BGer 6B_805/2020 | |||
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BGer 6B_805/2020 vom 15.07.2020 |
6B_805/2020 |
Arrêt du 15 juillet 2020 |
Cour de droit pénal | |
Composition
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M. et Mmes les Juges fédéraux Denys, Président,
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Jacquemoud-Rossari et van de Graaf.
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Greffier : M. Graa.
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Participants à la procédure
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A.________, représentée par Me Elie Elkaim, avocat,
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recourante,
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contre
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Ministère public central du canton de Vaud,
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intimé.
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Objet
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Fixation de la peine; sursis; arbitraire,
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recours contre le jugement de la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 7 mai 2020 (n° 120 PE18.007535-HNI/ACP).
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Faits : | |
A. Par jugement du 30 octobre 2019, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de l'Est vaudois a condamné A.________, pour escroquerie et faux dans les titres, à une peine privative de liberté de 16 mois, peine complémentaire à celle prononcée par le Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers le 3 juillet 2018.
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B. Par jugement du 7 mai 2020, la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, statuant sur l'appel formé par A.________ contre ce jugement, a réformé celui-ci en ce sens que la prénommée est libérée des chefs de prévention d'escroquerie et d'abus de confiance, qu'elle est condamnée, pour faux dans les titres, à une peine privative de liberté de quatre mois, peine complémentaire à celle prononcée par le Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers le 3 juillet 2018.
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La cour cantonale a retenu les faits suivants.
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B.a. A.________, de nationalité suisse, est née en 1986 au Kosovo. Elle est actuellement sans emploi et vit chez ses parents, en étant entretenue par ces derniers.
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Son casier judiciaire fait état d'une condamnation, en 2011, pour vol et faux dans les titres, d'une condamnation, en 2017, pour vol, ainsi que d'une condamnation, le 3 juillet 2018, pour escroquerie et faux dans les titres, à une peine privative de liberté de 20 mois, avec sursis durant trois ans.
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B.b. A B.________ et C.________, entre novembre 2016 et le début de l'année 2018, A.________ a confectionné et remis à son conjoint divers faux documents afin de convaincre celui-ci de lui remettre de l'argent.
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B.c. A.________ a été soumise à une expertise psychiatrique dans le cadre de la procédure conduite dans le canton de Neuchâtel. L'expert a alors posé, à son égard, un diagnostic de trouble mixte de la personnalité, avec traits psychopathiques hystériques et narcissiques.
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C. A.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre le jugement du 7 mai 2020, en concluant, avec suite de frais et dépens, principalement à sa réforme en ce sens qu'elle est condamnée à une peine privative de liberté d'un mois, peine complémentaire à celle prononcée par le Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers le 3 juillet 2018, avec sursis durant trois ans. Subsidiairement, elle conclut à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision. Elle sollicite par ailleurs le bénéfice de l'assistance judiciaire.
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Considérant en droit : | |
1. La recourante conteste la peine privative de liberté qui lui a été infligée par la cour cantonale.
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1.1. Aux termes de l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).
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Le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans la fixation de la peine. Le Tribunal fédéral n'intervient que lorsque l'autorité cantonale a fixé une peine en dehors du cadre légal, si elle s'est fondée sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si des éléments d'appréciation importants n'ont pas été pris en compte ou, enfin, si la peine prononcée est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 144 IV 313 consid. 1.2 p. 319). L'exercice de ce contrôle suppose que le juge exprime, dans sa décision, les éléments essentiels relatifs à l'acte ou à l'auteur dont il tient compte, de manière à ce que l'on puisse constater que tous les aspects pertinents ont été pris en considération et comment ils ont été appréciés, que ce soit dans un sens aggravant ou atténuant (art. 50 CP; ATF 144 IV 313 consid. 1.2 p. 319). Le juge peut passer sous silence les éléments qui, sans abus du pouvoir d'appréciation, lui apparaissent non pertinents ou d'une importance mineure. La motivation doit justifier la peine prononcée, en permettant de suivre le raisonnement adopté. Un recours ne saurait toutefois être admis simplement pour améliorer ou compléter un considérant lorsque la décision rendue apparaît conforme au droit (ATF 144 IV 313 consid. 1.2 p. 319; 136 IV 55 consid. 5.6 p. 61).
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Selon l'art. 49 CP, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion. Il ne peut toutefois excéder de plus de la moitié le maximum de la peine prévue pour cette infraction. Il est en outre lié par le maximum légal de chaque genre de peine (al. 1). Si le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction, il fixe la peine complémentaire de sorte que l'auteur ne soit pas puni plus sévèrement que si les diverses infractions avaient fait l'objet d'un seul jugement (al. 2).
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Si l'art. 49 al. 2 CP entre en considération, le juge doit fixer une peine complémentaire ( Zusatzstrafe) à la peine de base ( Grundstrafe) en tenant compte du principe de l'aggravation découlant de l'art. 49 al. 1 CP (ATF 145 IV 1 consid. 1.3 p. 8).
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1.2. La cour cantonale a exposé que, s'agissant des actes qu'elle avait à juger, la culpabilité de la recourante était importante. Cette dernière n'avait pas hésité à falsifier des documents dans le seul but de soutirer de l'argent à celui qui était pourtant son compagnon de vie. La recourante n'avait été guidée que par l'appât du gain et sa volonté de financer un train de vie supérieur à ses moyens. Ses agissements s'étaient étendus sur plusieurs mois. A charge, il convenait de tenir compte de ses antécédents. A décharge, il fallait relever la pathologie mise en évidence par l'expertise psychiatrique, même si celle-ci n'entraînait pas de diminution de la responsabilité. Il convenait enfin de tenir compte des aveux de la recourante et du fait que celle-ci semblait désormais s'investir dans son traitement psychiatrique.
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Pour fixer la peine privative de liberté complémentaire, l'autorité précédente a indiqué que la recourante avait été condamnée, le 3 juillet 2018 dans le canton de Neuchâtel, à une peine privative de liberté de 20 mois, pour escroquerie et faux dans les titres. Les infractions réprimées dans ce jugement - soit une escroquerie commise par la recourante au détriment de son employeur, portant sur près de 300'000 fr., à l'aide de divers faux titres - étaient plus graves que celles faisant l'objet de la présente procédure. Si toutes les infractions n'avaient fait l'objet que d'un seul jugement, la peine de 20 mois - prononcée dans le canton de Neuchâtel - aurait dû être augmentée d'un mois pour sanctionner chaque faux dans les titres retenu dans la présente cause, ce qui représentait une peine privative de liberté complémentaire de quatre mois.
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1.3. La recourante se contente d'indiquer qu'il "apparaît manifestement arbitraire de fixer la peine complémentaire en retenant une quotité d'un mois par cas de faux dans les titres", compte tenu des infractions plus graves qui avaient été sanctionnées par le jugement neuchâtelois de 2018.
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On ne comprend pas si la recourante entend contester la quotité des peines fixées par la cour cantonale pour les diverses infractions de faux dans les titres ou si elle remet en cause l'aggravation à laquelle celle-ci a procédé à cet égard. Quoi qu'il en soit, l'argumentation de la recourante ne fait aucunement apparaître une violation des règles en matière de fixation de la peine ou de concours rétrospectif. Le grief doit être rejeté.
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2. La recourante conteste l'appréciation de la cour cantonale concernant le sursis à l'exécution de la peine. Elle lui reproche également d'avoir établi les faits de manière arbitraire à cet égard.
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2.1. Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat. Le Tribunal fédéral n'entre pas en matière sur les critiques de nature appellatoire (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s. et les références citées).
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2.2. Le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits (art. 42 al. 1 CP). Le juge peut suspendre partiellement l'exécution d'une peine privative de liberté d'un an au moins et de trois ans au plus afin de tenir compte de façon appropriée de la faute de l'auteur (art. 43 al. 1 CP). L'art. 43 al. 3 1ère phrase CP dispose que tant la partie suspendue que la partie à exécuter doivent être de six mois au moins.
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En cas de concours rétrospectif, soit lorsque le juge doit prononcer une condamnation pour une infraction que l'auteur a commise avant d'avoir été condamné pour une autre infraction (cf. art. 49 al. 2 CP), la durée déterminante pour l'octroi du sursis - ou du sursis partiel - est celle résultant de l'addition de la peine de base et de la peine complémentaire (ATF 145 IV 377 consid. 2.2 p. 379 s.).
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Selon la jurisprudence, les conditions subjectives auxquelles l'art. 42 CP soumet l'octroi du sursis intégral s'appliquent également à l'octroi du sursis partiel (ATF 139 IV 270 consid. 3.3 p. 277; 134 IV 1 consid. 5.3.1 p. 10). Pour formuler un pronostic sur l'amendement de l'auteur, le juge doit se livrer à une appréciation d'ensemble, tenant compte des circonstances de l'infraction, des antécédents de l'auteur, de sa réputation et de sa situation personnelle au moment du jugement, notamment de l'état d'esprit qu'il manifeste. Il doit tenir compte de tous les éléments propres à éclairer l'ensemble du caractère de l'accusé et ses chances d'amendement. Il ne peut accorder un poids particulier à certains critères et en négliger d'autres qui sont pertinents (ATF 135 IV 180 consid. 2.1 p. 185 s.; 134 IV 1 consid. 4.2.1 p. 5; arrêt 6B_317/2020 du 1er juillet 2020 consid. 4.1). Dans l'émission du pronostic, le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation, de sorte que le Tribunal fédéral n'intervient qu'en cas d'abus ou d'excès de ce pouvoir (ATF 145 IV 137 consid. 2.2 p. 139).
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2.3. La cour cantonale a exposé que la recourante avait déjà été condamnée à deux reprises, dont une fois pour une infraction similaire, sans que cela la dissuadât de récidiver. Le complément d'expertise psychiatrique réalisé le 28 février 2017 avait déjà mis en évidence l'existence d'un risque de récidive. Les faits avaient par la suite donné raison à l'expert, puisque la recourante avait repris ses agissements délictueux, alors même qu'elle savait faire l'objet d'une nouvelle procédure dans le canton de Neuchâtel et qu'elle avait déjà subi 79 jours de détention provisoire. Le pronostic était donc clairement défavorable.
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2.4. La recourante prétend tout d'abord qu'il aurait convenu de formuler un pronostic favorable.
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Elle affirme que l'autorité précédente n'aurait pas dû tenir compte, dans la formulation de son pronostic, de la condamnation prononcée en 2018 par le Tribunal régional du Littoral et du Val-de-Travers, dès lors que cette décision est postérieure aux faits jugés, que l'art. 49 al. 2 CP a été appliqué et que la cour cantonale aurait dû "analyser les conditions du sursis comme si les infractions vaudoises et neuchâteloises faisaient l'objet d'un seul jugement".
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On ne voit pas en quoi l'état de fait de la cour cantonale serait entaché d'arbitraire. L'autorité précédente a formulé son pronostic au jour du jugement,en considérant la situation de la recourante au moment où cette dernière était condamnée (cf. ATF 145 IV 377 consid. 2.4.1 p. 382). Pour ce faire, la cour cantonale devait tenir compte des antécédents de l'intéressée, y compris des faits ayant donné lieu à la condamnation prononcée en 2018 dans le canton de Neuchâtel, étant rappelé que l'art. 49 al. 2 CP ne constitue qu'une règle de fixation de la peine et n'enjoint pas le juge de formuler un pronostic en matière de sursis en altérant artificiellement sa réflexion sur ce point.
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La recourante relève par ailleurs qu'elle n'a plus commis d'infraction depuis sa condamnation de 2018, ce qui ressort bien du jugement attaqué.
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Enfin, elle affirme, de manière purement appellatoire et, partant, irrecevable, qu'elle s'investit pleinement dans son traitement psychiatrique, ce qui aurait pour effet de réduire, voire d'annihiler tout risque de récidive. La cour cantonale n'a pas ignoré l'investissement de la recourante dans son traitement (cf. jugement attaqué, p. 27), sans que cette dernière démontre, pour le surplus, qu'il aurait convenu d'accorder davantage de poids à cet élément dans la formulation du pronostic.
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C'est donc sans verser dans l'arbitraire ni violer le droit fédéral que la cour cantonale a formulé un pronostic défavorable.
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2.5. La recourante reproche ensuite à l'autorité précédente d'avoir violé l'art. 42 CP en n'assortissant pas intégralement sa peine privative de liberté du sursis à l'exécution. Son argumentation repose sur la prémisse selon laquelle le pronostic formulé aurait dû être favorable, aspect qu'elle a échoué à démontrer (cf. consid. 2.4 supra).
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L'intéressée affirme encore que l'autorité précédente aurait violé les règles en matière de sursis partiel à l'exécution. Selon elle, si les infractions ayant donné lieu à la condamnation de 2018 dans le canton de Neuchâtel et celles réprimées par la cour cantonale avaient fait l'objet d'un unique jugement, le juge n'aurait pu prononcer une peine privative de liberté de 24 mois avec sursis portant sur quatre mois, au regard de l'art. 43 al. 3 CP. Cette argumentation tombe à faux. En effet, l'autorité précédente n'a aucunement fait application de l'art. 43 CP, étant d'ailleurs rappelé qu'un pronostic défavorable - tel que celui formulé en l'espèce - exclut tant le sursis partiel que le sursis total (ATF 144 IV 277 consid. 3.1.1 p. 280). La cour cantonale a fixé une peine complémentaire puis a, conformément à la jurisprudence, formulé son pronostic afin d'exclure tout sursis à l'exécution de la peine privative de liberté, sans pouvoir revenir sur la décision neuchâteloise de 2018 entrée en force. Une telle manière de procéder n'a nullement violé le droit fédéral.
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2.6. Compte tenu de ce qui précède, le grief doit être rejeté dans la mesure où il est recevable.
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3. Le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. Comme il était dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire doit être rejetée (art. 64 al. 1 LTF). La recourante, qui succombe, supportera les frais judiciaires, qui seront fixés en tenant compte de sa situation financière, laquelle n'apparaît pas favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
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3. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour d'appel pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 15 juillet 2020
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Au nom de la Cour de droit pénal
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Denys
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Le Greffier : Graa
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