BGer 2C_719/2016 | |||
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BGer 2C_719/2016 vom 24.08.2017 | |
2C_719/2016
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Arrêt du 24 août 2017 |
IIe Cour de droit public | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,
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Aubry Girardin et Stadelmann.
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Greffier : M. Ermotti.
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Participants à la procédure | |
Fondation X.________,
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représentée par Me Nicolas Jeandin et Me Steve Alder, avocats,
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recourante,
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contre
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La Fondation du Grand Théâtre de Genève, représentée par Me Jean-Marc Carnicé, avocat,
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intimée.
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Objet
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Mise à disposition d'une salle de spectacle,
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, du 7 juin 2016.
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Faits : | |
A. La fondation de droit suisse "Fondation X.________" (ci-après: la Fondation), dont le siège est à Genève, a pour but principal de soutenir la troupe artistique "X.________", qui offre au public des spectacles de danse et de musique liés à la culture classique chinoise.
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L'institution de droit public "Grand Théâtre de Genève" (ci-après: le Grand Théâtre ou l'Institution), aménagée sous la forme d'une fondation, a pour but d'assurer l'exploitation du Grand Théâtre de Genève, notamment en y organisant des spectacles d'art lyrique, chorégraphique et dramatique.
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B. Par lettre du 26 août 2010, la Fondation a sollicité du Grand Théâtre la possibilité pour sa troupe de se produire sur la scène de ce dernier à une date située entre le 1er et le 6 mars 2011. Le même jour, une requête identique a été transmise au Conseil administratif de la Ville de Genève (ci-après: la Ville).
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Le 9 septembre 2010, Tobias Richter, directeur général de l'Institution (ci-après: le directeur général), a répondu à la Fondation que le Grand Théâtre n'était pas en mesure d'accueillir le spectacle en question, car celui-ci ne correspondait pas à son projet artistique. Par la suite, l'Institution a confirmé à plusieurs reprises cette position, en indiquant également qu'il n'y avait pas de places disponibles pour une représentation au printemps 2011, car les dates en question étaient toutes prises par les représentations du Grand Théâtre, lequel n'était pas un théâtre d'accueil, mais de création.
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Quant à la Ville, après avoir donné dans un premier temps son "accord de principe" à la requête de la Fondation, elle a relevé, par lettre du 9 février 2011, que le spectacle proposé n'était pas compatible avec la programmation artistique du Grand Théâtre et que celui-ci ne disposait d'aucune date permettant d'accueillir la troupe soutenue par la Fondation. En outre, la Ville a indiqué qu'elle ne pouvait pas se substituer à l'appréciation du Grand Théâtre, dès lors que la compétence pour décider de l'orientation générale de celui-ci appartenait exclusivement au conseil de fondation de l'Institution.
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C. Le 23 février 2011, la Fondation a recouru devant la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre le refus du Grand Théâtre de mettre à sa disposition la salle de spectacle et contre le refus de la Ville d'exercer sa charge d'autorité de surveillance à l'encontre de l'Institution.
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Par arrêt du 28 octobre 2014, la Cour de justice a déclaré irrecevable le recours formé par la Fondation. Après avoir laissé ouverte la question de savoir si le rejet de la requête de la Fondation par le Grand Théâtre constituait une décision, les juges cantonaux ont relevé que le recours était de toute façon tardif et que la Fondation ne pouvait invoquer aucun intérêt actuel à recourir. Quant à la deuxième partie du recours, concernant la manière dont la Ville avait assumé son rôle d'autorité de surveillance, la Cour de justice a constaté qu'aucun lien direct et personnel n'existait entre la Fondation, d'une part, et la Ville en sa qualité d'autorité de surveillance, d'autre part, de sorte qu'en l'absence d'une voie de recours spécialement prévue par la loi, le recours était irrecevable aussi sur ce point.
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Par arrêt du 3 septembre 2015 (cause 2C_1157/2014), le Tribunal fédéral a admis le recours formé par la Fondation contre l'arrêt d'irrecevabilité rendu le 28 octobre 2014 par la Cour de justice. La Cour de céans a retenu que les juges précédents avaient violé le droit fédéral en déniant à la Fondation la qualité pour recourir et a renvoyé la cause à la Cour de justice pour qu'elle examine la question de l'existence d'une décision et, le cas échéant, entre en matière sur le recours déposé le 23 février 2011 par la Fondation. En revanche, le Tribunal fédéral a confirmé l'arrêt entrepris s'agissant du refus de la Ville de se prononcer sur l'orientation artistique de l'Institution.
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D. Par arrêt du 7 juin 2016, la Cour de justice, après avoir constaté que la Ville avait été définitivement mise hors de cause par l'arrêt du Tribunal fédéral du 3 septembre 2015, a estimé que le refus opposé à la Fondation de louer à celle-ci la salle du Grand Théâtre constituait une décision. Partant, elle est entrée en matière sur le recours du 23 février 2011 et l'a rejeté. La Cour de justice a notamment constaté que ledit refus restreignait valablement et de manière proportionnée la liberté d'expression de la Fondation.
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E. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, la Fondation demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 7 juin 2016, de lui octroyer "l'autorisation de principe" de louer la salle du Grand Théâtre et de "faire injonction à la Fondation du Grand Théâtre de Genève de fixer une date" pour la représentation de son spectacle "entre le 1er mars et le 10 mai 2019 ou entre le 1er mars et le 10 mai 2020". Subsidiairement, elle requiert l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à la Cour de justice pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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Le Grand Théâtre dépose des observations et conclut à l'irrecevabilité d'une partie des conclusions prises par la Fondation, respectivement au rejet du recours. La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. La recourante a répliqué.
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Considérant en droit : | |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 141 II 113 consid. 1 p. 116).
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1.1. L'arrêt attaqué est une décision finale (art. 90 LTF), rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) ne tombant pas sous le coup de l'une des exceptions prévues à l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte.
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1.2. L'arrêt querellé succède à l'arrêt 2C_1157/2014 du 3 septembre 2015 (SJ 2016 I 98) par lequel le Tribunal fédéral a admis le recours que la Fondation avait formé contre l'arrêt de la Cour de justice du 28 octobre 2014 et renvoyé l'affaire à cette autorité pour qu'elle examine la question de l'existence d'une décision et, le cas échéant, entre en matière sur le fond de la cause. Les considérants de l'arrêt de renvoi du Tribunal fédéral (art. 107 al. 2 LTF) lient les parties et le Tribunal fédéral lui-même (arrêts 2C_217/2015 du 29 décembre 2015 consid. 2.1 et 2C_519/2013 du 3 septembre 2013 consid. 2.1).
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1.3. Sous l'angle de la qualité pour agir devant le Tribunal fédéral (art. 89 al. 1 LTF), il sied d'examiner si la recourante dispose d'un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation de l'acte attaqué. Cet intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (ATF 137 I 296 consid. 4.2 p. 299; 137 II 40 consid. 2.1 p. 41). Le Tribunal fédéral fait exceptionnellement abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel, lorsque la contestation peut se reproduire en tout temps dans des circonstances identiques ou analogues, que sa nature ne permet pas de la soumettre à une autorité judiciaire avant qu'elle ne perde son actualité et qu'il existe un intérêt public suffisamment important à résoudre la question litigieuse (ATF 139 I 206 consid. 1.1 p. 208; 137 I 23 consid. 1.3.1 p. 25).
| 15 |
En l'espèce, le litige porte sur le refus du Grand Théâtre de louer sa salle de spectacle à la Fondation pour une représentation au printemps 2011. Tel qu'il a déjà été jugé au considérant 5 de l'arrêt du Tribunal fédéral du 3 septembre 2015 (cause 2C_1157/2014), bien que cette période soit maintenant échue, les conditions pour renoncer à l'exigence d'un intérêt actuel sont remplies. Il n'y a pas lieu de revenir sur cette analyse, qui lie la Cour de céans (cf. supra consid. 1.2). L'intéressée a donc qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF).
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1.4. Pour le reste, déposé en temps utile, compte tenu des féries (art. 46 al. 1 let. b et 100 al. 1 LTF), et dans les formes requises (art. 42 LTF) par la destinataire de l'arrêt entrepris, le présent recours est recevable, sous réserve de ce qui suit.
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1.5. Devant le Tribunal fédéral, les conclusions nouvelles sont irrecevables (art. 99 al. 2 LTF; ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 p. 156). En l'occurrence, les conclusions de la recourante tendant à ce qu'elle obtienne "l'autorisation de principe" de louer la salle du Grand Théâtre et à ce qu'il soit ordonné à l'Institution de fixer une date en 2019 ou 2020 pour la représentation du spectacle de la Fondation n'ont pas été formulées devant la Cour de justice. Partant, n'en déplaise à la recourante, elles sont irrecevables.
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2. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement la violation du droit fédéral (cf. art. 95 let. a LTF; art. 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Aux termes de cette disposition, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant (cf. ATF 141 I 36 consid. 1.3 p. 41).
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3. Devant le Tribunal fédéral, la recourante se plaint exclusivement d'une violation de sa liberté d'opinion protégée par l'art. 10 CEDH, ainsi que par les articles 16 al. 1 Cst. et 26 al. 1 Cst./GE, en relation avec l'art. 36 Cst. Elle soutient que le refus du Grand Théâtre de lui louer la salle de spectacle litigieuse porterait atteinte à sa liberté d'opinion. De l'avis de la recourante, cette atteinte ne serait pas fondée sur une base légale suffisante, ne poursuivrait aucun intérêt public et serait disproportionnée.
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3.1. La liberté d'opinion et la liberté d'information sont garanties par la Constitution (art. 16 al. 1 Cst.). Toute personne a le droit de former, d'exprimer et de répandre librement son opinion (art. 16 al. 2 Cst.). Selon l'art. 10 CEDH, la liberté d'expression comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière (par. 1). La liberté d'opinion comprend notamment le droit d'exprimer librement son opinion, c'est-à-dire de l'extérioriser, ainsi que le droit de diffuser librement son opinion, soit d'utiliser tous les moyens propres à établir la communication: la parole, l'écrit ou le geste, que ce soit sous la forme du discours, du chant, du disque, du téléphone, de la pièce de théâtre, du livre, etc. (cf. arrêts 6B_530/2014 du 10 septembre 2014 consid. 2.1; 1C_312/2010 du 8 décembre 2010 consid. 4.1 et les références citées; 1P.336/2005 du 20 septembre 2005 consid. 5).
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La liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique, l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun (arrêts 1C_9/2012 du 7 mai 2012 consid. 2.1 et 1C_312/2010 du 8 décembre 2010 consid. 4.1). Sous réserve des restrictions mentionnées notamment à l'art. 10 par. 2 CEDH, elle vaut non seulement pour les informations ou les idées accueillies avec faveur, ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent l'Etat ou une fraction quelconque de la population (ATF 138 I 274 consid. 2.2.1 p. 281). Ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'y a pas de "société démocratique" (arrêts 1C_9/2012 du 7 mai 2012 consid. 2.1 et les références citées; 1C_312/2010 du 8 décembre 2010 consid. 4.1; 1P.336/2005 du 20 septembre 2005 consid. 5.1; cf. aussi ATF 131 IV 23 consid. 3.1 p. 27 ss).
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3.2. La recourante n'indique pas dans quelle mesure l'art. 26 al. 1 Cst./GE assurerait une protection supérieure à celle de l'art. 16 al. 1 Cst. Partant, le grief sera examiné exclusivement à la lumière de cette dernière disposition et de l'art. 10 CEDH.
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3.3. Avant d'analyser les griefs de nature constitutionnelle concernant le fond invoqués par la recourante, il convient d'examiner si le Grand Théâtre de Genève appartient au domaine public ou au patrimoine administratif de la Ville.
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3.3.1. Ce qui détermine l'appartenance d'un bien au domaine public ou au patrimoine administratif est fondamentalement le cercle des utilisateurs. Le domaine public comprend l'ensemble des biens qui peuvent être utilisés librement par tout un chacun (ATF 138 I 274 consid. 2.3.2 p. 284). Il est donc ouvert à tous, en principe de manière libre, égale et gratuite. Appartiennent au domaine public les espaces naturels publics, tels les cours d'eau, et les ouvrages affectés à un but d'intérêt général, comme les routes et les places (cf. art. 664 CC). Le patrimoine administratif vise pour sa part un cercle d'utilisateurs plus limité (ATF 138 I 274 consid. 2.3.2 p. 284). Relèvent du patrimoine administratif les biens des collectivités publiques qui sont directement affectés à la réalisation d'une tâche publique. En font partie les immeubles qui abritent les écoles, les hôpitaux, les gares (avec des nuances concernant les zones commerciales ou les parois des couloirs; cf. ATF 138 I 274 consid. 2.3.2 p. 284), les musées, les bibliothèques et, de manière générale, les établissements publics et les services administratifs de l'Etat (ATF 143 I 37 consid. 6.1 p. 39 s. et les références citées). Lorsque le patrimoine administratif est affecté à des fins particulières d'intérêt public au bénéfice des citoyens, il est le plus fréquemment séparé du patrimoine administratif ordinaire et est institué en patrimoine distinct sous la forme d'un établissement public (p. ex. les établissements scolaires ou universitaires, les hôpitaux, les théâtres municipaux, les musées, etc.). Dans ces cas, l'utilisation du patrimoine administratif se confond avec l'usage de l'établissement public en cause, lequel est en principe défini par son affectation spécifique et par les conditions mises à son accès par une loi (ATF 143 I 37 consid. 6.1 p. 40 et la jurisprudence citée). Le patrimoine administratif est régi par le principe selon lequel l'autorité concernée accorde la priorité à une utilisation ordinaire (conforme au droit) par rapport à une utilisation extraordinaire par des personnes privées, cette dernière utilisation n'entrant en considération que si elle est compatible avec la destination de l'ouvrage ou de l'installation en question. L'établissement de droit public chargé de gérer le patrimoine administratif est donc en droit de refuser que des activités qui ne sont pas conformes à un usage ordinaire s'y développent ou d'en limiter l'ampleur par un système d'autorisation et/ou de concession (ATF 143 I 37 consid. 6.1 p. 40).
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3.3.2. En l'espèce, il ressort de l'état de fait retenu par la Cour de justice que la salle de spectacle du Grand Théâtre de Genève ne remplit pas les caractéristiques propres au domaine public. Son accès n'est pas libre, égal et gratuit. Cette salle est affectée à des fins particulières d'intérêt public. Les autorités compétentes ont du reste, de manière caractéristique, créé une institution de droit public, aménagée sous la forme d'une fondation, dont le but est d'assurer l'exploitation du Grand Théâtre. La salle du Grand Théâtre apparaît ainsi comme un bien directement affecté à la réalisation d'une tâche publique, qui relève du patrimoine administratif de la Ville.
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3.4. Exprimer des opinions nécessite souvent l'utilisation de biens publics. Pour autant que l'exercice du droit fondamental en cause ne représente pas un usage qui dépasse le but général du bien concerné, il existe un droit à l'usage de ce bien, sous réserve des restrictions prévues par la loi, justifiées par un intérêt public et respectueuses du principe de la proportionnalité (ATF 138 I 274 consid. 2.2.2 p. 282 s.).
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3.5. La recourante désire faire un usage de la salle litigieuse conforme à l'affectation de celle-ci, qui est celui d'accueillir des spectacles artistiques. La possibilité de louer la salle en question est prévue par l'art. 3 de la convention relative à l'exploitation du Grand Théâtre de Genève conclue le 1er mai 2003 entre l'Institution et la Ville (ci-après: la convention). Le fait que la location à des tiers ne soit autorisée qu'"à titre occasionnel" ne change rien au fait que la présentation d'un spectacle dans la salle du Grand Théâtre constitue un usage ordinaire de ce bien public. Cela ne signifie pas pour autant que l'accès à cette salle doit rester libre et ne peut être soumis à aucune restriction. Bien au contraire, afin d'assurer une gestion de ce bien public conforme à sa destination, l'autorité peut poser des conditions et prévoir des règles pour l'usage de celui-ci. En effet, l'utilisation du patrimoine administratif par les usagers conformément à sa destination est réglée par la législation relative à la tâche en cause (THIERRY TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 195 p. 65).
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3.6. En l'espèce, le Grand Théâtre est une fondation de droit public (cf. art. 1 du statut du Grand Théâtre de Genève du 20 novembre 1964; ci-après: le statut), qui assume la tâche d'intérêt public consistant à assurer l'exploitation du Grand Théâtre de Genève, notamment en y organisant des spectacles d'art lyrique, chorégraphique et dramatique (art. 2 du statut). Sous réserve des compétences de l'autorité de surveillance, le Conseil de fondation, organe suprême de la fondation, est investi des pouvoirs les plus étendus pour la gestion et l'administration de celle-ci (art. 10 du statut). Il délègue au bureau du Conseil une partie de ses compétences dans le cadre d'un règlement intérieur soumis à l'approbation de l'autorité de surveillance (art. 11 du statut). Le 1er février 2004, sur la base de cette délégation, le Conseil de fondation a adopté le règlement intérieur du Grand Théâtre (ci-après: le règlement). Celui-ci prévoit que "le Conseil, en sa qualité statutaire d'organe suprême de la Fondation, décide de l'orientation générale du Grand Théâtre et détermine son mode d'exploitation, notamment le plan de production des spectacles, les relations avec le public, l'organisation administrative et artistique, ainsi que toutes les questions financières" (art. 1 du règlement). Les conditions de la mise à disposition des locaux du Grand Théâtre à des tiers sont fixées par le droit public cantonal, notamment par la convention, laquelle prévoit que l'Institution est autorisée à louer le Grand Théâtre à des tiers "à titre occasionnel" (art. 3 de la convention).
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Il ressort ainsi de l'ensemble des règles applicables en l'espèce que la salle litigieuse est principalement prévue pour accueillir les créations du Grand Théâtre et que la location de celle-ci à des tiers ne peut intervenir que de façon épisodique et accessoire. Dans ces circonstances, la recourante ne dispose pas d'un droit absolu à se voir octroyer l'usage de la salle en question. Le Grand Théâtre est en effet en droit de réserver en priorité le bien du patrimoine administratif en cause à l'usage principal auquel ce dernier est consacré, soit à la présentation de ses propres créations artistiques, sans que cela ne constitue une violation de la liberté d'expression de l'intéressée. En revanche, s'agissant de décider de l'utilisation du patrimoine administratif, l'Institution doit respecter les principes généraux du droit public (art. 35 al. 2 Cst.; cf. ATF 143 I 37 consid. 7.1 p. 44; 138 I 274 consid. 2.2.1 p. 281). Partant, le refus opposé à la recourante doit notamment être conforme aux principes de l'interdiction de l'arbitraire, de l'égalité de traitement et de la proportionnalité, de même qu'au devoir de l'autorité d'adopter une attitude neutre et objective (cf. ATF 143 I 37 consid. 7.1 p. 44; 140 I 201 consid. 6.4.1 p. 208). En outre,en ce domaine, la censure préalable, soit le contrôle général et anticipé du contenu des opinions que l'intéressée veut exprimer, est interdite (ATF 138 I 274 consid. 2.2.2 p. 283). C'est sous cet angle que les griefs de la recourante concernant l'exigence d'un intérêt public et le principe de la proportionnalité, qu'elle invoque de manière suffisante (art. 106 al. 2 LTF; cf. supra consid. 2), doivent être examinés.
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3.7. Le principe de la proportionnalité exige que la mesure envisagée soit apte à produire les résultats d'intérêt public escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et postule un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts; cf. ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 p. 235 s.; 136 IV 97 consid. 5.2.2 p. 104).
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Concernant l'intérêt public en jeu, la Cour de justice a retenu, en substance, qu'il s'agissait de l'encouragement de la culture, qui était concrétisé par la mise à disposition gratuite de la salle du Grand Théâtre à l'Institution, afin que celle-ci puisse y organiser des spectacles d'art lyrique, chorégraphique et dramatique conformément à son statut. Cette appréciation ne prête pas le flanc à la critique. En effet, la salle litigieuse est destinée principalement à accueillir les créations du Grand Théâtre et ne peut être louée à des tiers qu'à titre occasionnel. L'organisation de spectacles issus de la production du Grand Théâtre et la présentation de ceux-ci au public contribue au développement de la création artistique et favorise l'accès à la culture, en poursuivant un intérêt public indéniable. Dans ce cadre, il existe un intérêt légitime à garantir que l'Institution puisse utiliser la salle litigieuse pour ses représentations. La possibilité pour le Grand Théâtre de louer occasionnellement la salle à des tiers ne change rien au fait que l'Institution, afin de poursuivre ce but d'intérêt public, ne peut pas être forcée à la mettre à disposition de toute personne (physique ou morale) qui en ferait la demande. Dans ce cas, il y aurait en effet le risque d'empêcher le Grand Théâtre d'organiser et de présenter ses propres créations artistiques dans la salle en question. En ce sens, la situation n'est pas la même que celle retenue dans l'arrêt 2C_312/2010, largement cité par la recourante, où la ville de Genève avait refusé à un artiste la possibilité de se produire dans une salle destinée principalement à la location (arrêt 2C_312/2010 du 8 décembre 2010 consid. 3.3) pour des raisons liées à des risques de troubles à l'ordre public.
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Dans ces circonstances, le refus du Grand Théâtre de louer sa salle à la Fondation, confirmé par la Cour de justice, est apte à atteindre l'intérêt public légitime poursuivi, qui est celui de ne pas entraver l'Institution dans l'organisation et la présentation au public de ses propres créations artistiques. A ce sujet, la recourante se méprend sur le fonctionnement du Grand Théâtre, tel qu'il est déterminé par le statut, le règlement et la convention, lorsqu'elle affirme que "l'Institution doit compter avec la nécessité d'intégrer la mise à disposition de la salle de spectacle à des tiers" (recours, p. 14). Conformément à la vocation principale de la salle, qui est celle d'accueillir les productions artistiques du Grand Théâtre, l'Institution ne peut être obligée à mettre celle-ci à disposition de quiconque en fait la demande.
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Le refus litigieux respecte en outre la règle de la nécessité, car le but poursuivi ne peut pas être atteint par une mesure moins incisive.
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Enfin, concernant le principe de la proportionnalité au sens étroit, c'est à juste titre que la Cour de justice relève que la Fondation ne peut faire valoir aucun intérêt privé prépondérant. Dans la mesure où elle a pu offrir son spectacle au public ailleurs à Genève, notamment au Bâtiment des Forces Motrices en 2014 et 2015, son intérêt réside uniquement dans la possibilité de "présenter son spectacle sur les planches du Grand Théâtre" (recours, p. 15). Cet intérêt privé, qui permettrait à la Fondation de profiter de la réputation et du rayonnement international du Grand Théâtre, doit céder le pas face à l'intérêt public consistant à garantir le fonctionnement correct de l'Institution, l'offre de spectacles issus de la production de celle-ci, ainsi que la mise en place d'une programmation culturelle qui soit cohérente et conforme à la ligne artistique choisie par le Grand Théâtre, auquel l'art. 10 du statut et l'art. 1 du règlement (cf. supra consid. 3.6) octroient une large marge de manoeuvre dans ce domaine.
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Dans ces conditions, en considérant que le refus du Grand Théâtre de louer sa salle à la Fondation était fondé sur un intérêt public et respectait le principe de la proportionnalité, la Cour de justice n'a pas violé le droit fédéral.
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4. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.
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Succombant, la recourante doit supporter un émolument judiciaire (art. 66 al. 1 LTF). Le Grand Théâtre étant une institution chargée d'une tâche de droit public, il n'a pas droit à des dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, au mandataire de l'intimée, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre administrative, ainsi que, pour information, à la Ville de Genève.
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Lausanne, le 24 août 2017
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Seiler
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Le Greffier : Ermotti
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