BGer 4A_452/2017 | |||
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BGer 4A_452/2017 vom 19.10.2018 |
4A_452/2017 |
Arrêt du 19 octobre 2018 |
Ire Cour de droit civil | |
Composition
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Mmes les Juges fédérales
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Kiss, Présidente, Klett, Hohl, Niquille et May Canellas.
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Greffière : Mme Godat Zimmermann.
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Participants à la procédure | |
X.________ SA,
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représentée par Me Douglas Hornung,
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recourante,
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contre
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1. A.________,
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représentée par Me Pierre Seidler,
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2. B.________ Limited,
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représentée par Me Jodok Wicki,
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intimées.
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Objet
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appel en cause; procédure de conciliation,
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recours contre l'arrêt rendu le 27 avril 2017 par la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (CC16.056800-170610, 151).
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Faits : | |
A. Le 20 décembre 2016, A.________ (la demanderesse) a déposé auprès de la Chambre patrimoniale du canton de Vaud une requête de conciliation à l'encontre de X.________ SA (la défenderesse) dans un contentieux portant sur un montant à fixer par la justice mais non inférieur à 100'000 fr., dont elle lui réclame paiement, avec les intérêts correspondants.
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Le 7 février 2017, la défenderesse a déposé devant cette même autorité une "demande de dénonciation d'instance et d'appel en cause" contre la société B.________ Limited. Il n'est pas contesté que cette écriture est une demande d'admission de l'appel en cause, et non une simple dénonciation d'instance; la défenderesse ne prétend pas non plus que sa demande doive être considérée comme une requête de conciliation à l'encontre de B.________ Limited, destinée à faire l'objet d'une procédure séparée.
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La demanderesse et B.________ Limited se sont déterminées sur la demande d'appel en cause, par écritures du 24 février 2017, respectivement du 6 mars 2017.
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Par prononcé du 10 mars 2017, le juge délégué de la Chambre patrimoniale cantonale a déclaré irrecevable la demande d'admission d'appel en cause. En substance, il a considéré que le dépôt d'une telle demande en procédure de conciliation était prématuré, le CPC prévoyant que l'appel en cause devait être introduit dans la procédure principale et le procédé se heurtant aux exigences de rapidité et de simplicité de la procédure de conciliation.
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Par arrêt du 27 avril 2017, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté le recours de la défenderesse, au terme d'un raisonnement identique.
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B. X.________ SA interjette un recours en matière civile. Elle conclut à ce qu'il soit ordonné au juge cantonal de notifier l'appel en cause à B.________ Limited et de lui fixer un délai de réponse.
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Dans leurs réponses respectives, A.________ (intimée 1) et B.________ Limited (intimée 2) proposent le rejet du recours.
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Pour sa part, la cour cantonale déclare se référer aux considérants de son arrêt.
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Par ordonnance présidentielle du 17 novembre 2017, il a été fait droit à la requête d'effet suspensif de la recourante, ni l'autorité précédente ni les intimées ne s'opposant à son octroi.
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Considérant en droit : | |
1. Le recours est dirigé contre une décision d'irrecevabilité d'appel en cause. Il s'agit là d'une décision partielle susceptible de recours en application de l'art. 91 let. b LTF (ATF 134 III 379 consid. 1.1 p. 382; consid. 1.1 non publié de l'ATF 142 III 102).
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L'arrêt attaqué a été rendu en matière civile (art. 72 al. 1 LTF) par un tribunal supérieur d'un canton, qui a statué sur recours (art. 75 LTF). La cause atteint la valeur litigieuse de 30'000 fr. ouvrant le recours en matière civile dans les affaires pécuniaires qui ne relèvent ni du droit du travail, ni du droit du bail à loyer (art. 74 al. 1 let. b LTF). Au surplus, le recours est exercé par la partie qui a succombé dans sa demande d'admission de l'appel en cause et qui a donc qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF); il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il convient donc d'entrer en matière sur le recours.
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1.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter les constatations de cette autorité que si elles sont manifestement inexactes ou découlent d'une violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). "Manifestement inexactes" signifie ici "arbitraires" (ATF 140 III 115 consid. 2 p. 117; 135 III 397 consid. 1.5). Encore faut-il que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF) La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références).
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La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18 et les références). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes en conformité avec les règles de procédure les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 90). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 p. 18). Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
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La recourante souhaite voir complété l'état de fait de l'arrêt attaqué par l'explication du contexte des prétentions élevées de part et d'autre - à savoir la distribution en Suisse par ses soins d'une prothèse de hanche, son implantation sur l'intimée 1 le 26 juin 2007 et les prétentions récursoires que la recourante entend faire valoir contre le fabricant en Grande-Bretagne, à savoir l'intimée 2 - et par la précision que l'autorité de conciliation n'a pas encore délivré l'autorisation de procéder. Elle se fonde sur ces éléments pour affirmer qu'elle ne pouvait pas attendre la saisine du tribunal, à l'issue de la procédure de conciliation, pour appeler en cause l'intimée 2, car elle aurait risqué alors de voir sa créance récursoire contre cette partie frappée de péremption (par référence à l'art. 10 de la loi fédérale du 18 juin 1993 sur la responsabilité du fait des produits [LRFP; RS 221.112.944]).
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La question juridique à trancher en l'espèce est de savoir si la recourante peut appeler en cause l'intimée 2 au cours de la procédure de conciliation, avec pour effet de créer la litispendance (art. 62 al. 1 CPC). La réponse sur ce point ne dépend pas des raisons pour lesquelles la recourante souhaite déposer sa demande d'appel en cause à ce stade. Comme le complètement réclamé par la recourante porte sur des faits sans incidence sur le sort de la cause, il n'y sera pas donné suite.
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2. A lire le recours, la cour cantonale s'est fondée sur une interprétation très restrictive et erronée de l'art. 82 CPC pour confirmer l'irrecevabilité de la demande d'appel en cause que la défenderesse avait déposée devant l'autorité de conciliation. Selon la recourante, l'art. 82 CPC fixe uniquement le moment ultime pour appeler en cause, de sorte que l'appel en cause peut être formé en tout temps jusqu'à cette limite, y compris pendant la procédure de conciliation. Ce principe résulterait du Message relatif au CPC du 28 juin 2006, ainsi que de l'arrêt 4A_341/2014 du 31 octobre 2014. Il serait en outre admis par la doctrine unanime.
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En appliquant l'art. 82 CPC de manière incorrecte, la cour cantonale aurait violé les droits constitutionnels de la défenderesse lui garantissant un traitement équitable de sa cause (art. 29 al. 1 Cst.) et l'accès au juge (art. 29a Cst.). La recourante fait valoir en effet que, selon la loi fédérale sur la responsabilité des produits, sa prétention envers l'intimée 2 aurait été périmée quelques mois après le dépôt de la requête de conciliation de la demanderesse. A son sens, elle disposait donc d'un intérêt juridique évident à pouvoir déposer très rapidement, avant l'échéance du délai de péremption, la demande d'appel en cause, laquelle créait la litispendance; si elle introduisait cette demande avec la réponse suivant le dépôt de la demande principale, sa prétention envers l'intimée 2 serait atteinte par la péremption et le juge, examinant cette question d'office, n'admettrait pas l'appel en cause. Dans les circonstances de l'espèce, l'impossibilité de déposer l'appel en cause déjà au stade de la conciliation priverait ainsi la défenderesse de son droit d'agir en justice contre l'intimée 2. La recourante observe au surplus que les juges précédents n'ont consacré aucune ligne à ce moyen fondé sur l'art. 29 al. 1 et l'art. 29a Cst., ce qui constituerait une violation de son droit d'être entendue garanti par l'art. 29 al. 2 Cst.
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3. La question est de savoir si la défenderesse pouvait appeler en cause l'intimée 2 durant la procédure de conciliation devant l'autorité ad hoc, soit avant la saisine du tribunal par la demanderesse. Le Tribunal fédéral ne s'est jamais prononcé sur ce point.
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3.1. L'appel en cause est régi essentiellement par les art. 81 et 82 CPC, qu'il convient dès lors d'interpréter.
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La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher la véritable portée de la norme, en la dégageant de sa relation avec d'autres dispositions légales, de son but, singulièrement de l'intérêt protégé, ainsi que de la volonté du législateur telle qu'elle ressort des travaux préparatoires. Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation. Il adopte une position pragmatique en suivant une pluralité de méthodes, sans soumettre les différents éléments d'interprétation à un ordre de priorité (ATF 142 III 102 consid. 5 p. 106, 695 consid. 4.1.2 p. 699; 142 IV 137 consid. 6.2 p. 142 s.; 141 III 53 consid. 5.4.1 p. 59, 444 consid. 2.1 p. 448).
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3.2. Selon l'art. 81 al. 1 CPC, une partie peut appeler en cause un tiers devant le tribunal saisi de la demande principale en faisant valoir les prétentions qu'elle estime avoir contre lui pour le cas où elle succomberait. La formulation "devant le tribunal saisi de la demande principale" (" L'art. 82 CPC décrit ensuite la procédure pour appeler en cause un tiers. Il n'y a pas de procédure de conciliation (art. 198 let. g CPC), mais une procédure d'admission avant, le cas échéant, le dépôt d'une demande sur le fond de l'appel en cause. Selon l'art. 82 al. 1 CPC, l'appelant introduit, avec la réponse ou avec la réplique dans la procédure principale, une demande d'admission de l'appel en cause, indiquant les conclusions qu'il entend prendre contre l'appelé, motivées succinctement; cette demande crée la litispendance (art. 62 al. 1 CPC; ATF 142 III 102 consid. 5.3.2 p. 109). L'art. 82 al. 1 CPC fixe le moment limite pour appeler en cause un tiers (ATF 139 III 67 consid. 2.4.1 p. 73), soit la réponse pour le défendeur et la réplique pour le demandeur. Il n'empêche pas un appel en cause formulé déjà au stade de la demande (arrêt 4A_341/2014 du 5 novembre 2014 consid. 2.3). Il n'en demeure pas moins que, selon les termes mêmes de l'art. 82 al. 1 CPC, la demande d'appel en cause intervient dans la procédure principale, soit la procédure au fond ouverte par le dépôt de la demande principale devant le juge de première instance (art. 220 CPC). Par la suite, c'est ce même tribunal (cf. art. 82 al. 2 et 3 CPC) qui, après avoir donné l'occasion de s'exprimer à la partie adverse et à l'appelé, rend une décision d'admission ou de refus de l'appel en cause, puis, en cas d'admission, fixe le moment et l'étendue de l'échange d'écritures qui s'y rapporte.
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Pour sa part, le projet de code de procédure civile prévoyait la possibilité pour une partie d'appeler en cause un tiers devant le "tribunal saisi" (art. 79 al. 1), par quoi le Conseil fédéral entendait "le tribunal (...) qui est saisi déjà du procès principal" (Message relatif au code de procédure civile suisse du 28 juin 2006, FF 2006 6898 ch. 5.5.5 ad art. 79 et 80). En ce qui concerne la procédure, l'art. 80 du projet correspond, hormis deux modifications rédactionnelles, à l'art. 82 CPC; le Conseil fédéral précise que l'incident auquel l'appel en cause donne lieu remplace la procédure de conciliation et entraîne la litispendance de la réclamation qui en est l'objet (FF 2006 6898 ch. 5.5.5 ad art. 79 et 80; cf. également FF 2006 6937 ch. 5.13 ad art. 195 let. g).
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Il y a lieu de constater par ailleurs que le titre du CPC sur la conciliation (art. 197 ss) ne contient aucune disposition mentionnant l'appel en cause (sauf l'art. 198 let. g CPC déjà cité, qui précisément ne prévoit pas de conciliation en cas d'appel en cause); en particulier, l'art. 209 al. 2 let. b CPC ne cite pas l'appel en cause comme élément devant, le cas échéant, figurer dans l'autorisation de procéder, contrairement à la demande reconventionnelle.
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A ce stade, l'interprétation littérale des art. 81 ss CPC est confortée par les interprétations systématique et historique: le législateur part du principe que l'appel en cause est formé dans la procédure au fond ouverte par le dépôt de la demande principale devant le juge de première instance.
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3.3. Il reste à examiner si le CPC exclut de déposer une demande d'appel en cause dans la procédure de conciliation.
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La majorité des auteurs sont d'avis que l'appel en cause ne peut être introduit que devant le juge de première instance et qu'il n'est dès lors pas admissible de déposer une demande d'appel en cause plus tôt, soit devant l'autorité de conciliation (MELANIE HUBER-LEHMANN, Die Streitverkündungsklage nach der Schweizerischen Zivilprozessordnung, 2018, n° 269 p. 132; DOMINIK INFANGER, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3 e éd. 2017, n° 19 ad art. 208 CPC; FRANCESCO TREZZINI, in Commentario pratico al Codice di diritto processuale civile svizzero, 2 e éd. 2017, n° 15 ad art. 82 CPC; DANIEL SCHWANDER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung, Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger [éd.], 3 e éd. 2016, n° 8 ad art. 82 CPC; BALZ GROSS/ROGER ZUBER, in Berner Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2012, n° 21 ad art. 82 CPC; ANNETTE DOLGE/DOMINIK INFANGER, Schlichtungsverfahren nach Schweizerischer Zivilprozessordnung, 2012, ch. 2.5 p. 41; KATIA ELKAIM-LÉVY, Le nouveau CPC, le point de vue du magistrat, in Nouvelle procédure civile et espace judiciaire européen, 2012, p. 32; FRANÇOIS BOHNET, in Code de procédure civile commenté, 2011, n° 12 ad art. 203 CPC; d'un avis contraire: NINA J. FREI, in Basler Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 3 e éd. 2017, n° 1 ad art. 82 CPC; CLAUDE SCHRANK, Grundsatzfragen zum Schlichtungsverfahren, in Das Schlichtungsverfahren nach ZPO, 2016, p. 13; TANJA DOMEJ, in Kurzkommentar ZPO, Oberhammer et al. [éd.], 2 e éd. 2014, n° 3 ad art. 82 CPC).
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Pour trancher cette question, il convient de rappeler tout d'abord le sens et le but de l'appel en cause. En autorisant une partie à un procès pendant d'ouvrir action contre un tiers, cette institution permet de traiter les prétentions de plusieurs participants dans un procès unique, au lieu de plusieurs procès successifs (ATF 142 III 271 consid. 1.1 p. 274; 139 III 67 consid. 2.1 p. 71). Le procès s'élargit ainsi à une procédure globale, respectivement multipartite, dans laquelle aussi bien l'obligation du défendeur envers le demandeur (procès principal) que celle du tiers envers le défendeur (ou le demandeur) (appel en cause) sont jugées (ATF 139 III 67 consid. 2.1 p. 71). Les prétentions invoquées par l'appelant doivent se trouver dans un lien de connexité avec la demande principale (art. 81 al. 1 CPC; ATF 139 III 67 consid. 2.4.3). Par l'appel en cause, il ne peut être exercé en effet que des prétentions qui dépendent de l'existence des prétentions formulées dans l'action principale. Tel sera le cas de prétentions en garantie contre des tiers, de prétentions récursoires ou en dommages-intérêts, ainsi que des droits de recours contractuels et légaux (ATF 142 III 102 consid. 3.1 p. 104; 139 III 67 consid. 2.4.3 p. 74). L'avantage de l'appel en cause est ainsi de permettre le règlement de plusieurs prétentions litigieuses devant le même juge, dans la même procédure et avec une seule et même administration des preuves. Cependant, il s'agit toujours de juger deux prétentions séparées (ATF 142 III 102 consid. 5.3.2 p. 109). L'élargissement à une procédure globale ne change rien au fait que le procès principal et l'appel en cause forment chacun un lien d'instance spécifique avec des parties et des conclusions qui leur sont propres (ATF 139 III 67 consid. 2.1 p. 71 et les références).
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Dans la perspective d'un règlement global de prétentions connexes, il est imaginable que la participation d'un tiers dénoncé à la conciliation puisse présenter un certain intérêt. Mais est-ce compatible avec le but et le déroulement de la procédure de conciliation d'introduire l'appel en cause à ce stade?
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De manière générale, la conciliation est une procédure simple et rapide (cf. art. art. 202 al. 3 et 4, art. 203 al. 1 et 4 CPC). Pour sa part, l'appel en cause est un facteur de nature à retarder et compliquer la procédure; du reste, il n'est admis ni en procédure simplifiée ni en procédure sommaire (art. 81 al. 3 CPC). Ainsi, lors de la procédure d'admission, l'occasion doit être donnée à la partie adverse et à l'appelé en cause de s'exprimer (art. 82 al. 2 CPC). La question se pose de savoir quand ce droit d'être entendu pourrait être exercé dans la procédure de conciliation. Celle-ci est introduite par une requête écrite (ou dictée au procès-verbal à l'autorité de conciliation) (art. 202 al. 1 CPC), laquelle est notifiée sans retard à la partie adverse et n'est pas suivie d'une réponse écrite, mais directement d'une audience (art. 202 al. 3 CPC); un échange d'écritures peut être ordonné, à titre exceptionnel, dans des cas bien précis (art. 202 al. 4 CPC). Si le défendeur pouvait appeler en cause un tiers dans la procédure de conciliation, sa demande interviendrait soit dans une écriture suivant la notification de la requête de conciliation, soit à l'audience de conciliation. Dans le premier cas, l'appelé en cause et le demandeur pourraient certes s'exprimer lors de l'audience de conciliation, mais l'introduction de la demande d'appel en cause ne s'inscrirait pas dans le cours de la procédure tel que prévu par l'art. 202 CPC. Dans le second cas, la demande d'appel en cause devrait être encore notifiée au tiers et la conciliation elle-même ne pourrait être tentée que dans une nouvelle audience, après que demandeur et appelé en cause se furent exprimés. En toutes hypothèses, la procédure de conciliation s'en trouverait compliquée et ralentie, contrairement à la volonté du législateur.
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Au-delà de ces aspects pratiques, il convient de relever que la mission de l'autorité de conciliation est avant tout de favoriser un règlement amiable des différends (art. 201 al. 1 CPC). Ce n'est que dans des litiges bien délimités qu'elle peut soumettre aux parties une proposition de jugement (art. 210 et 211 CPC; sur la nature de la proposition de jugement, cf. ATF 135 III 253 consid. 2.4 et les références). Et l'autorité de conciliation ne dispose d'une compétence juridictionnelle propre que dans les litiges patrimoniaux dont la valeur ne dépasse pas 2'000 fr. et pour autant qu'elle soit saisie d'une requête du demandeur de statuer au fond (art. 212 CPC). Or, statuer sur l'admissibilité de l'appel en cause suppose de vérifier si les prétentions invoquées par l'appelant se trouvent dans un lien de connexité avec la demande principale et si elles ressortissent à la compétence matérielle du même tribunal - eu égard à la valeur litigieuse - et à la même procédure (ordinaire) (art. 81 al. 1 CPC; cf. ATF 142 III 102 consid. 5.3.1 p. 108; 139 III 67 consid. 2.4.3 p. 74 s.). Il s'agit là d'une activité juridictionnelle, qui s'exerce, le cas échéant, dans les affaires patrimoniales dont la valeur litigieuse dépasse 30'000 fr. (cf. art. 243 al. 1 CPC). Il s'ensuit qu'une décision sur l'admission ou le refus de l'appel en cause ne rentre manifestement pas dans les attributions de l'autorité de conciliation.
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Même la doctrine minoritaire convient qu'une telle décision relève de la compétence du tribunal appelé à juger de la demande principale; selon les auteurs qui défendent la possibilité d'appeler en cause un tiers dans la procédure de conciliation, il suffirait toutefois que l'autorité de conciliation transmette la demande d'admission au tribunal, qui statuerait (NINA J. FREI, op. cit., n° 1 ad art. 82 CPC; CLAUDE SCHRANK, op. cit., p. 13; TANJA DOMEJ, op. cit., n° 3 ad art. 82 CPC).
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En ce cas, l'autorité de conciliation se bornerait à tenter de concilier les parties, puis, en cas d'échec, à délivrer une autorisation de procéder, en principe au demandeur (art. 209 al. 1 CPC). A cet égard, il convient de rappeler que, contrairement à la dénonciation d'instance (art. 78 CPC), le dépôt d'une demande d'appel en cause a pour effet de créer la litispendance (art. 62 al. 1 CPC). Le tiers appelé serait ainsi tenu de participer à la procédure de conciliation, alors qu'il n'est pas encore sûr à ce moment-là que la demande principale, conditionnant l'appel en cause, sera introduite devant le juge en procédure ordinaire. La possibilité d'un règlement global des prétentions dans la procédure de conciliation des art. 192 ss CPC - de toute manière bien incertain - ne saurait guère justifier une telle contrainte. Il est à relever du reste qu'une conciliation peut être envisagée à un stade ultérieur du procès, puisque le tribunal reste libre d'ordonner des débats en vue de trouver un accord (FF 2006 6937 ch. 5.13 ad art. 195). En outre, l'autorisation de procéder délivrée, le cas échéant, à l'appelant - soit au demandeur dans l'appel en cause - ne pourrait être que conditionnelle, ce qui n'est pas envisagé par le CPC. De toute manière, une telle autorisation serait dénuée de sens puisque, pour déposer la demande au fond dans l'appel en cause, l'appelant doit obtenir une décision d'admission rendue, on l'a vu, par le tribunal.
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Ni dans ses étapes ni dans sa fonction, la procédure de conciliation n'apparaît dès lors conçue pour appeler en cause un tiers.
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3.4. Au terme de cette analyse, force est de conclure que les art. 81 et 82 CPC autorisent l'appel en cause uniquement devant le tribunal de première instance saisi de la demande principale, une demande d'appel en cause devant l'autorité de conciliation étant exclue. C'est donc à bon droit que la Chambre des recours civile a déclaré irrecevable la demande d'appel en cause déposée par la recourante dans la procédure de conciliation introduite par l'intimée 1.
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4. Dès l'instant où l'appel en cause ne pouvait pas être formé devant l'autorité de conciliation, le grief tiré de la violation des art. 29 et 29a Cst. se trouve privé d'objet.
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Il en va de même pour la prétendue violation du droit d'être entendu commise par la cour cantonale.
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5. Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
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En conséquence, la recourante prendra à sa charge les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à chacune des intimées (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 5'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. La recourante versera à chacune des intimées une indemnité de 6'000 fr. à titre de dépens.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 19 octobre 2018
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La Présidente : Kiss
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La Greffière : Godat Zimmermann
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