BGer 6F_14/2018 | |||
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BGer 6F_14/2018 vom 20.09.2018 |
6F_14/2018 |
Arrêt du 20 septembre 2018 |
Cour de droit pénal | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Denys, Président,
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Oberholzer et Rüedi.
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Greffier : M. Graa.
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Participants à la procédure | |
1. A.________,
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2. B.________,
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3. C.________,
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4. D.________,
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5. E.________,
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tous représentés par Me Julien Gafner, avocat,
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requérants,
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contre
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1. Ministère public central du canton de Vaud,
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2. X.________,
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représentée par Me Roland Burkhard, avocat,
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3. Y.________,
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intimés,
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Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale,
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Objet
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Demande de révision de l'arrêt du Tribunal fédéral suisse du 11 mai 2018 (6B_316/2018 [Arrêt n° 83 PE15.013067-MMR]).
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Faits : | |
A. Par ordonnance du 9 octobre 2017, le Ministère public de l'arrondissement de La Côte a classé la procédure pénale dirigée contre X.________ et Y.________, pour calomnie, subsidiairement diffamation, à la suite des plaintes déposées par F.________, A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________.
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B. Par arrêt du 1er février 2018, la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours de F.________, ainsi que celui formé par A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________ contre l'ordonnance du 9 octobre 2017.
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C. A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________ ont formé un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 1er février 2018, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens que la cause est renvoyée au ministère public en vue de la mise en accusation de X.________ et Y.________. Subsidiairement, ils ont conclu à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
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Par arrêt du 11 mai 2018 (6B_316/2018), le Président de la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours formé par A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________ contre l'arrêt du 1er février 2018.
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D. Par arrêt du 28 juin 2018 (6B_334/2018), le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours formé par F.________ contre l'arrêt du 1er février 2018.
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E. A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________ requièrent la révision de l'arrêt 6B_316/2018. Ils concluent, avec suite de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt 6B_316/2018 et à ce que leur recours formé contre l'arrêt de la cour cantonale du 1er février 2018 soit déclaré recevable.
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Considérant en droit : | |
1. Les requérants se prévalent du motif de révision prévu à l'art. 121 let. d LTF.
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1.1. Aux termes de l'art. 121 let. d LTF, la révision d'un arrêt du Tribunal fédéral peut être demandée si, par inadvertance, le tribunal n'a pas pris en considération des faits pertinents qui ressortent du dossier. Ce motif de révision correspond à celui que prévoyait l'art. 136 let. d OJ, de sorte que la jurisprudence relative à cette norme conserve toute sa valeur (arrêts 6F_2/2018 du 16 août 2018 consid. 1.1; 6F_3/2012 du 16 mars 2012 consid. 2.1; 6F_14/2010 du 20 juin 2011 consid. 1 et les références citées). Il y a inadvertance, au sens de l'art. 121 let. d LTF, lorsque le tribunal a omis de prendre en considération une pièce déterminée, versée au dossier, ou l'a mal lue, s'écartant par mégarde de sa teneur exacte, en particulier de son vrai sens littéral; cette notion se rapporte au contenu même du fait, et non à son appréciation juridique. Par ailleurs, ce motif de révision ne peut être invoqué que si les faits qui n'ont pas été pris en considération sont "importants" : il doit s'agir de faits pertinents, susceptibles d'entraîner une décision différente de celle qui a été prise et plus favorable au requérant (ATF 122 II 17 consid. 3 p. 18; arrêt 6F_9/2018 du 29 mars 2018 consid. 3.3). Ainsi, le tribunal commet une inadvertance s'il ignore ou déforme involontairement une constatation de fait qui le lie ou s'il transcrit incomplètement une pièce du dossier et se met en contradiction avec celle-ci (arrêt 6F_9/2018 précité consid. 3.3).
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Selon l'art. 124 al. 1 let. b LTF, la demande de révision doit être présentée dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt. Ce délai est observé en l'espèce. Si le Tribunal fédéral admet le motif de révision invoqué, il annule l'arrêt et statue à nouveau (art. 128 al. 1 LTF). Il est possible que son nouvel arrêt le conduise à une décision semblable, dans son résultat, à celle annulée (arrêt 4F_5/2010 du 9 août 2010 consid. 1).
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1.2. En l'espèce, le Tribunal fédéral a statué sur le recours des intéressés en se fondant sur le mémoire de recours du 16 mars 2018. Comme cette écriture ne comprenait aucun développement relatif à la qualité pour recourir - au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF -, le Tribunal fédéral a considéré que ceux-ci n'avaient pas la qualité pour recourir sur le fond de la cause. En l'absence d'autre fondement pour un recours en matière pénale, il a ainsi déclaré le recours irrecevable.
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Ce faisant, le Tribunal fédéral a, par inadvertance, omis de tenir compte d'un mémoire complétif daté du 19 mars 2018, lui ayant été adressé durant le délai de recours, qui consacrait quant à lui quelques développements à la qualité pour recourir des requérants selon l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF. Cette inadvertance a directement influencé la décision s'agissant de la recevabilité du recours contre l'arrêt du 1er février 2018. Il s'impose donc d'admettre la demande de révision et d'annuler l'arrêt du 11 mai 2018 (6B_316/2018).
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2. Il incombe donc au Tribunal fédéral de vérifier à nouveau la recevabilité du recours en matière pénale formé contre l'arrêt de la cour cantonale du 1er février 2018.
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2.1. Selon l'art. 81 al. 1 let. a et b ch. 5 LTF, la partie plaignante qui a participé à la procédure de dernière instance cantonale est habilitée à recourir au Tribunal fédéral si la décision attaquée peut avoir des effets sur le jugement de ses prétentions civiles. Constituent de telles prétentions celles qui sont fondées sur le droit civil et doivent en conséquence être déduites ordinairement devant les tribunaux civils. Il s'agit principalement des prétentions en réparation du dommage et du tort moral au sens des art. 41 ss CO (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4). En vertu de l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir. Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles. Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le ministère public qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 141 IV 1 consid. 1.1 p. 4 et les références citées).
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Les mêmes exigences sont requises à l'égard de celui qui se plaint d'infractions attentatoires à l'honneur (arrêt 6B_94/2013 du 3 octobre 2013 consid. 1.1). N'importe quelle atteinte légère à la réputation professionnelle, économique ou sociale d'une personne ne justifie pas une réparation. L'allocation d'une indemnité pour tort moral fondée sur l'art. 49 al. 1 CO suppose que l'atteinte présente une certaine gravité objective et qu'elle ait été ressentie par la victime, subjectivement, comme une souffrance morale suffisamment forte pour qu'il apparaisse légitime qu'une personne dans ces circonstances s'adresse au juge pour obtenir réparation (cf. arrêts 6B_488/2018 du 17 juillet 2018 consid. 2.1; 6B_185/2013 du 22 janvier 2014 consid. 2.2 et les références citées).
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2.2. En l'espèce, dans le mémoire complétif du 19 mars 2018, A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________ indiquent avoir subi "un préjudice" et annoncent qu'ils entendent chacun réclamer une indemnité pour tort moral d'un montant minimal de 3'000 fr. à X.________ et d'un montant minimal de 500 fr. à Y.________. Ils ajoutent qu'ils auront chacun une "prétention en indemnisation [des] frais de défense à l'encontre des intimées".
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Selon une jurisprudence bien établie, les prétentions évoquées par les recourants concernant leurs dépens ne constituent pas des prétentions civiles au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF (cf. arrêts 6B_114/2018 du 31 juillet 2018 consid. 1.2; 6B_504/2018 du 27 juillet 2018 consid. 2.1).
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Pour le reste, les recourants ne fournissent aucune précision concernant un éventuel tort moral subi. Ils n'allèguent aucunement - et cela ne ressort pas de l'arrêt attaqué - avoir enduré une souffrance morale justifiant réparation par voie judiciaire. Les recourants n'exposent pas avoir, individuellement, souffert particulièrement de l'un ou l'autre des propos dont ils se plaignent, ni ne prétendent que ceux-ci leur auraient causé un quelconque tourment ou désagrément - dans la vie privée ou professionnelle - ou encore nécessité un soutien médical ou psychologique. On peut d'ailleurs relever que les cinq recourants - malgré les liens divers existant avec X.________ et Y.________ et nonobstant le fait que les propos litigieux ne les eussent pas tous désignés de la même manière, voire ne les eussent pas tous directement concernés - formulent des prétentions en tort moral identiques.
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Il apparaît au demeurant que les propos litigieux, tenus tant par X.________ que par Y.________, l'ont été essentiellement dans le cadre de la procédure de mesures protectrices de l'union conjugale opposant la première nommée à F.________, ou devant des autorités judiciaires. Les recourants n'expliquent pas dans quelle mesure ces allégations ou déclarations auraient pu porter atteinte à leur réputation professionnelle, économique ou sociale. Les plaintes déposées concernaient par ailleurs un témoignage de X.________ mis en ligne sur le site Internet de l'Eglise G.________, mentionnant un nommé "F.________". Le Tribunal fédéral a estimé que les propos en question ne pouvaient porter atteinte à l'honneur de F.________, dès lors que ce dernier n'était pas reconnaissable (cf. arrêt 6B_334/2018 précité consid. 2.3.2). Partant, on ne voit pas - et les recourants ne le précisent pas - dans quelle mesure ceux-ci, soit des parents de F.________, pourraient prétendre à une réparation d'un tort moral en relation avec le témoignage précité.
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Enfin, dans la mesure où les recourants affirment que X.________ aurait cherché à déclencher contre eux une procédure pénale concernant des activités liées au terrorisme et où ils prétendent qu'une enquête en la matière "aurait eu des conséquences irrémédiables et dévastatrices" pour eux, ils admettent implicitement que ces conséquences ne sont pas survenues. On ne voit pas non plus, sur ce point, en quoi les intéressés auraient pu subir une atteinte justifiant une réparation fondée sur l'art. 49 al. 1 CO.
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Compte tenu de ce qui précède, à défaut d'explications suffisantes, les recourants ne démontrent pas en quoi la décision du 1er février 2018 pourrait avoir des effets sur le jugement de leurs prétentions civiles. Ils n'ont donc pas la qualité pour recourir sur le fond de la cause au sens de l'art. 81 al. 1 let. b ch. 5 LTF.
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2.3. Dans l'arrêt du 11 mai 2018 (6B_316/2018), le Tribunal fédéral avait constaté que les recourants ne pouvaient fonder leur qualité pour recourir sur l'art. 81 al. 1 let. b ch. 6 LTF et qu'ils ne faisaient par ailleurs valoir aucune violation de leurs droits de parties pouvant être séparée du fond de la cause (consid. 2.2 et 2.3). Dès lors que le mémoire complétif du 19 mars 2018 - dont il n'avait alors pas été tenu compte - ne comprend, sur ces aspects, aucun développement qui ne figurait pas déjà dans le mémoire de recours du 16 mars 2018, il n'y a pas lieu d'y revenir.
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3. Compte tenu de ce qui précède, la demande de révision doit être admise (cf. consid. 1.2 supra). Il ne sera pas perçu, à cet égard, de frais judiciaires. La caisse du Tribunal fédéral versera aux requérants une indemnité pour leurs dépens dans la procédure de révision. Elle leur restituera par ailleurs les frais judiciaires perçus en exécution de l'arrêt du 11 mai 2018 (6B_316/2018).
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Le recours en matière pénale formé contre l'arrêt de la cour cantonale du 1er février 2018 est irrecevable (cf. consid. 2 supra). Les recourants, qui succombent, supporteront les frais judiciaires y relatifs (art. 66 al. 1 LTF). Les intimées, qui n'ont pas été invitées à se déterminer, ne sauraient prétendre à des dépens.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. La demande de révision est admise et l'arrêt du Tribunal fédéral du 11 mai 2018 (6B_316/2018) est annulé.
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2. Le recours en matière pénale contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du 1er février 2018 est irrecevable.
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3. La caisse du Tribunal fédéral versera à A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________ une indemnité de 3'000 fr. à titre de dépens pour la procédure de révision. Elle leur restituera les frais judiciaires, par 800 fr., perçus en exécution de l'arrêt du 11 mai 2018 (6B_316/2018).
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4. Des frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________.
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5. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours pénale.
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Lausanne, le 20 septembre 2018
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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Le Greffier : Graa
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