BGer 6B_63/2017 | |||
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BGer 6B_63/2017 vom 17.11.2017 | |
6B_63/2017
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Arrêt du 17 novembre 2017 |
Cour de droit pénal | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,
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Jacquemoud-Rossari et Rüedi.
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Greffier : M. Thélin.
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Participants à la procédure | |
X.________,
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représenté par Me Raphaël Dessemontet, avocat,
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recourant,
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contre
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Ministère public de la Confédération;
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Département fédéral des finances, service juridique,
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intimés.
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Objet
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acceptation illicite de dépôts bancaires
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recours contre le jugement rendu le 29 novembre 2016 par la Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral (SK.2016.24).
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Faits : | |
A. La société A.________ SA a été inscrite sur le registre du commerce du canton de Genève dès le 30 juin 2006; X.________ en était l'administrateur unique. Elle avait pour but social les services dans le domaine des changes, en particulier l'exploitation d'une plateforme internet permettant d'effectuer des opérations sur le marché des devises.
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Le 23 septembre 2009, l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) l'a avertie que son activité était possiblement soumise à autorisation; elle lui adressait un questionnaire. A.________ SA a renvoyé ce questionnaire avec ses réponses le 29 octobre 2009; elle déclarait n'avoir pas encore exercé d'activité.
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Sur convocation de l'Autorité, X.________ et un actionnaire de la société se sont rendus à une entrevue le 17 décembre 2009. Ils ont informé l'Autorité que la plateforme de négoce était désormais active depuis le 1er décembre 2009. Ils ont expliqué le modèle d'affaires de la société et exposé qu'à leur avis, les sommes versées par les clients n'étaient pas des dépôts du public soumis à la législation sur les banques. Les représentants de l'Autorité ont déclaré que la situation serait « discutée à l'interne », que la société serait à nouveau contactée et qu'en l'état, elle n'était pas tenue d'interrompre ses activités.
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Le 14 juin 2010, l'Autorité a informé la société qu'au terme de ses investigations, elle était parvenue à la conclusion que l'activité en cause n'était pas conforme à la législation en vigueur. Après un échange de correspondance et par décision du 28 janvier 2011, l'Autorité a constaté que l'activité en cause correspondait à du négoce de devises et à des opérations bancaires, et que la société acceptait sans autorisation des dépôts du public à titre professionnel. L'Autorité ordonnait la liquidation de cette personne morale et elle en désignait les liquidateurs.
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A.________ SA a déféré cette décision au Tribunal administratif fédéral, lequel a rejeté le recours par arrêt du 19 septembre 2011 (B1489/2011). Aucun recours n'a été exercé contre l'arrêt.
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B. Le Département fédéral des finances a ouvert une procédure pénale administrative contre X.________; cette procédure a pris fin par un prononcé pénal le 15 mars 2016. Le prévenu a requis d'être jugé par un tribunal.
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La Cour des affaires pénales du Tribunal pénal fédéral s'est prononcée par jugement du 29 novembre 2016. Elle a déclaré X.________ coupable d'avoir accepté indûment des dépôts du public, comportement punissable selon la législation sur les banques, et elle l'a condamné à la peine pécuniaire de cinquante jours-amende au taux de 305 fr. par jour, avec sursis durant un délai d'épreuve de deux ans. Selon le jugement, l'activité coupable a débuté le 1er décembre 2009 et elle a pris fin le 26 octobre 2011. La peine était d'abord évaluée à nonante jours-amende, puis réduite de trente jours en raison d'une erreur évitable sur l'illicéité, et de dix jours en raison de temps écoulé depuis l'infraction.
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C. Agissant par la voie du recours en matière pénale, X.________ requiert le Tribunal fédéral de l'acquitter.
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Considérant en droit : | |
1. Les conditions de recevabilité du recours en matière pénale sont en principe satisfaites, notamment à raison de la qualité pour recourir.
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2. L'art. 1 al. 2 de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épargne (LB; RS 952.0) interdit à toute personne physique ou morale autre qu'une banque d'accepter à titre professionnel des dépôts du public. L'art. 46 al. 1 let. a et 46 al. 2 LB rend punissable celui qui accepte indûment des dépôts du public, intentionnellement (al. 1 let. a) ou par négligence (al. 2).
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Le recourant conteste qu'il ait accepté dans la gestion de A.________ SA des dépôts du public visés par ces dispositions. L'argumentation ainsi développée est irrecevable car l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 19 septembre 2011 établit avec autorité de chose jugée que l'activité de cette société comportait l'acceptation de dépôts du public en violation de l'interdiction légale. La juridiction pénale et le Tribunal fédéral sont liés par ce prononcé de la juridiction administrative (ATF 111 IV 189 consid. 3 relatif à l'art. 77 al. 4 de la loi fédérale sur le droit pénal administratif - DPA; voir aussi ATF 129 IV 246 consid. 2.1 p. 249).
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3. Le recourant prétend avoir ignoré que les sommes acceptées au nom de A.________ SA étaient des dépôts du public visés par les art. 1 al. 2 et 46 LB; il prétend de plus qu'il ne pouvait pas éviter cette erreur. En conséquence, il réclame d'être acquitté en application de l'art. 13 CP relatif à l'erreur sur les faits.
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3.1. Le Tribunal pénal fédéral considère que l'erreur ainsi alléguée ne relève pas de l'art. 13 CP mais de l'art. 21 CP relatif à l'erreur sur l'illicéité. Le tribunal retient que le recourant s'est effectivement trouvé dans l'erreur dès l'entrevue du 17 décembre 2009 et jusqu'à la décision du 28 janvier 2011. Ensuite, dans la motivation de son prononcé, le tribunal récapitule l'ensemble de la procédure administrative pour parvenir à la conclusion que l'erreur était évitable, et qu'elle ne justifie donc, seulement, qu'une atténuation de la peine plutôt qu'un acquittement.
| 13 |
3.2. Selon la jurisprudence, il y a erreur sur les faits, selon l'art. 13 CP, lorsque l'infraction est commise dans l'ignorance ou sous l'influence d'une appréciation incorrecte de l'un de ses éléments constitutifs. L'erreur de l'auteur peut porter sur un élément factuel ou juridique. L'auteur peut par exemple croire par erreur qu'une chose lui appartient alors qu'en réalité elle appartient à autrui, ou croire par erreur que de l'argent provenant d'un trafic illicite n'est plus susceptible de confiscation, alors qu'en réalité il l'est encore. Il y a en revanche erreur sur l'illicéité, selon l'art. 21 CP, lorsque l'auteur se représente correctement tous les éléments constitutifs de l'infraction, factuels et juridiques, mais croit néanmoins que son comportement est licite (ATF 129 IV 238 consid. 3 p. 240).
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L'infraction intentionnelle réprimée par l'art. 46 al. 1 let. a LB suppose que l'auteur accepte des sommes d'argent et sache que ces sommes sont des dépôts du public dont l'acceptation à titre professionnel lui est interdite. L'auteur qui ignore ou apprécie incorrectement le statut juridique des sommes ainsi acceptées se trouve dans une erreur sur les faits, visée par l'art. 13 CP. Dans l'hypothèse où l'auteur perçoit correctement que les sommes sont des dépôts du public visés par la législation sur les banques mais ignore néanmoins l'interdiction légale de les accepter à titre professionnel, l'auteur se trouve dans une erreur sur l'illicéité visée par l'art. 21 CP. En l'espèce, le recourant allègue cette erreur-là plutôt que celle-ci, c'est-à-dire une erreur sur les faits; à bon droit, il reproche au Tribunal pénal fédéral d'avoir opéré une délimitation inexacte des erreurs respectivement visées par les art. 13 et 21 CP. Cette délimitation inexacte semble s'expliquer parce qu'elle apparaît déjà dans l'un des précédents auquel ce tribunal s'est référé (arrêt du Tribunal fédéral 6B_560/2015 du 17 novembre 2015, consid. 5.2), où la jurisprudence topique n'est pas citée.
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3.3. L'auteur ne se trouve pas dans une erreur sur les faits lorsqu'il est conscient, au moment d'agir, d'ignorer des éléments factuels ou juridiques qui lui seraient importants pour apprécier la portée de son propre comportement (ATF 135 IV 12 consid. 2.3.1 p. 16). Dès le 23 septembre 2009, soit déjà avant le début de l'activité de A.________ SA, le recourant a été averti par l'Autorité fédérale de surveillance que ladite activité était possiblement soumise à autorisation. Dès cet avertissement, le recourant n'a pas pu ignorer ni se représenter incorrectement le statut juridique, au regard de la législation sur les banques, des sommes à accepter par la société; il savait au contraire que ce statut était douteux. Le recourant a néanmoins entrepris cette activité alors que ce doute n'avait pas été levé. Cela suffit à invalider le moyen de défense qu'il prétend tirer de l'art. 13 CP.
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3.4. De l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, il ressort que l'Autorité de surveillance a déposé une écriture le 9 juin 2011 devant ce tribunal. Selon l'arrêt, elle y a exposé que ses représentants, lors de l'entrevue du 17 décembre 2009, ont déclaré au recourant que la situation juridique serait « discutée à l'interne », que la société serait à nouveau contactée et qu'en l'état, elle n'était pas tenue d'interrompre ses activités. Sur cette base, les constatations de fait déterminantes selon l'art. 105 al. 1 LTF doivent être complétées d'office en application de l'art. 105 al. 2 LTF, en ce sens que l'Autorité a explicitement renoncé à exiger un arrêt immédiat de l'activité en cause.
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Les personnes qui se sont exprimées au nom de l'Autorité durant l'entrevue du 17 décembre 2009 n'avaient pas le pouvoir de rendre licite, même à titre seulement précaire ou provisoire, une activité qui ne l'était pas. Néanmoins, le recourant pouvait de bonne foi se fier à l'attitude ainsi adoptée au nom de l'Autorité, laquelle était compétente pour ordonner, le cas échéant, la cessation de l'activité; il pouvait en conséquence se croire en droit de la continuer jusqu'à nouvel avis. Sa bonne foi est protégée par l'art. 9 Cst. (cf. ATF 143 V 95 consid. 362 p. 103). Dans ce contexte spécifique, le recourant est autorisé à se prévaloir d'une erreur inévitable sur l'illicéité visée par l'art. 21 CP (ATF 98 IV 279 consid. 2a p. 287; 116 IV 56 consid. 3 p. 67; arrêt 6B_917/2014 du 26 novembre 2015, consid. 5.1). L'Autorité a dissipé cette erreur le 14 juin 2010, en informant la société qu'au terme de ses investigations, elle était parvenue à la conclusion que l'activité en cause était interdite par la législation en vigueur.
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L'activité punissable du recourant s'est ainsi exercée du 1er au 17 décembre 2009 et du 14 juin 2010 au 26 octobre 2011. La durée retenue par le premier juge et prise en considération dans la fixation de la peine est plus importante. Le tort qui en résulte au détriment du recourant est toutefois suffisamment compensé par la réduction de peine de trente jours, injustifiée, que ce juge a opérée au titre d'une erreur évitable sur l'illicéité pour la période du 1er décembre 2009 au 28 janvier 2011. Il n'est donc pas nécessaire d'annuler le jugement de première instance en vue d'une nouvelle fixation de la peine.
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4. Le recourant a allégué que lors de l'entrevue du 17 décembre 2009, les représentants de l'Autorité de surveillance étaient convaincus que l'activité en cause était licite. Il fait grief au Tribunal pénal fédéral d'avoir refusé de recueillir les témoignages qu'il offrait à ce sujet.
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Ce que les représentants ont dit au recourant, à l'exclusion de ce qu'eux-mêmes ont éventuellement cru ou pensé, peut se révéler important pour l'appréciation de sa culpabilité. On a vu que par suite de leurs déclarations, le recourant s'est trouvé dans l'erreur. Cette erreur est dûment prise en considération. Les preuves offertes par le recourant ne portaient donc pas sur un fait pertinent et le refus de les administrer était conforme à l'art. 139 al. 2 CPP relatif aux faits dont la preuve n'est ni nécessaire ni utile. Cette disposition était applicable par le renvoi de l'art. 81 DPA; invoqué par le recourant, l'art. 77 al. 1 DPA n'y déroge pas.
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5. Le jugement de première instance n'est par ailleurs pas contesté; il s'ensuit que dans la mesure où il est recevable, le recours en matière pénale doit être rejeté. A titre de partie qui succombe, son auteur doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
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2. Le recourant acquittera un émolument judiciaire de 3'000 francs.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal pénal fédéral.
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Lausanne, le 17 novembre 2017
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le président : Denys
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Le greffier : Thélin
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