difficiles qu'elles aient été, respectaient les exigences constitutionnelles et étaient conformes à l'art. 3 CEDH.
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3. Il s'ensuit que le recours est rejeté.
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Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies (art. 64 al. 1 LTF). Il y a lieu de désigner Me Robert Assaël en qualité d'avocat d'office et de fixer ses honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Le recourant est en outre dispensé des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté.
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2. La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Robert Assaël est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'500 francs lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral.
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3. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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4. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Genève et à la Cour de justice du canton de Genève, Chambre pénale de recours.
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Lausanne, le 25 avril 2017
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Merkli
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La Greffière : Tornay Schaller
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