BGer 1C_338/2018 | |||
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BGer 1C_338/2018 vom 10.04.2019 |
1C_338/2018 |
Arrêt du 10 avril 2019 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Chaix, Président,
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Merkli, Fonjallaz, Kneubühler et Muschietti.
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Greffière : Mme Tornay Schaller.
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Participants à la procédure | |
Claude Béglé, représenté par Maîtres Christophe de Kalbermatten et Benoît Lambercy, avocats,
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recourant,
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contre
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Conseil d'Etat du canton de Vaud, Château cantonal, 1014 Lausanne,
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Conseil fédéral, Palais fédéral ouest, 3003 Berne,
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Chancellerie fédérale, Palais fédéral ouest, 3003 Berne.
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Objet
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Votation fédérale du 28 février 2016 sur l'initiative populaire du 5 novembre 2012 "Pour le couple et la famille - Non à la pénalisation du mariage", état d'information du corps électoral,
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recours contre la décision du Conseil d'Etat du canton de Vaud du 27 juin 2018 (R9 169/2018).
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Faits : | |
A. Le 28 février 2016 a eu lieu la votation fédérale sur l'initiative populaire "Pour le couple et la famille - Non à la pénalisation du mariage". L'initiative prévoyait de modifier la Constitution fédérale de la manière suivante:
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Art. 14 al. 2 (nouveau)
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2 Le mariage est l'union durable et réglementée par la loi d'un homme et d'une femme. Au point de vue fiscal, le mariage constitue une communauté économique. Il ne peut pas être pénalisé par rapport à d'autres modes de vie, notamment en matière d'impôts et d'assurances sociales.
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Il ressortait des explications du Conseil fédéral - que les citoyens avaient reçues avant la votation - que "environ 80'000 couples mariés à deux revenus et de nombreux retraités mariés continuent de subir, en matière d'impôt fédéral direct, une charge supplémentaire (d'où le terme de «pénalisation du mariage») jugée contraire à la Constitution"; les baisses de recettes pour la Confédération étaient chiffrées à environ 1,2 milliard de francs par an (si le modèle d'imposition était le calcul alternatif d'impôt) et entre 1,2 et 2,3 milliards de francs par an (si le modèle d'imposition était le splitting). Le Conseil fédéral recommandait de rejeter l'initiative.
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Par arrêté du 19 avril 2016, le Conseil fédéral a constaté que l'initiative populaire avait été rejetée par 50.8% des votants (par 1'664'224 non contre 1'609'152 oui) et acceptée par les cantons (par 15 3/2 oui contre 5 3/2 non). L'initiative avait ainsi été rejetée (FF 2016 3557).
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Dans un communiqué de presse daté du 15 juin 2018, intitulé "Pénalisation du mariage: rectification d'une erreur dans l'estimation du nombre des couples mariés à deux revenus", le Conseil fédéral a informé que le nombre des couples mariés à deux revenus concernés par la pénalisation fiscale du mariage était nettement plus élevé que ce qu'avait estimé l'Administration fédérale des contributions (AFC); selon les estimations corrigées, quelque 454'000 couples mariés à deux revenus étaient concernés par la pénalisation fiscale du mariage; l'AFC avait estimé ce nombre à environ 80'000, mais n'avait pas tenu compte des couples mariés à deux revenus avec enfants; l'estimation du nombre des couples de rentiers mariés concernés par cette pénalisation restait valable (quelque 250'000 couples); au total, c'étaient donc environ 704'000 couples mariés qui étaient pénalisés sur le plan fiscal; s'agissant de l'estimation des conséquences financières du projet de réforme du Conseil fédéral, les couples mariés à deux revenus avec enfants avaient été pris en compte; cette estimation était donc correcte (diminution annuelle des recettes fiscales de l'ordre de 1,15 milliard de francs). Le porte-parole de l'Administration fédérale des contributions a déclaré, lors du journal télévisé du 15 juin 2018, qu'une erreur avait déjà été commise lors de la votation du 28 février 2016.
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B. Le 18 juin 2018, Claude Béglé, citoyen vaudois, a formé un recours en matière de droits politiques auprès du Conseil d'Etat du canton de Vaud (ci-après: le Conseil d'Etat) contre la votation fédérale susmentionnée. Il s'est plaint d'une violation de la liberté de vote (art. 34 al. 2 Cst.) au motif que le chiffre erroné de 80'000 couples à deux revenus avait induit en erreur les citoyens. Il a demandé l'annulation de la votation fédérale. Par décision du 27 juin 2018, le Conseil d'Etat a déclaré le recours irrecevable. Il a considéré en substance que les griefs soulevés avaient une portée supracantonale, de sorte qu'il n'était pas compétent pour en connaître.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Claude Béglé demande principalement au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat vaudois du 27 juin 2018, d'annuler la votation fédérale du 28 février 2016 portant sur l'initiative précitée et de la renvoyer au vote dans tous les cantons, subsidiairement dans le canton de Vaud uniquement. A titre subsidiaire, il conclut à la constatation que la votation fédérale litigieuse a été entachée d'irrégularités au sens de l'art. 77 de la loi fédérale du 17 décembre 1976 sur les droits politiques (LDP; RS 161.1) et de la jurisprudence du Tribunal fédéral. Encore plus subsidiairement, il requiert la constatation que ses droits politiques ont été violés lors de la votation litigieuse.
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Invité à se déterminer, le Conseil d'Etat s'en remet à justice. Le Conseil fédéral conclut à l'irrecevabilité du recours, éventuellement à son rejet dans la mesure de sa recevabilité. Le recourant a répliqué. Le Conseil fédéral a dupliqué, par courrier du 30 novembre 2018.
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D. Le Tribunal fédéral a rendu son jugement en séance publique le 10 avril 2019.
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Considérant en droit : | |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis.
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1.1. La loi fédérale sur les droits politiques du 17 décembre 1976 (LDP; RS 161.1) ne prévoit pas de voie de droit permettant de faire valoir des irrégularités connues seulement après une votation fédérale. D'après la jurisprudence, un droit à un contrôle de la régularité d'une votation fédérale se déduit directement de l'art. 29 al. 1 Cst. (en lien avec l'art. 29a Cst.) lorsqu'une influence massive sur le vote populaire s'est révélée plus tard (ATF 138 I 61 consid. 4.2 s. p. 71 ss; arrêt 1C_63/2015 du 24 août 2015 consid. 2.1).
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Le Tribunal fédéral est compétent, en dernière instance, pour connaître des recours dans lesquels la conformité d'une votation fédérale à la Constitution et à la législation fédérale est mise en cause en raison d'irrégularités graves découvertes ultérieurement (art. 189 al. 1 let. f Cst.; ATF 138 I 61 consid. 4.4 p. 75). Dans un tel cas, la procédure de révision des art. 121 ss LTF n'est pas pertinente car aucun recours n'a été exercé lors de la votation fédérale auprès des gouvernements cantonaux. Il se justifie en revanche d'appliquer par analogie les dispositions de procédure de la loi fédérale sur les droits politiques. Ainsi, la procédure doit en principe être introduite auprès du gouvernement cantonal compétent (ATF 138 I 61 consid. 4.6 p. 77). Cela vaut aussi par analogie pour le recours touchant les votations selon l'art. 77 al. 1 LDP lorsque les conclusions présentées ou les faits contestés dépassent la compétence du gouvernement cantonal. Tel est notamment le cas lorsque l'annulation d'une votation fédérale est demandée ou lorsque les interventions dans la campagne précédant la votation sont contestées et qu'elles dépassent le cadre d'un canton. Dans de tels cas, le gouvernement cantonal doit rendre une décision formelle d'irrecevabilité (cf. ATF 137 II 177 consid. 1.2.3 p. 180 s.). Un recours au Tribunal fédéral peut ensuite être interjeté à l'encontre d'une décision du gouvernement cantonal de rejeter un recours déposé au motif d'une irrégularité grave connue après la votation ou de refuser d'entrer en matière (art. 80 al. 1 LDP en lien avec art. 82 let. c et art. 88 al. 1 let. b LTF). Aux termes de l'art. 82 let. c LTF, le Tribunal fédéral connaît en effet des recours qui concernent les votations populaires, en particulier en matière fédérale contre les décisions des gouvernements cantonaux (art. 88 al. 1 let. b LTF). Le recourant peut alors aussi soulever des questions déjà abordées sur le plan cantonal, que le gouvernement cantonal n'a pas pu traiter faute de compétence. Cela vaut aussi lorsque le recourant n'a jusqu'alors jamais pris de conclusions formelles à leur sujet (ATF 137 II 177 consid. 1.2.3 p. 180 s.; arrêt 1C_63/2015 du 24 août 2015 consid. 2.2).
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1.2. Le recourant, citoyen suisse, dispose du droit de vote sur le plan fédéral et a ainsi qualité pour recourir (art. 89 al. 3 LTF). Il indique avoir voté en faveur de l'initiative en question et a un intérêt actuel à l'annulation de la votation du 28 février 2016.
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1.3. Le délai de recours en cas d'irrégularités découvertes ultérieurement dans le cadre d'une votation fédérale doit respecter deux conditions cumulatives. D'une part, la décision du gouvernement cantonal doit être attaquée dans le délai prévu par l'art. 100 al. 3 let. b LTF. Tel est le cas en l'espèce. D'autre part, la sécurité du droit pose des limites temporelles à la contestation d'une votation déjà ancienne: le délai doit alors être fixé au cas par cas selon les circonstances concrètes, par analogie avec les règles établies dans d'autres domaines et en application des principes généraux (ATF 138 I 61 consid. 4.5 p. 76 et consid. 5.3 p. 82). Ainsi, en 1987, le Tribunal fédéral avait soulevé, sans la trancher, la question de l'application d'un délai absolu de prescription de 10 ans depuis la votation (par analogie avec l'art. 60 al. 1 CO; ATF 113 Ia 146 consid. 3d p. 154). Dans les deux arrêts précités, le Tribunal fédéral a considéré qu'il était possible de contester une votation respectivement deux et trois ans après le scrutin. En l'espèce, le recours a été déposé moins de deux ans et demi après la votation du 28 février 2016, ce qui est compatible avec la jurisprudence.
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1.4. Il est de surcroît nécessaire que les faits et les moyens de preuve avancés soient demeurés inconnus avant la votation et pendant le délai de recours qui l'a suivie, qu'ils n'aient pas pu être invoqués pour des raisons de droit ou de fait ou qu'ils n'aient pas dû être invoqués parce qu'il n'y avait pas motifs de le faire. Les faits et les moyens de preuve doivent par conséquent se rapporter à des faits existant déjà au moment de la votation, mais qui étaient alors inconnus ou qui ont pu rester inaperçus (faits nouveaux improprement dits; faux Dans ses déterminations, le Conseil fédéral soutient que le recourant ne se fonde pas sur des faux nova admissibles, mais sur des vrais nova lorsqu'il tient compte de la nouvelle estimation des couples mariés à deux revenus; la nouvelle estimation résulterait d'une nouvelle méthode d'évaluation qui ne devrait pas conduire à la remise en question des décisions antérieures prises sur la base des anciennes évaluations; en d'autres termes, la nouvelle méthode et les chiffres qui en résultent seraient nouveaux car la méthode modifiée n'avait pas encore été utilisée avant la votation.
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Le Conseil fédéral méconnaît cependant que la critique du recourant ne se dirige pas contre la méthode d'estimation utilisée par les autorités fédérales mais contre l'information erronée des citoyens dans le contexte de la votation. Le recourant fait valoir en effet que le chiffre de 80'000 couples mariés avec un double revenu est erroné dans les explications du Conseil fédéral, tout comme dans le message du 23 octobre 2013 relatif à l'initiative populaire "Pour le couple et la famille - Non à la pénalisation du mariage" (FF 2013 7623) ainsi que dans les médias. Le nombre de 80'000, corrigé à 454'000, et non les raisons de cette correction, constitue le fait pertinent qui existait déjà au moment de la votation. Quoi qu'en dise le Conseil fédéral, l'erreur quant à ce nombre ne constitue pas un fait qui a surgi seulement après la votation (voir arrêt 1C_63/2015 du 24 août 2015 consid. 4.2, dans lequel des vrais nova ont été retenus). Il s'agit donc d'un faux novum dont la prise de connaissance s'est faite lors de la publication du communiqué de presse du 15 juin 2018, ce qui a ouvert la voie de recours. Savoir si le changement de méthode pour évaluer les personnes touchées par la pénalisation du mariage peut justifier l'erreur de l'estimation initiale et savoir s'il s'agit d'une irrégularité au sens de la jurisprudence est une question de fond qui sera abordée ci-dessous (voir consid. 3).
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1.5. Enfin, en vertu de l'art. 189 al. 4 Cst., les actes de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral ne peuvent pas être portés devant le Tribunal fédéral, sauf si une loi fédérale le prévoit. Le législateur fédéral n'a pas prévu de moyen de droit contre les actes de l'Assemblée fédérale et du Conseil fédéral en lien avec les votations et les élections fédérales (ATF 138 I 61 consid. 7.1 p. 85). Les explications du Conseil fédéral relatives à la votation ainsi que le message explicatif adressé aux Chambres fédérales ne sont par conséquent pas attaquables en tant que tels. Il en va de même des déclarations individuelles des Conseillers fédéraux, tant que celles-ci correspondent au contenu du message explicatif (ATF 145 I 1 consid. 5.1.1 p. 7 et les arrêts cités). Indépendamment de ces exclusions d'ordre procédural, l'état d'information global prévalant au moment d'une votation populaire peut en revanche faire l'objet d'une contestation. Il y a lieu en effet d'examiner si les électeurs étaient objectivement capables de se former une opinion suffisamment concrète et sûre en fonction des informations données par les différents acteurs politiques et les médias. Il faut ainsi prendre en considération l'ensemble des informations mises à disposition des électeurs. Dans ce contexte, il n'est dès lors pas exclu que les informations émanant du Conseil fédéral ou de Conseillers fédéraux soient de nature à influer sur l'information globale des citoyens. Tel est le cas notamment lorsque le Conseil fédéral a omis des informations importantes auxquelles seule l'administration fédérale avait accès (ATF 138 I 61 consid. 7 et les références citées, en particulier consid. 7.4 p. 86; arrêt 1C_455/2016 du 14 décembre 2016 consid. 2.4, non publié in ATF 143 I 78).
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En l'occurrence, le recourant fait notamment valoir que le Conseil fédéral a donné une fausse information au corps électoral en se fondant sur des données, dont seule l'administration fédérale disposait. Il souligne que cette information a été relayée dans de nombreux médias et dans l'argumentaire de deux partis politiques. Il ne s'agit pas d'informations qui auraient pu être discutées et mises en cause dans le débat public précédant la votation (cf. arrêt 1C_455/2016 du 14 décembre 2016 consid. 2.4 non publié in ATF 143 I 78). Le grief du recourant est par conséquent recevable. L'art. 189 al. 4 Cst. ne s'oppose ainsi pas à l'entrée en matière sur le recours.
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1.6. Les autres conditions formelles de recevabilité sont remplies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le recours.
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2. Le recourant fait valoir que le corps électoral a été induit en erreur par l'information selon laquelle seul un petit nombre de privilégiés (80'000 couples mariés à deux revenus) était visé par la pénalisation fiscale du mariage: le chiffre de 80'000 avait notamment été utilisé pour faire ressortir le caractère marginal des cas visés par l'initiative (2% de la population [5% des couples mariés]) par rapport au coût important qu'elle représentait (2,3 milliards de francs par année) : l'erreur sur le nombre de couples mariés n'ayant pas été reprise dans le calcul du coût de la réforme, cela avait eu pour effet d'accroître de manière disproportionnée le coût de l'initiative en rapport avec le nombre de personnes touchées. Le recourant soutient que l'initiative populaire a ainsi été présentée comme visant une situation bagatelle, ce qui aurait démotivé de nombreuses personnes favorables à l'initiative.
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Le recourant déduit ensuite du communiqué de presse du Conseil fédéral du 15 juin 2018 qu'en réalité 66 % des couples mariés à deux revenus étaient concernés par l'initiative (374'000 couples mariés à deux revenus en plus de ce qui avait été annoncé) et que la majorité (52.29%) des couples suisses (y compris les couples à un seul revenu) était touchée. Il ajoute que la correction du chiffre représente une augmentation de 467.5% du nombre de couples mariés à deux revenus visés; l'erreur était particulièrement grave puisqu'il ne s'agissait pas d'une erreur d'estimation (ce qui peut arriver lorsque les méthodes de calcul divergent) mais bien d'une erreur d'information.
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Le recourant souligne aussi que le chiffre de 80'000 a été abondamment relayé dans différents documents officiels, lors des débats parlementaires, dans de nombreux journaux, à la radio et à la télévision ainsi que dans l'argumentaire de partis politiques; compte tenu de l'importance donnée au chiffre erroné de 80'000 couples mariés dans le cadre de la campagne précédant la votation en question, l'impact de l'irrégularité sur le résultat de la votation ne peut être que significatif.
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En définitive, le recourant soutient que la double erreur (nombre de couples visés et rapport entre le coût et l'impact sur la population) constitue une violation de l'art. 34 al. 2 Cst., qui a très vraisemblablement eu une incidence sur l'issue du scrutin, compte tenu du faible écart final (50.8% contre 49.2%) et du fait que l'initiative a été acceptée par la grande majorité des cantons.
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2.1. L'art. 34 al. 2 Cst. protège la libre formation de l'opinion des citoyens: il garantit ainsi aux citoyens qu'aucun résultat de vote ne soit reconnu s'il ne traduit pas de façon fidèle et sûre l'expression de leur libre volonté. Chaque citoyen doit pouvoir se déterminer en élaborant son opinion de la façon la plus libre et complète possible et exprimer son choix en conséquence. La liberté de vote garantit la sincérité du débat nécessaire au processus démocratique et à la légitimité des décisions prises en démocratie directe (ATF 145 I 1 consid. 4.1 p. 5; 143 I 78 consid. 4.3 p. 82 et les références citées).
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A teneur de l'art. 11 al. 2 LDP, le texte soumis à la votation est accompagné de brèves explications du Conseil fédéral, qui doivent rester objectives. Le Conseil fédéral est tenu de respecter les principes de l'exhaustivité, de l'objectivité, de la transparence et de la proportionnalité lorsqu'il informe les citoyens sur les objets soumis à votation fédérale (art. 10a al. 2 LDP). Cette dernière disposition législative, entrée en vigueur le 15 janvier 2009, a été introduite comme contre-projet indirect à l'initiative populaire fédérale intitulée "Souveraineté du peuple sans propagande gouvernementale" visant notamment à interdire au Conseil fédéral, aux cadres supérieurs de l'administration fédérale et aux offices de la Confédération toute activité d'information et de propagande, notamment toute intervention dans les médias et toute participation à des manifestations concernant le scrutin, à l'exception d'une brève et unique information à la population par le chef du département compétent. Cette initiative a été refusée par tous les cantons et par une large majorité des électeurs, au bénéfice de l'art. 10a LDP. Dans son rapport relatif à l'introduction de l'art. 10a LDP, la Commission des institutions politiques du Conseil national a notamment précisé que le principe d'objectivité impose que "les incertitudes [doivent être] présentées comme telles" (rapport du 15 septembre 2006, FF 2006 8779, 8791).
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Selon la jurisprudence, le résultat d'une votation est faussé lorsque les citoyens ont été informés de manière erronée sur le but et la portée du projet soumis au vote. Il est interdit de passer sous silence des éléments importants pour la décision du citoyen ou de reproduire de manière inexacte les arguments des adversaires du référendum ou de l'initiative (cf. ATF 139 I 2 consid. 6.2 p. 13 s. et les références citées; 138 I 61 consid. 6.2 p. 82).
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Le principe de la transparence exige par ailleurs que s'il existe des incertitudes significatives lors de l'évaluation de la situation de départ, celles-ci soient clairement présentées comme telles (rapport de la Commission des institutions politiques du Conseil national du 15 septembre 2006 précité, FF 2006 8779, 8791; cf. arrêt 1C_385/2012 du 17 décembre 2012 consid. 2.5 et les références in ZBl 2013 p. 524, où il est essentiel que les citoyens, se fondant sur les données se trouvant à leur disposition, puissent reconnaître l'absence de fiabilité des prévisions et des chiffres; cf. aussi ATF 138 I 61 consid. 8.6 p. 92 ss.; voir aussi arrêt 1P.280/1999 du 7 décembre 1999, in DEP 2000 142, in RDAF 2001 I 513 où les informations précédant le vote avaient exposé certains pronostics quant au trafic aérien, pronostics qui se sont révélés par la suite largement insuffisants).
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Ces principes constitutionnels valent d'autant plus pour les explications du Conseil fédéral avant une votation qu'ils sont désormais expressément prévus par la LDP (cf. ATF 138 I 61 consid. 6.3 p. 84 et les références).
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2.2. Dans ses déterminations, le Conseil fédéral explique que le communiqué de presse du 15 juin 2018 était en lien avec la discussion du projet de modification de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct présenté dans le message du 21 mars 2018 (Message du 21 mars 2018 relatif à la modification de la loi fédérale sur l'impôt fédéral direct [Imposition équilibrée des couples et de la famille], FF 2018 2173); selon ce message, les couples mariés à double revenus avec enfants n'auraient pas été pris en compte par erreur dans le nombre de couples concernés par la pénalisation fiscale du mariage; le porte-parole de l'administration fédérale des contributions avait déclaré lors du journal télévisé du 15 juin 2018 qu'une erreur avait déjà été commise lors de la votation du 28 février 2016. Le Conseil fédéral estime que cette déclaration est fausse ( Le Conseil fédéral soutient que la différence entre le nombre de couples mariés avec deux revenus selon le message explicatif pour la votation du 28 février 2016 (80'000) et le nombre mentionné dans le communiqué de presse précité (454'000) résulte de deux circonstances. D'une part, une actualisation des chiffres avait eu lieu en juin 2018 à la suite de nouvelles données statistiques; en raison de l'augmentation tant du nombre de contribuables et de couples mariés à deux revenus que des revenus eux-mêmes, le nombre de couples mariés à deux revenus concernés était plus élevé; le chiffre de 80'000 se fondait sur une statistique datant de 2001. D'autre part, la méthode d'estimation du nombre de couples mariés concernés avait changé en lien avec le message du 21 mars 2018. Le Conseil fédéral décrit en détail les deux méthodes d'évaluation. Il fait valoir qu'avec le changement de méthode un nouveau point de référence pour la comparaison des charges de couples mariés avec enfants a été défini.
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Le Conseil fédéral explique ensuite pourquoi, malgré cette différence de chiffres, il n'y a pas eu d'influence inadmissible dans la formation de la volonté des citoyens. Il fait remarquer que la Confédération ne dispose pas directement de données statistiques au sujet des couples mariés à deux revenus parce que l'impôt fédéral direct est prélevé par les cantons; les chiffres communiqués n'étaient donc que des estimations; la Confédération récoltait cependant auprès des cantons des données statistiques relatives à l'impôt fédéral direct, desquelles il résultait des informations ponctuelles portant sur les relations personnelles du contribuable et sa situation économique; la limitation de la statistique fiscale tenait à l'absence d'information concernant les revenus et les déductions de chaque époux (il était donc impossible de connaître la répartition des revenus au sein du couple) et au manque d'information sur le nombre d'enfants (enfants communs ou non communs).
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Dans sa réplique du 30 novembre 2018, le Conseil fédéral produit deux rapports de l'Administration fédérale des contributions (AFC) avec des données détaillées sur l'ancienne et la nouvelle méthode d'évaluation. Il présente aussi une expertise externe des méthodes d'estimation et du matériel statistique de l'AFC relative à la question de la pénalisation fiscale du mariage, établie sur mandat du Département fédéral des finances (RAPHAËL PARCHET, Examen externe des méthodes d'estimation et du matériel statistique de l'AFC, rapport final du 8 octobre 2018). L'expert constate que, vu le manque de données concernant les revenus et les déductions individuels de chaque conjoint du couple, l'AFC n'est pas en mesure de calculer exactement le nombre de couples pénalisés fiscalement par le mariage ni de calculer les conséquences financières du projet d'imposition équilibrée des couples et de la famille, ces données pouvant cependant être recueillies auprès des cantons.
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2.3. En réponse aux déterminations du Conseil fédéral, le recourant se déclare troublé et étonné par l'affirmation suivante du Conseil fédéral: la Confédération ne disposerait pas de données statistiques au sujet des couples mariés à deux revenus touchés par la pénalisation du mariage, de sorte que les chiffres communiqués n'étaient que des estimations; en effet, que ce soit dans le message explicatif, lors des débats parlementaires ou encore dans les communiqués de presse, le corps électoral n'a à aucun moment été informé de l'absence de données fiables à ce sujet et de ce que les chiffres communiqués ne reposaient que sur des estimations; un tel silence sur un élément de fait aussi essentiel ne peut être qualifié que de dissimulation; sachant que les électeurs sont tenus chaque année de déclarer de manière circonstanciée leurs revenus et fortune à l'administration fiscale, ils sont en droit de s'attendre à ce que les chiffres utilisés dans des explications ou communications du Conseil fédéral proviennent exclusivement de données fiscales fiables et précises; s'ajoute à cela qu'il est difficile de comprendre comment le résultat des estimations peut varier d'un facteur allant jusqu'à 5,675 fois plus.
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Le recourant souligne encore que la mise en place par le Conseil fédéral d'un examen externe des méthodes d'estimation et du matériel statistique de l'AFC démontrerait que celui-ci a été surpris de ces différences significatives et qu'il entend faire la lumière sur l'origine et les causes des erreurs commises.
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3. La question à trancher est celle de savoir si le Conseil fédéral a informé de manière lacunaire le corps électoral sur des éléments de fait, dont seule l'administration fédérale disposait, et a ainsi faussé l'état d'information des citoyens avant la votation populaire du 28 février 2016.
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L'information erronée ou lacunaire porte sur trois points. D'abord, le nombre de couples mariés à deux revenus touchés par la pénalisation du mariage était erroné (consid. 3.1). Les citoyens n'ont ensuite pas eu connaissance de ce que le nombre de 80'000 résultait d'une estimation (consid. 3.2). Enfin, le corps électoral n'a jamais su que le nombre de 80'000 se fondait sur des données datant de 2001 et que celles-ci n'avaient pas été actualisées (consid. 3.3).
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3.1. Premièrement, les citoyens appelés au vote du 28 février 2016 ont reçu l'information que le nombre de couples mariés à deux revenus touchés par l'initiative était de 80'000. Ils ont appris, en juin 2018, que ce nombre était erroné et qu'en réalité 454'000 couples pouvaient être concernés. Le nombre initial a ainsi été multiplié par un facteur supérieur à 5. Si l'on compte les personnes et non les couples, environ 908'000 personnes - parmi les actifs - pouvaient être touchées par l'initiative en question.
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3.2. Deuxièmement, les électeurs n'ont jamais été informés de ce que le chiffre de 80'000 résultait d'une estimation. Dans son message explicatif, le Conseil fédéral a toujours affirmé (en utilisant l'indicatif présent) que "quelque 80'000 couples mariés à deux revenus et de nombreux couples de retraités mariés Ce manque de transparence ainsi que l'absence d'indication sur le défaut de fiabilité des données représentent une carence portant sur un élément essentiel dans la formation de l'opinion des électeurs. Cette carence est encore aggravée par le fait que la mention d'un nombre, certes approximatif mais apparemment exact, de "quelque 80'000" couples mariés à deux revenus se lit en parallèle avec la mention, quant à elle non chiffrée, de "nombreux" couples de retraités mariés: cela suscite l'impression que le nombre de couples mariés à deux revenus a, contrairement à celui des couples retraités, pu être établi de manière fiable et exacte.
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Le Conseil fédéral a expliqué qu'une des raisons qui pouvait expliquer la différence de chiffres était le changement de la méthode d'estimation. Cet élément pourrait être pris en compte si, dans le message explicatif, il avait été mentionné que le chiffre de 80'000 résultait d'une méthode d'estimation. Les citoyens n'ayant pas reçu cette information, le changement de méthode d'estimation opéré après coup ne peut justifier l'information erronée qui leur a été donnée. Si, à en croire le Conseil fédéral, une estimation plus précise n'était pas possible, la transparence de l'information aurait exigé qu'il soit renoncé à la mention d'un quelconque nombre concret dans la brochure explicative ou qu'il soit fait mention de l'absence de fiabilité des estimations données, de façon à ce que les électeurs puissent se faire une idée correcte et fiable de la question.
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Au demeurant, les citoyens n'ont jamais été mis au courant de ce que des écarts d'estimation si importants pouvaient exister selon les différentes méthodes utilisées, à savoir entre 80'000 et 454'000 couples mariés à deux revenus touchés.
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3.3. S'y ajoute qu'une partie non négligeable de la différence entre les anciennes et les nouvelles données relatives au nombre de couples mariés à deux revenus concernés ne découle pas de la modification de la méthode d'estimation mais de l'actualisation des données statistiques. Le Conseil fédéral explique à cet égard que le nombre de 80'000 se fondait sur des données datant de l'année 2001, soit quinze ans avant la votation: l'Administration fédérale des contributions aurait estimé que les inconvénients d'une actualisation des données l'emportaient sur ses avantages: une actualisation des données n'aurait pas ajouté de valeur supplémentaire importante après qu'une évaluation datant de 2009 (sur la base des statistiques fiscales de l'année 2006) aurait rendu plausible que le cercle des personnes concernées était d'environ 100'000 couples mariés à deux revenus; de plus les discussions de projets de réforme sur l'imposition fiscale des couples mariés duraient depuis longtemps et une actualisation aurait eu tendance à rendre plus difficile la comparaison des projets de réforme.
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L'explication du Conseil fédéral ne convainc pas. En effet, la comparaison des différents projets de réformes n'était pas en discussion lors de la votation du 28 février 2016 : on ne trouve d'ailleurs aucune mention d'autres projets de réforme dans le message explicatif du Conseil fédéral. De même, l'argument selon lequel une actualisation du nombre aurait donné la fausse impression que le nombre de couples mariés concernés pouvait être calculé précisément est aussi erroné. Une telle impression aurait facilement pu être évitée par une clarification. Il y a ainsi lieu de retenir que les autorités fédérales savaient que le chiffre de 80'000 n'était plus d'actualité et qu'elles ont renoncé à en informer le corps électoral.
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3.4. Par conséquent, il y a lieu de constater que l'indication de "quelque 80'000" couples mariés à deux revenus touchés par la pénalisation fiscale du mariage viole le devoir d'information objective et l'obligation de transparence, dans la mesure où elle est inexacte et ne mentionne ni son absence de fiabilité significative ni son manque d'actualité. Comme le démontre le recourant avec de nombreux renvois à des articles de presse, des déclarations de politiciens, des communiqués de presse d'autorités fédérales et de partis politiques, cette donnée a constitué une part importante du débat public précédant la votation. Elle représentait une information essentielle dans la prise de décision et ne concernait pas un point secondaire (cf. arrêt 1P.131/2004 du 14 juin 2004 consid. 3). La situation avant la votation montre ainsi que le corps électoral était privé d'éléments importants pour former et exprimer son opinion. Le caractère incomplet et le manque de transparence des explications du Conseil fédéral ont donc eu des conséquences sur l'état d'information précédant la votation du 28 février 2016, conséquences qui ne sont pas compatibles avec la liberté de vote. L'art. 34 al. 2 Cst. a par conséquent été violé.
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4. Il s'agit enfin de déterminer si les irrégularités constatées ont pu influencer le résultat du scrutin de façon déterminante.
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4.1. En matière de recours contre les votations, la jurisprudence distingue ceux qui sont déposés avant ou peu après la votation des recours qui sont interjetés bien après la votation lorsque des irrégularités ont été connues ultérieurement. Dans le premier cas, la votation n'est annulée qu'à la double condition que la violation constatée est grave et qu'elle a pu avoir une influence sur le résultat du vote; il y a lieu de tenir compte notamment de l'écart de voix, de la gravité des vices de procédure et de leur portée sur le vote dans son ensemble. Si la possibilité d'un résultat différent au cas où la procédure n'avait pas été viciée apparaît à ce point minime qu'elle ne puisse pas entrer sérieusement en considération, il y a lieu de renoncer à l'annulation du vote; dans le cas contraire, il faut considérer le vice comme important et annuler la votation (ATF 145 I 1 consid. 4.2 p. 5; 143 I 78 consid. 7.1 p. 90 s. et les arrêts cités).
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Dans le second cas, les exigences pour l'annulation d'une votation sont plus élevées. Le principe de la sécurité du droit exige en effet la stabilité de la législation en vigueur (art. 5 Cst.). Suivant les circonstances, le principe de la bonne foi (art. 9 Cst.) et des aspects de l'égalité devant la loi (art. 8 al. 1 Cst.) peuvent aussi s'opposer à l'annulation d'une votation qui a eu lieu depuis un certain temps (ATF 138 I 61 consid. 8.7 p. 94 ss et les références citées). Il s'agit donc de procéder à une pesée globale des intérêts, tenant compte de l'écart des voix, de l'influence possible de la gravité de l'irrégularité sur le résultat du vote (ATF 114 Ia 427 consid. 7a p. 446), de la sécurité du droit et des autres aspects qui s'opposent à une annulation de la votation. Il faut aussi prendre en compte le fait qu'une répétition de la votation ne pourra pas se faire dans les mêmes conditions (ATF 138 I 61 consid. 8.7 p. 95 et la référence citée; cf aussi JOSÉ KRAUSE, Die Rechtsweggarantie [art. 29a BV] im Bereich der politischen Rechte, 2017 p. 124).
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Le Tribunal fédéral a annulé à différentes reprises des votations cantonales ou communales. Un recours avait été déposé deux ans après la votation sur le rattachement du Laufonnais au canton de Bâle-Campagne; en 1988, le Tribunal fédéral a annulé la votation en raison de l'intervention du gouvernement bernois dans le financement de la campagne (objet refusé par 56.7% des voix; ATF 114 Ia 427). En 2006, une votation cantonale dans le canton d'Appenzell Rhodes-Extérieures a été annulée au motif d'une violation grave du principe de l'unité de la matière de l'objet soumis au vote (objet accepté à 59.6% des voix; arrêt 1P.223/2006 du 12 septembre 2006 in ZBl 2007 p. 332, in PJA 2007 p. 112). En 2011, un arrêté de convocation des électeurs pour une votation cantonale neuchâteloise a été annulé quelques jours avant la votation pour violation de l'unité de la matière, faute de rapport intrinsèque entre les objets soumis ensemble au vote (ATF 137 I 200). En 2015, une votation communale a été annulée en raison d'irrégularités lors du dépouillement du scrutin (objet accepté par 51.4% des voix; ATF 141 I 221). En 2018, l'annulation d'une votation communale comprenant deux objets a été motivée par la présence d'un stand, avec banderoles de propagande, aux abords du local de vote le jour du scrutin - ce qui constituait une violation manifeste de la loi cantonale pertinente interdisant clairement une telle activité - ayant pu influencer le sort du scrutin (objets refusés par 53.7% et 52.4% des voix; arrêt 1C_610/2017 du 7 mai 2018). En 2018 aussi, une votation communale comprenant deux objets a été annulée en raison de l'intervention massive et unilatérale de l'exécutif communal en faveur du projet (objets acceptés par 50.5% et 51.4% des voix, avec un écart respectivement de 7 voix et de 21 voix; arrêt 1C_521/2017 du 14 mai 2018).
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4.2. A teneur de l'art. 15 al. 1 LDP, le Conseil fédéral constate le résultat définitif de la votation (validation) dès qu'il est établi qu'aucun recours n'a été déposé devant le Tribunal fédéral ou dès que les arrêts rendus sur de tels recours sont prononcés. L'arrêté de validation du scrutin du Conseil fédéral ne peut pas faire l'objet d'un recours au Tribunal fédéral en vertu de l'art. 189 al. 4 Cst. L'exécutif fédéral est cependant lié par les éventuels arrêts du Tribunal fédéral en ce qui concerne la régularité d'un scrutin. En d'autres termes, le Conseil fédéral ne peut constater le résultat de la votation, par addition des chiffres, qu'à l'issue du délai de recours et si le Tribunal fédéral n'ordonne ni une répétition du scrutin ni un recomptage des voix (JACQUES DUBEY, Quelle autorité pour la chose votée? A propos du contrôle [dit "rétrospectif"] de la régularité d'une votation fédérale, après le délai de recours et la validation du résultat, in: Mehr oder weniger Staat?: Festschrift für Peter Hänni zum 65. Geburtstag, Berne, 2015, p. 3-27, p.15).
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L'arrêté de validation du scrutin du Conseil fédéral constate seulement la validité de son résultat, alors que le Tribunal fédéral constate la régularité du scrutin, c'est-à-dire sa conformité à la garantie de la libre formation et de l'expression fidèle et sûre de la volonté des citoyens (art. 34 al. 2 Cst.) (voir DUBEY, op. cit, p. 15, qui formule cette distinction sous forme interrogative). Depuis la révision de l'organisation judiciaire fédérale entrée en vigueur en 2007, le Conseil fédéral n'est plus à la fois l'autorité de recours et de validation. Il lui incombe de surseoir à prononcer la validation jusqu'à droit connu sur les éventuels recours au Tribunal fédéral. L'arrêté de validation a donc uniquement pour but de constater le résultat du scrutin et ainsi d'établir la décision du corps électoral. Comme cet organe est composé de l'ensemble des citoyens actifs suisses, il présente en effet la particularité de ne pas pouvoir manifester sa volonté seul. Un autre organe, le Conseil fédéral, doit intervenir pour additionner les suffrages et constater la majorité. En tant qu'autorité de validation, le Conseil fédéral ne prend pas de décision au fond: il ne fait que prononcer la décision prise par le corps électoral, en arrêtant les chiffres de la majorité et de la minorité (DUBEY, op. cit. p. 16). Il ne s'agit pas non plus d'une décision de nature politique contre laquelle le recours au Tribunal fédéral serait susceptible de violer le principe de la séparation des pouvoirs (cf. GORAN SEFEROVIC, Commentaire bâlois, Cst., 2015, n° 59 ad art. 189 Cst.). L'arrêté de validation a ainsi une portée limitée et exerce pour l'essentiel une fonction qui a été qualifiée de "notariale" (" notarielle Funktion ") (GIOVANNI BIAGGINI, Eine verzwickte Angelegenheit: Die nachträgliche Überprüfung der Regularität einer eidgenössischen Volksabstimmung, in ZBl 2012 p. 429 ss, p. 430). La révocation préalable de l'arrêté de validation du scrutin par le Conseil fédéral n'est donc pas nécessaire au contrôle ultérieur de la régularité du scrutin. Il n'y a pas de conflit positif de compétences entre le Tribunal fédéral et le Conseil fédéral, dès lors que leurs décisions respectives ont un objet différent (cf. DUBEY, op. cit. p. 22 note 60; dans ce sens BIAGGINI, op. cit. p. 430).
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Si le Tribunal fédéral, saisi d'un recours en raison d'irrégularités découvertes bien après la votation, constate une violation des droits politiques dont il juge qu'elle implique une annulation de la votation, le Conseil fédéral est tenu d'adapter son arrêté de validation d'office au nouvel arrêt du Tribunal fédéral. A défaut, le Conseil fédéral se trouverait en conflit avec le devoir que lui impose l'art. 182 al. 2 Cst. de veiller à la mise en oeuvre des jugements rendus par les autorités judiciaires fédérales (BIAGGINI, op. cit. p. 430).
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4.3. En l'espèce, l'initiative litigieuse a été rejetée à une courte majorité par 50.8% des votants (1'664'224 non contre 1'609'152 oui). L'écart des voix entre le "oui" et le "non" apparaît ainsi faible. L'initiative en question a de plus été acceptée par une large majorité des cantons (par 15 cantons et 3 cantons disposant d'une demi-voix [contre 5 cantons et 3 cantons disposant d'une demi-voix]).
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S'agissant de la gravité des irrégularités, l'ampleur de l'erreur doit être prise en considération. La correction a fait en effet passer le nombre de couple mariés à deux revenus touchés par l'initiative en question de 80'000 à 454'000 selon les indications des autorités fédérales. Le nombre initial a ainsi été multiplié par un facteur supérieur à 5.
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Quant à l'influence possible des irrégularités sur la votation, il faut relever que celles-ci ont conduit à deux arguments erronés. D'une part, le chiffre de 80'000 a été utilisé pour faire ressortir le caractère marginal des cas visés par l'initiative par rapport au coût important qu'elle représentait (entre 1,2 et 2,3 milliards de francs par année). D'autre part, l'erreur sur le nombre de couples mariés n'a pas été reprise dans le calcul du coût de la réforme; cela a eu pour effet d'accroître de manière disproportionnée le coût de l'initiative en rapport avec le nombre de personnes touchées. Ces deux éléments ont pu avoir un poids important dans la formation de l'opinion des électeurs.
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Le chiffre de 80'000 - issu des services de l'administration et dont l'absence de fiabilité et d'actualité était connue de celle-ci - a de surcroît été abondamment relayé. Il figure non seulement dans la brochure explicative du Conseil fédéral mais aussi dans le message du Conseil fédéral du 23 octobre 2013 (FF 2013 7623) et dans différents documents officiels (communications du Conseil fédéral, arguments développés par le Conseil fédéral et le Parlement, publications du Département fédéral des finances en réponse aux arguments du comité d'initiative). Ce chiffre a été repris dans les débats parlementaires par la Conseillère fédérale en charge du Département fédéral des finances (BO 2014 CN n° 2304) et a servi de référence dans les débats du Conseil national (BO 2014 CN n° 2273 ss et n° 2295 ss) et du Conseil des Etats (BO 2015 CE n° 43 ss). Ce chiffre a aussi été relayé dans de nombreux journaux, à la radio et à la télévision ainsi que dans l'argumentaire de partis politiques.
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Quant à la sécurité du droit, elle a en l'espèce une importance moindre puisque l'initiative en question a été refusée lors de la votation litigieuse. Contrairement au recours formé contre l'acceptation de la deuxième réforme de l'imposition des entreprises - dans lequel le Tribunal fédéral avait pris en compte le fait que la réforme législative était entrée en vigueur, que de nombreuses entreprises avaient pris leurs dispositions en fonction de ce nouveau droit et que les possibilités ainsi offertes avaient d'ores et déjà été mises en oeuvre (ATF 138 I 61 consid. 8.7 p. 95) -, il n'est pas question ici d'annuler une loi en vigueur et déjà maintes fois appliquée. La votation en question n'a en effet introduit aucune norme qui ne pourrait être annulée. Dans de telles circonstances, l'intérêt à la sécurité du droit ne peut l'emporter (ATF 114 Ia 427 consid. 8b p. 451) face à l'intérêt à ce que l'opinion du corps électoral puisse être formée de manière complète sur la base d'informations exactes.
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Le Conseil fédéral souligne encore le fait que la définition étroite du mariage proposée par l'initiative a été l'élément le plus important pour rejeter l'initiative (SCIARINI/FEDDERSEN/LANZ, Analyse de la votation fédérale du 28 février 2016, p. 3, disponible sous : https://www.gfsbern.ch [consulté le 10 avril 2019]). L'analyse politologique résultant d'un sondage, citée par le Conseil fédéral, précise cependant que si cet argument a été plébiscité par les personnes qui ont rejeté l'initiative, il est aussi soutenu par près de la moitié des personnes qui l'ont acceptée. Il ressort en outre de cette analyse que l'argument selon lequel "il est injuste que les couples mariés soient pénalisés par rapport aux couples non mariés en matière d'impôts et d'assurances sociales", qui était au coeur de l'initiative, est fortement soutenu tant par les votants qui ont accepté l'initiative que par ceux qui l'ont refusée. Le nombre de personnes fiscalement discriminées était ainsi un élément important dans le choix des électeurs. Quoi qu'il en soit, il n'est pas possible de déterminer quel argument a convaincu chaque citoyen de voter en faveur ou en défaveur de l'initiative. Si certains électeurs ont rejeté l'initiative en raison de la définition étroite du mariage, il n'en demeure pas moins que des citoyens ont aussi pu refuser l'initiative parce qu'ils pensaient que seul un petit nombre de couples mariés à deux revenus était concerné. Le Tribunal fédéral ne peut donc prendre en compte de tels éléments résultant d'un sondage pour opérer la pesée des intérêts relative à l'annulation d'une votation.
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Enfin, quoi qu'en dise le Conseil fédéral, le fait que le thème de la discrimination fiscale des couples mariés est toujours d'actualité dans le cadre de la révision en cours de l'imposition du couple et de la famille n'a pas d'incidence dans la présente procédure, tant qu'une telle réforme n'est pas entrée en vigueur (à l'échéance du délai référendaire). De plus, comme le relève le Conseil fédéral, seule une partie de l'initiative populaire litigieuse est concernée par le projet de réforme en cours.
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Il ressort de ce qui précède que la sécurité du droit ne s'oppose pas à l'annulation du scrutin, que les irrégularités constatées sont crasses et que l'issue du scrutin - compte tenu de la double majorité prévue à l'art. 140 al. 1 let. a Cst. - est serrée. Il est dès lors possible que les irrégularités constatées aient pu exercer une influence sur l'issue du vote. Les conditions posées par la jurisprudence pour une annulation du scrutin sont ainsi remplies.
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5. Il s'ensuit que le recours est admis et que la décision attaquée est annulée. La votation fédérale du 28 février 2016 portant sur l'initiative populaire "Pour le couple et la famille - Non à la pénalisation du mariage" est annulée. Conformément à l'art. 182 al. 2 Cst., le Conseil fédéral veillera à la mise en oeuvre du présent arrêt (voir supra consid. 4.2).
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Il n'est pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF). Le recourant, qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat, a droit à des dépens pour la procédure fédérale, à la charge de la Confédération (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est admis et la décision attaquée est annulée. La votation fédérale du 28 février 2016 portant sur l'initiative populaire "Pour le couple et la famille - Non à la pénalisation du mariage" est annulée.
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2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3. Une indemnité de dépens de 2'000 francs, allouée au recourant, est mise à la charge de la Confédération.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, au Conseil fédéral, à la Chancellerie fédérale et au Conseil d'Etat du canton de Vaud.
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Lausanne, le 10 avril 2019
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Chaix
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La Greffière : Tornay Schaller
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