BGer 6B_681/2018 | |||
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BGer 6B_681/2018 vom 07.08.2018 |
6B_681/2018 |
Arrêt du 7 août 2018 |
Cour de droit pénal | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Denys, Président,
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Oberholzer et Rüedi.
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Greffier : M. Graa.
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Participants à la procédure | |
Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3, 2000 Neuchâtel,
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recourant,
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contre
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X.________,
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représentée par Me Gabriele Beffa, avocat,
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intimée.
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Objet
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Arbitraire,
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recours contre le jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du 25 mai 2018 (CPEN.2017.42/ca).
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Faits : | |
A. Par ordonnance pénale du 24 février 2017, le Ministère public de la République et canton de Neuchâtel a condamné X.________, pour faux dans les titres et blanchiment d'argent, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à 20 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans.
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La prénommée ayant formé opposition contre cette ordonnance pénale, le ministère public a porté l'accusation devant le tribunal de première instance, l'ordonnance pénale tenant lieu d'acte d'accusation. Il était en substance reproché à X.________ d'avoir, entre 2012 et 2016, ouvert, de sa propre initiative ou sur demande de personnes connues sur Internet, divers comptes bancaires en Suisse et en France, d'en avoir communiqué les références aux personnes précitées et d'avoir accepté que les comptes en question soient utilisés afin d'y faire transiter des fonds d'origine illicite, ceux-ci étant ensuite reversés à l'étranger. Il lui était encore notamment reproché d'avoir, entre 2013 et 2014, acquis une carte "A.________", qui avait ensuite été remise à un inconnu se prénommant B.________, résidant à l'étranger, ladite carte ayant été rechargée par X.________ au moyen de fonds d'origine illicite. Cette dernière aurait par ailleurs envoyé, à diverses reprises, de l'argent à l'étranger par le biais de sociétés de transfert d'argent. Il était enfin reproché à X.________ d'avoir acquis, en janvier 2015, une carte C.________, d'avoir envoyé cette carte à un inconnu en Côte d'Ivoire, puis d'avoir, jusqu'à fin 2016, rechargé celle-ci avec de l'argent d'origine illicite provenant de l'étranger.
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B. Par jugement du 24 mai 2017, le Tribunal de police des Montagnes et du Val-de-Ruz a libéré X.________ des chefs de prévention de faux dans les titres et de blanchiment d'argent.
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C. Par jugement du 25 mai 2018, la Cour pénale du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel a rejeté l'appel formé par le ministère public contre ce jugement.
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D. Le Ministère public de la République et canton de Neuchâtel forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 25 mai 2018, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que X.________ est condamnée pour blanchiment d'argent et, subsidiairement, à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité inférieure pour nouvelle décision.
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Considérant en droit : |
Erwägung 1 | |
1.1. En application de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 3 LTF, l'accusateur public a qualité pour former un recours en matière pénale. Savoir quelle autorité au sein d'un canton constitue l'accusateur public est une question qui doit se résoudre à l'aune de la LTF. Ainsi, lorsqu'il existe un ministère public compétent pour la poursuite de toutes les infractions sur l'ensemble du territoire, seule cette autorité aura la qualité pour recourir au Tribunal fédéral. En revanche, savoir qui, au sein de ce ministère public, a la compétence de le représenter est une question d'organisation judiciaire, soit une question qui relève du droit cantonal (ATF 142 IV 196 consid. 1.5.2).
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1.2. Dans le canton de Neuchâtel, le ressort du ministère public s'étend au canton (art. 49 de la loi d'organisation judiciaire neuchâteloise [OJN/NE; RS/NE 161.1]). Le ministère public comprend un procureur général, qui dirige le ministère public, ainsi que des procureurs (art. 51 et 65 al. 1 OJN/NE). Le ministère public, malgré l'existence de parquets régionaux, ne connaît pas de morcellement territorial ou par matière. Le Ministère public de la République et canton de Neuchâtel, seul accusateur public, est par conséquent compétent pour recourir au Tribunal fédéral. Le point de savoir qui au sein de cette autorité est habilité à la représenter est réglé par le droit cantonal. Selon l'art. 35 al. 1 let. a de la loi neuchâteloise d'introduction du Code de procédure pénale suisse (LI-CPP/NE; RS/NE 322.0), le procureur général et le procureur qui a procédé en première instance ont qualité pour former recours.
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En l'occurrence, le recours a été formé et signé par un procureur du Ministère public neuchâtelois ayant pris part aux procédures de première et de deuxième instances cantonales. Il est donc recevable.
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2. Le recourant reproche à la cour cantonale de ne pas avoir condamné l'intimée pour blanchiment d'argent au motif que l'élément constitutif objectif de la provenance criminelle des valeurs patrimoniales litigieuses n'était pas réalisé. Dans son mémoire de recours, celui-ci soutient que lesdites valeurs patrimoniales auraient une origine criminelle, en mélangeant des arguments portant sur l'établissement des faits et sur l'application de l'art. 305bis CP.
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Il convient d'examiner tout d'abord si l'autorité précédente pouvait, sans arbitraire, retenir que les valeurs patrimoniales litigieuses n'avaient pas une provenance criminelle.
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2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244). Le Tribunal fédéral n'entre ainsi pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368).
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2.2. La cour cantonale a exposé que l'intimée, qui émargeait à l'aide sociale, avait fait transiter, sur ses comptes, des sommes totales de 48'271 fr. et 128'200 EUR, et qu'elle avait rechargé une "A.________" d'un montant total de 23'678 EUR 85, argent qui avait ensuite été adressé, à des fins d'utilisation, à un inconnu se prénommant B.________ et résidant à l'étranger. L'intimée avait également fait virer deux montants à l'étranger par le biais de sociétés de transfert d'argent, soit 1'455 fr., le 8 octobre 2013, à un dénommé D.________, ainsi que 3'500 EUR, le 4 juillet 2013, à un certain E.________. Selon l'autorité précédente, il était possible et même probable que les sommes d'argent ayant transité sur les comptes de l'intimée provinssent d'infractions pénales. Le contexte dans lequel les opérations bancaires avaient eu lieu faisait penser à des "arnaques", par lesquelles des sommes d'argent provenant de la commission d'infractions étaient blanchies en passant par les comptes bancaires ou postaux de personnes financièrement démunies, avant d'être réexpédiées à l'étranger, notamment en Afrique. Il convenait en outre de relever l'absence de justificatifs lors des versements d'argent sur les comptes bancaires de l'intimée et la remise, par cette dernière, de fausses pièces à la banque, éléments qui faisaient naître des soupçons sur la licéité des transactions. Toutefois, il n'était pas établi que les montants en question eussent provenu d'une infraction pénale non prescrite. Le recourant n'avait pas fait entendre, par commission rogatoire, en Belgique, en France et éventuellement au Canada, les personnes qui avaient expédié de l'argent sur les comptes de l'intimée. De telles démarches auraient pourtant permis d'obtenir des renseignements sur ces individus, d'établir l'origine et l'objet des versements douteux et de dire si ceux-ci étaient les auteurs ou les victimes d'infractions. Une commission rogatoire aurait également permis de déterminer si une plainte ou une instruction pénale avait été ouverte dans les pays concernés, en lien avec les versements opérés sur les comptes de l'intimée. Il n'était, selon la cour cantonale, pas possible de retenir que les fonds provenaient d'une infraction, notamment contre le patrimoine, comme l'avait soutenu le recourant.
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2.3. Le recourant développe une argumentation purement appellatoire et, partant, irrecevable, par laquelle il se contente d'affirmer que les fonds litigieux seraient "manifestement d'origine illicite". Il relève en outre divers éléments, qui ont d'ailleurs été rappelés par la cour cantonale, laissant selon lui penser que les sommes en question auraient une "origine illicite". Ce faisant, il ne démontre aucunement en quoi il aurait été arbitraire, pour la cour cantonale, de ne pas retenir que ces montants étaient d'origine illicite.
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De toute manière, pour retenir la réalisation d'une infraction de blanchiment d'argent au sens de l'art. 305bis CP, la jurisprudence exige que le fait que les valeurs patrimoniales concernées proviennent d'un crime soit établi (cf. ATF 138 IV 1 consid. 4.2.2 p. 5). Or, le recourant ne démontre aucunement qu'un crime serait à l'origine des sommes litigieuses. Il se contente en effet d'émettre de pures conjectures, en affirmant que la Côte d'Ivoire serait notoirement connue pour être un pays de destination de sommes provenant d'escroqueries commises en Europe et que les montants concernés seraient "de toute évidence" le produit d'infractions contre le patrimoine, telles que l'escroquerie et l'abus de confiance. Au-delà de ces suppositions, le recourant n'avance aucun élément permettant de comprendre quel crime pourrait avoir été commis, par qui, où et quand. Dans ces conditions, on voit mal comment la cour cantonale aurait pu verser dans l'arbitraire en ne retenant pas qu'un crime avait été commis afin de générer les sommes transmises par la suite à l'intimée. On ne perçoit pas non plus comment l'autorité précédente aurait pu, cas échéant, vérifier dans un second temps si ce crime - indéterminé - permettait en définitive une application de l'art. 305bis CP.
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Compte tenu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas versé dans l'arbitraire en retenant que les valeurs patrimoniales litigieuses ne provenaient pas d'un crime. Le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
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3. Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Il n'y a pas lieu de percevoir des frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). L'intimée, qui n'a pas été invitée à se déterminer, ne saurait prétendre à des dépens.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.
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Lausanne, le 7 août 2018
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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Le Greffier : Graa
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