BGer 4A_631/2017 | |||
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BGer 4A_631/2017 vom 24.04.2018 |
4A_631/2017 |
Arrêt du 24 avril 2018 |
Ire Cour de droit civil | |
Composition
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Mmes et M. les Juges fédéraux
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Kiss, présidente, Hohl et Abrecht, juge suppléant.
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Greffière: Mme Monti.
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Participants à la procédure | |
A.________,
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représentée par Me Thierry Sticher,
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demanderesse et recourante,
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contre
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B.________,
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représenté par Me Daniel Meyer,
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défendeur et intimé.
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Objet
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indemnité pour tort moral; dépens,
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recours en matière civile contre l'arrêt rendu
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le 17 octobre 2017 par la Chambre civile de
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la Cour de justice du canton de Genève
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(C/25191/2014; ACJC/1329/2017).
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Faits : |
A. | |
A.a. A.________, née en 1959, a travaillé comme aide-soignante à 80% au sein des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG), tout d'abord au service des soins intensifs, puis en dernier lieu au service de gynécologie.
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Par le passé, elle a souffert de diverses atteintes à la santé, notamment de lombalgies chroniques ainsi que de troubles anxieux et dépressifs nécessitant un traitement psychiatrique.
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Une aggravation de ses douleurs lombaires l'a conduite à subir une opération des vertèbres lombaires L4-L5 le 28 octobre 2013.
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A la suite de cette intervention, A.________ a été en incapacité de travail à 100%. Selon l'avis de plusieurs médecins, les pronostics de santé étaient favorables, de sorte que l'intéressée aurait pu progressivement reprendre le travail entre les mois de mars et mai 2014.
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A.b. Le 4 janvier 2014, A.________ et B.________, né en 1978, ont eu une altercation verbale dans le parking souterrain de leur immeuble, vraisemblablement en raison d'un problème de stationnement. A.________ a déclaré que le prénommé s'était énervé et s'était moqué d'elle. Elle-même l'avait traité de «con, connard». Une fois cet échange terminé, A.________ a tourné le dos à B.________ et s'est dirigée vers la porte de l'immeuble. B.________ s'est alors avancé rapidement vers elle et l'a violemment poussée contre le mur. A.________ est tombée en heurtant le mur. Elle n'a pas pu se relever.
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A.________ a été transportée aux HUG en ambulance. Les médecins ont diagnostiqué une fracture par éclatement de la vertèbre L2 et une fracture interarticulaire du pouce.
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A.________ a été opérée les 7 et 17 janvier 2014 au service de neurochirurgie des HUG. Sortie de l'hôpital le 22 janvier 2014, elle n'a pas repris le travail depuis lors.
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A.c. En mars 2014, A.________ a déposé une plainte pénale contre B.________, lequel a été condamné pour lésions corporelles graves par négligence, selon une ordonnance pénale du 15 avril 2014 qui est entrée en force.
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B. | |
B.a. Le 2 décembre 2014, A.________ a saisi le Tribunal de première instance du canton de Genève d'une requête de conciliation dirigée contre B.________. Le 1
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B.________ a conclu au rejet de la demande.
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Plusieurs avis médicaux ont été émis, dont une expertise pluridisciplinaire du 30 juillet 2014 mise en oeuvre par l'assureur-accidents de l'employeur de A.________, expertise qui a été complétée par un rapport du 4 février 2016.
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B.b. Par jugement du 5 janvier 2017, le Tribunal de première instance a condamné B.________ à verser à A.________ une indemnité pour tort moral de 50'000 fr. plus intérêts à 5% [l'an] dès le 4 janvier 2014.
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B.c. Statuant le 17 octobre 2017 sur l'appel interjeté par B.________, la Cour de justice du canton de Genève a réformé ce jugement en ce sens qu'elle a condamné le prénommé au paiement d'une indemnité pour tort moral de 18'500 fr. plus intérêts à 5% l'an dès le 4 janvier 2014. La Cour a mis les frais de première instance et d'appel à la charge de B.________ à concurrence de quelque 80% (soit respectivement 3'600 fr. et 2'900 fr.) et à celle de A.________ à hauteur d'environ 20% (soit 1'000 fr. et 770 fr.). Chaque partie devait par ailleurs supporter ses propres dépens de première instance et d'appel.
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Procédant à l'appréciation des avis émis par les médecins et l'Office cantonal des assurances sociales, la Cour de justice a retenu que la demanderesse n'était plus en mesure de travailler. Elle souffrait sur le plan physique de douleurs lombaires persistantes irradiant vers la fesse et la partie postérieure de la jambe gauche, ainsi que d'une raideur avec perte de force au niveau du pouce droit. Sur le plan psychique, elle était affectée d'un état de stress post-traumatique et d'une symptomatologie dépressive et anxieuse. 60% des lombalgies étaient dues à l'agression subie, ce qui signifiait que 40% des douleurs étaient causées par son état de santé préexistant. En revanche, l'affection psychique était entièrement imputable à l'agression.
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En droit, la Cour a jugé que le tort moral subi justifierait une pleine indemnité de 63'000 fr.; ce montant devait toutefois être réduit de 20% en raison de l'état de santé préexistant de la demanderesse (prédisposition constitutionnelle liée). Après déduction de l'indemnité pour atteinte à l'intégrité due par l'assureur-accidents (31'500 fr.), la Cour aboutissait au montant de 18'500 fr. (cf. au surplus consid. 3.2 infra).
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C. Par acte du 29 novembre 2017, la demanderesse a interjeté un recours en matière civile au Tribunal fédéral, en concluant à ce que le défendeur soit condamné à lui verser 31'500 fr. plus intérêts à titre d'indemnité pour tort moral. Elle prétend également au paiement de 11'600 fr. (subsidiairement 80% de cette somme, soit 9'280 fr.) à titre de dépens pour les procédures de première instance et d'appel, le dossier devant être renvoyé à l'autorité cantonale pour une nouvelle répartition des frais judiciaires.
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Par réponse du 12 février 2018, le défendeur a conclu au rejet du recours.
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L'autorité précédente s'est référée à son arrêt.
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Considérant en droit : | |
1. Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) par la demanderesse qui a partiellement succombé dans ses conclusions en paiement (art. 76 al. 1 LTF) et dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu sur recours par le tribunal supérieur du canton (art. 75 LTF) dans une contestation civile pécuniaire dont la valeur litigieuse - calculée d'après les conclusions restées litigieuses devant l'autorité précédente (art. 51 al. 1 let. a LTF) - excède 30'000 fr. (art. 72 al. 1 et 74 al. 1 let. b LTF), le recours en matière civile est recevable au regard de ces dispositions.
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Erwägung 2 | |
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de l'autorité précédente que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). «Manifestement inexactes» signifie ici «arbitraires» (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5).
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En l'occurrence, la recourante déclare n'avoir aucune critique à formuler contre l'état de fait.
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2.2. Le Tribunal fédéral applique d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal. Cela n'implique pas qu'il examine toutes les questions juridiques qui pourraient se poser, à l'instar d'un juge de première instance. Eu égard à l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, l'autorité de céans ne traite que les questions qui sont soulevées devant elle par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 116; 140 III 86 consid. 2).
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Erwägung 3 | |
3.1. En vertu de l' art. 47 CO, le juge peut, en tenant compte de circonstances particulières, allouer à la victime de lésions corporelles une indemnité équitable à titre de réparation morale. Cette indemnité doit compenser le préjudice que représente une atteinte au bien-être moral. Le principe même d'une indemnisation du tort moral et l'ampleur de la réparation dépendent essentiellement de la gravité de l'atteinte et de la possibilité d'adoucir de façon sensible, par le versement d'une somme d'argent, la douleur physique ou morale (ATF 123 III 306 consid. 9b p. 315; cf. aussi ATF 141 III 97 consid. 11.2; 132 II 117 consid. 2.2.2). En principe, tous les motifs de réduction de l'art. 44 CO peuvent être pris en compte, en particulier la faute concomitante de la victime (ATF 123 II 210 consid. 3b p. 214).
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3.2. Le principe même de l'allocation d'une indemnité pour tort moral n'est plus discuté à ce stade.
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Pour en fixer le montant, la Cour de justice a appliqué la méthode des deux phases. Dans un premier temps, elle a constaté que les experts mandatés par l'assureur-accidents avaient fixé à 25% le taux de l'atteinte subie par la demanderesse, en se fondant sur la table 7 (relative aux affections de la colonne vertébrale) élaborée par la SUVA pour l'indemnisation des atteintes à l'intégrité selon la LAA (loi fédérale sur l'assurance-accidents; RS 832.20). La Cour de justice a fixé l'indemnité de base à 31'500 fr., compte tenu du montant maximal du gain assuré en vigueur le jour de l'événement dommageable (126'000 fr. x 25%).
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Dans une seconde phase, la Cour a jugé que ce montant de 31'500 fr. devait être doublé et porté à 63'000 fr. en raison des circonstances de l'espèce, soit des atteintes physiques subies, de la nécessité d'endurer deux interventions chirurgicales et une hospitalisation de 18 jours, des graves souffrances physiques et psychiques persistantes, de la nécessité de prendre des anti-douleurs à vie, de la perte définitive et totale de la capacité de travail, de l'isolement social en résultant, ainsi que de la dépendance de tiers pour accomplir certains actes du quotidien.
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L'autorité cantonale a ensuite estimé que le montant susmentionné de 63'000 fr. devait être réduit en raison de l'état maladif antérieur de la demanderesse (prédisposition constitutionnelle liée). Il ressortait en effet du dossier que 60% des lombalgies dont elle souffrait étaient en lien avec l'agression subie, ce qui signifiait que 40% des douleurs résultaient de son état antérieur. En revanche, le trouble psychogène était dû à l'agression. En définitive, la responsabilité du défendeur dans les atteintes à la santé de la demanderesse était de 80% (soit la moyenne entre 60% pour les souffrances physiques et 100% pour les souffrances psychiques). Il convenait dès lors de réduire de 20% le montant de 63'000 fr., pour aboutir à une indemnité de 50'000 fr. (montant arrondi). La cour cantonale a ajouté qu'en comparaison avec la jurisprudence, cette somme paraissait équitable et proportionnée aux atteintes dont souffrait la demanderesse.
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3.3. A ce stade, le raisonnement de la Cour de justice n'est pas remis en cause par les parties. En particulier, l'application de la méthode des deux phases (cf. ATF 132 II 117 consid. 2.2.3; arrêt 6B_531/2017 du 11 juillet 2017 consid. 3.3.2), la fixation d'une indemnité de base à 31'500 fr. et d'une pleine indemnité à 63'000 fr. ne sont pas critiquées. N'est pas non plus discutée la constatation de fait quant à l'existence d'une prédisposition constitutionnelle liée, par opposition à une prédisposition indépendante (cf. ATF 131 III 12 consid. 4; 113 II 86 consid. 3b; arrêt 4A_77/2011 du 20 décembre 2011 consid. 3.3.1), ou encore l'application d'un taux de réduction de 20% pour tenir compte de cette prédisposition (art. 44 CO). Il n'y a dès lors pas à revenir sur ces questions (cf. consid. 2
| 28 |
Les parties sont divisées uniquement sur le point de savoir qui, de l'assureur LAA ou de la lésée, doit supporter la réduction de quelque 20% (13'000 fr.) due à la prédisposition constitutionnelle liée. La recourante plaide qu'en vertu du droit préférentiel du lésé, cette charge incombe entièrement à l'assureur LAA.
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Erwägung 4 | |
4.1. Selon l'art. 24 al. 1 LAA, l'assuré a droit à une indemnité équitable pour atteinte à l'intégrité en cas d'atteinte importante et durable à son intégrité physique, mentale ou psychique en suite d'un accident.
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Cette indemnité est de même nature que l'indemnité à titre de réparation morale (art. 74 al. 2 let. e LPGA [loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales; RS 830.1]). Elle tombe de ce fait sous le coup de la subrogation instituée par l'art. 72 al. 1 LPGA en faveur de l'assureur social, lequel, dès la survenance de l'événement dommageable, est subrogé, jusqu'à concurrence des prestations légales, aux droits de l'assuré contre le tiers responsable (cf. ATF 123 III 306 consid. 9b p. 316, à propos des art. 41 et 43 aLAA).
| 31 |
La loi transfère à l'assureur tout ou partie de la créance du lésé envers le tiers responsable (ou son assurance responsabilité civile). Le lésé perd ainsi ses droits contre le tiers, à concurrence de la prétention subrogatoire de l'assureur. Ce mécanisme tend à éviter une surindemnisation du lésé (ATF 131 III 360 consid. 6.1; arrêt 4A_307/2008 du 27 novembre 2008 consid. 3.1.3; cf. aussi ATF 124 V 174 consid. 3b; GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY, Le recours subrogatoire de l'assurance-accidents sociale contre le tiers responsable ou son assureur, 2007, p. 104-107).
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Le transfert de créance intervient « jusqu'à concurrence des prestations légales» de l'assureur. La créance subrogatoire de l'assureur est ainsi plafonnée aux prestations que l'assureur doit légalement à l'assuré/lésé (FRÉSARD-FELLAY, op. cit., p. 89 n° 283). La loi limite toutefois l'étendue de la créance subrogatoire à divers égards. A teneur de l'art. 73 al. 1 LPGA, l'assureur n'est subrogé aux droits de l'assuré que dans la mesure où les prestations qu'il alloue, jointes à la réparation due pour la même période par le tiers responsable, excèdent le dommage causé par celui-ci. Cette disposition institue un droit préférentiel en faveur du lésé. Lorsque le responsable civil (ou son assureur) n'est pas tenu de réparer l'intégralité du dommage, notamment en raison de motifs fondés sur l'art. 44 CO, l'indemnité réduite revient prioritairement au lésé, qui peut ainsi compléter les prestations concordantes de l'assureur social jusqu'à ce qu'il obtienne réparation de la totalité du préjudice effectivement subi. L'assureur social a droit à l'éventuel solde subsistant; il supporte ainsi la réduction de l'indemnité due par le responsable civil (ATF 117 II 609 consid. 11c p. 627; 93 II 407 consid. 6; cf. aussi l'arrêt précité 4A_77/2011 consid. 3.3.1 et ATF 131 III 12 consid. 4 p. 14 et consid. 7.1. PETER BECK, in Haftung und Versicherung, 2e éd. 2015, § 6 n° 6.136 ss; FRÉSARD-FELLAY, op. cit., p. 321 ss, spéc. p. 324 s.). Le droit préférentiel suscite des discussions lorsque le motif de réduction réside dans une faute concomitante du lésé (cf. par exemple les auteurs cités par FRANZ WERRO, La responsabilité civile, 3e éd. 2017, n° 1813; FRÉSARD-FELLAY, op. cit., p. 380 s.).
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4.2. En matière de tort moral, la cour de céans n'a appliqué qu'un droit préférentiel partiel dans une affaire publiée aux ATF 123 III 306.
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La cour de céans a constaté une controverse doctrinale en ce domaine. Certains auteurs s'opposaient à l'application du droit préférentiel du lésé au motif que le tort moral se distinguait, par sa nature et les modalités de sa fixation, du dommage économique. D'autres rétorquaient que la jurisprudence récente tendait à traiter de façon analogue tort moral et dommage économique; de surcroît, il était normal que le lésé soit entièrement indemnisé avant que des tiers ayant encaissé des cotisations ou des primes d'assurance puissent se retourner contre le responsable.
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La cour de céans a opté pour une solution intermédiaire conduisant à faire supporter simultanément au lésé et à l'assureur-accidents LAA la réduction pour faute concomitante du lésé (ATF 123 III 306 consid. 9b p. 316 s.). En vertu du droit préférentiel « normal», l'assureur-accidents aurait entièrement supporté la différence de 20% (24'000 fr.) entre le préjudice moral subi (120'000 fr.) et l'indemnité réduite due par le tiers responsable (96'000 fr.); sa créance subrogatoire, plafonnée à 70'000 fr., aurait été réduite à 46'000 fr. (70'000 fr. - 24'000 fr.).
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La cour de céans a cependant appliqué le taux de réduction de 20% à l'indemnité LAA due par l'assureur-accidents (70'000 fr.), ce qui revenait à réduire la créance subrogatoire de 14'000 fr. seulement au lieu de 24'000 fr. (70'000 - 20% = 56'000 fr.). Le solde de 10'000 fr. a été supporté par le lésé, qui n'a obtenu que 110'000 fr. pour son préjudice moral, au lieu de 120'000 fr. avec le droit préférentiel normal (ATF 123 III 306 consid. 9b p. 316 s.; cf. les tableaux de FRÉSARD-FELLAY, op. cit., p. 367 et BECK, op. cit., § 6 n° 6.147).
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Cette solution a encore été appliquée dans une affaire rendue l'année suivante, où l'indemnité de l'art. 47 CO avait également été réduite pour faute concomitante du lésé (arrêt 4C.152/1997 du 25 mars 1998 consid. 7b).
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4.3. La doctrine s'est montrée critique (cf. en particulier l'analyse de THOMAS KOLLER, Quotenvorrecht [...], in PJA 1997 p. 1428 ss). Un courant apparemment majoritaire considère que le droit préférentiel du lésé devrait pleinement s'appliquer à l'indemnité pour tort moral (BECK, op. cit., § 6 n° 6.148). Qu'il s'agisse de tort moral ou de dommage Un auteur est cependant d'avis que la solution de l'ATF 123 III 306 favorise le règlement des sinistres et offre le mérite de la praticabilité (FRÉSARD-FELLAY, op. cit., p. 368 s.).
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4.4. En l'occurrence, la cour cantonale n'a pas appliqué le droit préférentiel du lésé, que ce soit dans la forme prévue par l'art. 73 al. 1 LPGA ou dans la forme partielle appliquée à l'ATF 123 III 306. Selon l'arrêt attaqué, la lésée doit supporter entièrement la réduction de 13'000 fr. due à son état maladif antérieur, puisqu'elle n'obtient finalement que 50'000 fr. (18'500 fr. de la part du défendeur et 31'500 fr. de la part de l'assureur LAA), alors que son préjudice moral total a été fixé à 63'000 fr.
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Force est d'admettre que les juges cantonaux auraient dû prendre en compte le droit préférentiel du lésé. Se pose toutefois la question de savoir si la méthode partielle controversée de l'ATF 123 III 306 doit trouver application.
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4.5. La doctrine a relevé non sans raison une évolution de la jurisprudence, dont il ressort que la fixation de l'indemnité pour tort moral, laquelle n'est rien d'autre que la réparation d'un préjudice, ne se distingue pas essentiellement de l'indemnité pour le dommage Reste à savoir s'il est légitime que l'assureur social supporte économiquement la réduction de l'indemnité pour le préjudice moral, qui n'a pas vocation à couvrir un besoin économique de base. Encore une fois, l'art. 24 LAA impose une telle indemnisation à l'assureur-accidents, même si cela est inhabituel en matière d'assurance sociale (cf. FRÉSARD-FELLAY, op. cit., p. 542 s. n° 1635). Lorsque la réduction de l'indemnité pour tort moral est due à un état maladif préexistant, il paraît conforme à l'esprit de l'assurance sociale et du droit préférentiel du lésé que l'assureur assume cette réduction, plutôt que le lésé. Le cas présent se distingue à cet égard de l'ATF 123 III 306, où la réduction de l'indemnité civile était due à une faute concomitante du lésé.
| 42 |
Eu égard aux considérations qui précèdent, il faut admettre qu'aucune raison ne justifie de priver la lésée du droit préférentiel prévu par l'art. 73 al. 1 LPGA. Peut rester indécise la question de savoir si la solution consacrée par l'ATF 123 III 306 garde sa raison d'être lorsque la réduction de la responsabilité civile est due à une faute concomitante du lésé.
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4.6. En tenant compte du droit préférentiel du lésé, la demanderesse peut réclamer au responsable civil la différence entre le préjudice moral effectivement subi (63'000 fr.) et l'indemnité pour atteinte à l'intégrité due par l'assureur-accidents (31'500 fr.), soit Le solde de 18'500 fr. (50'000 fr. - 31'500 fr.) constitue la prétention subrogatoire de l'assureur-accidents. L'indemnité qu'il doit à la lésée (31'500 fr.), plus la réparation due pour la même période par le tiers responsable (50'000 fr.), excèdent en effet de 18'500 fr. le dommage causé par celui-ci (63'000 fr.).
| 44 |
Le recours doit dès lors être admis sur ce point et l'arrêt attaqué réformé en ce sens que le défendeur doit verser à la demanderesse une indemnité pour tort moral de 31'500 fr., plus intérêts à 5% l'an dès le 4 janvier 2014.
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Erwägung 5 | |
5.1. La demanderesse reproche aux juges cantonaux d'avoir compensé les dépens, tout en mettant quelque 80% des frais judiciaires à la charge du défendeur. Cette répartition des dépens violerait les art. 106 et 107 al. 1 let. a CPC; en présence d'un dommage difficile à chiffrer, on ne saurait lui reprocher d'avoir émis des prétentions trop élevées. Elle prétend à de pleins dépens pour le cas (réalisé en l'espèce) où son grief relatif au droit préférentiel du lésé serait admis.
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Erwägung 5.2 | |
5.2.1. Lorsque le Tribunal fédéral modifie la décision attaquée, il peut statuer sur la répartition des frais de la procédure antérieure ou renvoyer la cause à l'autorité précédente (art. 67 LTF; BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 9 ad art. 67 LTF). De même, il peut fixer lui-même les dépens d'après le tarif fédéral ou cantonal applicable, ou laisser à l'autorité précédente le soin de le faire (art. 68 al. 5 LTF; CORBOZ, op. cit., n° 48 ad art. 68 LTF).
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Selon les règles générales de répartition de l'art. 106 CPC, qui valent tant pour les frais judiciaires que les dépens (cf. art. 95 al. 1 CPC), les frais sont mis à la charge de la partie qui succombe (al. 1). Lorsqu'aucune partie n'obtient entièrement gain de cause, les frais sont répartis selon le sort de la cause (al. 2).
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5.2.2. Dans la mesure où la décision attaquée a été réformée sur le fond, il convient de procéder à une nouvelle répartition des frais et dépens.
| 49 |
Devant les instances cantonales, la demanderesse a conclu au paiement de 50'000 fr., tandis que le défendeur concluait au rejet. La première obtient en définitive gain de cause sur le principe et, dans une large mesure, sur la quotité (31'500 fr.). Dans ces circonstances, il se justifie selon l'art. 106 al. 1 et 2 CPC d'imputer au défendeur 80% (soit quatre cinquièmes) des frais judiciaires, le solde de 20% (un cinquième) étant à la charge de la demanderesse. Telle est précisément la répartition opérée par l'autorité précédente, de sorte qu'il n'y a pas à modifier l'arrêt attaqué sur ce point.
| 50 |
La même clé de répartition (80%-20%) peut s'appliquer pour les dépens de première instance et d'appel, dont il convient de fixer le montant.
| 51 |
5.3. La fixation des dépens relève du tarif cantonal (art. 96 et 105 al. 2 CPC).
| 52 |
Selon le Règlement genevois fixant le tarif des frais en matière civile (RTFMC; RS/GE E 1 05.10), le défraiement d'un représentant professionnel est, en règle générale, proportionnel à la valeur litigieuse. Il est fixé d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur du travail et le temps employé (art. 84 RTFMC). Pour les affaires pécuniaires prévaut un tarif de base énoncé à l'art. 85 al. 1 RTFMC, dont le juge peut s'écarter de plus ou moins 10% pour tenir compte des critères énoncés ci-dessus. Dans les procédures d'appel ou de recours, l'art. 90 RTFMC prescrit de réduire en règle générale le défraiement d'un à deux tiers par rapport au tarif de l'art. 85.
| 53 |
Pour une valeur litigieuse comprise entre 40'001 fr. et 80'000 fr. le tarif prescrit un défraiement de 6'100 fr. plus 9% de la valeur litigieuse dépassant 40'000 fr.
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En l'occurrence, la valeur litigieuse est de 50'000 fr. Selon le tarif de base, le défraiement est de 7'000 fr. (6'100 fr. + [9% de 10'000 fr. = 900 fr.]). Ce montant apparaît adéquat au regard de l'importance de la cause, de ses difficultés, de l'ampleur du travail et du temps employé. Pour la procédure d'appel, il convient, sur le vu des questions examinées par la Cour de justice, de fixer le défraiement à deux tiers du montant alloué pour la première instance, soit 4'500 fr. (montant arrondi).
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5.4. En appliquant aux dépens la même clé de répartition que pour les frais judiciaires et en procédant à une compensation, il apparaît que le défendeur doit verser 3/5 de dépens à la demanderesse (4/5 - 1/5 = 3/5; cf. CORBOZ, op. cit., n° 42 ad art. 68 LTF), dont 4'200 fr. pour la procédure de première instance (3/5 de 7'000 fr.) et 2'700 fr. pour la procédure d'appel (3/5 de 4'500 fr.), soit au total
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6. Il résulte de ce qui précède que le recours doit être admis pour l'essentiel, la recourante obtenant partiellement gain de cause sur la question secondaire du montant des dépens. L'arrêt attaqué doit être réformé dans le sens des considérants qui précèdent (cf. consid. 4.6 et 5.4 supra).
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Vu l'issue du recours, les frais de la présente procédure seront mis à la charge du défendeur (art. 66 al. 1 LTF), qui versera en outre à la demanderesse une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est admis.
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2. L'arrêt attaqué est réformé en ce sens que le défendeur doit payer à la demanderesse le montant de 31'500 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 4 janvier 2014, à titre d'indemnité pour tort moral, ainsi que la somme de 6'900 fr. à titre de dépens de première et deuxième instances.
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3. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du défendeur.
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4. Le défendeur versera à la demanderesse une indemnité de 2'500 fr. à titre de dépens.
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5. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 24 avril 2018
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La présidente: Kiss
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La greffière: Monti
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