BGer 9C_537/2019 | |||
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BGer 9C_537/2019 vom 25.02.2020 |
9C_537/2019 |
Arrêt du 25 février 2020 |
IIe Cour de droit social | |
Composition
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M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président, Glanzmann et Moser-Szeless.
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Greffier : M. Berthoud.
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Participants à la procédure | |
Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève, rue des Gares 12, 1201 Genève,
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recourant,
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contre
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A.________,
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représentée par Me Manuel Mouro, avocat,
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intimée.
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Objet
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Assurance-invalidité,
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recours contre le jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 6 juin 2019 (A/2115/2018 ATAS/556/2019).
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Faits : | |
A. A.________, née en 1960, a travaillé en dernier lieu en qualité de tenancière d'une épicerie tea-room.
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Dans le contexte d'une demande de prestations de l'assurance-invalidité (déposée le 28 février 2012), l'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a été enjoint de se prononcer à nouveau sur le droit à la rente en fonction d'une capacité résiduelle de travail de 60 % dans une activité adaptée, fondée sur les conclusions du professeur B.________ et de la doctoresse C.________ (jugement de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, du 12 mai 2016, et arrêt du Tribunal fédéral du 23 janvier 2017 [9C_422/2016]). Les deux spécialistes en neurologie avaient posé le diagnostic de tremblement psychogène et de trouble moteur dissociatif, concluant à une limitation du rendement en raison de l'impotence fonctionnelle du membre supérieur droit (rapport du 27 décembre 2014). Par décision du 15 mai 2018, l'office AI a alloué à l'assurée un quart de rente d'invalidité à partir du 1 er janvier 2013, fondé sur un taux d'invalidité de 47 %. En bref, il a notamment pris en considération dans la comparaison des revenus déterminants un abattement de 10 % sur le revenu d'invalide en raison de l'âge de l'assurée et du fait que seules des activités légères restaient possibles.
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B. A.________ a déféré cette décision à la Cour de justice genevoise. Dans sa réponse, l'office AI a proposé de fixer le degré d'invalidité à 49 %, l'abattement de 10 % étant maintenu (cf. calcul du 17 juillet 2018).
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Par jugement du 6 juin 2019, la juridiction cantonale a réformé la décision du 15 mai 2018 et reconnu le droit de l'assurée à une demi-rente d'invalidité dès le 1 er janvier 2013. Elle a considéré que l'abattement sur le salaire statistique devait être fixé à 15 %, ce qui entraînait un taux d'invalidité de 50 %.
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C. L'office AI interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont il demande l'annulation en tant qu'il modifie le taux d'abattement. Il conclut à la confirmation de l'octroi d'un quart de rente dès le 1 er janvier 2013, fondé sur un degré d'invalidité de 49 %.
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L'intimée conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
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Considérant en droit : | |
1. Le recours en matière de droit public peut être interjeté pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il statue par ailleurs sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). Le recourant qui entend s'en écarter doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut pas être pris en considération.
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Erwägung 2 | |
2.1. Compte tenu des motifs et conclusions du recours, le litige porte sur la quotité de la rente d'invalidité allouée à l'intimée à partir du 1er janvier 2013, qui s'élève à une demi-rente selon la juridiction cantonale et à un quart de rente selon l'office recourant. Est seul contesté à cet égard l'abattement que la juridiction cantonale a appliqué au salaire d'invalide établi sur une base statistique (15 %), se distançant sur ce point de celui fixé par l'office recourant (10 %).
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2.2. En ce qui concerne la fixation du revenu d'invalide (cf. art. 16 LPGA) sur la base des statistiques salariales, il est notoire, selon la jurisprudence, que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d'une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb p. 323). La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent par conséquent être réduits dépend de l'ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité, autorisation de séjour et taux d'occupation). Une déduction globale maximale de 25 % sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d'une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79).
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Le point de savoir s'il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d'autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral; en revanche, l'étendue de l'abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d'appréciation, qui est soumise à l'examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d'appréciation de manière contraire au droit, soit si celle-ci a commis un excès positif ("Ermessensüberschreitung") ou négatif ("Ermessensunterschreitung") de son pouvoir d'appréciation ou a abusé ("Ermessensmissbrauch") de celui-ci, notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n'usant pas de critères objectifs (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399; 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).
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Erwägung 3 | |
3.1. En ce qui concerne l'abattement sur le salaire statistique, les premiers juges se sont référés à la casuistique du Tribunal fédéral relative aux déductions pratiquées pour des assurés qui ont une main partiellement ou complètement non fonctionnelle. Ils ont admis que la déduction de 10 % retenue par l'office AI était inférieure à la quotité généralement admise pour ce motif, de sorte qu'elle s'avérait problématique pour des questions d'égalité de traitement entre assurés. A cela, il fallait tenir compte de l'âge de l'intimée, également susceptible de réduire son revenu d'invalide. Compte tenu de l'ensemble des circonstances, la déduction de 10 % apparaissait insuffisante, tandis qu'un abattement de 15 % était plus approprié.
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3.2. L'office recourant soutient que les premiers juges ont substitué à tort leur appréciation à la sienne en opérant une déduction de 15 %. Pour lui, les limitations fonctionnelles avaient déjà été prises en compte dans la diminution du rendement pour déterminer la capacité de travail de l'intimée, laquelle avait été arrêtée à 60 % dans une activité adaptée à son handicap manuel (cf. rapport d'expertise du 27 décembre 2014), si bien qu'elles ne pouvaient pas être retenues une seconde fois lors de la fixation du revenu d'invalide. Au surplus, les précédents retenus par la juridiction cantonale n'étaient pas représentatifs, la capacité résiduelle de travail des assurés étant entière dans la majorité de ces cas.
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3.3. Dans sa réponse, l'intimée partage l'appréciation de l'instance précédente. Elle rappelle qu'elle est prise de tremblements permanents du membre supérieur droit, en précisant qu'ils s'accentuent lorsque celui-ci est mobilisé. Elle en déduit que cela aboutit à une discrimination objective à l'emploi dont il n'a pas été tenu compte et qui péjore ses perspectives salariales. A son avis, aucun employeur ne retiendra son dossier, sans compensation financière, si elle est mise en concurrence avec un autre candidat dont le membre supérieur droit serait également atteint, avec une perte de rendement identique, mais qui serait épargné par les tremblements dont elle souffre.
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Erwägung 4 | |
4.1. Selon les constatations de la juridiction cantonale qui ne sont pas remises en cause par les parties et qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), l'intimée présente une capacité de travail de 60 % dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles du membre supérieur droit. Celles-ci ont été décrites dans le rapport d'expertise du 27 décembre 2014 et lors de l'audition du professeur B.________, le 1er octobre 2015, ce spécialiste ayant en particulier indiqué que la main droite, malgré le tremblement, était encore utilisable en appui à la gauche, que les travaux de précision et les gestes fins étaient impossibles, que le port d'objets de plus de 5 kg était à proscrire, et que l'écriture restait possible, bien que difficile. Or ce sont précisément ces limitations qui ont justifié aux yeux des experts la diminution de la capacité de travail à 60 %, la baisse de rendement de 40 % étant due aux stratégies que l'assurée devait mettre en place pour fonctionner en utilisant "ce qu'il reste de son bras et sa main droite" dans un milieu professionnel (rapport cité, p. 14).
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4.2. Comme le fait valoir à juste titre le recourant, il n'y a pas lieu dans le cadre de l'abattement sur le revenu d'invalide de tenir compte une seconde fois de limitations qui ont été prises en considération lors de l'évaluation de la capacité de l'assurée sous l'angle médical (voir par ex. arrêts 9C_273/2019 du 18 juillet 2019 consid. 6.1 et 9C_847/2018 du 2 avril 2019 consid. 6.2.3).
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Ce nonobstant, la juridiction cantonale n'a pas violé le droit ni abusé ou excédé de son pouvoir d'appréciation en fixant à 15 % l'abattement sur le revenu d'invalide. En effet, au regard des activités citées par les experts neurologues puis l'office recourant, il apparaît que le spectre des activités légères adaptées pouvant entrer en considération dans le cas d'espèce est fortement réduit. On ne voit ainsi pas que les activités de "patrouilleuse" scolaire ou surveillante scolaire (cf. projet de décision du 4 décembre 2017) soient exigibles d'une assurée dont le bras droit est atteint de tremblements pratiquement constants, au regard de la responsabilité inhérente aux postes cités. A l'inverse par ailleurs de ce que prétend l'office recourant, l'égalité de traitement fait partie des principes de droit constitutionnel qui régissent l'activité de l'administration et des autorités judiciaires, de sorte qu'on ne saurait reprocher aux premiers juges d'avoir pris en considération la pratique du Tribunal fédéral concernant la déduction sur le salaire statistique dans le cas de personnes assurées privées partiellement ou complètement de l'usage d'un membre supérieur (cf. arrêt 8C_58/2018 du 7 août 2018 consid. 5.3 et les arrêts cités).
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4.3. Il résulte de ce qui précède que le recours est mal fondé.
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5. Le recourant, qui succombe, supportera les frais de la procédure (art. 66 al. 1 LTF) et les dépens de l'intimée (art. 68 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
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3. Le recourant versera à l'intimée la somme de 2800 fr. à titre de dépens pour l'instance fédérale.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
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Lucerne, le 25 février 2020
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Au nom de la IIe Cour de droit social
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Parrino
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Le Greffier : Berthoud
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