BGer 1B_520/2019 | |||
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BGer 1B_520/2019 vom 15.04.2020 |
1B_520/2019 |
Arrêt du 15 avril 2020 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Juge présidant,
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Kneubühler et Müller.
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Greffière : Mme Kropf.
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Participants à la procédure
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A.________ Ltd., représentée
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par Maîtres Christian Girod et Jean-Frédéric Maraia, avocats,
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recourante,
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contre
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Administration fédérale des contributions.
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Objet
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Droit pénal administratif; requête d'accès au dossier,
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recours contre l'ordonnance du Juge rapporteur
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de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral
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du 19 septembre 2019 (BP.2019.70).
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Faits : | |
A. Dans le cadre de l'enquête pénale fiscale menée contre B.________, C.________ et D.________, l'Administration fédérale des contributions (AFC) a procédé à des perquisitions dans les locaux de E.________. L'apposition des scellés ayant été requise, l'AFC a déposé, le 2 juillet 2019, une demande de levée de cette mesure auprès de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (cause BE.----.9).
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Les 15, 23 et 29 juillet 2019, E.________, par l'intermédiaire des avocats Christian Girod et Jean-Frédéric Maraia, a notamment sollicité l'accès à l'ensemble des pièces mises sous scellés, requête rejetée par ordonnance du 31 juillet 2019. Dans cette décision, était également prolongé jusqu'au 15 août 2019 le délai accordé pour répondre à la requête de levée des scellés.
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Par courrier du 15 août 2019 - reçu le lendemain par la Cour des plaintes -, les avocats Christian Girod et Jean-Frédéric Maraia, agissant pour le compte de la société A.________ Ltd., ont indiqué que leur mandante n'avait eu connaissance que "très récemment" de la procédure de levée des scellés et qu'elle avait été informée que la documentation bénéficiant de cette protection contiendrait "de nombreux documents couverts par un secret dont elle [était] personnellement titulaire"; elle requérait en conséquence, pour faire valoir ses droits, l'accès au dossier de la cause, à la documentation physique et informatique placée sous scellés et l'octroi d'un délai pour se déterminer sur la requête de l'AFC.
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Selon les observations datées du 15 août 2019 des mandataires de E.________ et de A.________ Ltd. - réceptionnées le 20 suivant par la Cour des plaintes -, la seconde société précitée déclarait se joindre en tant que tiers non-détenteur, à la procédure de levée des scellés initiée par l'AFC; les deux sociétés requéraient en outre l'octroi de l' "accès complet à l'ensemble de la documentation (physique et informatique) placée sous scellés par l'AFC ensuite des perquisitions domiciliaires des 8 mai, 6 et 27 juin 2019 et, ceci fait, [l'octroi d']un nouveau délai pour déposer des déterminations sur le fond de la cause dans le cadre de la procédure BE.----.9".
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Le 22 août 2019, un délai au 2 septembre 2019 a été imparti aux avocats Christian Girod et Jean-Frédéric Maraia pour transmettre une procuration attestant des pouvoirs conférés par A.________ Ltd., ainsi que divers documents concernant ladite société.
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Le 19 septembre 2019, le Juge rapporteur de la Cour des plaintes a déclaré irrecevable la requête d'accès aux pièces placées sous scellés formée par A.________ Ltd.; il a considéré que cette demande avait été déposée tardivement. Par surabondance, le Juge rapporteur a estimé qu'en l'absence de précision, même brève, il ne pouvait être retenu que cette société aurait des secrets professionnels ou commerciaux à protéger.
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B. Par acte daté du 21 octobre 2019, A.________ Ltd., représentée par les avocats Christian Girod et Jean-Frédéric Maraia, forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Subsidiairement, elle demande la reconnaissance de sa qualité de partie à la procédure de levée des scellés BE.----.9, procédure pendante devant la Cour des plaintes. A titre de mesures provisionnelles, la recourante requiert la suspension de la procédure de levée des scellés jusqu'à droit connu sur le présent recours.
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Invitée à se déterminer, l'autorité précédente s'en est remise à justice s'agissant de l'effet suspensif et des mesures provisionnelles; pour le surplus, elle a persisté dans les termes de sa décision, sans formuler d'observations. L'AFC a conclu au rejet du recours dans la mesure de sa recevabilité. Le 17 décembre 2019, la recourante a persisté dans ses conclusions.
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Par ordonnance du 19 novembre 2019, le Président de la Ire Cour de droit public a admis la requête d'effet suspensif.
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Considérant en droit : | |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 145 II 168 consid. 1 p. 170).
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1.1. Le recours est dirigé contre une décision d'irrecevabilité prise par le Juge rapporteur de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral. Sur le fond, le litige concerne une demande d'accès aux documents placés sous scellés dans le cadre d'une procédure relative à une requête de levée de cette mesure de protection.
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1.2. Le recours en matière pénale en application de l'art. 79 LTF est ouvert contre un prononcé de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral statuant dans le cadre d'une procédure de levée des scellés (ATF 139 IV 246 consid. 1.3 p. 248).
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Ce recours n'est cependant en principe ouvert qu'à l'encontre d'une décision de la Cour des plaintes in corpore, à l'exclusion d'un prononcé rendu par son Juge rapporteur (ATF 134 IV 237 consid. 1.1 p. 238; 133 IV 182 consid. 4.4. p. 186; 130 IV 156 consid. 1.2.1 p. 159). Cette jurisprudence a été maintenue après l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 19 mars 2010 sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP; RS 173.71); les décisions sur effet suspensif et mesures provisionnelles prises par le magistrat en charge de la direction de la procédure (cf. art. 387 et 388 CPP) ne sont ainsi en principe pas susceptibles d'être déférées au Tribunal fédéral (arrêt 1B_552/2012 du 3 octobre 2012 consid. 2).
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La décision attaquée n'a pas été rendue par la Cour des plaintes, mais par son Juge rapporteur. Dans la mesure où la recourante conteste la compétence de ce magistrat, il y a lieu de vérifier si celui-ci pouvait statuer sur sa requête d'accès aux pièces placées sous scellés.
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1.2.1. A teneur de l'art. 37 al. 1 LOAP, les Cours des plaintes du Tribunal pénal fédéral statuent sur les affaires dont le CPP attribue la compétence à l'autorité de recours ou au Tribunal pénal fédéral. Elles statuent en outre sur les plaintes qui leur sont soumises en vertu de la loi fédérale du 22 mars 1974 sur le droit pénal administratif (DPA; RS 313.0 [art. 37 al. 2 let. b LOAP]). L'art. 38 LOAP prévoit que les Cours des plaintes statuent à trois juges, sauf si la LOAP en attribue la compétence à la direction de la procédure. La procédure devant les cours du Tribunal pénal fédéral est régie par le CPP et par la LOAP (art. 39 al. 1 LOAP); sont réservés notamment les cas de plainte en application de l'art. 37 al. 2 let. b LOAP, qui sont régis par le DPA (art. 39 al. 2 let. a LOAP). A teneur de l'art. 15 al. 3 du Règlement du 31 août 2010 sur l'organisation du Tribunal pénal fédéral (ROTPF; RS 173.713.161), le président de la cour peut désigner un juge unique, ainsi que le président d'une composition à trois juges, et lui confier l'instruction de la procédure et les fonctions présidentielles.
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Selon l'art. 25 al. 1 DPA, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral connaît des plaintes et contestations qui lui sont soumises en vertu du DPA. Avant la perquisition, le détenteur des papiers est, chaque fois que cela est possible, mis en mesure d'en indiquer le contenu (art. 50 al. 3 1ère phrase DPA); s'il s'oppose à la perquisition, les papiers sont mis sous scellés et déposés en lieu sûr (art. 50 al. 3 2ème phrase DPA); la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral statue sur l'admissibilité de la perquisition (art. 25 al. 1 DPA [art. 50 al. 3 3ème phrase DPA]). La Cour des plaintes est ainsi compétente en application du DPA pour statuer sur la demande de levée des scellés déposées par l'AFC, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté en l'espèce.
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Les dispositions relatives à la procédure de plainte (art. 26 ss DPA) ne s'appliquent pas à la procédure de levée des scellés découlant de l'art. 50 al. 3 DPA (FAVRE/PELLET/STOUDMANN, Droit pénal accessoire, 2018, n° 3.1 ad art. 50 DPA). Si le DPA ne règle pas exhaustivement certaines questions, les dispositions du CPP sont applicables par analogie (ATF 139 IV 246 consid. 1.2 p. 248; arrêts 1B_91/2019 du 11 juin 2019 consid. 2.1; 1B_487/2018 du 6 février 2019 consid. 2.1 et les arrêts cités).
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1.2.2. Selon l'art. 61 let. c CPP, l'autorité investie de la direction de la procédure est le président du tribunal, s'agissant d'une procédure devant un tribunal collégial. La direction de la procédure ordonne les mesures nécessaires au bon déroulement et à la légalité de la procédure (art. 62 al. 1 CPP) et, dans le cadre d'une procédure devant un tribunal collégial, elle exerce toutes les attributions qui ne sont pas réservées au tribunal lui-même (art. 62 al. 2 CPP). Cette disposition constitue une clause générale de compétence (Parein/Bichovsky, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, n° 1 ad art. 62 CPP), notamment en faveur de la direction de la procédure d'une autorité collégiale (SCHMID/JOSITSCH, Schweizerische Strafprozessordnung, Praxiskommentar, 3e éd. 2018, n° 2 ad art. 62 CPP; Adrian Jent, in Basler Kommentar Strafprozessordnung, Art. 1-195 StPO, 2e éd. 2014, n° 10 ad art. 62 CPP; DANIELA BRÜSCHWEILER, in DONATSCH/HANSJAKOB/LIEBER (édit.), Kommentar zur Schweizerischen Strafprozessordnung, 2e éd. 2014, n° 2 ad art. 62 CPP)
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En particulier, la direction de la procédure est compétente pour examiner les requêtes déposées par les parties et statue par le biais d'une décision incidente, sous réserve des requêtes sur lesquelles la cour statue dans la décision finale (art. 109 CPP; Yasmina Bendani, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2e éd. 2019, nos 19 ss ad art. 109 CPP; Jent, op. cit., n° 5 ad art. 62 CPP; Hafner/Fischer, in Basler Kommentar Strafprozessordnung, Art. 1-195 StPO, 2e éd. 2014, n° 18 ad art. 109 CPP). Elle se prononce ainsi notamment sur les requêtes relatives au droit d'accès au dossier (cf. art. 102 CPP; Parein/Bichovsky, op. cit., n° 5 ad art. 62 CPP; Bendani, op. cit., n° 4 ad art. 109 CPP; Jent, op. cit., n° 5 ad art. 62 CPP).
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1.2.3. Vu la saisie de la Cour des plaintes pour traiter des "plaintes" et des "contestations" prévues par l'art. 25 al. 1 DPA - dont fait assurément partie la procédure de levée des scellés découlant de l'art. 50 al. 3 DPA - et eu égard à la sécurité du droit, il ne saurait être retenu que la réserve posée à l'art. 39 al. 2 let. b LOAP pour le DPA ne concernerait que les procédures de plainte proprement dites, à l'exclusion de la procédure particulière de levée des scellés. Les règles de procédure du DPA sont ainsi applicables dans ce domaine, respectivement sont complétées par l'application par analogie de celles prévues dans le CPP.
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En l'absence de disposition spécifique sur la compétence de l'autorité appelée à statuer - notamment préalablement aux débats - sur une requête d'accès au dossier, les art. 62 al. 1 et 2, 102 et 109 CPP sont donc applicables par analogie. Le Juge rapporteur, en tant que direction de la procédure d'une autorité collégiale, est ainsi compétent pour statuer sur de telles demandes.
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1.3. Il s'ensuit que le recours formé par la recourante est irrecevable, faute d'être formé contre une décision rendue par la Cour des plaintes in corpore.
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1.4. La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al.1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est irrecevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante, à l'Administration fédérale des contributions et au Juge rapporteur de la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral.
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Lausanne, le 15 avril 2020
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Juge présidant : Fonjallaz
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La Greffière : Kropf
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