BGer 4A_569/2017 | |||
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BGer 4A_569/2017 vom 27.04.2018 |
4A_569/2017 |
Arrêt du 27 avril 2018 |
Ire Cour de droit civil | |
Composition
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Mmes les juges Kiss, présidente, Hohl et May Canellas.
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Greffier : M. Thélin.
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Participants à la procédure | |
X.________,
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représentée par Me Bénédict Fontanet,
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demanderesse et recourante,
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contre
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Z.________,
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défendeur et intimé.
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Objet
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bail à loyer; résiliation
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recours contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2017 par la
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Chambre des baux et loyers de la Cour de justice du canton de Genève
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(C/131/2017 ACJC/1229/2017).
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Considérant en fait et en droit : | |
1. Dès le 1er août 2013, Z.________ a pris à bail un appartement de deux pièces au quinzième étage d'un bâtiment d'habitation sis dans la commune d'Onex. Le 25 janvier 2015, sa future épouse a mis au monde leur enfant; les parents se sont mariés le 12 août suivant.
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Selon le contrôle de l'habitant, le locataire et sa famille n'ont jamais eu leur domicile dans cet appartement; ils habitent un autre appartement, dans le quartier des Eaux-Vives à Genève.
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Le 17 mai 2016, au motif que le locataire n'habitait pas son appartement à Onex et qu'il le sous-louait sans autorisation, la bailleresse X.________, a résilié le contrat avec effet au 30 juin 2016.
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2. Le 5 janvier 2017, usant de la procédure sommaire prévue par l'art. 257 CPC pour la solution rapide des cas clairs, la bailleresse a ouvert action contre le locataire devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. Le défendeur devait être condamné à évacuer et restituer l'appartement et la cave qui en dépend. L'exécution forcée, avec le concours de la force publique, devait être d'ores et déjà autorisée dès l'entrée en force du jugement.
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Le tribunal a tenu audience le 22 février 2017. Interrogé, le défendeur a contesté toute sous-location de l'appartement. A ses dires, il continuait de l'habiter. Il y avait emménagé avec sa future épouse dès le commencement du bail. Celle-ci et leur enfant l'avaient quitté après la naissance mais « il ne savait plus quand ». L'appartement était prétendument un logement de la famille soumis aux art. 266m et 266n CO; le défendeur concluait à l'irrecevabilité de la requête.
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Le tribunal s'est prononcé le 22 février 2017. Il a accueilli l'action, condamné le défendeur à évacuer l'appartement et autorisé l'exécution forcée conformément aux conclusions de la requête. Selon le jugement, le défendeur et son épouse semblent n'avoir jamais habité l'appartement et celui-ci n'est pas le logement de la famille.
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La Chambre des baux et loyers de la Cour de justice a statué le 2 octobre 2017 sur l'appel du défendeur. Elle a accueilli cet appel, annulé le jugement et déclaré irrecevable la requête introduite en procédure sommaire. La Cour retient que l'appartement est un logement de la famille selon les art. 266m et 266n CO. En vertu de cette seconde disposition, la résiliation du contrat devait être communiquée séparément au défendeur et à son épouse; parce que cette communication à l'épouse a été omise, le congé signifié le 16 mai 2016 est nul par l'effet de l'art. 266o CO.
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3. Agissant par la voie du recours en matière civile, la demanderesse saisit le Tribunal fédéral de conclusions tendant, dans leur substance, à la confirmation du jugement de première instance.
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Invité à répondre au recours, le défendeur n'a pas procédé.
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4. En matière de bail à loyer, la recevabilité du recours en matière civile suppose une valeur litigieuse de 15'000 fr. au moins (art. 74 al. 1 let. a LTF). Lorsque la contestation porte à titre préjudiciel sur la validité d'une résiliation de bail et à titre principal sur l'expulsion du locataire, la valeur litigieuse est égale au loyer de la période minimum pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle un nouveau congé peut être donné; il faut prendre ici en considération, s'il y a lieu, la période de protection de trois ans dès la fin de la procédure judiciaire qui est prévue par l'art. 271a al. 1 let. e CO (ATF 137 III 389 consid. 1.1 p. 390; 111 II 384 consid. 1 p. 386). En l'espèce, compte tenu d'un loyer annuel de 5'136 fr. pour l'appartement en cause, le minimum de 15'000 fr. est atteint.
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Les conditions de recevabilité du recours sont par ailleurs satisfaites.
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5. Selon la jurisprudence relative aux art. 169 CC, 266m et 266n CO, le logement de la famille est celui dans lequel des époux mariés, ou des partenaires enregistrés, avec ou sans enfants, habitent et ont le centre de leur vie de famille. Le logement perd son caractère familial en cas de dissolution définitive du mariage ou du partenariat, ou lorsque les deux époux ou partenaires renoncent à considérer ce logement comme familial, ou lorsqu'ils l'ont quitté, ou encore lorsqu'ils ont décidé de son attribution définitive à l'un d'eux. Le logement perd également son caractère familial lorsque l'époux ou le partenaire bénéficiaire de la protection légale quitte, de son propre chef, le logement de manière définitive ou pour une durée indéterminée. En cas de congé signifié par le bailleur, la double notification exigée par l'art. 266n CO a pour but de protéger le conjoint ou partenaire non titulaire du bail contre le risque de ne pas recevoir la notification et d'être en conséquence privé de toute possibilité de s'opposer au congé ou de demander une prolongation du contrat (ATF 139 III 7 consid. 2.3.1 p. 11).
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A teneur de l'art. 8 CC, chaque plaideur doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu'il allègue pour en déduire son droit. A quiconque excipe de la nullité d'un congé au motif que la double notification exigée par l'art. 266n CO a été omise, il incombe de prouver les faits dénotant que le logement en cause avait qualité de logement de la famille au moment de ce congé (même arrêt, consid. 2.2 p. 9).
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6. D'après les déclarations du défendeur à l'audience du Tribunal des baux et loyers, sa future épouse a habité l'appartement jusqu'à la naissance de leur enfant; elle l'a plus tard quitté à une date qu'il n'a pas indiquée. Le défendeur n'a donné, non plus, aucun renseignement sur les motifs de l'absence ni sur la perspective d'un éventuel retour. A supposer que ces déclarations soient tenues pour véridiques, elles n'établissent pas que l'appartement fût encore habité par les deux époux à la date du congé. Elles n'apportent donc pas la preuve de faits concluants au regard des art. 266m et 266n CO.
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7. Selon une contribution doctrinale, le caractère familial doit être reconnu à deux logements simultanément occupés, le cas échéant, par des époux ou partenaires lorsque des circonstances topiques justifient que le centre de leur vie de famille ne soit pas établi dans un logement unique (Muriel Barrelet, in Droit du bail à loyer, Bohnet/Montini, éd., 2010, n° 6 ad art. 266m CO). La Cour de justice mentionne cette contribution. Selon son appréciation juridique, « les éléments au dossier ne permettent pas de retenir avec certitude que [le défendeur et son épouse n'aient pas] convenu d'occuper simultanément les deux appartements pour des motifs qui ne ressortent pas de la procédure ». C'est ce raisonnement qui conduit la Cour à invalider le jugement du Tribunal des baux et loyers.
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Il n'est pas nécessaire de vérifier si des époux ou partenaires peuvent effectivement, en raison de circonstances topiques et au regard de l'art. 266m CO, avoir simultanément plusieurs logements de famille. De toute manière, lorsque le juge ne parvient pas à constater un fait dont dépend le droit litigieux, l'art. 8 CC lui impose de statuer au détriment de la partie qui aurait dû prouver ce même fait (ATF 126 III 189 consid. 2b p. 191/192; voir aussi ATF 143 III 1 consid. 4.1 i.f. p. 3; 132 III 689 consid. 4.5 p. 701/702; 129 III 18 consid. 2.6 p. 24). En l'espèce, selon l'arrêt de la Cour de justice, cette autorité n'est pas en mesure de constater des circonstances topiques propres à justifier, par hypothèse, que le défendeur et son épouse eussent simultanément un logement de famille à Onex et un autre à Genève. Or, la preuve de circonstances topiques incombait au défendeur. L'arrêt de la Cour de justice viole donc l'art. 8 CC en tant qu'il résout la contestation relative à l'art. 266n CO au détriment de la demanderesse plutôt que du défendeur. En conséquence de cette violation de la loi, le recours en matière civile doit être admis selon les conclusions soumises au Tribunal fédéral.
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8. A teneur des art. 66 al. 1 et 68 al. 1 LTF, les frais et dépens de l'instance fédérale doivent être imputés à la partie qui succombe. Selon la jurisprudence, la partie qui succombe à l'issue d'une procédure de recours est d'abord celle qui a pris des conclusions dans cette procédure et qui subit leur rejet (ATF 119 Ia 1 consid. 6b p. 3). Il s'agit aussi de la partie qui n'a pas pris de conclusions, en s'abstenant ou en omettant de procéder, ou en déclarant s'en remettre à justice, si la procédure de recours aboutit à l'annulation ou à la réforme d'une décision que cette partie a sollicitée et obtenue devant l'autorité précédente (ATF 128 II 90 consid. 2b et 2c p. 93; 123 V 156). Dans la présente contestation, la procédure aboutit à la réforme du jugement d'appel requis et obtenu par le défendeur. C'est pourquoi, à titre de partie qui succombe, celui-ci doit acquitter l'émolument à percevoir par le Tribunal fédéral et les dépens auxquels la demanderesse peut prétendre.
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Dans les deux instances cantonales, les tribunaux n'ont pas prélevé de frais judiciaires ni alloué de dépens. Il n'est donc pas nécessaire de renvoyer la cause à la Cour de justice en application de l'art. 68 al. 5 LTF.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est admis, l'arrêt de la Cour de justice est annulé et le jugement rendu le 22 février 2017 par le Tribunal des baux et loyers est confirmé.
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2. Le défendeur acquittera un émolument judiciaire de 2'000 francs.
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3. Le défendeur versera une indemnité de 2'500 fr. à la demanderesse, à titre de dépens.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice du canton de Genève.
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Lausanne, le 27 avril 2018
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La présidente : Kiss
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Le greffier : Thélin
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