BGer 2C_21/2020 | |||
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BGer 2C_21/2020 vom 25.05.2020 |
2C_21/2020 |
Arrêt du 25 mai 2020 |
IIe Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Seiler, Président,
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Donzallaz et Beusch.
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Greffier: M. Tissot-Daguette.
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Participants à la procédure
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A.________ SA,
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représentée par Me Christoph Suter, avocat,
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recourante,
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contre
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Ville de Genève,
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représentée par Me Antoine Berthoud, avocat.
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Objet
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Taxe professionnelle communale genevoise des années 2003 à 2009,
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recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 19 novembre 2019 (ATA/1699/2019).
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Faits : | |
A. La société A.________ SA est soumise à la taxe professionnelle communale de la Ville de Genève.
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B. Par des décisions des 8 et 13 décembre 2017, le service de la taxe professionnelle communale de la Ville de Genève a taxé la société pour les années 2003 à 2005, respectivement 2006 à 2009. La société a formé réclamation contre ces décisions le 18 janvier 2018. Par des décisions sur réclamation des 27 février (années 2003 à 2007) et 6 mars 2018 (années 2008 et 2009), le service précité a déclaré les réclamations irrecevables, car tardives. La société A.________ SA a formé recours le 29 mars 2018 auprès du Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif de première instance) qui, par jugement du 8 octobre 2018 a admis le recours et renvoyé la cause au service de la taxe professionnelle communale de la Ville de Genève pour qu'il statue sur le fond. Il a considéré que les délais de réclamation avaient été suspendus entre le 18 décembre et le 2 janvier inclus et que les réclamations de la société n'étaient donc pas tardives. Le service de la taxe professionnelle communale de la Ville de Genève a contesté ce prononcé le 9 novembre 2018 auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) qui, par arrêt du 19 novembre 2019, a admis le recours et confirmé les décisions sur réclamation des 27 février et 6 mars 2018.
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C. Agissant par la voie du recours an matière de droit public, la société A.________ SA demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 19 novembre 2019, de confirmer le jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 octobre 2018 et de constater que le service de la taxe professionnelle communale de la Ville de Genève a commis un déni de justice; subsidiairement d'annuler l'arrêt précité et de renvoyer la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision sur le fond.
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La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. La Ville de Genève conclut au rejet du recours. Dans des observations finales, la société A.________ SA a confirmé ses conclusions.
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Considérant en droit : | |
1.
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1.1. L'arrêt attaqué, qui est une décision finale (art. 90 LTF), rendue dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF), ne tombe pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. La voie du recours en matière de droit public est donc en principe ouverte. Le mémoire de recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 et 2 LTF) par la société destinataire de l'acte attaqué, qui a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification, de sorte qu'il faut lui reconnaître la qualité pour recourir (art. 89 al. 1 LTF). Il convient donc d'entrer en matière, sous réserve de ce qui suit.
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1.2. Selon un principe général de procédure, les conclusions en constatation de droit ne sont recevables que lorsque des conclusions condamnatoires ou formatrices sont exclues. Sauf situations particulières, les conclusions constatatoires ont donc un caractère subsidiaire (cf. ATF 141 II 113 consid. 1.7 p. 123 et les références). Dans la mesure où la recourante conclut, parallèlement à l'annulation de l'arrêt de la Cour de justice du 19 novembre 2019 et à la confirmation du jugement du Tribunal administratif de première instance du 8 octobre 2018, à ce qu'il soit constaté que le service de la taxe professionnelle communale de la Ville de Genève a commis un déni de justice, elle formule une conclusion constatatoire qui est irrecevable.
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2.
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2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 p. 156). Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur des critiques de type appellatoire portant sur l'état de fait ou sur l'appréciation des preuves (ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375). Par ailleurs, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF).
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2.2. Sauf dans les cas cités expressément à l'art. 95 LTF, le recours devant le Tribunal fédéral ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal (ou communal) en tant que tel. En revanche, il est possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal ou communal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels. Le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation d'une norme de rang constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise (art. 106 al. 2 LTF).
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3.
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3.1. Dans l'arrêt entrepris, l'autorité précédente a examiné quelles étaient les dispositions légales applicables à la procédure de réclamation contre une décision relative à la taxe professionnelle communale et en particulier si ces dispositions prévoyaient la suspension des délais de recours. Elle a en premier lieu cité l'art. 63 al. 1 let. c de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative (LPA/GE; RSGE E 5 10), qui prévoit que les délais en jours fixés par la loi ou par l'autorité ne courent pas du 18 décembre au 2 janvier inclusivement. Elle a également mentionné l'art. 63 al. 2 let. 3 LPA/GE qui dispose pour sa part que cette règle ne s'applique pas dans les procédures soumises aux règles de la loi genevoise de procédure fiscale du 4 octobre 2001 (LPFisc/GE; RSGE D 3 17). La Cour de justice a donc poursuivi son analyse en déterminant si la procédure de réclamation contre une taxe professionnelle communale était soumise à la LPFisc/GE, et en particulier à l'art. 41 LPFisc/GE, qui traite des délais de la procédure de réclamation. Selon l'art. 1 let. c LPFisc/GE, cette loi est applicable aux impôts régis par la loi genevoise générale sur les contributions publiques du 9 novembre 1887 (LCP/GE; RSGE D 3 05) première partie (titres I, II et IV) et deuxième partie (titres I et II). La taxe professionnelle communale est prévue par la LCP/GE, à sa deuxième partie (relative aux impôts communaux), titre III (art. 301 à 318C LCP/GE). L'art. 314 LCP/GE concerne la réclamation contre la décision relative à la taxe professionnelle communale. Selon cette disposition, tout contribuable peut présenter une réclamation au sujet de sa taxation (al. 1). Les réclamations doivent être motivées et adressées par écrit à l'autorité de taxation, dans un délai de 30 jours à compter de la réception des bordereaux de taxe professionnelle communale, sous peine de forclusion (al. 2). L'autorité de taxation se prononce sur la réclamation. Ses décisions sont immédiatement transmises au département lorsque celui-ci est chargé du recouvrement de la taxe professionnelle communale (al. 3). Les art. 315 et 316 LCP/GE traitent pour leur part de la procédure de recours devant le Tribunal administratif de première instance, respectivement de la Cour de justice. Quant au délai de recours, ces dispositions font toutes deux référence à la LPFisc/GE (art. 315 al. 1 LCP/GE qui renvoie aux art. 44 à 52 de la LPFisc/GE et art. 316 LCP/GE qui renvoie aux art. 53 et 54 LPFisc/GE). Finalement, l'art. 318C LCP/GE, intitulé " Troisième partie de la loi ", dispose que l'art. 370 LCP/GE, ainsi que les dispositions pertinentes de la loi genevoise du 26 juin 2008 relative à la perception et aux garanties des impôts des personnes physiques et des personnes morales (LPGIP/GE; RSGE D 3 18) et de la LPFisc/GE sont applicables directement ou par analogie à la taxe professionnelle communale. La Cour de justice a relevé que l'art. 318C LCP/GE était entré en vigueur le 1
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3.2. Citant les art. 29 al. 1 Cst. et 29a Cst., la recourante invoque un déni de justice formel et une violation de la garantie de l'accès au juge. Pour le surplus, elle se prévaut également d'arbitraire dans l'interprétation des art. 314 et 318C LCP/GE. Selon elle, aucune disposition de la LPFisc/GE n'est pertinente en matière de réclamation contre une décision relative à la taxe professionnelle communale, dans la mesure où l'art. 314 LCP/GE règle exhaustivement cette procédure et ne renvoie pas à la LPFisc/GE, contrairement aux art. 315 et 316 LCP/GE. Elle exclut donc d'appliquer la LPFisc/GE directement ou par analogie en matière de procédure de réclamation contre une décision relative à une taxe professionnelle communale, comme le prévoit l'art. 318C LPFisc/GE. La recourante explique en outre que l'art. 1 let. c LPFisc/GE est clair et a pour conséquence que cette loi ne s'applique pas à la taxe professionnelle communale. Pour elle, le résultat auquel arrive la Cour de justice est insoutenable, dans la mesure où il lui ferme l'accès à la justice en déclarant à tort que la réclamation était tardive.
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3.3. Le litige porte par conséquent sur le point de savoir si l'interprétation faite par la Cour de justice des art. 314 et 318C LCP/GE est arbitraire, respectivement si c'est de manière soutenable que cette autorité a exclu l'application de la suspension des délais de réclamation à la taxe professionnelle communale. Il conviendra également de déterminer si la décision de l'autorité précédente est constitutive de déni de justice formel et de violation de la garantie de l'accès au juge.
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4.
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4.1. Selon la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 144 I 170 consid. 7.3 p. 174 s. et les références).
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4.2. En premier lieu, il convient de relever qu'il est douteux que la motivation de la recourante respecte les conditions strictes de l'art. 106 al. 2 LTF. Si elle affirme que l'arrêt de la Cour de justice est arbitraire, elle ne fait ensuite que présenter sa propre interprétation du droit cantonal. Quand bien même il faudrait examiner l'interprétation de la Cour de justice, force serait de toute manière de constater que cette interprétation n'est en aucun cas arbitraire.
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En l'occurrence, l'art. 1 let. c LPFisc/GE ne prévoit expressément pas l'application de cette loi pour les cas de taxe professionnelle communale. En revanche, l'art. 318C LCP/GE dispose que les dispositions pertinentes de la LPFisc/GE s'appliquent directement ou par analogie à la taxe professionnelle communale. Partant de cette divergence, la Cour de justice a examiné les dates d'entrée en vigueur des diverses dispositions et les travaux législatifs pertinents pour arriver, sans arbitraire, à la conclusion que la LPFisc/GE trouvait application à la procédure de réclamation contre une décision de taxe professionnelle communale. En effet, c'est de manière pleinement soutenable que l'autorité précédente a relevé que l'art. 318C LCP/GE, s'il était initialement entré en vigueur en même temps que la LPFisc/GE, avait été modifié par la suite. On peut donc en déduire sans arbitraire que le législateur a confirmé que, contrairement à ce qui figure à l'art. 1 let. c LPFisc/GE, cette loi s'applique à la taxe professionnelle communale. D'ailleurs, référence est expressément faite à la LPFisc/GE aux art. 315 al. 1 et 316 LCP/GE, dispositions qui concernent toutes deux la taxe professionnelle communale. La recourante ne saurait par ailleurs être suivie lorsqu'elle affirme que la procédure de réclamation n'est pas concernée par le renvoi de l'art. 318C LPC/GE. Si cette solution est effectivement envisageable, la solution contraire, préconisée par la Cour de justice, n'est nullement arbitraire, ce d'autant moins que l'art. 318C LCP/GE ne fait aucune différenciation quant au stade de la procédure et se limite à imposer une application direct ou par analogie de la LPFisc/GE à la taxe professionnelle communale. Au demeurant, à suivre l'avis de la recourante, qui estime que l'art. 314 LCP/GE règle exhaustivement la procédure de réclamation en matière de taxe professionnelle communale, on n'arriverait pas à un autre résultat. L'art. 314 al. 2 LCP/GE dispose en effet expressément que le délai pour déposer la réclamation est de 30 jours, sans aucunement prévoir de suspension. Ainsi, à admettre que la procédure de réclamation est uniquement prévue par la disposition précitée, le résultat ne serait pas différent de ce qu'a jugé la Cour de justice sans arbitraire.
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4.3. Sur le vu de ce qui précède, c'est de manière pleinement soutenable que l'autorité précédente a considéré que la LPFisc/GE était applicable aux procédures de réclamation relatives à la taxe professionnelle communale. Par conséquent, la LPFisc/GE ne prévoyant pas de suspension de délai entre le 18 décembre et le 2 janvier inclusivement (art. 63 al. 2 let. e LPA/GE), c'est sans arbitraire que la Cour de justice a jugé que la réclamation de la recourante était tardive.
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5. Citant les art. 29 al. 1 Cst. et 29a, la recourante se plaint de déni de justice formel et de violation de la garantie de l'accès au juge de la part de la Cour de justice.
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5.1. Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l'art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l'accès aux tribunaux (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 p. 304).
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Selon l'art. 29a Cst., toute personne a droit à ce que sa cause soit jugée par une autorité judiciaire. La Confédération et les cantons peuvent, par la loi, exclure l'accès au juge dans des cas exceptionnels. Cette norme constitutionnelle étend donc le contrôle judiciaire en principe à toutes les contestations juridiques. Il s'agit en particulier de contestations portant sur les droits et les obligations de personnes (physiques ou morales). La garantie ne s'oppose cependant pas aux conditions de recevabilité habituelles du recours ou de l'action (ATF 143 I 344 consid. 8.2 p. 350 s. et les références).
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5.2. En l'occurrence, les griefs de la recourante ne peuvent qu'être écartés. Tout d'abord, la Cour de justice n'a en aucun cas appliqué une règle de procédure de manière trop stricte. Elle s'est limitée à appliquer, de manière exempte d'arbitraire, des dispositions légales cantonales conduisant à retenir que le délai pour déposer une réclamation contre une décision en matière de taxe professionnelle communale n'était pas suspendu entre fin décembre et début janvier. La stricte application d'un délai ne relève pas d'un formalisme excessif (cf. ATF 135 I 6 consid. 2.1 p. 9 et les références; arrêt 2C_349/2019 du 27 juin 2019 consid. 6). Il ne saurait en outre être question de violation de l'art. 29a Cst., dans la mesure où, si la recourante avait respecté le délai de réclamation, celle-ci aurait été traitée par l'autorité saisie.
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6. Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours, dans la mesure où il est recevable. Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'500 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires de la recourante et de la Ville de Genève, ainsi qu'à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
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Lausanne, le 25 mai 2020
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Seiler
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Le Greffier : Tissot-Daguette
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