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Informationen zum Dokument  BGer 1B_118/2020  Materielle Begründung
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BGer 1B_118/2020 vom 27.07.2020
 
 
1B_118/2020
 
 
1B_127/2020
 
 
1B_135/2020
 
 
Arrêt du 27 juillet 2020
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux
 
Kneubühler, Juge présid ant, Jametti et Haag.
 
Greffière : Mme Kropf.
 
Participants à la procédure
 
1B_118/2020
 
A.________,
 
représenté par Me Marc Bonnant, avocat,
 
recourant,
 
1B_127/2020
 
B.________,
 
représentée par Me Corinne Corminboeuf Harari, avocate,
 
recourante,
 
1B_135/2020
 
C.________,
 
représenté par Me Jean-Marc Carnicé, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
D.________, Procureur auprès du Ministère public de la République et canton de Genève, case postale 3565, 1211 Genève 3,
 
Ministère public de la République et canton de Genève,
 
route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy,
 
intimés
 
Objet
 
Procédure pénale; récusation,
 
recours contre l'arrêt de la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 7 février 2020 (ACPR/107/2020 PS/82/2019).
 
 
Faits :
 
A. Le Ministère public de la République et canton de Genève - représenté par le Procureur D.________ - instruit depuis 2013 une procédure contre A.________, C.________ et B.________ pour corruption d'agents publics étrangers (art. 322septies CP). Dans ce cadre, il leur est en substance reproché d'avoir effectué de tels actes afin d'obtenir des concessions de prospection et d'exploitation minière en Guinée en faveur du groupe E.________ (cf. let. B/a). Au cours de l'instruction, le Ministère public a adressé des commissions rogatoires aux autorités américaines (mai 2014), respectivement israéliennes (mars, septembre 2014, juillet 2017, novembre 2018 et avril 2019 [cf. let. B/c et d).
1
Des procédures pénales ont également été ouvertes pour des faits similaires dans différents pays, dont la Guinée, les États-Unis d'Amérique et Israël (cf. let. B/b). Ce dernier pays a demandé l'entraide judiciaire à la Suisse le 20 octobre 2015, le 19 septembre 2017 et le 20 novembre 2018; le deuxième acte précité mentionnait notamment la prochaine venue en Israël début octobre 2017 du Procureur D.________ (cf. let. B/e).
2
Les 21 et 28 novembre 2018, A.________ a sollicité du Ministère public la production de toutes traces et notes des entretiens que le magistrat aurait eus avec les autorités israéliennes, le soupçonnant par ailleurs d'avoir transmis des pièces de manière "sauvage" (cf. let. B/f). Dans ses réponses, le Procureur lui a notamment indiqué qu'aucun moyen de preuve n'avait été ou ne serait transmis hors des voies de l'entraide (cf. let. B/g).
3
Dans le cadre du recours formé le 10 janvier 2019 auprès du Tribunal pénal fédéral contre l'ordonnance du Ministère public autorisant la transmission aux autorités israéliennes de procès-verbaux d'auditions le concernant, A.________ a requis la production de l'ensemble des échanges informels du Procureur avec l'autorité requérante en lien notamment avec un déplacement en Israël en octobre 2017 (courriers électroniques ou autres, notes d'entretiens téléphoniques ou en personne); A.________ mentionnait également avoir relevé, en lien avec la commission rogatoire israélienne du 20 novembre 2018, l'indication par les autorités de ce pays de leurs contacts avec le Procureur suisse et sa venue en Israël (cf. let. B/h.a). Dans ses observations, le Ministère public a précisé qu'il n'avait pas à s'exprimer sur des contacts informels entretenus usuellement entre autorités pour assurer la coordination et l'avancement des procédures d'entraide, réaffirmant l'absence de transmission de moyen de preuve en dehors du cadre légal (cf. let. B/h.b). Par arrêt du 30 septembre 2019 (RR.2019.4), le Tribunal pénal fédéral a déclaré ce recours irrecevable en tant qu'il portait sur la production d'échanges spontanés ou de correspondances informelles; ceux-ci constituaient des documents internes à l'administration ou portaient sur les comptes d'un tiers que A.________ ne pouvait exiger de consulter (cf. let. B/h.c).
4
Par courriers des 15 février et 1er mars 2019, A.________ a interrogé le Ministère public sur la nature, le lieu et la date des contacts informels que le Procureur avait eus avec les autorités israéliennes, requérant la production des notes et comptes rendus de tous ses échanges, antérieurs ou postérieurs au déplacement évoqué dans la commission rogatoire du 20 novembre 2018 (cf. ad B/i.a). Dans sa réponse, le Ministère public a réitéré n'avoir pas à s'exprimer sur les contacts informels entretenus usuellement entre autorités pour coordonner les procédures d'entraide (cf. ad B/i.b).
5
Le 18 mars 2019, A.________ a saisi la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève d'un recours pour déni de justice (cause ACPR/584 /2019). Dans son arrêt du 2 août 2019, cette autorité a rappelé que ne devaient être consignés que les actes de procédure ou les preuves, qualité que ne revêtaient pas les échanges entre autorités de poursuite destinés à coordonner et à assurer l'avancement des procédures d'entraide (actives); ceux-ci ne constituaient pas non plus des actes susceptibles d'être utilisés dans le cadre de la procédure pénale et, partant, d'avoir un effet sur le déroulement de celle-ci. Selon la cour cantonale, le refus du Ministère public de les formaliser et de les porter à la connaissance du prévenu ou des autres parties était donc fondé. Déplorant le silence du Procureur - lequel était de nature à "faire naître suspicion et conjectures" -, la Chambre pénale de recours a estimé qu'il n'était pas établi qu'un déplacement du Procureur en Israël - serait-il avéré - aurait eu pour effet de recueillir des éléments de preuve dans le cadre de la cause P/ 2914/2013; il ne pouvait être considéré dès lors comme un acte de procédure devant être verbalisé et figurer au dossier pénal (cf. let. B/i.d). Le recours formé au Tribunal fédéral par A.________ contre cette décision a été rejeté dans la mesure où il était recevable le 10 mars 2020 (cause 1B_444/2019); en particulier, il a été retenu que le refus de faire verser des pièces au dossier pénal ne causait aucun préjudice irréparable au recourant, qui pouvait réitérer ses demandes (cf. consid. 5; art. 105 al. 2 LTF).
6
Par acte d'accusation du 8 août 2019, le Ministère public a saisi le Tribunal correctionnel et les débats ont été agendés du 16 au 29 mars 2020 (cf. let. B/j).
7
B. Par requête du 7 décembre 2019, A.________ a déposé une demande de récusation du Procureur D.________, fondée notamment sur un article du quotidien israélien "Haaretz", paru en ligne le 3 décembre 2019; cet article, intitulé "...", indiquait que le Procureur D.________ "has paid discreet visits to Israël between March 7 and March 9 in 2017 and between February 3 and February 5 in 2018, along with other officials from the prosecution team in Switzerland". Le requérant faisait également référence à un article du journal britannique "The Guardian" de décembre 2016 faisant état d'une rencontre en octobre 2016 à New York entre les autorités pénales américaines, israéliennes, suisses et guinéennes. Selon A.________, l'absence de mention de ces déplacements au dossier et les justifications données par le Procureur D.________ - faciliter des procédures d'entraide pourtant inexistantes - le rendait suspect de prévention (cf. let. C/a.a).
8
Le 10 décembre 2019, C.________ et B.________ ont déposé des requêtes similaires, relevant notamment les déplacements du Procureur, la nécessité d'instruire cette problématique et les sources d'inquiétude quant à l'indépendance et à l'impartialité du magistrat que son désir de les conserver secrets faisait naître (cf. let. C/a.b et a.c).
9
Le Procureur D.________ a relevé la tardiveté de ces requêtes, vu la connaissance depuis des années par les trois requérants des contacts informelsexistant entre les autorités de différents pays (cf. let. C/b). Les trois requérants ont répliqué (cf. let. C/c.a, c.b et c.c).
10
Le 7 février 2020, la Chambre pénale de recours a joint ces trois requêtes, puis les a déclarées irrecevables, eu égard à leur dépôt tardif.
11
C. Par acte du 9 mars 2020 (cause 1B_118/2020), A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à son annulation, à la recevabilité de sa requête de récusation formée le 7 décembre 2019 et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants. A titre subsidiaire, le recourant demande la récusation du Procureur D.________, ainsi que de tous les auxiliaires du Ministère public genevois ayant participé aux déplacements en Israël et la constatation de la nullité de tous les actes de procédure accomplis par les précités depuis le 7 mars 2017. Le recourant demande éga lement la jonction de la présente cause à celle 1B_444/2019.
12
Le 11 suivant, B.________ (cause 1B_127/2020) et C.________ (1B_135/2020) ont également déposé des recours en matière pénale contre l'arrêt cantonal du 7 février 2020, prenant en substance des conclusions similaires aux précitées.
13
Le Ministère public a conclu à la jonction des trois causes et au rejet des trois recours (actes 9 [1B_118/2020, 127/2020 et 1B_135/2020]). L'autorité précédente n'a pas formulé d'observations, se référant à ses considérants (actes 10 [1B_118/2020, 127/2020 et 1B_135/2020]). Chaque recourant a appuyé les autres recours (actes 13 et 14 [1B_118/2020], ainsi que 8 et 12 [1B_127/2020 et 1B_135/2020]) et tous les trois ont persisté dans leurs conclusions (acte 17 [1B_118/2020], 14 [1B_127/2020] et 14 [1B_135/2020]).
14
 
Considérant en droit :
 
1. Les trois recours sont formés contre une même décision et les recourants y soulèvent des griefs similaires. Ils appuient de plus les recours formés par les uns et les autres. Partant, il se justifie de joindre les trois causes et de statuer dans un seul arrêt (art. 24 PCF, applicable par analogie vu le renvoi de l'art. 71 LTF).
15
Dès lors que le 10 mars 2020, le Tribunal fédéral a rendu son arrêt dans la cause 1B_444/2019, les conclusions tendant à la jonction de la présente cause à la précitée sont sans objet.
16
2. Selon les art. 78, 80 al. 1 et 92 al. 1 LTF, une décision prise en instance cantonale unique relative à la récusation d'un magistrat pénal ou d'une autorité pénale peut faire immédiatement l'objet d'un recours en matière pénale nonobstant son caractère incident. Dans la mesure où les recourants entendent obtenir l'annulation des actes de procédure auxquels le Procureur intimé à participé depuis mars 2017 (art. 60 al. 1 CPP), ils conservent un intérêt juridique actuel et pratique à obtenir l'annulation ou la modification de l'arrêt attaqué, quand bien même le magistrat intimé n'agit plus en tant que direction de la procédure depuis le renvoi en jugement d'août 2019 (art. 81 al. 1 LTF; arrêt 1B_305/2019 du 26 novembre 2019 consid. 2.1).
17
L'arrêt entrepris a déclaré irrecevable leur requête de récusation. Seule peut donc être portée devant le Tribunal fédéral la question de la recevabilité des requêtes de récusation. Il en découle que les conclusions subsidiaires tendant à la récusation et/ou à l'annulation des actes effectués par le Procureur intimé sont irrecevables. Pour ce même motif, il n'y a pas lieu d'examiner les arguments soulevés au fond en lien avec ces problématiques.
18
Pour le surplus, les autres conditions de recevabilité étant réalisées, il y a lieu d'entrer en matière.
19
3. Les recourants reprochent à l'autorité précédente d'avoir considéré que leur requête de récusation respective aurait été déposée tardivement. En particulier, ils soutiennent que leur demande serait fondée sur un motif apparu uniquement en raison de la publication, le 3 décembre 2019, d'un article du "Haaretz"; celui-ci mentionnait des voyages du Procureur intimé à l'étranger, notamment un déplacement en Israël en mars 2017 dont il n'avait jamais été question préalablement. Les recourants reprochent également à la cour cantonale un établissement et une appréciation arbitraire des faits. Ils soutiennent en substance à cet égard qu'il ne saurait être retenu de leurs démarches antérieures - notamment celles du recourant A.________ - visant à obtenir des informations sur les contacts informels effectués par le Procureur intimé avec des autorités étrangères qu'ils auraient déjà eu des doutes quant à l'impartialité du magistrat; de telles appréhensions se seraient concrétisées le 3 décembre 2019, date à laquelle ils auraient compris que les contacts du Procureur ne pouvaient pas, comme prétendu, tendre à faciliter l'entraide vu l'absence de commission rogatoire en cours au mois de mars 2017.
20
3.1. Le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, à savoir, pour l'essentiel, de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. Une décision n'est pas arbitraire du seul fait qu'elle apparaît discutable ou même critiquable; il faut qu'elle soit manifestement insoutenable et cela non seulement dans sa motivation mais aussi dans son résultat (ATF 145 IV 154 consid. 1.1 p. 155 s.). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 p. 503).
21
3.2. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la récusation doit être demandée sans délai, dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation (arrêt 1B_335/2019 du 16 janvier 2020 consid. 3.1.2 et l'arrêt cité), sous peine de déchéance (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3 p. 275 et les arrêts cités). Il est en effet contraire aux règles de la bonne foi de garder ce moyen en réserve pour ne l'invoquer qu'en cas d'issue défavorable ou lorsque l'intéressé se serait rendu compte que l'instruction ne suivait pas le cours désiré (ATF 143 V 66 consid. 4.3 p. 69; 139 III 120 consid. 3.2.1 p. 124). En matière pénale, est irrecevable pour cause de tardiveté la demande de récusation déposée trois mois, deux mois ou même vingt jours après avoir pris connaissance du motif de récusation. En revanche, n'est pas tardive la requête formée après une période de six ou sept jours, soit dans les jours qui suivent la connaissance du motif de récusation (arrêts 1B_113/2020 du 16 avril 2020 consid. 3; 1B_496/2019 du 28 février 2020 consid. 3.3; 1B_335/2019 du 16 janvier 2020 consid. 3.1.2 et les arrêts cités).
22
Le Tribunal fédéral a déjà jugé que, lorsque seule l'accumulation de plusieurs incidents fondait l'apparence d'une prévention, il devait être tenu compte, dans l'examen de l'éventuel caractère tardif d'une requête de récusation, du fait que le requérant ne puisse réagir à la hâte et doive, le cas échéant, attendre afin d'éviter le risque que sa requête soit rejetée. Il devait ainsi être possible, en lien avec des circonstances nouvellement découvertes, de faire valoir des faits déjà connus, si seule une appréciation globale permettait d'admettre un motif de récusation, bien qu'en considération de chaque incident pris individuellement, la requête n'aurait pas été justifiée. Si plusieurs occurrences fondaient seulement ensemble un motif de récusation, celle-ci pouvait être demandée lorsque, de l'avis de l'intéressé, la dernière de ces occurrences était la "goutte d'eau qui faisait déborder le vase" (arrêts 1B_22/2020 du 18 mars 2020 consid. 3.3; 1B_357/2013 du 24 janvier 2014 consid. 5.3.1). Dans un tel cas, l'examen des événements passés, dans le cadre d'une appréciation globale, n'est admis que pour autant que la dernière occurrence constitue en elle-même un motif de récusation ou à tout le moins un indice en faveur d'une apparence de prévention (arrêts 1B_305/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3.4.2.1; 1B_357/2013 du 24 janvier 2014 consid. 5.3.3.1 et 5.4).
23
Cependant, même s'il est admis que la partie qui demande la récusation d'un magistrat puisse se prévaloir, au moment d'invoquer une suspicion de prévention, d'une appréciation globale des erreurs qui auraient été commises en cours de procédure, il ne saurait pour autant être toléré qu'une répétition durable de l'accusation de partialité apparaisse comme un moyen de pression sur le magistrat pour l'amener progressivement à se conformer aux seules vues de la partie. Il a ainsi été jugé que l'exigence temporelle ressortant de l'art. 58 al. 1 CPP exclut qu'après avoir constitué une sorte de "dossier privé" au sujet d'erreurs de procédure commises au fil du temps par le magistrat en cause, la partie puisse choisir librement le moment où la demande de récusation est formée (arrêts 1B_305/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3.4.2.1; 1B_149/2019 du 3 septembre 2019 consid. 3.2).
24
3.3. La cour cantonale a relevé que le dossier transmis en août 2019 au tribunal de première instance ne contenait aucune trace, que ce soit sous la forme de notes, résumés, comptes rendus, procès-verbaux ou copies de correspondance, de contacts informels entre le Procureur intimé et les autorités d'autres États saisis de procédures en lien avec des faits similaires à ceux examinés dans le cadre de la procédure P/12914/2013. L'autorité précédente a considéré que le Procureur intimé n'avait jamais caché l'existence de tels contacts, soutenant en revanche qu'il n'avait pas à les formaliser ou à les porter à la connaissance des parties. Selon la cour cantonale, si les parties n'en connaissaient pas l'ampleur ou la teneur exacte, elles ne pouvaient en revanche dès lors ignorer ce pan de l'activité du magistrat intimé, ce depuis plusieurs années; cela résultait des éléments suivants :
25
- l'audience du 4 mai 2017, au cours de laquelle le Procureur intimé avait fait état aux parties de l'aboutissement des "démarches laborieuses" auprès des autorités américaines (cf. également let. B/c de l'arrêt attaqué);
26
- les reproches formés contre le Procureur intimé en lien avec l'absence de notification formelle de la venue des autorités israéliennes dans le cadre de leur commission rogatoire du 20 octobre 2015 (cf. l'arrêt RR.2016.243 du 9 mars 2017 du Tribunal pénal fédéral);
27
- la connaissance par le recourant A.________ de l'article paru en octobre 2016 dans "The Guardian" préalablement à décembre 2019 (cf. d'ailleurs ad 16 p. 6 de son recours [1B_118/2020]);
28
- le complément de commission rogatoire adressé par Israël le 19 septembre 2017 faisant en particulier état de contacts proches avec les autorités suisse, ainsi que de la venue prochaine du Procureur intimé en Israël (cf. aussi let. B/e de la décision entreprise);
29
- la nouvelle mention de l'étroitesse de ces contacts dans la commission rogatoire israélienne du 20 novembre 2018 (cf. également let. B/e de la décision entreprise);
30
- les recours des 10 janvier et 18 mars 2019 du recourant A.________ évoquant davantage que des soupçons pour solliciter la production des copies de l'ensemble de ses échanges informels avec l'autorité requise.
31
Relevant que cette connaissance pouvait être opposée aux recourants B.________et C.________ vu leur qualité de parties à la procédure, la cour cantonale a dès lors considéré que les trois recou rants n'avaient pas acquis la certitude des voyages du Procureur intimé qu'au tout début décembre 2019 à la lecture de l'article du "Haaretz"; l'évocation de déplacements du magistrat intimé notamment en Israël n'était ainsi en soi pas nouvelle et l'existence de contacts - y compris sous la forme de voyages à l'étranger - était mentionnée au dossier à plusieurs reprises. Selon l'autorité précédente, ces contacts - non contestés par le Procureur intimé - étaient connus des recourants bien avant décembre 2019 et ne constituaient pas de simples hypothèses; les recourants auraient ainsi pu et dû formuler leur demande de récusation, s'ils s'y estimaient fondés, avant la clôture de l'instruction. Les Juges cantonaux ont encore relevé que, vu le choix de privilégier des procédures tendant à la production des documents relatifs à ces échanges - ce qui démontrait le degré de certitude qui était le leur déjà à ce moment-là -, les recourants étaient déchus de leur droit de se prévaloir de ces contacts pour obtenir la récusation du Procureur intimé.
32
3.4. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique.
33
Certes, le comportement adopté par le Procureur intimé - refus systématique de s'expliquer sur ses échanges avec les autorités étrangères - n'est pas dénué de toute critique et le juge du fond devra, le cas échéant, se prononcer sur la licéité et l'exploitation des moyens de preuve peut-être obtenus par le biais de ces échanges en violation des règles sur l'entraide et du CPP.
34
Cela tant, dans le cadre de demandes de récusation, il apparaît que ce comportement n'était pas nouveau, respectivement ignoré des recourants, puisque le recourant A.________ l'a critiqué, par le biais de réquisitions de pièces, à de nombreuses reprises et cela largement antérieurement à décembre 2019. Ainsi, aux éléments déjà retenus par l'autorité précédente et rappelés ci-dessus, s'ajoute encore sa demande du 21 novembre 2018 (cf. let. B/f de l'arrêt attaquéet ad 25 du recours p. 8 [1B_118/2020]), requête de plus réitérée les 26 novembre, 15 février et 1er mars 2019 (cf. let. B/i.a de la décision entreprise; voir également ad 20 ss p. 7 ss [1B_118/2020]). Aucun des recourants ne conteste l'existence de ces demandes, ni les critiques quant à la conduite de la procédure qu'elles tendaient à soulever. Les recourants C.________ et B.________ reconnaissent de plus avoir attendu l'issue de ces démarches sans agir de leur côté (cf. ad 31 ss p. 9 [1B_127/2020] et ad 60 s. p. 13 [1B_135/2020]), ayant ainsi manifestement toléré la manière d'agir du Procureur intimé. En tout état de cause et vu l'appréciation émise par la Chambre pénale de recours dans son arrêt du 2 août 2019 sur l'attitude du Procureur intimé, il peut également être retenu qu'à cette date les recourants ont eu une confirmation que leurs questions et doutes quant à la manière de procéder du Procureur intimé pouvaient être légitimes.
35
L'hypothèse de déplacements à l'étranger du Procureur intimé n'était pas non plus ignorée des recourants jusqu'au 3 décembre 2019; le recourant A.________ reconnaît d'ailleurs avoir déjà expressément interpellé le magistrat intimé sur des voyages les 15 février, 1er mars et 27 août 2019 (cf. ad 31 p. 9 s., 39 p. 11, 45 p. 12, 17 p. 17 [1B_118/2020]), respectivement s'être douté depuis la fin de l'automne 2018 de l'existence d'au moins un voyage (cf. ad 21 p. 18 [1B_118/2020]). Tel est également le cas de la recourante B.________ dès fin 2018 (cf. ad 35 p. 9 [1B_127/2020]). Au vu des nombreuses requêtes - pour ne pas dire critiques déjà émises quant à l'absence de transparence du Procureur intimé -, le seul fait que certaines dates n'aient peut-être été portées à leur connaissance que lors de la parution de l'article du "Haaretz" - soit le voyage éventuellement effectué en mars 2017 et sans lien a priori avec une quelconque commission rogatoire - ne constitue dès lors pas un élément fondamentalement différent de ceux déjà connus et tolérés jusqu'alors; il ne permet pas non plus à lui seul d'avoir une autre appréciation du comportement adopté précédemment par le Procureur intimé. Le recourant A.________ reconnaît en outre qu'il avait "de longue date" des soupçons de prévention (cf. ad 53 p. 14 [1B_118/2020]); il ne saurait dès lors attendre - au demeurant pendant au moins plus d'une année - d'avoir encore une "confirmation" supplémentaire du défaut de transparence des démarches entreprises par le Procureur intimé (cf. ad 16 p. 17 et 20 p. 18 [1B_118/2020]; voir également ad 53 p. 12 [1B_135/2020]).
36
Au vu des considérations précédentes - dont les démarches entreprises, les réponses données par le Procureur intimé, ainsi que l'appréciation émise le 2 août 2019 par la Chambre pénale de recours -, il apparaît que les recourants avaient connaissance préalablement au 3 décembre 2019 d'un éventuel motif de récusation à l'encontre du Procureur intimé, fondé notamment sur son refus systématique de s'expliquer sur ses contacts (nature, date et contenu) avec les autorités étrangères. Partant, la Chambre pénale de recours ne viole pas le droit fédéral en considérant que les requêtes des 7 et 11 décembre 2019 ont été formées tardivement.
37
4. Il s'ensuit que les recours sont rejetés.
38
Les recourants, succombant, supportent, chacun pour un tiers, les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens (art. 68 al. 3 LTF).
39
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Les causes 1B_118/2020, 1B_127/2020 et 1B_135/2020 sont jointes.
 
2. Les trois recours sont rejetés.
 
3. Les frais judiciaires, fixés à 3'000 fr., sont mis, pour un tiers chacun, à la charge des trois recourants.
 
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève.
 
Lausanne, le 27 juillet 2020
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Juge présida nt :  La Greffière :
 
Kneubühler  Kropf
 
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