BGer 1C_291/2020 | |||
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BGer 1C_291/2020 vom 15.06.2020 |
1C_291/2020 |
Arrêt du 15 juin 2020 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Chaix, Président,
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Fonjallaz, Jametti, Haag et Müller.
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Greffier : M. Kurz.
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Participants à la procédure
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A.________, représentée par Me Beatrice Pilloud, avocate,
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recourante,
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contre
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Office fédéral de la justice, Unité Extraditions, Bundesrain 20, 3003 Berne.
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Objet
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Extradition au Royaume-Uni,
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recours contre l'arrêt du Tribunal pénal fédéral,
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Cour des plaintes, du 13 mai 2020 (RR.2020.85).
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Faits : | |
A. Par décision du 18 février 2020, l'Office fédéral de la justice (OFJ) a accordé l'extradition au Royaume-Uni de A.________, pour répondre de l'accusation d'agression avec lésions corporelles sur son enfant B.________, né en 2014. L'extradition n'a pas été accordée pour l'infraction de défaut de comparution. L'intéressée avait été arrêtée en Valais avec son deuxième enfant, né en 2018, lequel avait été placé en famille d'accueil par l'Autorité pour la protection de l'enfant et de l'adulte (APEA) d'Hérens.
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B. Par arrêt du 13 mai 2020, la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral a confirmé cette décision, considérant que les lésions constatées sur l'enfant pouvaient correspondre en droit suisse à des lésions corporelles et non à de simples voies de fait. En raison des risques pour la sécurité du second enfant, les autorités britanniques n'avaient pu garantir que celui-ci pourrait demeurer avec sa mère en détention. La recourante ne pouvait se prévaloir d'une violation de la Convention relative aux droits de l'enfant. Elle s'était vu retirer le droit de garde sur son second enfant et disposait d'un droit aux relations personnelles sous forme d'une visite d'une heure par semaine au parloir de la prison. Ce droit lui-même avait été suspendu par l'APEA Hérens en raison d'angoisses manifestées par l'enfant, et une curatelle avait été instituée. Dans ces conditions, l'extradition et la séparation d'avec le second enfant ne violait pas l'art. 8 CEDH.
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C. Par acte du 25 mai 2020, A.________ forme un recours contre l'arrêt de la Cour des plaintes. Elle conclut à l'annulation de la décision d'extradition et à sa remise en liberté immédiate assortie d'une indemnité de 200 fr. par jour de détention. Elle demande l'assistance judiciaire.
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La Cour des plaintes persiste dans les termes de son arrêt, sans plus d'observations. L'OFJ considère que les conditions de recevabilité de l'art. 84 LTF ne sont pas remplies. La recourante a présenté à deux reprises des observations en anglais dans lesquelles elle entend préciser certains passages de l'acte de recours de son avocate et demande à être entendue personnellement; elle se plaint d'être poursuivie abusivement par les gouvernements anglais et américain. Son avocate a également produit une écriture complémentaire, persistant dans ses conclusions.
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Considérant en droit : | |
1. Selon l'art. 84 LTF, le recours en matière de droit public est recevable à l'encontre d'un arrêt du Tribunal pénal fédéral, notamment lorsque celui-ci a pour objet une extradition. Il doit toutefois s'agir d'un cas particulièrement important (al. 1). Un cas est particulièrement important notamment lorsqu'il y a des raisons de supposer que la procédure à l'étranger viole des principes fondamentaux ou comporte d'autres vices graves (al. 2). Ces motifs d'entrée en matière ne sont toutefois pas exhaustifs et le Tribunal fédéral peut aussi être appelé à intervenir lorsqu'il s'agit de trancher une question juridique de principe ou lorsque l'instance précédente s'est écartée de la jurisprudence suivie jusque-là (ATF 133 IV 215 consid. 1.2 p. 218).
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Dans le domaine de l'extradition également, l'existence d'un cas particulièrement important n'est admise qu'exceptionnellement (ATF 134 IV 156 consid. 1.3.4 p. 161). En vertu de l'art. 42 al. 2 LTF, il incombe au recourant de démontrer que les conditions d'entrée en matière posées à l'art. 84 LTF sont réunies (ATF 133 IV 131 consid. 3).
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La recourante a demandé à être entendue personnellement, mais il n'y a pas lieu de donner suite à cette requête dès lors que la procédure devant le Tribunal fédéral est écrite (art. 102 LTF); la recourante ne saurait déduire un tel droit de l'art. 6 CEDH puisque cette disposition ne s'applique pas à la procédure d'extradition (ATF 139 II 404 consid. 6 p. 419 s.).
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1.1. Comme motif d'entrée en matière, la recourante se prévaut du principe de double incrimination (art. 35 al. 1 let. a EIMP). Elle relève à ce sujet qu'elle contestait la description des faits par l'OFJ, mais que la Cour des plaintes aurait omis de se prononcer à ce sujet, violant ainsi son droit d'être entendue. Sur le fond, elle soutient que les blessures selon elle mineures constatées sur son enfant auraient été provoquées accidentellement dans le cadre d'un jeu (respectivement, selon les explications de la recourante, par l'enfant lui-même), et devraient être qualifiées de voies de fait selon le droit suisse.
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Selon la jurisprudence, une violation du droit d'être entendu peut fonder un cas particulièrement important, pour autant toutefois que la violation alléguée soit suffisamment vraisemblable et l'irrégularité d'une certaine gravité (ATF 145 IV 99 consid. 1.5 p. 107). En l'occurrence, l'arrêt attaqué mentionne que la présentation des faits de l'OFJ est contestée par la recourante. Il reprend les faits figurant dans la décision d'extradition (consid. 2.1.1) et évoque la version de la recourante (consid. 2.1.2). Il se fonde sur la présentation des faits figurant dans la demande d'extradition (consid. 2.3) pour rejeter les objections de la recourante (consid. 2.4). Même si elle n'a pas expressément rejeté les objections relatives à l'établissement des faits, la Cour des plaintes l'a fait de manière implicite en se fondant sur l'exposé fourni à l'appui de la demande d'extradition. Il n'y a aucune violation de l'obligation de motiver.
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L'autorité d'extradition se fonde exclusivement sur l'état de fait fourni à l'appui de la demande. Dans ce cadre, une argumentation à décharge, telle que présentée par la recourante, est irrecevable et doit être soumise aux autorités judiciaires de l'Etat requérant (ATF 122 II 373 consid. 1c p. 375; 112 Ib 215 consid. 5b p. 220; 109 Ib 60 consid. 5a p. 63, et les arrêts cités). Ainsi liée par l'exposé des faits fourni par l'autorité requérante, la Cour des plaintes pouvait, à l'instar de l'OFJ, retenir que les blessures, constatées lors d'un examen médical pratiqué dans le cadre de la protection de l'enfance, puis confirmées par un pédiatre, étaient non accidentelles et suffisamment significatives pour constituer des lésions simples. La recourante n'indique pas en quoi la qualification juridique des faits décrits dans la demande poserait une question de principe au sens de l'art. 84 LTF.
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1.2. La recourante invoque ensuite l'art. 8 CEDH et la Convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (RS 0.107) dont elle entend se prévaloir dans l'intérêt de son second enfant. Elle relève que celui-ci a la nationalité de la Barbade et qu'il n'a ni lien ni famille dans l'Etat requérant. Celui-ci aurait d'ailleurs fait savoir qu'il envisageait de supprimer le droit aux relations personnelles de la recourante. Contrairement à ce que retient la Cour des plaintes, l'enfant vivait avec la recourante jusqu'à son arrestation. Son comportement lors des visites en prison (absence de joie ou d'attachement, signes d'angoisse) s'expliquerait par le contexte anxiogène de la prison. Le sort de l'enfant devrait être réglé avant que l'extradition ne soit prononcée, rien ne permettant d'admettre que la recourante serait une mauvaise mère.
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La Cour des plaintes s'en est tenue à la jurisprudence qui veut qu'un refus de l'extradition fondé sur l'art. 8 CEDH doit demeurer exceptionnel, et a constaté à juste titre qu'une telle exception ne se justifiait pas dans le cas particulier (ATF 129 II 100 consid. 3.5 p. 105; arrêts 1C_420/2018 du 3 octobre 2018 consid. 2.1; 1C_173/2015 du 27 avril 2015 consid. 1.3). En l'occurrence, un rapatriement de l'enfant au Royaume-Uni n'est pas exclu et il appartiendra aux autorités tutélaires du canton du Valais d'en décider. En l'état, au vu des faits qui ont motivé la demande d'extradition et des différentes décisions prises à l'égard de l'intéressée (soit des retraits de garde prononcés aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et dernièrement en Suisse), rien ne permet d'affirmer que le maintien de relations personnelles ou un transfèrement simultané de la recourante et de son enfant correspondent à l'intérêt supérieur de celui-ci au sens des art. 3 et 9 de la convention: l'enquête étrangère porte sur des mauvais traitements infligés au premier enfant de la recourante et celle-ci s'est enfuie pour échapper aux poursuites pénales. Par ailleurs, selon l'APEA Hérens, le second enfant n'aurait manifesté aucun sentiment d'attachement lors des visites en prison, ce qui a amené cette autorité à suspendre le droit de visite.
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Les décisions relatives au sort du second enfant de la recourante devront être prises en premier lieu par les autorités valaisannes compétentes puis, le cas échéant, par celles de l'Etat requérant, lequel est au demeurant partie tant à la CEDH qu'à la Convention des droits de l'enfant. La recourante est représentée par son avocate et pourra faire valoir ses droits dans le cadre de la procédure de mesures de protection. En l'état, rien ne permet de supposer qu'elle sera définitivement séparée de son fils en cas d'exécution de l'extradition.
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Dans la mesure où il justifierait une entrée en matière, le grief doit être écarté.
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2. Sur le vu de ce qui précède, le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable. Compte tenu des circonstances, et plus particulièrement de l'enjeu de la procédure pour la recourante, l'assistance judiciaire peut lui être accordée (art. 64 al. 1 et 2 LTF). Me Béatrice Pilloud est désignée comme avocate d'office rétribuée par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
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2. La demande d'assistance judiciaire est admise; Me Béatrice Pilloud est désignée comme avocate d'office de la recourante et une indemnité de 2'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3. Le présent arrêt est communiqué à la mandataire de la recourante, à l'Office fédéral de la justice, Unité Extraditions, et au Tribunal pénal fédéral, Cour des plaintes.
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Lausanne, le 15 juin 2020
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Chaix
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Le Greffier : Kurz
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