BGer 6B_47/2018 | |||
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BGer 6B_47/2018 vom 20.09.2018 |
6B_47/2018 |
Arrêt du 20 septembre 2018 |
Cour de droit pénal | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président, Jacquemoud-Rossari et Oberholzer.
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Greffier : M. Tinguely.
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Participants à la procédure | |
X.________,
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représenté par Me Boris Schepard, avocat,
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recourant,
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contre
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1. Ministère public de la République et canton du Jura,
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2. A.________ AG,
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intimés.
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Objet
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Vol et dommages à la propriété; présomption d'innocence; droit fondamentaux (célérité, droit d'être entendu, droit de la défense),
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recours contre le jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Jura du 27 novembre 2017 (CP 30 / 2017).
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Faits : |
A. | |
A.a. Dans la nuit du 6 au 7 janvier 2012, un distributeur automatique de boissons installé sur le quai de la gare de B.________ a été endommagé et diverses marchandises, ainsi que le contenu du monnayeur, ont été dérobés. Des traces ADN ont été découvertes sur le goulot d'une bouteille de soda qui avait été retrouvée, partiellement consommée, au pied de l'automate vandalisé. Examinées par le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML), les traces correspondaient aux profils ADN de X.________ et de C.________, qui étaient des amis de longue date.
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A.b. Par ordonnances pénales rendues le 10 août 2016 respectivement contre X.________ et C.________, le Ministère public de la République et canton du Jura les a reconnus coupables de vol et de dommages à la propriété.
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Contrairement à C.________, X.________ a formé opposition contre l'ordonnance pénale le visant. Le ministère public ayant décidé de maintenir son ordonnance, il a transmis le dossier au tribunal de première instance en vue des débats.
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A.c. Par jugement du 31 mai 2017, le Juge pénal du Tribunal de première instance de la République et canton du Jura a condamné X.________ pour vol et dommages à la propriété à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 20 fr., avec sursis pendant 2 ans, ainsi qu'à une amende de 120 francs.
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B. Statuant le 27 novembre 2017, la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien a rejeté l'appel formé par X.________ contre ce jugement.
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La cour cantonale a estimé que les traces ADN relevées ne permettaient pas à elles seules d'établir que le prévenu était l'auteur des faits dénoncés. En revanche, l'impossibilité pour le recourant de fournir une explication cohérente et vraisemblable à propos de la présence de son profil ADN sur la bouteille retrouvée au pied du distributeur dévalisé ne pouvait pas s'expliquer autrement que par sa participation, en tant que coauteur, aux délits commis dans la nuit du 6 au 7 janvier 2012.
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C. X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre ce jugement. Il conclut, avec suite de frais et dépens, à son acquittement. Il sollicite en outre le bénéfice de l'assistance judiciaire.
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D. Invités à se déterminer, le ministère public a conclu au rejet du recours, tandis que la Cour pénale du Tribunal cantonal et A.________ AG n'ont pas déposé d'observations.
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Considérant en droit : | |
1. Se prévalant d'une violation de sa présomption d'innocence, le recourant conteste avoir commis les faits dénoncés.
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1.1. La présomption d'innocence, garantie par les art. 14 par. 2 Pacte ONU, 6 par. 2 CEDH, 32 al. 1 Cst. et 10 CPP, ainsi que son corollaire, le principe in dubio pro reo, concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves.
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En tant que règle relative au fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie que toute personne prévenue d'une infraction pénale doit être présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité soit légalement établie et, partant, qu'il appartient à l'accusation de prouver la culpabilité de l'intéressé. La présomption d'innocence est violée si le juge du fond condamne l'accusé au motif que son innocence n'est pas établie, s'il a tenu la culpabilité pour établie uniquement parce que le prévenu n'a pas apporté les preuves qui auraient permis de lever les doutes quant à son innocence ou à sa culpabilité ou encore s'il a condamné l'accusé au seul motif que sa culpabilité est plus vraisemblable que son innocence. En revanche, l'absence de doute à l'issue de l'appréciation des preuves exclut la violation de la présomption d'innocence en tant que règle sur le fardeau de la preuve (arrêt 6B_804/2017 du 23 mai 2018 consid. 2.2.3.3 destiné à la publication). Il n'y a pas non plus de renversement du fardeau de la preuve lorsque l'accusé refuse sans raison plausible de fournir des explications rendues nécessaires par des preuves à charge. Son silence peut alors permettre, par un raisonnement de bon sens conduit dans le cadre de l'appréciation des preuves, de conclure qu'il n'existe pas d'explication à décharge et que l'accusé est coupable (cf. arrêt 6B_748/2009 du 2 novembre 2009 consid. 2.1).
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Comme principe présidant à l'appréciation des preuves, la présomption d'innocence se confond avec l'interdiction générale de l'arbitraire, prohibant une appréciation reposant sur des preuves inadéquates ou sans pertinence (arrêt 6B_804/2017 précité consid. 2.2.3.1 destiné à la publication; ATF 138 V 74 consid. 7 p. 82).
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1.2. En l'espèce, le recourant fait grief à la cour cantonale d'avoir renversé le fardeau de la preuve. Il lui reproche, à défaut d'autres indices, de l'avoir condamné faute pour lui d'avoir été en mesure de se souvenir des circonstances dans lesquelles il avait partagé une bouteille de soda avec son ami C.________.
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1.2.1. La cour cantonale a certes considéré que les diverses explications fournies par le recourant étaient "totalement invraisemblables" (cf. jugement entrepris, p. 4). Il en allait ainsi lorsqu'il prétendait qu'il avait probablement partagé une bouteille de soda avec C.________ avant le 6 janvier 2012 lors d'un trajet en voiture ou qu'un tiers mal intentionné avait peut-être déposé la bouteille sur le lieu du délit dans le but de lui nuire.
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Ces explications ne constituaient cependant que des hypothèses avancées par le recourant, qui avait expliqué ne pas se souvenir de son emploi du temps au moment des faits. Il n'est ainsi pas exclu que cette absence de souvenirs traduisait, outre l'éventuelle implication du recourant dans les faits dénoncés, l'impossibilité pour ce dernier de se remémorer de ses occupations à une date précise plusieurs années auparavant, étant observé qu'il avait été entendu pour la première fois le 22 janvier 2015, soit plus de trois ans après les faits qui lui étaient reprochés.
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Cela étant, dans la mesure où la cour cantonale a estimé que la seule présence de l'ADN du recourant sur la bouteille retrouvée au pied de l'automate dévalisé ne suffisait pas à établir que celui-ci était l'auteur des faits dénoncés (cf. jugement entrepris, p. 5), elle ne pouvait pas, sauf à renverser le fardeau de la preuve, acquérir la conviction de sa culpabilité en se fondant sur l'incapacité de l'intéressé de fournir une explication sur les raisons de la présence de son profil ADN à proximité du lieu du délit. Une telle démarche revient en effet à établir la culpabilité du recourant uniquement parce qu'il n'a pas été en mesure d'apporter la preuve de son innocence, sans que l'on puisse retenir, au vu notamment du temps écoulé depuis les faits, que cette incapacité traduise un refus de fournir des explications rendues nécessaires par des preuves suffisamment à charge quant à sa participation aux dommages causés au distributeur et à la soustraction des marchandises qui s'y trouvaient. Ce renversement du fardeau de la preuve procède d'une violation de la présomption d'innocence du recourant.
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Au demeurant, la cour cantonale ne saurait fonder la culpabilité de l'intéressé par le fait que son ami C.________ ne s'était pas opposé à sa condamnation par ordonnance pénale. Dans la mesure où ce dernier avait également nié être impliqué dans les dommages causés au distributeur et le vol des marchandises (cf. jugement entrepris, p. 5), elle ne pouvait rien déduire de son absence de réaction après la notification d'une ordonnance pénale. Les antécédents pénaux du recourant ne permettent non plus de se convaincre de son implication dans les faits dénoncés.
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1.3. Le bien-fondé du grief conduit à l'admission du recours, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs développés par le recourant. Le jugement attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Il résulte toutefois des développements qui précèdent qu'à défaut d'autres indices quant à sa culpabilité, le recourant devra être acquitté.
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2. Le recourant, qui obtient gain de cause, ne supportera pas de frais judiciaires. Il peut prétendre à une indemnité de dépens, à la charge du canton du Jura. La demande d'assistance judiciaire devient ainsi sans objet (art. 64 al. 1 LTF). Il est statué sans frais.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est admis, le jugement attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
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2. Le canton du Jura versera au recourant une indemnité de 3000 fr. à titre de dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral.
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3. La demande d'assistance judiciaire est sans objet.
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4. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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5. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Jura.
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Lausanne, le 20 septembre 2018
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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Le Greffier : Tinguely
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