BGer 4A_147/2017 | |||
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BGer 4A_147/2017 vom 28.09.2017 | |
4A_147/2017
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Arrêt du 28 septembre 2017 |
Ire Cour de droit civil | |
Composition
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Mmes les juges Kiss, présidente, Klett et Hohl.
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Greffier : M. Thélin.
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Participants à la procédure | |
X.________ AG,
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représentée par Mes Juliette Ancelle et Diego Leis,
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défenderesse et recourante,
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contre
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Z.________ SA, représentée par Mes Pierluca Degni et Janelise Favre,
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demanderesse et intimée.
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Objet
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procédure civile; sûretés en garantie des dépens
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recours contre le jugement incident rendu le 30 janvier 2017 par le juge délégué de la Cour
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civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Considérant en fait et en droit : | |
1. Le 17 octobre 2016, Z.________ SA a ouvert action contre X.________ SA devant la Cour civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Selon ses conclusions, la défenderesse doit être condamnée à payer 1'324'567 fr. avec intérêts au taux de 5% par an dès la date de la demande.
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Invitée à déposer une réponse, la défenderesse a requis des sûretés en garantie des dépens. Elle chiffrait ces sûretés à 84'000 fr. au moins. La demanderesse a conclu au rejet de cette requête et le juge délégué à l'instruction l'a rejetée par un jugement incident daté du 30 janvier 2017.
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2. Agissant par la voie du recours en matière civile, la défenderesse requiert le Tribunal fédéral d'astreindre la demanderesse à verser des sûretés en garantie des dépens chiffrées à 84'000 fr. au moins.
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La demanderesse conclut principalement à l'irrecevabilité du recours et subsidiairement à son rejet.
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3. Les sûretés en garantie des dépens constituent une protection légalement prévue par les art. 99 à 101 CPC en faveur de la partie attraite en justice par une autre partie. Le Tribunal fédéral a déjà reconnu que le déni total ou partiel de cette protection, résultant d'une décision incidente refusant les sûretés ou ordonnant un montant insuffisant, est un préjudice juridique auquel même une décision finale favorable à la partie attraite n'apportera pas de remède, c'est-à-dire un préjudice irréparable aux termes de l'art. 93 al. 1 let. a LTF. Il s'ensuit que devant le Tribunal fédéral, cette décision incidente est en principe susceptible d'un recours séparé conformément à cette disposition légale (arrêts 4A_629/2016 du 27 mars 2017 et 4A_235/2015 du 20 octobre 2015, consid. 2.2). Il incombe toutefois à la partie recourante d'indiquer de manière détaillée en quoi elle se trouve menacée d'un préjudice juridique irréparable par la décision incidente qu'elle attaque; à défaut, le recours est irrecevable (ATF 137 III 324 consid. 1.1 p. 324; voir aussi ATF 142 III 798 consid. 2.3.5 p. 808; arrêt 4A_46/2017 consid. 3.1). En l'espèce, cette exigence spécifique est satisfaite.
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4. Dans sa réponse au recours, la demanderesse soutient qu'un prononcé concernant les sûretés en garantie des dépens est une décision portant sur des mesures provisionnelles aux termes de l'art. 98 LTF, avec cette conséquence que le recours au Tribunal fédéral n'est recevable que pour violation des droits constitutionnels, et que sa motivation doit répondre aux exigences correspondantes, consacrées par la jurisprudence relative à l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 141 I 36 consid. 1.3 p. 41; 138 I 171 consid. 1.4 p. 176). La demanderesse mentionne une contribution doctrinale à l'appui de son opinion (Yves Donzallaz, Loi sur le Tribunal fédéral, 2008, n° 3996 i.f. p. 1457; voir aussi Denis Tappy, Le Tribunal fédéral et les décisions en matière de frais judiciaires, avances, dépens et indemnités d'assistance judiciaire, in Dix ans de loi sur le Tribunal fédéral, 2017, n° 82 p. 78). Le Tribunal fédéral n'a jusqu'à présent jamais envisagé ni discuté l'application de l'art. 98 LTF aux décisions concernant les sûretés en garantie des frais judiciaires ou des dépens.
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La décision portant sur des mesures provisionnelles se distingue du jugement au fond. Celui-ci résout définitivement une contestation, avec autorité de chose jugée et à l'issue d'un examen complet en fait et en droit, sans qu'une décision ultérieure ne soit explicitement ni implicitement réservée; la décision sur mesures provisionnelles est au contraire provisoire, la protection des intérêts en cause n'étant accordée ou refusée que dans l'attente d'un jugement définitif qui interviendra plus tard (ATF 137 III 193 consid. 1.2 p. 196).
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Dans le procès civil de première instance, le droit d'une partie de réclamer des dépens à une autre partie doit être établi ou exclu au plus tard par la décision qui termine l'instance (art. 95 al. 1 let. b et 104 al. 1 CPC). Le cas échéant, cette décision fixe également le montant des dépens; sauf appel ou recours, elle est définitive et elle acquiert autorité de chose jugée. Le tribunal n'est en aucune manière lié par une décision antérieure relative aux sûretés en garantie des dépens, intervenue en application des art. 99 à 101 CPC. La décision relative aux sûretés n'a donc effet que pour la durée de l'instance, dans l'attente de la décision qui y mettra fin, et qui réglera définitivement le sort des dépens.
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Néanmoins, les mesures provisionnelles visées par l'art. 98 LTF portent essentiellement sur des intérêts liés à l'enjeu principal du litige plutôt que sur des intérêts liés aux prétentions accessoires résultant du rapport procédural des parties, tel le droit à l'allocation de dépens. Le Tribunal fédéral a ainsi jugé qu'une décision astreignant un contribuable au versement de sûretés pour la durée d'une procédure de rappel d'impôt porte sur des mesures provisionnelles aux termes de l'art. 98 LTF (ATF 134 II 349 consid. 3 p. 351); les sûretés en cause ne garantissaient cependant pas d'éventuels dépens afférents à la procédure fiscale, mais précisément la prétention fiscale qui était l'enjeu principal de cette procédure. C'est pourquoi la décision relative aux sûretés en garantie des dépens ne paraît pas réellement s'inscrire dans la définition des mesures provisionnelles visées par l'art. 98 LTF, consacrée par la jurisprudence topique. Il n'est cependant pas nécessaire de résoudre cette question juridique dans la présente contestation car il apparaîtra que la motivation du recours est de toute manière insuffisante.
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5. Quelles que soient les règles de droit dont le Tribunal fédéral contrôle l'application, celui-ci doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits constatés dans la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF). Il peut certes compléter ou rectifier même d'office les constatations de fait qui se révèlent manifestement inexactes, c'est-à-dire arbitraires aux termes de l'art. 9 Cst. (art. 105 al. 2 LTF; ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62). La partie recourante est autorisée à attaquer des constatations de fait ainsi irrégulières si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). Il lui incombe alors d'indiquer de façon précise en quoi les constatations critiquées sont contraires au droit ou entachées d'une erreur indiscutable; les critiques dites appellatoires, tendant simplement à une nouvelle appréciation des preuves, sont irrecevables (ATF 133 II 249 consid. 1.4.3 p. 254; voir aussi ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253; 140 III 264 consid. 2.3 p. 266; 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62).
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Des sûretés en garantie des dépens sont en principe exigibles dans les cas énumérés à l'art. 99 al. 1 let. a à c CPC, ainsi que, selon l'art. 99 al. 1 let. d CPC, lorsque « d'autres raisons font apparaître un risque considérable que les dépens ne soient pas versés ». Le juge délégué à l'instruction par la Cour civile du Tribunal cantonal a surtout discuté la requête de la défenderesse au regard de cette dernière règle. Devant le Tribunal fédéral, la défenderesse affirme que le juge délégué n'a pas tenu compte de tous les faits pertinents et elle réclame le complètement de ses constatations. Elle développe longuement sa propre version et sa propre appréciation des circonstances relatives à la situation pécuniaire de la demanderesse et à ses relations avec une autre société anonyme qui en détient les actions et qui est sa principale créancière; elle parvient à la conclusion que le refus d'ordonner le versement de sûretés en garantie des dépens est une décision « manifestement injustifiée et injuste ». Cet exposé n'est apte à mettre en évidence ni une lacune indiscutable dans les constatations du juge délégué, ni un abus du pouvoir d'appréciation qui doit être reconnu à ce magistrat dans l'application de l'art. 99 al. 1 let. d CPC (arrêt 5A_221/2014 du 10 septembre 2014, consid. 3). Il s'ensuit que la motivation du recours ne satisfait pas aux exigences posées par les art. 42 al. 2 et 97 al. 1 LTF.
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6. A titre de partie qui succombe, la défenderesse doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels l'autre partie peut prétendre.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est irrecevable.
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2. La défenderesse acquittera un émolument judiciaire de 3'000 francs.
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3. La défenderesse versera une indemnité de 3'500 fr. à la demanderesse, à titre de dépens.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 28 septembre 2017
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La présidente : Kiss
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Le greffier : Thélin
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