BGer 6B_1003/2017 | |||
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BGer 6B_1003/2017 vom 20.08.2018 |
6B_1003/2017 |
Arrêt du 20 août 2018 |
Cour de droit pénal | |
Composition
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M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Jametti.
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Greffier : M. Vallat.
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Participants à la procédure | |
X.________,
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représenté par Me Elie Elkaim, avocat,
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recourant,
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contre
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1. Ministère public central du canton de Vaud,
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2. A.________ SA,
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3. B.________ SA,
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toutes les deux représentées par
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Me Nicolas Gillard, avocat,
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intimés.
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Objet
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Ordonnance de classement (calomnie, injure, tentative de menaces alarmant la population, etc.),
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recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale, du 31 août 2017 (n° 501 PE16.014792-BUF).
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Faits : | |
A. A la suite d'une dénonciation déposée le 15 juillet 2016 par le Département vaudois du territoire et de l'environnement, le Ministère public central du canton de Vaud, Division affaires spéciales, a ouvert une instruction pénale [PE16.014792-BUF] portant sur des cas potentiels de pollution à large échelle commis par des entreprises de A.________ SA - dont la société B.________ SA - dans une ancienne décharge dépolluée de C.________, dans une décharge de D.________ et sur plusieurs chantiers dans les cantons de Vaud et Genève.
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Le 8 février 2017, alors que l'enquête précitée était en cours, l'Etat de Vaud a déposé une seconde dénonciation en lien avec plusieurs courriers envoyés par un lanceur d'alerte anonyme entre fin 2016 et début 2017 à des journalistes et élus politiques, concernant les faits visés par la procédure PE16.014792-BUF. Ce lanceur d'alerte, identifié par la suite comme étant X.________, dénonçait l'attitude adoptée par les services de l'Etat au sujet des activités de A.________ SA à C.________. Le 13 mars 2017, le Ministère public central a ouvert une instruction pénale [PE17.002740-BUF] contre X.________ pour calomnie, subsidiairement diffamation, injure et tentative de menaces alarmant la population, en raison de la teneur d'un des courriers envoyés en tant que lanceur d'alerte.
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Par ordonnance du 22 mai 2017, le Ministère public central a ordonné le classement de la procédure pénale PE16.014792-BUF, a levé le séquestre portant sur des classeurs et boîtes d'archives saisis au cours d'une perquisition effectuée le 27 septembre 2016 et ordonné la restitution de cette documentation à A.________ SA. Dite ordonnance n'a pas été notifiée à X.________.
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B. Par arrêt du 31 août 2017, saisie par X.________ d'un recours dirigé contre l'ordonnance du 22 mai 2017, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a déclaré irrecevable, cette issue rendant sans objet la requête de jonction formulée par l'intéressé.
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C. Par actes des 13 septembre et 9 octobre 2017, X.________ interjette un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Il conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à la réforme de la décision entreprise en ce sens que l'ordonnance de classement du 22 mai 2017 est annulée et la cause renvoyée au Ministère public central pour nouvelle instruction et jonction avec la cause PE17.002740-BUF. A titre subsidiaire, il demande l'annulation de la décision querellée et le renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
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La requête provisionnelle d'effet suspensif présentée par X.________ en relation avec la restitution anticipée des documents séquestrés a été admise par ordonnance du 31 octobre 2017. Par ordonnance du 7 décembre 2017, la requête de suspension de la procédure présentée par l'intéressé a été rejetée.
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Les intimées ont déposé des déterminations spontanées.
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Considérant en droit : | |
1. Les déterminations déposées par les intimées sans avoir été invitées à procéder sont irrecevables.
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2. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 138 III 46 consid. 1 p. 46).
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La décision entreprise déclare irrecevable le recours formé par X.________ contre l'ordonnance du 22 mai 2017. Seule peut faire l'objet du recours en matière pénale cette question de procédure, en relation, d'une part, avec le classement de la procédure pénale et, d'autre part, avec le refus de joindre à la cause PE16.014792-BUF la procédure PE17.002740-BUF. En tant qu'il se plaint d'avoir été empêché de participer à la procédure cantonale (cf. art. 81 al. 1 let. a LTF) et demande, à titre subsidiaire, que la cour cantonale rende une nouvelle décision, le recourant a, par ailleurs, qualité pour contester l'irrecevabilité de son recours.
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Dans la mesure où elles tendent, principalement, à l'annulation du classement et au renvoi de la cause au Ministère public, les conclusions du recourant sont, en revanche, irrecevables faute de décision de dernière instance cantonale sur ce point (art. 80 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'examiner les développements présentés à l'appui de ces conclusions.
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3. Quant à la recevabilité du recours interjeté devant elle, la cour cantonale a retenu que le recourant n'avait pas été entendu dans l'enquête et n'avait pas été directement et personnellement touché par des actes d'instruction, tels un séquestre ou une mesure de contrainte de la part du procureur ou d'une partie. Son rôle était indirect puisqu'il avait agi comme lanceur d'alerte anonyme auprès de divers journalistes et élus politiques. En outre, le simple fait d'alléguer un risque pour sa santé ou pour sa vie, risque tout théorique, ne pouvait suffire à faire de lui un tiers touché par les actes de la procédure. Le recourant avait certes fait l'objet de l'enquête PE17.002740-BUF, instruite par le même procureur, notamment pour avoir alarmé faussement d'un danger pour la santé. Toutefois, contrairement à ce qu'il affirmait, il pourrait se défendre dans le cadre de cette autre enquête et notamment faire la preuve de la vérité dans cette procédure s'il y était autorisé, voire apporter la preuve de sa bonne foi. Le recourant ne pouvait donc fonder sa qualité pour recourir sur le seul motif que le classement ordonné dans la procédure PE16.014792-BUF ne l'autoriserait pas à faire la preuve de la vérité de ses allégations. Enfin, il ne pouvait rien déduire en sa faveur des principes généraux de la CEDH invoqués puisqu'il pourrait bénéficier des garanties d'un procès équitable et faire respecter ses droits dans le cadre de l'enquête qui le vise directement.
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4. Le recourant soutient que la décision entreprise viole le droit fédéral (art. 382 al. 1 et art. 105 al. 1 let. f CPP) et international (art. 2, 6, 8 et 13 CEDH). Il souligne qu'un tiers dont les droits (les droits et libertés fondamentaux notamment) sont touchés directement par des actes de procédure doit se voir reconnaître la qualité de partie, soit le droit d'être entendu dans la procédure et de recourir. Il oppose à l'argumentation de la cour cantonale que les faits objets des deux procédures sont " plus qu'en connexité ". Le classement de la première procédure condamnerait le recourant dans celle le concernant, ce qui contreviendrait à sa présomption d'innocence. Ses droits à une défense équitable (égalité des armes, droit d'être entendu, présomption d'innocence et droit à une défense efficace) seraient atteints. La fausseté de ses déclarations (cf. art. 258 CP) serait ainsi déjà établie dans une procédure parallèle à laquelle il n'a pas eu la possibilité de participer. La faculté d'apporter la preuve de la vérité (cf. art. 173 al. 2 CP) resterait théorique et ne lui serait d'aucune utilité dès lors que les infractions de calomnie et de menaces alarmant la population lui sont aussi reprochées.
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4.1. Il est tout d'abord douteux que la seule énumération de diverses dispositions de la CEDH, en l'absence de tout développement précis quant au droit dont la violation est invoquée, réponde aux exigences de motivation accrues déduites de l'art. 106 al. 2 LTF. En effet, conformément à cette disposition, un tel moyen doit être invoqué et motivé par le recourant, soit avoir été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée (ATF 142 III 364 consid. 2.4 p. 368). Ce point formel souffre toutefois de demeurer indécis.
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4.2. Selon une jurisprudence déjà ancienne, le jugement rendu à l'égard de la personne dénoncée a autorité de chose jugée dans la cause du dénonciateur. S'il a été constaté par ordonnance de non-lieu [actuellement: ordonnance de classement] que la personne dénoncée n'a pas commis les faits que le dénonciateur lui imputait, le juge appelé à statuer sur le crime de dénonciation calomnieuse est, sauf faits ou moyens de preuve nouveaux, lié par cette constatation. Cette solution ne compromet pas les intérêts du dénonciateur, à qui il reste loisible d'exciper de sa bonne foi (cf. ATF 72 IV 74 consid. 1). Réexaminant ces principes à l'aune des critiques formulées en doctrine, la jurisprudence plus récente a souligné que le juge appelé à statuer sur le crime de dénonciation calomnieuse n'est lié qu'aux décisions renfermant une constatation sur l'imputabilité d'une infraction pénale à la personne dénoncée, à l'exclusion du classement en opportunité et des cas visés par l'ancien art. 66
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En se bornant à mettre en évidence la connexité des faits objets des deux procédures, l'effet de la décision de classement relative à l'infraction dénoncée dans la procédure portant sur la dénonciation calomnieuse, ainsi que l'absence de possibilité d'apporter la preuve de la vérité dans le cadre de l'art. 303 CP, tout en soulignant n'avoir pu participer et s'exprimer sur le fond de la présente procédure, le recourant ne développe aucune argumentation susceptible de justifier un réexamen de la jurisprudence précitée, qui répond à l'essentiel de ses objections.
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4.3. Par ailleurs, si le dénonciateur peut participer à la procédure (cf. art. 105 al. 1 let. b CPP), il ne peut prétendre y exercer des droits qu'autant qu'il est lésé ou s'est constitué partie plaignante (art. 301 al. 3 CPP). Comme l'a souligné la cour cantonale, le recourant n'ayant agi que de manière anonyme et indirecte (en alertant des journalistes et des élus politiques), il n'y a aucune raison de lui reconnaître des droits en procédure plus étendus que ceux du simple dénonciateur, cependant que, pour les motifs exposés ci-dessus, il n'y a pas lieu non plus de le considérer comme un tiers touché par un acte de procédure au sens de l'art. 105 al. 1 let. f CPP. L'argumentation du recourant ne démontre donc pas non plus une violation des art. 105 et 382 al. 1 CPP.
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4.4. Pour le surplus, il suffit de souligner que l'infraction prévue par l'art. 258 CP (menaces alarmant la population) suppose, lorsque la communication de l'auteur ne suggère pas que la réalisation de l'événement préjudiciable dépendrait de son pouvoir (hypothèse de la menace; cf. ATF 106 IV 125 consid. 2a p. 128), qu'il communique une information
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5. Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Le recourant succombe. Il supporte les frais de la procédure (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
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Lausanne, le 20 août 2018
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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Le Greffier : Vallat
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