BGer 6B_197/2020 | |||
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BGer 6B_197/2020 vom 07.05.2020 |
6B_197/2020 |
Arrêt du 7 mai 2020 |
Cour de droit pénal | |
Composition
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M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,
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Jacquemoud-Rossari et Koch.
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Greffier : M. Graa.
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Participants à la procédure
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A.________, représentée par Me Astyanax Peca, avocat,
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recourante,
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contre
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Ministère public central du canton de Vaud,
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intimé.
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Objet
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Droit d'être entendu; arbitraire,
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recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 26 novembre 2019 (n° 410 PE18.012955-STL/CMD).
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Faits : | |
A. Par jugement du 12 août 2019, le Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné A.________, pour infraction à la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS; RS 831.10), à une peine pécuniaire de 180 jours-amende à 180 fr. le jour, a prononcé une créance compensatrice en faveur de l'Etat à hauteur de 221'950 fr. et a maintenu le séquestre, à concurrence de cette somme, portant sur un bien-fonds dont la prénommée est propriétaire.
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B. Par jugement du 26 novembre 2019, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l'appel formé par A.________ contre ce jugement et a confirmé celui-ci.
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La cour cantonale a retenu les faits suivants.
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B.a. A.________, née en 1968, est ressortissante de Chine. Elle s'est installée en Suisse en 2011.
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Son casier judiciaire fait état d'une condamnation, en 2016, pour délit contre la loi fédérale sur les médicaments et les dispositifs médicaux (LPTh; RS 812.21).
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B.b. A.________ est administratrice de la société B.________ SA, dont le siège est à C.________. Elle est intervenue, en qualité de courtière immobilière, dans le cadre de la vente du capital-actions de cette société. A ce titre, elle a perçu, au cours de l'année 2014, une commission de courtage de 2'300'000 fr. sur un compte ouvert par sa mère à Hong Kong. A.________ a caché l'existence de cette rémunération en ne la signalant pas aux autorités administratives compétentes, en particulier à celles chargées d'encaisser les cotisations sociales AVS/AI/APG. La prénommée a ainsi éludé son obligation de payer lesdites cotisations à concurrence de 221'950 francs.
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C. A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 26 novembre 2019, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'elle est acquittée, que la créance compensatrice prononcée ainsi que le séquestre portant sur son bien-fonds sont annulés. Subsidiairement, elle conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
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Considérant en droit : | |
1. La recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir violé son droit d'être entendue en refusant d'auditionner D.________.
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1.1. Le droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 Cst., comprend notamment pour le justiciable le droit d'obtenir l'administration des preuves pertinentes et valablement offertes, de participer à l'administration des preuves essentielles et de se déterminer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 p. 103).
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Selon l'art. 389 al. 1 CPP, la procédure de recours se fonde sur les preuves administrées pendant la procédure préliminaire et la procédure de première instance. L'art. 389 al. 3 CPP règle les preuves complémentaires. Ainsi, la juridiction de recours administre, d'office ou à la demande d'une partie, les preuves complémentaires nécessaires au traitement du recours. Conformément à l'art. 139 al. 2 CPP, il n'y a pas lieu d'administrer des preuves sur des faits non pertinents, notoires, connus de l'autorité ou déjà suffisamment prouvés. Cette disposition codifie, pour la procédure pénale, la règle jurisprudentielle déduite de l'art. 29 al. 2 Cst. en matière d'appréciation anticipée des preuves (arrêts 6B_78/2020 du 1er avril 2020 consid. 1.1; 6B_178/2020 du 20 mars 2020 consid. 1.1). Le magistrat peut ainsi refuser des preuves nouvelles, lorsqu'une administration anticipée de ces preuves démontre qu'elles ne seront pas de nature à modifier le résultat de celles déjà administrées (ATF 136 I 229 consid. 5.3 p. 236 s.). Ce refus d'instruire ne viole le droit d'être entendu des parties et l'art. 389 al. 3 CPP que si l'appréciation anticipée effectuée est entachée d'arbitraire (cf. ATF 144 II 427 consid. 3.1.3 p. 435; 141 I 60 consid. 3.3 p. 64).
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1.2. Le dossier de la cause comprend un courriel du 6 août 2013, adressé par D.________ - ayant droit économique de la société qui détenait le capital-actions de B.________ SA - à E.________, qui était alors administrateur de cette dernière société. D.________ y fait état des discussions conduites autour de la vente du capital-actions de la société concernée. Il y évoque notamment les clients et partenaires de la recourante s'apprêtant à acquérir la société, la compensation devant être perçue par l'intéressée et la conclusion d'une convention avec celle-ci afin de ne pas assumer de responsabilités face aux autres courtiers qui avaient été chargés de l'opération en question (cf. pièce 4/6 du dossier cantonal).
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La cour cantonale a exposé que l'audition en question n'était pas nécessaire, dans la mesure où le courriel qui avait été rédigé par D.________ le 6 août 2013 était suffisant pour établir les faits. Contrairement à ce qu'avait soutenu la recourante, ce courriel ne constituait pas le seul élément à sa charge figurant au dossier. Enfin, le témoignage du prénommé n'aurait qu'une valeur probante très faible, compte tenu de ses liens avec la recourante et du rôle qu'il paraissait avoir joué pour éviter le partage de la commission de courtage avec les autres courtiers immobiliers ayant été actifs dans l'opération.
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1.3. La recourante commence par formuler quelques remarques à propos de la motivation du jugement attaqué, sans présenter, sur ce point, un grief répondant aux exigences des art. 42 al. 2 et 106 al. 2 LTF concernant une éventuelle violation de son droit d'être entendue.
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L'essentiel de son argumentation revient à contester l'établissement des faits, soit à critiquer la valeur probante accordée par l'autorité précédente au courriel du 6 août 2013. Il convient ainsi de traiter cette argumentation en lien avec le grief d'arbitraire dans l'établissement des faits (cf. consid. 2 infra). Pour le reste, la recourante ne démontre pas que l'appréciation anticipée de la preuve à laquelle s'est livrée la cour cantonale serait entachée d'arbitraire. Il n'était en particulier pas insoutenable de retenir que D.________ ne pourrait désormais, le cas échéant, contester de manière crédible la réalité des opérations et dissimulations évoquées en toute franchise dans le courriel du 6 août 2013.
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2. La recourante reproche à l'autorité précédente d'avoir apprécié les preuves et établi les faits de manière arbitraire. Elle se plaint en outre, à cet égard, d'une violation du principe "in dubio pro reo".
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2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire. La présomption d'innocence, garantie par les art. 10 CPP, 32 al. 1 Cst., 14 par. 2 Pacte ONU II et 6 par. 2 CEDH, ainsi que son corollaire, le principe "in dubio pro reo", concernent tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large. En tant que règle sur le fardeau de la preuve, elle signifie, au stade du jugement, que le fardeau de la preuve incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective. Lorsque l'appréciation des preuves et la constatation des faits sont critiquées en référence au principe "in dubio pro reo", celui-ci n'a pas de portée plus large que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s. et les références citées).
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2.2. La cour cantonale a fait sienne l'appréciation des preuves effectuée par le tribunal de première instance concernant le bénéficiaire de la commission de courtage relative à la vente du capital-actions de B.________ SA. Il en ressortait notamment que, dans son courriel du 6 août 2013, D.________ avait évoqué son téléphone avec "Mme A.________", la compensation de "Mme A.________", le "consulting fee" et les instructions de "Mme A.________" quant au fait que la commission due devait être versée directement à une tierce personne "désignée". Les termes "Mme A.________" ne pouvaient désigner que la recourante et non sa mère, nommée "F.________", car les plans de partenariat de l'intéressée avec les acheteurs du capital-actions de B.________ SA avaient été spécifiquement mentionnés. La recourante avait de surcroît rencontré à plusieurs reprises l'acquéreur et participé aux diverses étapes de l'opération - soit aux négociations ou à la signature de l'acte de vente - sans la présence de sa mère. Enfin, dès lors que la recourante avait été liée contractuellement aux autres courtiers travaillant sur la vente, l'évocation d'un potentiel conflit avec ceux-ci par D.________ ne pouvait avoir de sens que si la commission prévue devait échoir à l'intéressée, non à sa mère (cf. jugement du 12 août 2019, p. 16 ss).
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Pour le reste, l'autorité précédente a exposé que le courriel de D.________ du 6 août 2013 permettait d'exclure que la mère de la recourante eût fonctionné comme courtière pour la vente en question. Il y était en effet question des clients et partenaires de la recourante, qui allaient acquérir la société, ainsi que de la compensation qui serait perçue par cette dernière. En outre, il avait été établi que la recourante s'était trouvée liée contractuellement aux courtiers immobiliers auxquels la commission perçue avait été dissimulée. Dans le courriel du 6 août 2013, ceux-ci étaient présentés comme "les rongeurs qu'il faut éviter". Il était précisé que, pour ce faire, la recourante ne devait pas apparaître dans les contrats. Ces indications concernaient évidemment la commission de courtage qui devait être versée à la recourante et non aux autres courtiers immobiliers. C'était pour ce motif que les factures de la commission de courtage avaient été établies au nom de la mère de la recourante et les montants versés sur un compte dont cette dernière était titulaire.
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2.3. La recourante développe une argumentation purement appellatoire et, partant, irrecevable, par laquelle elle oppose sa propre version des événements à celle de la cour cantonale, sans démontrer en quoi l'état de fait ressortant du jugement attaqué serait insoutenable. Au demeurant, cette version des événements - selon laquelle la recourante aurait simplement fonctionné comme interprète dans le cadre de la vente du capital-actions de B.________ SA - repose sur ses seules explications, lesquelles ne sont étayées par aucun élément au dossier mais en revanche contredites par différentes preuves. Il ressort en particulier expressément du courriel du 6 août 2013 que c'est la recourante - non sa mère - qui devait percevoir une commission, cela de manière dissimulée, "de préférence hors Suisse" (cf. pièce 4/6 du dossier cantonal). Le rôle prépondérant joué par la recourante dans l'opération a de surcroît été confirmé par son époux G.________, lequel a expliqué comment tous deux étaient entrés en négociation avec l'acquéreur, sans aucunement faire intervenir sa belle-mère dans ces démarches (cf. PV d'audition du 20 septembre 2017, p. 2 ss). E.________ a, pour sa part, uniquement déclaré que la mère de la recourante avait "recherché des clients en Chine", nullement que celle-ci aurait fonctionné comme courtière dans l'opération (cf. PV d'audition du 22 novembre 2017, p. 4). Enfin, l'existence d'un conflit entre les autres courtiers immobiliers et D.________ ne fait aucunement apparaître comme arbitraire l'état de fait de la cour cantonale.
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La recourante ne montre ainsi pas qu'une constatation insoutenable aurait pu être tirée, par la cour cantonale, de l'un ou l'autre des moyens probatoires administrés, ni que l'état de fait serait entaché d'arbitraire.
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3. Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 7 mai 2020
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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Le Greffier : Graa
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