BGer 6B_8/2017 | |||
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BGer 6B_8/2017 vom 15.08.2017 | |
6B_8/2017
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Arrêt du 15 août 2017 |
Cour de droit pénal | |
Composition
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M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,
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Jacquemoud-Rossari et Jametti.
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Greffier : M. Graa.
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Participants à la procédure | |
X.________,
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représenté par Me Michel Dupuis, avocat,
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recourant,
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contre
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1. Ministère public central du canton de Vaud,
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2. A.________, B.________ SA,
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3. C.________,
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4. D.________,
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tous les trois représentés par
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Me Jérôme Reymond, avocat,
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intimés.
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Objet
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Tentative de contrainte,
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recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 31 octobre 2016.
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Faits : | |
A. Par jugement du 20 juin 2016, le Tribunal de police de l'arrondissement de Lausanne a condamné X.________, pour tentative de contrainte, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 350 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, et a dit qu'il était le débiteur de C.________, de A.________ et de D.________, solidairement entre eux, d'un montant de 2'754 fr. à titre de l'art. 433 CPP.
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B. Par jugement du 31 octobre 2016, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'appel interjeté par X.________ contre ce jugement et a condamné ce dernier à payer à C.________, A.________ et D.________, solidairement entre eux, un montant de 1'674 fr. à titre de l'art. 433 CPP.
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En substance, la cour cantonale a retenu les faits suivants.
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X.________ est né en 1957 à Prague. Il est domicilié à Bâle. Il exerce la profession de médecin-dentiste pour le compte d'une clinique dentaire dont son épouse, E.________, également médecin-dentiste, est la directrice. Le casier judiciaire de X.________ ne contient aucune inscription.
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Le 5 novembre 2014, B.________ SA a fait notifier à X.________ ainsi qu'à son épouse deux commandements de payer portant sur un montant de 891'887 fr. 20. Le 23 novembre 2014, X.________ a acheminé et déposé en mains propres dans la boîte à lettres du domicile privé de C.________, directeur général et administrateur délégué de B.________ SA, un courrier l'enjoignant à retirer la poursuite initiée contre son épouse et lui-même. Par courrier du 23 avril 2015, le Ministère public central du canton de Vaud a indiqué à X.________ et à son épouse qu'ils seraient prochainement entendus en qualité de prévenus dans le cadre d'une procédure portant sur une éventuelle violation de l'art. 164 CP (diminution effective de l'actif au préjudice des créanciers). En bref, dans le cadre de cette procédure, il leur est reproché d'avoir créé en 2012 une société F.________ SA en vue de reprendre les activités, clientèle et fonds de la société G.________ Sàrl, juste avant la faillite de cette dernière, tout en écartant les prétentions financières de B.________ SA, son plus gros créancier à hauteur de 891'887 fr. 22 et en poursuivant ses activités sans honorer cette dette.
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Le 4 juin 2015, l'Office des poursuites du district de Nyon a notifié à A.________, directeur des ressources humaines de B.________ SA, le commandement de payer no xxx. Le 8 juin 2015, l'Office des poursuites du district de Morges a notifié à D.________, membre du directoire de B.________ SA, le commandement de payer no yyy. Le 11 juin 2015, l'Office des poursuites du district de Lavaux-Oron a notifié à C.________ le commandement de payer no zzz. Ces trois commandements de payer ont été notifiés sur requête de X.________. Ils portaient chacun sur un montant de 910'000 fr. avec intérêts et indiquaient "Brief vom Ministère public vom 23. April 2015" comme cause de l'obligation. Les trois prénommés ont formé opposition contre ces commandements de payer et en ont fait constater la nullité par la procédure idoine en matière de poursuites.
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C. X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 31 octobre 2016, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'il est acquitté et qu'il ne doit payer aucune indemnité aux intimés. Subsidiairement, il conclut à l'annulation du jugement et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
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Considérant en droit : | |
1. Le recourant soutient tout d'abord que le contenu du courrier déposé le 23 novembre 2014 dans la boîte à lettres du domicile privé de l'intimé 3 ne comportait ni menace ni injonction de faire ou de ne pas faire quelque chose. L'autorité précédente n'a cependant nullement fondé sa condamnation pour tentative de contrainte sur le contenu dudit courrier, mais sur la notification des commandements de payer aux intimés. Ainsi, il n'apparaît pas que la correction d'un éventuel vice dans l'établissement des faits pourrait sur ce point influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Le grief est ainsi irrecevable.
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L'argumentation du recourant est également irrecevable dans la mesure où elle critique directement la motivation de la décision de première instance, dès lors que seul le jugement de la cour cantonale fait l'objet du recours devant le Tribunal fédéral (art. 80 al. 1 LTF).
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2. Le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir considéré que son comportement à l'égard des intimés, soit la notification de commandements de payer, était constitutif d'une tentative de contrainte.
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2.1. Se rend coupable de contrainte selon l'art. 181 CP celui qui, en usant de violence envers une personne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté d'action, l'aura obligée à faire, ne pas faire ou à laisser faire un acte. Alors que la violence consiste dans l'emploi d'une force physique d'une certaine intensité à l'encontre de la victime (ATF 101 IV 42 consid. 3a p. 44), la menace est un moyen de pression psychologique consistant à annoncer un dommage futur dont la réalisation est présentée comme dépendante de la volonté de l'auteur, sans toutefois qu'il soit nécessaire que cette dépendance soit effective (ATF 117 IV 445 consid. 2b p. 448; 106 IV 125 consid. 2a p. 128) ni que l'auteur ait réellement la volonté de réaliser sa menace (ATF 105 IV 120 consid. 2a p. 122). La loi exige un dommage sérieux, c'est-à-dire que la perspective de l'inconvénient présenté comme dépendant de la volonté de l'auteur soit propre à entraver le destinataire dans sa liberté de décision ou d'action. La question doit être tranchée en fonction de critères objectifs, en se plaçant du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne (ATF 122 IV 322 consid. 1a p. 325; 120 IV 17 consid. 2a/aa p. 19). Il peut également y avoir contrainte lorsque l'auteur entrave sa victime "de quelque autre manière" dans sa liberté d'action. Cette formule générale doit être interprétée de manière restrictive. N'importe quelle pression de peu d'importance ne suffit pas. Il faut que le moyen de contrainte utilisé soit, comme pour la violence ou la menace d'un dommage sérieux, propre à impressionner une personne de sensibilité moyenne et à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action. Il s'agit donc de moyens de contrainte qui, par leur intensité et leur effet, sont analogues à ceux qui sont cités expressément par la loi (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1 p. 440 s.; 137 IV 326 consid. 3.3.1 p. 328).
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Selon la jurisprudence, la contrainte n'est contraire au droit que si elle est illicite, soit parce que le moyen utilisé ou le but poursuivi est illicite, soit parce que le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé, soit encore parce qu'un moyen conforme au droit utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu des circonstances, un moyen de pression abusif ou contraire aux moeurs (ATF 141 IV 437 consid. 3.2.1 p. 440 s.; 137 IV 326 consid. 3.3.1 p. 328; 134 IV 216 consid. 4.1 p. 218). Pour une personne de sensibilité moyenne, faire l'objet d'un commandement de payer d'une importante somme d'argent est, à l'instar d'une plainte pénale, une source de tourments et de poids psychologique, en raison des inconvénients découlant de la procédure de poursuite elle-même et de la perspective de devoir peut-être payer le montant en question. Un tel commandement de payer est ainsi propre à inciter une personne de sensibilité moyenne à céder à la pression subie, donc à l'entraver d'une manière substantielle dans sa liberté de décision ou d'action (arrêt 6B_70/2016 du 2 juin 2016 consid. 4.3.4 non publié aux ATF 142 IV 315). Certes, faire notifier un commandement de payer lorsqu'on est fondé à réclamer une somme est licite. En revanche, utiliser un tel procédé comme moyen de pression est clairement abusif, donc illicite (cf. ATF 115 III 18 consid. 3, 81 consid. 3b; arrêt 6B_70/2016 précité consid. 4.3.4).
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Lorsque la victime ne se laisse pas intimider et n'adopte pas le comportement voulu par l'auteur, ce dernier est punissable de tentative de contrainte (art. 22 al. 1 CP; ATF 129 IV 262 consid. 2.7 p. 270; 106 IV 125 consid. 2b p. 129). Pour qu'il y ait tentative de contrainte, il faut que l'auteur ait agi avec conscience et volonté, soit au moins qu'il ait accepté l'éventualité que le procédé illicite employé entrave le destinataire dans sa liberté de décision (ATF 120 IV 17 consid. 2c p. 22).
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2.2. En l'espèce, les commandements de payer notifiés aux intimés étaient abusifs. En effet, il ne ressort pas du jugement attaqué que ceux-ci auraient reposé sur une quelconque créance dont aurait pu se prévaloir le recourant. Ces actes n'ont d'ailleurs pas été notifiés à B.________ SA, société avec laquelle le recourant se trouvait en litige, mais aux intimés personnellement, lesquels n'avaient aucun rapport avec celui-ci. L'envoi des commandements de payer constituait en outre un moyen de pression. En effet, ceux-ci portaient, comme cause de l'obligation, une référence à un courrier du ministère public envoyé dans le cadre d'une procédure pénale, laquelle concernait indirectement B.________ SA. Cette société avait quant à elle introduit des poursuites contre le recourant et son épouse, ce qui avait amené celui-ci à se rendre au domicile privé de l'intimé 3. Partant, la notification de ces actes, portant chacun sur une somme de 910'000 fr., visait à entraver les intimés dans leur liberté de décision, en les amenant à infléchir la position de B.________ SA - au sein de laquelle ils occupaient des postes décisifs - dans le cadre du litige opposant cette société au recourant et à son épouse. A cet égard, l'argument du recourant, selon lequel il entendait "sauvegarder ses droits" en faisant notifier les commandements de payer aux intimés, tombe à faux. En effet, la cour cantonale a retenu, sans que le recourant ne prétende ni ne démontre qu'elle aurait en cela fait preuve d'arbitraire dans l'établissement des faits, que celui-ci n'avait aucune créance envers les intimés.
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Le recourant soutient que la notification des commandements de payer aux intimés n'aurait pas exercé sur eux une pression propre à entraver leur liberté de décision. Au vu de la jurisprudence précitée (cf. consid. 2.1 supra), il apparaît toutefois que la notification d'un commandement de payer portant sur un montant de 910'000 fr. était de nature à inciter une personne de sensibilité moyenne à céder à la volonté du poursuivant, et qu'elle s'avérait propre à tourmenter notablement les intimés.
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Le recourant prétend encore que les intimés, qui seraient des "hommes d'affaires aguerris", n'auraient pu ressentir une quelconque pression en recevant un commandement de payer. L'argumentation du recourant est irrecevable dans la mesure où elle s'écarte de l'état de fait du jugement attaqué, par lequel le Tribunal fédéral est lié (art. 105 al. 1 LTF). Il ressort en effet de la décision de la cour cantonale que les intimés ont bien été inquiétés par les démarches du recourant. Par ailleurs, il est très difficile d'évaluer le degré de sensibilité d'une personne au cas par cas, raison pour laquelle la fixation d'un critère objectif - soit la prise en compte du point de vue d'une personne de sensibilité moyenne - le rend valable pour tous, quel que soit le degré de sensibilité effectif de l'individu concerné (cf. arrêt 6B_378/2016 du 15 décembre 2016 consid. 2.2). En conséquence, quelle que fût la sensibilité réelle des intimés, la notification d'un commandement de payer d'un montant supérieur à 900'000 fr. constituait une pression suffisante au sens de la jurisprudence (cf. arrêt 6B_378/2016 du 15 décembre 2016 consid. 2.2). Enfin, le fait que les intimés n'aient pas cédé à la pression et n'aient pas adopté le comportement voulu par le recourant permettait bien de condamner ce dernier pour tentative de contrainte. En définitive, le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
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3. Le recourant ne conteste les indemnités qu'il a été condamné à payer aux intimés au terme des procédures de première et de deuxième instance que dans la mesure où il conclut à son acquittement. A défaut d'un tel acquittement, les indemnités en question ne violent pas le droit fédéral.
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4. Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Les intimés, qui n'ont pas été invités à se déterminer, ne sauraient prétendre à des dépens.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 15 août 2017
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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Le Greffier : Graa
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