BGer 6B_1351/2017 | |||
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BGer 6B_1351/2017 vom 18.04.2018 |
6B_1351/2017 |
Arrêt du 18 avril 2018 |
Cour de droit pénal | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,
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Rüedi et Pont Veuthey, Juge suppléante.
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Greffière : Mme Kistler Vianin.
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Participants à la procédure | |
A.________,
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représenté par Me Philippe Currat, avocat,
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recourant,
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contre
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1. Ministère public de la République et canton de Genève,
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2. X.________,
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représenté par Me Jacques Roulet, avocat,
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3. Y.________,
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représenté par Me Robert Assaël, avocat,
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intimés.
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Objet
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Ordonnance de classement (lésions corporelles simples, contrainte, abus d'autorité),
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recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours, du 24 octobre 2017 (P/14522/2015 ACPR/734/2017).
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Faits : | |
A. Par ordonnance du 28 février 2017, le Ministère public de la République et canton de Genève a classé la procédure pénale ouverte à la suite du dépôt de plainte pénale de A.________, le 28 juillet 2015, contre les gendarmes X.________ et Y.________.
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B. Par arrêt du 24 octobre 2017, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice genevoise a rejeté le recours formé par A.________ le 13 mars 2017 et mis les frais de la procédure de recours à sa charge.
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En bref, il en ressort les éléments suivants:
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Les gendarmes X.________ et Y.________ sont intervenus en raison d'un conflit entre B.________, qui voulait récupérer les clés de son domicile auprès de son épouse C.________, fille de A.________, qui logeait chez sa mère à la suite d'une tentative de suicide consécutive à la séparation. Alors qu'ils raccompagnaient B.________ en bas de l'immeuble, ils ont croisé A.________ qui, énervé et vindicatif, s'est adressé à son beau-fils en le menaçant. Pour éviter une confrontation, ils ont demandé aux deux protagonistes de circuler, B.________ a obtempéré, au contraire de A.________. Ce dernier s'est emporté et s'est dressé devant les policiers, refusant de s'exécuter. Après l'avoir sommé à plusieurs reprises de se calmer et de rentrer chez lui, comme il n'obtempérait pas, les deux gendarmes lui ont demandé de présenter une pièce d'identité. Il a refusé en vociférant de plus belle. Les agents ont finalement dû faire usage de la force face à son refus d'obtempérer. Ils ont saisi A.________ par les bras pour le menotter contre le mur. Comme il s'opposait à cette interpellation en se débattant, X.________ a pratiqué une clé de coude sur son bras gauche pour l'amener au sol où il a pu être maîtrisé et menotté.
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Durant la fouille de sécurité au poste de D.________, A.________ s'est à nouveau emporté. Il a saisi ses lunettes, les a tapées contre le mur à plusieurs reprises avant de les broyer dans ses mains. Pour éviter qu'il ne se blesse ou qu'il ne blesse autrui, X.________ lui a saisi les poignets. A.________ s'est alors crispé et a bloqué les bras. X.________ lui a donné un coup de déstabilisation dans le bas-ventre avec le genou afin de récupérer les lunettes. A.________ s'est calmé et a été soumis au test de l'éthylomètre qui s'est révélé négatif. Un médecin a également été interpellé dans les locaux de la police pour l'examiner en raison de ses plaintes.
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C. A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt cantonal. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants, le tout avec suite de frais et dépens. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
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Considérant en droit : |
Erwägung 1 | |
1.1. Aux termes de l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral, si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil, telles les prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO. Lorsque, comme en l'espèce, le recours est dirigé contre une décision de classement, la partie plaignante doit expliquer dans son mémoire quelles prétentions civiles elle entend faire valoir - à moins que cela n'apparaisse évident - et en quoi la décision attaquée pourrait influencer négativement leur jugement (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4).
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Les actes dénoncés par le recourant sont le fait de gendarmes, à savoir d'agents de l'Etat. Le droit cantonal genevois instaure (cf. art. 2 de la loi genevoise sur la responsabilité de l'Etat et des communes; LREC; RS GE A 2 40), comme le permet l'art. 61 al. 1 CO, une responsabilité exclusive de la collectivité publique en cas d'acte illicite de ses agents. Le plaignant ne dispose donc que d'une prétention de droit public, non pas contre l'auteur présumé, mais contre l'Etat. Selon la jurisprudence constante, une telle prétention ne peut être invoquée dans le procès pénal par voie d'adhésion et ne constitue dès lors pas une prétention civile au sens des dispositions précitées (ATF 138 IV 86 consid. 3.1 p. 88; 133 IV 228 consid. 2.3.3 p. 234; 128 IV 188 consid. 2). Le recourant admet du reste lui-même qu'il n'est pas fondé à faire valoir des prétentions civiles contre les gendarmes qu'il entend mettre en cause.
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1.2. La jurisprudence reconnaît aux personnes qui se prétendent victimes de traitements cruels, inhumains ou dégradants (au sens notamment de l'art. 3 CEDH) le droit de porter plainte et d'obtenir une enquête prompte et impartiale devant aboutir, s'il y a lieu, à la condamnation pénale des responsables. La victime de tels traitements peut également bénéficier d'un droit de recours contre l'abandon des poursuites (ATF 138 IV 86 consid. 3.1 p. 88; cf. récemment: arrêt 6B_123/2017 du 24 mars 2017 consid. 1.2.2).
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Pour être couvert par l'art. 3 CEDH, un mauvais traitement doit en principe être intentionnel et atteindre un minimum de gravité. L'appréciation de ce minimum dépend de l'ensemble des données de la cause, notamment de la durée du traitement et de ses effets physiques ou mentaux, ainsi que, parfois, du sexe, de l'âge et de l'état de santé de la victime. Un traitement atteint le seuil requis et doit être qualifié de dégradant s'il est de nature à créer des sentiments de peur, d'angoisse et d'infériorité propres à humilier ou à avilir la victime, de façon à briser sa résistance physique ou morale ou à la conduire à agir contre sa volonté ou sa conscience. Il y a également traitement dégradant, au sens large, si l'humiliation ou l'avilissement a pour but, non d'amener la victime à agir d'une certaine manière, mais de la punir (arrêts 6B_123/2017 du 24 mars 2017 consid. 1.2.2; 6B_474/2013 du 23 août 2013 consid. 1.4 et les références citées). Lorsqu'un individu se trouve privé de sa liberté, l'utilisation à son égard de la force physique alors qu'elle n'est pas rendue strictement nécessaire par son comportement porte atteinte à la dignité humaine et constitue, en principe, une violation de la convention de New York et des art. 7 Pacte ONU II, 3 CEDH et 10 al. 3 Cst. (arrêts 6B_147/2016 du 12 octobre 2016 consid. 1.2; 6B_474/2013 du 23 août 2013 consid. 1.4 et les références citées).
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En l'espèce, le recourant soutient avoir reçu, alors qu'il était incarcéré, un coup de genoux d'un des gendarmes au niveau des testicules. On peut se demander si les lésions invoquées sont suffisantes au regard du contexte général. Cette question peut rester indécise vu le sort du recours.
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Erwägung 2 | |
2.1. Conformément à l'art. 42 al. 1 LTF, le mémoire de recours doit être motivé et contenir des conclusions. Celles-ci doivent exprimer sur quels points la décision entreprise doit être modifiée et comment. Les motifs doivent exposer succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit (art. 42 al. 2 LTF). Selon la jurisprudence, pour répondre à cette exigence, le recourant est tenu de discuter au moins sommairement les considérants de l'arrêt entrepris (ATF 140 III 86 consid. 2 et 115 consid. 2; 134 II 244 consid. 2.1). S'il entend se plaindre de la violation de ses droits fondamentaux, il doit respecter le principe d'allégation et indiquer précisément quelle disposition constitutionnelle a été violée en démontrant par une argumentation précise en quoi la violation consiste (art. 106 al. 2 LTF; ATF 138 I 274 consid. 1.6 p. 281).
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2.2. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins que celles-ci n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable, et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 142 II 369 consid. 4.3 p. 380; 141 IV 305 consid. 1.2 p. 308 s.). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens tirés de la prohibition de l'arbitraire que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF; ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368).
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3. Dénonçant une violation des art. 29, 29a, 30 Cst. et 13 CEDH, le recourant se plaint de ne pas avoir eu accès au juge du fond.
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Comme l'a souligné la cour cantonale, dès lors que la compétence du ministère public pour rendre une ordonnance de classement est instituée par la loi et qu'un recours est ouvert contre une telle ordonnance devant la Cour de justice qui revoit librement la cause, tant en fait qu'en droit, la procédure ne porte pas atteinte aux droits conférés au recourant par la constitution fédérale et la CEDH. L'argumentation que développe le recourant dans ce cadre se confond au demeurant avec la violation de l'art. 319 CPP et du principe « in dubio pro duriore », qu'il invoque également, et n'a pas de portée plus étendue. L'examen portera sur cette question.
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4. Le recourant se plaint d'une violation de l'interdiction de l'arbitraire et du principe « in dubio pro duriore » en lien avec l'application de l'art. 319 CPP. En substance, il reproche à l'autorité précédente d'avoir considéré que la frappe de déstabilisation était licite et proportionnée et d'avoir ainsi ordonné le classement de la procédure.
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4.1. Selon l'art. 319 al. 1 CPP, le ministère public ordonne le classement de tout ou partie de la procédure lorsqu'aucun soupçon justifiant une mise en accusation n'est établi (let. a), lorsque les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réunis (let. b), lorsque des faits justificatifs empêchent de retenir une infraction contre le prévenu (let. c), lorsqu'il est établi que certaines conditions à l'ouverture de l'action pénale ne peuvent pas être remplies ou que des empêchements de procéder sont apparus (let. d) ou lorsqu'on peut renoncer à toute poursuite ou à toute sanction en vertu de dispositions légales (let. e). L'art. 319 al. 2 CPP prévoit encore deux autres motifs de classement exceptionnels (intérêt de la victime ou consentement de celle-ci).
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Le principe « in dubio pro duriore » découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2 p. 91). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peut être prononcé par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies. Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation que le Tribunal fédéral revoit avec retenue. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 p. 243; 138 IV 86 consid. 4.1.2 p. 91).
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4.2. Aux termes de l'art. 14 CP, quiconque agit comme la loi l'ordonne ou l'autorise se comporte de manière licite, même si l'acte est punissable en vertu du présent code ou d'une autre loi. L'art. 45 de la loi genevoise sur la police (RSG F1.05; LPol) prévoit que la police exerce ses tâches dans le respect des droits fondamentaux et des principes de légalité, de proportionnalité et d'intérêt public. En cas de troubles ou pour écarter des dangers menaçant directement la sécurité et l'ordre publics, elle prend les mesures d'urgence indispensables.
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L'art. 312 CP réprime le fait pour un membre d'une autorité ou un fonctionnaire d'abuser des pouvoirs de sa charge dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite ou de nuire à autrui. L'infraction suppose que l'auteur agisse dans l'accomplissement ou sous le couvert de sa tâche officielle et qu'il abuse des pouvoirs inhérents à cette tâche. L'abus est réalisé lorsque l'auteur, en vertu de sa charge officielle, décide ou use de contrainte dans un cas où il ne lui est pas permis de le faire (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa p. 211); l'abus est également réalisé lorsque l'auteur poursuit un but légitime mais recourt, pour l'atteindre, à des moyens disproportionnés (ATF 127 IV 209 consid. 1a/aa et b p. 211 ss; 113 IV 29 consid. 1 p. 30; 104 IV 22 consid. 2 p. 23). Du point de vue subjectif, l'infraction suppose un comportement intentionnel, au moins sous la forme du dol éventuel, ainsi qu'un dessein spécial, qui peut se présenter sous deux formes alternatives, soit le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un avantage illicite, soit le dessein de nuire à autrui (arrêt 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 4.1.1).
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4.3. Le recourant soutient que, s'agissant de la frappe de déstabilisation, l'arrêt querellé a retenu la version la plus favorable au prévenu en violation de l'application du principe « in dubio pro duriore ». Selon lui, les lésions subies et constatées par les pièces médicales ainsi que les autres indices figurant au dossier ne permettent pas de retenir qu'il n'existe aucun soupçon justifiant une mise en accusation ni que les éléments constitutifs d'une infraction ne seraient pas réunis. Le recourant n'indique cependant pas précisément en quoi il estime que l'autorité précédente aurait méconnu le droit. Insuffisamment motivée, son argumentation est irrecevable.
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Au demeurant, le recourant ne conteste pas avoir brisé ses lunettes en les serrant dans ses mains et avoir refusé de les remettre au policier. Il se borne à indiquer que, lesdites lunettes étant en plastique, les risques de coupure étaient quasi inexistants. Cet argument ne convainc pas dans la mesure où il était impossible pour les policiers de contrôler, au moment des faits, si les verres des lunettes du recourant étaient en matière synthétique. Les intimés pouvaient raisonnablement croire qu'il y avait un risque de blessure pour le recourant ou pour eux-mêmes.
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Le recourant indique également avoir été victime de lésions, ce que ni le procureur ni la cour cantonale n'ont contesté. L'autorité précédente a considéré que la frappe de déstabilisation était licite et proportionnée. Un des agents a porté au recourant un coup de déstabilisation afin que ce dernier, qui se débattait, lâche ses lunettes. La cour cantonale a admis que, dans l'agitation, un des agents ait pu toucher involontairement les parties génitales du recourant en visant le bas-ventre. Ce fait ne rend toutefois pas la frappe de déstabilisation illicite puisqu'elle était motivée par le comportement du recourant, qui avait brisé ses lunettes de rage, occasionnant des risques de blessure. Par la suite, la fouille du recourant avait pu continuer dans le calme.
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La cour cantonale était fondée à retenir, au vu des déclarations concordantes des deux policiers, que le comportement du recourant était à l'origine des actes et que l'action de l'un des intimés ayant usé d'une frappe de déstabilisation était à la fois licite et proportionnée.
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5. En vu de ce qui précède, la probabilité d'un acquittement des intimés était largement plus élevée que celle d'une condamnation de sorte que l'autorité précédente n'a pas violé le principe « in dubio pro duriore » en confirmant le classement. Il s'en suit que le recours en matière pénale doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. Les conclusions étaient dénuées de chance de succès, de sorte que la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF a contrario). Le recourant supportera les frais de justice dont la quotité tiendra compte de sa situation financière difficile (art. 65 al. 2 et art. 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
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3. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
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Lausanne, le 18 avril 2018
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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La Greffière : Kistler Vianin
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